Chapitre 4.

Alors que le bruit des bavardages incessants est à son comble, se composant le plus souvent de commentaires gourmands de la part des filles à l'égard des garçons ou d'une discussion des garçons débattant sur le football - parfois, ma vie semble tellement clichée -, les discussions se font plus basses, plus discrètes.
Pour cause, mon psychopathe franchit les portes de la salle, avec à ses côtés un beau garçon aux boucles blondes qui arbore un sourire arrogant. Je comprends parfaitement ce qui attire l'attention des personnes présentes : tous les deux dégagent un sentiment fort, puissant. C'est étrange. Je n'ai jamais vu quelque chose de tel avant.

J'aperçois Lucy, prête à sauter au-dessus de la table pour les retrouver, les dévorant du regard. Même les garçons semblent éblouis par eux. Quant à moi, je ne bouge pas, je ne les fixe pas non plus. J'essaye de continuer de manger ce plat ragoûtant mais je n'ai même pas amené la fourchette à ma bouche qu'une sensation horrible s'empare de nouveau de mon ventre. Cette fois-ci, elle est plus forte.

Quand je m'autorise enfin à dévisager mon psychopathe, je croise son regard de charbon. Je déglutis péniblement. Il ne détourne pas le regard pour autant. Je trouve ça on-ne-peut-plus flippant.

Quelques élèves font le liens entre notre échange et me regarde, sourcils froncés ou haussés, se demandant surement ce qu'il me veut. Le blond donne un léger coup de coude à mon psychopathe et celui-ci cligne enfin des yeux et daigné avancer. Les lycéens les observent, inquisiteurs, prendront un plateau et se servir des plats dégoûtants présentés. Même moi je ne peux détourner le regard. Ils s'installent à une table tout au fond.
La tension qui s'était installée dans mon ventre s'apaise enfin. Je soupire.
Les bavardages reprennent, axés maintenant sur ces deux nouveaux.

- C'était quoi, ça ? Je pensais qu'il n'y avait qu'un seul nouveau...

Je regarde enfin Lucy qui semble particulièrement confuse et hausse les épaules. Elle hausse un sourcil tandis que je fais de mon mieux pour sembler désintéressée.

- Mais enfin, Sacha, tu as vu l'attraction qu'ils ont exercée ? C'est énorme !

Je fais une moue déconcertée. Elle aussi s'en est rendue compte pourtant quelque chose me dit qu'il vaut mieux qu'elle ne se rende compte de rien.

- Il ne s'est rien passé... Tu sais, à mon avis, c'est surtout parce que c'est l'attraction du jour. Je ne comprends même pas ce qui les ont poussé à débarquer dans un lycée en décembre. Surtout que les vacances approchent.

Lucy jette un regard en leur direction et je ne peux m'empêcher de l'imiter : ils sont là tous les deux en train de rigoler, ne faisant même pas attention aux élèves qui les fixent. Les cheveux noirs corbeaux de mon psychopathe contrastent avec ceux, aussi blonds que du blé de son ami. De même pour les yeux, noirs chez l'un et bleu presque gris chez l'autre. Lucy dirige son attention vers moi, à présent.

- Tes cheveux ont encore blondi, je me trompe ?

Je pousse un soupir et arque mes sourcils.

- Toi aussi, tu l'as remarqué. Je ne comprends pas... Ma mère les avait noirs et mon père - du moins, dans les souvenirs qui me restent de lui - les avait bruns foncés. Je commence à croire que quelque chose ne va pas chez moi.

Mon amie hausse un sourcil narquois et un rictus se forme sur son visage à la peau si blanche.

- Arrête d'exagérer ! Une mèche de tes beaux cheveux devient blonde et ça y est, tu te vois comme un extraterrestre !

Elle éclate de rire.

- Je n'ai jamais dit ça !, je m'exclame.

Mais je ne peux m'empêcher de la rejoindre dans son rire.

Je me lève pour débarrasser mon plateau. Alors que je m'approche de la poubelle, quelque chose me frôle le dos et un frisson me parcours, ravivant étrangement la douleur de mon ventre. Je me fige.
Un souffle chaud parcoure ma nuque. L'individu qui me suit est plus grand que moi, et plus massif. Je ne tourne pas la tête mais me débarrasse de la carcasse de mon jus de fruit. Je suis bien obligée de me retourner pour 1) ne pas foncer dans le mur, 2) regagner ma place.

A la seconde où je me retourne, je suis happée par des yeux d'un bleu puissant. Je ne comprends plus rien. Je me retrouve bien face à mon psychopathe, mais ses yeux ne sont plus noirs. Comment cela se fait-il ? Ce n'est pas scientifiquement prouvable ! Ce n'est pas logique ! Sans que je ne le veuille spécialement, ma bouche s'ouvre. Lui ne bouge pas. Il fronce cependant légèrement les sourcils, cherchant à comprendre ce qui me met dans cette état.

- Referme ta bouche, ce serait dommage de t'étrangler avec une mouche.

Je ferme ma bouche immédiatement, le claquement de mes dents résonnent. C'est enfin arrivé. Après cinq ans, où il m'évitait, j'ai entendu sa voix. Qui est loin d'être désagréable. Mais était-ce réellement lui ? Cette couleur d'yeux ne prouvait-elle pas mon erreur ? Pourtant, tout à l'heure, j'étais sûr de leur couleur noir... J'avais dû me tromper, ce n'est pas possible autrement. Ce n'est pas lui.

La personne devant moi, qui n'est apparemment pas mon psychopathe, arque un sourcil.

- Tu pourrais te pousser ? Ce n'est pas que tu me déranges, t'es pas vilaine mais j'aimerais vraiment jeter mon trognon de pomme...

Je hoche lentement la tête et croise une dernière fois ses yeux saphirs. La déception de m'être trompée m'envahit. La tête baissée, je regagne ma place mais Lucy s'est déjà levée et m'attend impatiemment - à en juger par son pied frappant le sol à cadence régulière.

Une fois sortie du réfectoire, je relève la tête. Lucy me sonde de son regard bleu. 

- Quoi ?, demandé-je, cherchant à jouer l'innocente.

Elle plisse les yeux durant une seconde, à peine, puis leur rend leur grandeur habituelle.

- Rien. J'ai juste l'impression que ma meilleure amie me cache quelque chose.

Je pouffe, espérant ne pas sembler trop hypocrite.

- C'est n'importe quoi, Lu'.

Elle hausse les épaules et rentre dans le premier bâtiment où se trouve son prochain cours tandis que je continue. La douleur de mon ventre reprend et je me retiens de vider mon repas. Je ne me retourne pas mais ferme les paupières le plus fort que je peux puis les ouvre et cours en direction de l'établissement, cherchant à tout prix à échapper de cette emprise qui ne cesse de s'agrandir et qui aura un jour raison de moi.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top