6 - Verité à moitié
J'ai essayé tant bien que mal pendant plus d'une heure d'obtenir plus de réponses de la part de Sam. Malheureusement, il ne se souvient de rien d'autre, son amnésie est encore bien trop présente, et dieu sait combien de temps elle durera. Le visage de Sam est marqué par la fatigue, ses yeux vides reflètent la bataille intérieure qu'il mène contre son propre esprit. J'ai besoin de lui pour faire avancer l'enquête. Sam est un survivant de ce psychopathe, le deuxième à avoir été kidnappé, et c'est sûrement lui qui détient le plus d'infos. Sans lui, l'enquête est vouée à l'échec. Je reste devant son lit d'hôpital, regardant son doux visage endormi, sa peau pâle sous la lumière blafarde des néons, les rides d'inquiétude figées même dans son sommeil. Je sais que je ne peux pas rester là indéfiniment. Je me lève, mon corps engourdi par des heures passées sur cette chaise inconfortable.
Cela fait cinq jours que je ne suis pas retournée au bureau, trop prise par l'obligation d'aider Sam. Même si je n'ai aucune envie de quitter cette chambre d'hôpital, où je peux me reposer et oublier la dure réalité que je dois confronter, je ne peux pas mettre l'enquête en suspens. L'air de dehors est froid, voire glacé par la brise hivernale de la journée. Le vent siffle entre les bâtiments, mordant ma peau dès que je mets un pied dehors. Je contemple pendant quelques minutes la rue, les passants emmitouflés dans leurs manteaux épais, marchant rapidement pour échapper au froid. Le monde continue de tourner comme si de rien n'était, tout ressemble à un quotidien normal. Seulement, si c'était réellement le cas et non une simple illusion, je ne serais pas là, je n'enquêterais pas sur cette sinistre enquête.
Je n'aurais pas non plus connu Sam, et lui, n'aurait jamais connu la terreur qu'il a dû endurer. Une terreur que personne ne devrait connaître. Je marche dans Londres, les bâtiments anciens se dressent comme des gardiens silencieux, leurs façades ornées de détails historiques. Le ciel est toujours sombre en cette période de l'année, un gris oppressant qui semble refléter le poids de l'enquête sur mes épaules. Les feuilles des arbres commencent à se teinter d'un doux rouge sang, une beauté macabre qui contraste avec l'atmosphère sinistre de cette affaire. Le froid continuait de marteler ma peau tandis que je me rapprochais de l'agence, quelques goutes d'humidité se glissaient entre l'épais tissu de mon manteau. Devant moi, après quelques supplémentaires minutes de marche, se dressait le bâtiment que je ne côtoyais seulement depuis un court temps mais que je reconnaîtrais tout de même entre milles. Je poussais donc la porte, décrochant cet habituel grincement, quand j'aperçu Madysson parler avec un total inconnu, sa chevelure noire était en bataille, son visage avait des traits fins pourtant il ne ressemblait pas moins à un adulte, cependant son habillage et sa posture trahissait son jeune âge. Me laissant ainsi déduire qu'il ne devait avoir que 20ans tout au plus. Je ne portais guère plus d'attention à ce nouveau venu, partant en direction de mon bureau. Le tableau que j'avais établi n'avait pas bougé, m'indiquant toutes les nombreuses hypothèses que j'avais déjà émit, me rappelant aussi que j'étais très loins d'avoir résolu ce mystère. Dans une partie supérieure de mon bureau se trouve un registre de toutes les personnes travaillant à l'asile. Chaque dossier a été épluché au peigne fin, sauf un. Un qui a bizarrement disparu sans que je n'ai pu l'ouvrir. Celui du Dr. Victor Blackwood, spécialisé, si je me souviens bien, dans le service des traumatismes. J'ai beau chercher dans cette pièce sans relâche, je ne retrouve pas ce dossier. Je m'étais gardée de l'étudier car ce Dr. Blackwood avait disparu. Pour moi, ce n'était donc pas important. Mais un détail capital m'avait échappé. Comment j'ai fait pour ne pas le remarquer, sérieux ?! Mr. Blackwood a disparu le jour où les disparitions ont commencé...
