Deux ans plus tôt.

Le château Byers était bien plus grand que ce à quoi s'attendait Tessa, et bien moins insalubre. Une première façade faite de branches, recouverte d'une immense bâche bleue permettant de rester au sec et d'éviter les moisissures, elle-même recouverte d'une deuxième couche de branches solidement attachées. Will avait dit qu'il avait déjà plu des cordes et que le château ne s'était jamais effondré. Pourtant, même la solidité a son talon d'Achille.

— Qu'est-ce qui s'est passé ensuite ? demanda Tessa, qui admirait à la fois l'architecture de la cabane et écoutait le récit de Will.

— Le visage de Lucas avait soudain pris l'apparence d'un être sans traits.

— Un Doppelganger, s'étonna Tessa, réellement surprise de ce qu'elle entendait.

— J'ai tenté de l'arrêter, étant seul dans la forêt avec celui que je pensais être Lucas, mais je n'avais pas fait un chiffre assez élevé pour l'abattre. N'étant qu'un mage, je n'avais pas assez de points de vie pour le battre tout seul, et il avait un niveau de puissance très élevé.

— Tu es mort, alors ?

— C'est là que ça devient intéressant ! s'exclama Will en commençant à faire de grands gestes démonstratifs. Dustin et Lucas sont arrivés juste à temps pour l'une des batailles les plus épiques qu'on ait jouées. J'avais déjà enlevé de la vie au Doppelganger, mais il était très coriace. J'ai fini par mourir avec Dustin, mais Lucas l'a achevé alors que chacun n'avait plus que quelques points de vie. C'était incroyable !

Tessa sourit timidement au garçon qui continuait la description de sa dernière campagne. Elle adorait écouter ses péripéties. C'était comme écouter celles de papa, mais avec un peu plus de fantaisie.

Il finit par s'asseoir sur la couverture épaisse qui recouvrait une palette en bois, essoufflé après son récit passionné. Thérésa baissa le regard sur son sac. Elle s'en empara et en sortit trois comics qu'elle lui tendit. La couverture du comic Vision et la Sorcière Rouge montrait l'une des femmes les plus fortes que Tessa ait jamais vues.

— Merci beaucoup de me les avoir prêtés, lui dit-elle en gardant son regard sur la super-héroïne.

— Ça t'a plu ?

— Énormément.

— J'en ai plein d'autres si tu veux ! Sur les Avengers, les Éternels... Ça ne va pas, Tess ?

Elle leva soudainement son regard vers lui. Il avait l'air inquiet.

— Euh... si, ça va.

— Je vois bien que quelque chose t'embête, tu veux en parler ?

Elle sourit timidement en baissant le regard.

— Qu'est-ce qui te fait dire que quelque chose m'embête ?

Will se rapprocha d'elle et posa une main sur son épaule.

— Quand tu es tracassée, tu arrêtes de parler. C'est ce qui vient de se passer.

Elle soupira. Il l'avait trop bien cernée.

— Brian était comme toi, et ça se voyait d'autant plus parce qu'il parlait tout le temps. Il ne ratait jamais une occasion de faire une blague.

Tessa ferma les yeux, se laissant envahir par un souvenir vif : l'éclat joyeux du rire de Brian, les rayons du soleil chaud caressant leur peau pendant qu'ils jouaient aux chevaliers dans le parc. Elle pouvait presque sentir l'odeur de la terre mouillée et l'écorce rugueuse de l'arbre où ils grimpèrent ensemble, comme des guerriers conquérant leur château. Les épées en bois s'entrechoquaient, émettant un son creux, familier, qui résonnait encore dans son esprit. C'était un souvenir qui sentait l'herbe fraîchement coupée, la poussière de l'été, et la liberté insouciante. Mais maintenant, tout cela semblait si loin, un éclat de vie emprisonné dans le silence du présent. Elle leva finalement son regard pour le plonger dans celui du petit Byers.

— Pourquoi es-tu aussi gentil avec moi ? Est-ce parce que tu as pitié ? Je ne suis pas un garçon, et je ne suis pas Brian. Nous n'avons aucune raison de traîner ensemble.

— Est-ce qu'il faut une raison particulière pour traîner ensemble ? Je n'ai pas pitié, je pense juste que quand on vit une situation comme la tienne, surtout quand c'est quelqu'un de ta famille qui est parti, on ne devrait jamais être seul. Je ne veux pas te laisser seule parce que tu es mon amie. Et les amis se soutiennent toujours.

— Tu as dû entendre ce qu'on dit de ma mère. Tu as toujours envie d'être mon ami ?

— Ce n'est pas avec ta mère que je suis ami, c'est avec toi. Elle fait ce qu'elle veut, même si ça doit être mauvais pour sa santé, personne ne peut l'en empêcher. Et tu ne pourras pas m'empêcher de te prêter des comics et de te demander ton avis dessus.

Tessa sourit, Will aussi.

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