Chapitre 44 • Une nuit à deux

Ce week-end a été le plus fatiguant de toute ma vie. Pourtant il a duré quatre jours, j'avais donc techniquement le temps de me reposer. Mais entre un planning de travail chargé au The French Coffee Shop qui m'a épuisée physiquement et toutes les révélations de jeudi midi qui ont lessivé mon cerveau, je suis tout bonnement harassée. Tu parles d'un break de Thanksgiving, toi !

Il est maintenant 18h, dimanche soir, et je suis déjà au lit. Joséphine est partie depuis une heure accompagner Monsieur O'Connor prendre son vol retour direction le Texas avant de rejoindre Andrew et ses gros bras pour la nuit, ainsi je me retrouve seule à la maison, à ressasser en boucle mes découvertes allongée dans une quasi totale obscurité. Entre la relation de Joséphine avec une star de la NBA, le fait que Tyler soit en quelque sorte devenu mon demi-frère, la confession de mon passé à deux nouvelles personnes, mes frais de scolarité équivalant à plusieurs milliers de dollars payés par mon ancien enseignant de littérature et ma capacité retrouvée à verser des larmes... Ça fait beaucoup. Même pour quelqu'un de très fort mentalement, même pour moi, ça fait beaucoup.

Je n'ai pas la moindre nouvelle de Tyler depuis ce repas mouvementé. Ça me fait stresser alors qu'en réalité, ça n'a rien de bizarre. On n'a jamais échangé par sms, je n'ai même pas son numéro, et on ne discute ensemble que lorsqu'on se croise, mais j'appréhende notre prochaine rencontre. J'ai peur que le capitaine des Green Sharks soit différent, à cause de la pitié que je lui inspire maintenant qu'il connaît mon background mais aussi parce que je cache ma véritable identité à son meilleur ami et que je l'oblige à en faire autant. Chaque lundi, on a une matinée de TD en commun, lui, Gabriel et moi, donc je serai vite fixée. On verra demain...

Gabriel... Notre situation me chamboule tout autant que le reste. Je lui mens depuis plusieurs semaines et l'étau commence à se resserrer, deux proches à lui sachant la vérité. Trois, si on compte Edward. Et je suppose qu'on peut le compter, puisque tous deux m'ont avoué par texto être parvenus à discuter sans bagarre ou insultes. Comme quoi, il n'y a pas que moi à qui ce week-end prolongé réservait des surprises. Un Thanksgiving qui va rester dans les annales.

Justement, quand on parle du loup ! Mon téléphone vibre sur la couverture et la notification affiche son prénom. Je zone dans ma chambre depuis que je suis rentrée du taf, à regarder mon plafond sans le voir, alors cette distraction est la bienvenue. Enfin pas tout à fait, je me suis tout de même lavée entre-temps et j'ai fait des aurevoirs bien larmoyants à Monsieur O'Connor. Quelle journée excitante !

On n'a jamais passé de nuit ensemble.

D'accord ? Sérieux, que suis-je censée faire d'une telle observation ? Les pensées de ce mec sont franchement aléatoires.

Effectivement. Et ?

C'était une invitation.

Je rigole toute seule. Ça n'y ressemblait pas du tout. Je tape une réponse ironique quand un nouveau message arrive.

Je veux remédier à ça. Ce soir.

Pour l'embêter et parce que je culpabilise de refuser, donc je préfère repousser l'échéance, je rétorque :

Je ne vois toujours pas de point d'interrogation.

Normal, tu n'as pas le choix. Ramène tes (jolies) fesses à l'Impérial Palace.

Au fond de moi, j'ai envie de le voir et de passer une nuit entière à ses côtés, sincèrement. Son « invitation » me fait plaisir, si elle mérite cette appellation, mais je ne suis pas dans un bon mood. J'ai peur que Gabriel le remarque et tente de creuser.

Je suis K.O., je ne serais pas la meilleure des compagnies. Demain plutôt ?

Pas dispo lundi, j'ai entraînement. Je me fiche que tu sois crevée, je suis assez en forme pour deux. Si tu veux, je peux faire tout le boulot ⭐️

Il a vraiment mis un simple emoji étoile parce qu'aucun ne représente une étoile de mer, là ? Je pars en fou rire lorsqu'un autre texto fait vibrer mon portable.

Bien que tu ne m'aies jamais sucé et que je voulais remédier à ça également.

Entre deux rires, je m'étrangle et commence à tousser. Je suis certaine que Gabriel ne plaisante qu'à moitié et ça fait rougir mes joues. Des images salaces me viennent en tête. En tout cas, il est de plus en plus à l'aise, le garçon !

Je me suis étouffée en lisant ton message.