Après une dizaine de minutes à chercher ce dossier originel de tous mes torts, j'abandonne. S'il n'est nulle part, c'est que quelqu'un l'a pris. Et je crois bien savoir qui peut l'avoir volé. Et ce quelqu'un attend patiemment dans le salon de l'agence. En entrant ici, j'avais bien remarqué qu'il transportait dans sa pochette un document qui dépassait, je n'y ai pas trop prêté attention sur le coup. Mais là, ce ne serait pas étonnant que ce soit mon dossier. Je me dirige alors vers le centre du bâtiment, là où est disposé le salon où nous accueillons les invités spéciaux. Il est toujours là, assis sur le sofa couleur moutarde, regardant par la fenêtre. Madysson, elle, n'est pas là, sûrement partie chercher quelque chose dans son bureau. Je m'avance vers lui à pas de loup et l'interpelle gentiment, cachant le fait que je suis énervée.
- Bonjour, dis-je, tentant de maîtriser ma voix. Je suis Raven. Et toi, tu es ?
Le jeune homme tourna la tête vers moi, un sourire charmeur sur les lèvres.
- Cole, répondit-il avec une pointe de désinvolture. Enchanté.
Je m'installai en face de lui, croisant les bras.
- Alors, Cole, qu'est-ce qui t'amène ici ?
Il haussa les épaules, toujours ce sourire désinvolte.
- Disons que je me renseigne sur quelque chose auprès de ta collègue.
Je levai un sourcil, intriguée.
- Et quelles informations collectes-tu exactement ?
Cole planta son regard dans le mien, sérieux pour la première fois.
- Ma sœur, Elisa. Elle a été enlevée, comme beaucoup d'autres. Je veux la retrouver et je penchait déjà sur une piste, je suis venu demander renseignements à Madysson, une amie d'enfance, depuis je suis sure que ce psychopathe est derrière tout ça.
Il parlait sans doute de Mr. Blackwood. Je soupirai, reconnaissant la détermination dans ses yeux.
- D'accord, Cole. Ce serait plus approprié de discuter de tout ça dans un café. Suis-moi.
Nous sortîmes de l'agence et nous dirigeâmes vers un petit café à quelques rues de là. L'endroit était chaleureux, avec des lumières tamisées et une odeur de café fraîchement moulu. Nous nous installâmes à une table dans un coin tranquille.
- Alors, raconte-moi tout, dis-je en prenant une gorgée de mon café.
Cole sortit le dossier de sa pochette et le posa sur la table.
- J'ai volé ça dans ton bureau. Je sais que c'est risqué, mais je n'avais pas d'autre choix. Ce dossier contient des informations cruciales sur Victor Blackwood et ses complices. Enfin tu dois le savoir puisqu'il est à toi.
Je parcourus rapidement les pages, découvrant des noms qui n'étaient d'origine pas là mais rien de plus.
- C'est un bon début, dis-je en refermant le dossier. Mais ça ne suffit pas. Je vais sûrement te paraître dure mais je te demanderais de laisser faire les gens qui ont de l'expérience, cependant si tu es réellement prêt à m'aider tu peux toujours témoigner ou m'apporter des informations complémentaires.
- Je sais, répondit-il, son sourire joueur réapparaissant. C'est pour ça que je suis là, travailler ensemble, enfin te donner des infos, est ce que je comptais faire avec Mady, Raven. Tu as besoin de moi, et j'ai besoin de toi.
Je le regardai un instant, pesant le pour et le contre. Il avait raison. Nous devrions travailler ensemble, mais je ne pouvais pas le laisser croire qu'il avait l'avantage. Je pouvais me débarrasser de lui quand je voulais puisque il n'était pas à proprement parler mon coéquipier.
- Très bien, dis-je enfin. Mais ne crois pas que je vais te ménager. On joue selon mes règles.
Cole éclata de rire.
- C'est bien noté. J'aime les défis, et travailler avec toi, Raven, ça promet d'en être un beau.
Nous sortîmes du café, discutant des prochaines étapes de notre enquête. Soudain, Cole s'écroula devant moi, une expression de surprise figée sur son visage. Une mare de sang commença à se former autour de lui.
- Je... Mais c'est quoi encore cette journée... A l'aide ! criai-je, me précipitant à ses côtés. Une balle de sniper l'avait touché, et il était déjà trop tard quand l'ambulance arriva. Personne ne savait d'où elle avait été tirée. Et moi je venais de perdre quelqu'un avant même qu'il n'ai pu le donner de renseignements. Cependant je m'en fichais, je ne le connaissait pas, je n'avait plus le temps d'être triste si je voulais stopper au plus vite ce merdier...
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Chapitre posté le 18/12/2024.
1379 mots.
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