Prologue


Nous marchions lentement dans Bruxelles, tenant de nombreux sacs plastiques à la main. Mimi se plaignait : "c'est lourd !". D'habitudes, maman aurait râlé et dit qu'elle ne connaissait pas la vraie lourdeur. Mais cette fois-ci, elle ne fit rien à part porter le sac.

Mimi : Pourquoi on ne peut plus faire les courses tous les trois jours, comme on le faisait avant ! C'était beaucoup plus simple !

Maman ne répondait pas et se contentait de marcher.

Ça faisait maintenant quatre ans que notre père avait quitté notre mère. Il s'était barré avec quasi tous les meubles et l'argent. Depuis, ma mère galère à nous faire regagner une vie normale, déjà que la maison n'est pas grande.

On vivait dans un petit quartier isolé, un des plus isolés de la ville si j'ose dire. Les peu de voitures qui passent ont à peine la place pour passer, elles ne peuvent même pas se garer.

Notre maison était une des nombreuses maisons mitoyennes de la rue. Une des plus petites. Pas de jardin, pas de balcon, pas de grenier, pas de cave. Juste une petite maison avec un petit salon, une petite salle de bain, une petite toilette, une petite cuisine dans le salon, et deux petites chambres. Dans la chambre que je partage avec ma sœur, nous n'avons qu'une fenêtre, qui nous met une assez grande vue sur des rues piteuses et peu éclairées tellement elles sont serrées.

Bruxelles est une assez belle ville, mais comme dans ce genre de grands lieux, il y a toujours des lieux moins beaux.

On entrait enfin dans le quartier dans lequel nous habitions : une suite de petites rues étroites et sinueuses à n'en plus finir.

Notre maison était d'ailleurs dans une des pires rues, pour bien accentuer le cliché de "pauvres sans argent".

On arrivait devant la petite porte d'entrée et maman peinait à attraper sa petite clef dans sa poche de pantalon.

Elle avait un peu râlé, mais elle réussit peu de temps après. Elle ouvrait la porte et nous rentrions à l'intérieur de la maison, lâchant les sacs violemment contre le sol, délivrées. Maman refermait la porte derrière nous et déposait ses sacs. Dans ses sacs, de quoi tenir difficilement jusqu'au mois prochain. Et quelques jours avant qu'elle ne reçoive son salaire, comme d'habitude, nous n'aurons plus rien à manger et nous devrions sortir l'argent de secours pour acheter un paquet de sandwich qui périmerait au bout de quelques jours, pas assez pour nous dépanner. Alors, nous mangerions le pain en retirant la moisissure avec nos doigts, et Mimi pleurerait que papa lui manque.

Mimi et moi avons aidé notre mère à ranger les courses dans le placard et le "frigo". C'était juste une simple box branchée à une des trois seules prises de la cuisine.

Quand nous avions fini, maman montait dans sa chambre et travaillait plusieurs heures durant, écrivant sur du papier des tonnes et des tonnes d'informations, toutes aussi incompréhensibles les une que les autres. Notre mère est traductrice de textes d'une langue ancienne peu parlée. Je ne sais même plus laquelle tellement le nom est saugrenu. Puisque nous n'avons pas d'ordinateur à la maison, elle doit doubler d'effort pour tout écrire à la main. Chaque semaine, son patron la menace d'être virée. De toute façon, son job n'a plus trop d'espoirs : Google traduction existe, alors un jour où l'autre, ils vont bien se décider de créer une sorte d'algorithme capable de traduire ses textes seul.

Ma mère a toujours refusé de nous dire comment elle connaissait cette langue. Mimi et moi, on pense que ça a un rapport avec son enfance. On sait toutes les deux qu'elle n'est pas belge. Elle vient d'un pays chaud dont elle refuse aussi de nous citer le nom. Juste parce qu'elle ne veut pas en parler. Donc, nous avons une double origine, mais nous ne savons pas laquelle.

Notre mère était musulmane, avant. Quand j'étais petite, oui. Je m'en souviens encore ; mais mon père la frappait. Il disait qu'il l'aimerait à 100% si elle n'était pas "comme ça". Il lui a même volé ses affaires en rapport avec sa religion, même un de ses livres les plus importants. Mimi n'était pas né à ce moment-là. Quand elle est née, ma mère n'avait plus le choix, elle était "devenue" athée. Un des seuls passages dont je me souviens, c'est quand mon père lui avait retiré sa sorte d'écharpe du visage, et qu'elle avait crié qu'elle préférait crever que de changer de religion. Mon père l'avait poussé par terre et avait gueulé qu'elle allait crever alors. Elle n'est pas morte, mais elle allait mal. Très mal. Elle saignait de partout, et elle avait du mal à ouvrir son œil gauche. Ou droit. Je ne sais plus trop.

Quand Mimi est né, papa a arrêté d'être violent. Parce que quand Mimi est né, ma mère avait abandonné. Elle avait perdu espoir. Elle ne répondait plus. Elle avait tout perdu. Tout. 

Et moi j'avais perdu ce que tout enfant normal possédait : une enfance. 

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