Je sais, je tends le bâton pour me faire battre. C'est volontaire. Je ne demande qu'à rigoler encore, ça dissout la sensation d'oppression que je ressens et me fait du bien.

Alors que tu pourrais t'étouffer sur ma queue...

Un rictus étire mes lèvres. Il ne me déçoit jamais !

Je remets en question ma volonté de solitude. De toute manière, si je reste chez moi, je ne vais faire que ruminer et ça n'arrangera rien. J'ai besoin de rire et surtout de me changer les idées. Et je ne dis pas non à une partie de jambes en l'air. On n'a pas couché ensemble depuis longtemps, partager une telle intimité avec lui me manque. Bon ok, c'est la version romantisée...

D'accord. Tu m'as convaincue.

Moi ou ma bite ?

Un peu des deux, mais je ne peux le reconnaître qu'intérieurement.

Ton humour. J'avale un truc et j'arrive.

Je quitte le confort de mon lit, sortant enfin de ma léthargie, quand mes yeux sont attirés par la conversation alimentée d'un nouveau sms. Je m'immobilise face au dressing.

Il faut que tu arrêtes les jeux de mots graveleux si tu es à ce point fatiguée, je risque de voir tes bâillements comme des propositions.

Je pouffe. Celui-là, je ne l'ai même pas fait exprès.

Moi, fatiguée ? Plus du tout. Cette discussion m'a requinquée.

Comme on n'est pas à un sous-entendu lubrique près et que je me sens inspirée, je poursuis sur ma lancée :

Promis, je ne prends pas de dessert avant de te rejoindre.

~~~

— Tu disais ça sérieusement, lâché-je entre deux respirations hachées, mes yeux fixés au lustre gigantesque. Tu es vraiment en forme pour deux, ce soir.

Allongé à mes côtés, recouvert de la couette jusqu'au nombril, Gabriel tente également de réguler son souffle.

— À cause de Thanksgiving, on fait une pause dans les entraînements. Je n'ai pas fait de basket depuis quatre longs et interminables jours, je déborde d'énergie.

Tout s'explique ! Mes cheveux emmêlés, les morsures dans mon cou, mon bassin qui lance déjà, sans oublier les battements erratiques de mon cœur. Quoi que, le dernier point n'a rien à voir, il me fait toujours cet effet-là, même en pleine journée et à l'autre bout de la pièce.

— Voilà pourquoi c'était... sportif.

Je sens qu'il penche la tête vers moi, j'imite donc son geste. Son regard bleu paraît tout à coup inquiet.

— Tu n'as pas kiffé ?

— Si. Crois-moi, si. (Je ricane tellement sa question est absurde, tout dans mon attitude pendant ce rapport indiquait que oui, je prenais mon pied. Et je n'ai rien simulé !) Je dégouline de sueur, c'est tout.

Il me fait un sourire, rassuré, et je fonds devant ce visage sublime aux traits paisibles. Il est si détendu à cet instant, dans sa chambre, avec moi, loin de ses problèmes familiaux et des obligations sociales qu'a un Prescott. Je voudrais lui offrir une telle sérénité constamment.

— Dis-le.

Je fronce les sourcils.

— De quoi ?

— Que je suis beau. C'est ce à quoi tu es en train de penser, non ? Ou que tu m'aimes, ce sont les deux seules façons d'interpréter ton regard.

Je roule des yeux et repousse sa tête de ma paume. Il est chiant à tout gâcher !

C'est donc si évident ? Que j'ai des sentiments pour lui ? Enfin, à ce stade, on peut carrément dire que j'en suis folle amoureuse. Mais bon, pour un millier de raisons, il ne le saura jamais. Malheureusement pour lui comme pour moi.

— Non, je pensais plutôt au bonheur que ça serait de prendre une longue douche bien chaude, après ces ébats de films pornos !

Il se marre.

— La salle de bain est à trois mètres, juste derrière cette porte. (Il pointe celle de gauche, la seconde étant un dressing.) Fais-toi plaisir.

— Quelle hospitalité !

Je commence à me relever lorsqu'il dit :

— À titre d'information, j'ai quand même fait une bonne heure de sport pour t'épargner un peu de cette énergie débordante. (Il marque une pause, mettant un suspens que je ne comprends pas.) Plus tôt dans la journée, à la salle du palace, avec Edward.

Je regagne immédiatement son lit et roule pour m'allonger sur le ventre, à moitié sur lui, une jambe entre les siennes et les avant-bras posés sur son torse. Ma poitrine nue s'écrase contre son biceps mais je parie que ça ne le dérange pas.

— Répète ça.

Il se redresse légèrement, ajuste le coussin pour m'observer et affiche un rictus devant mon cou sûrement rougi par ses assauts de cannibale.

— Tu as bien entendu. Pour être tout à fait honnête, j'y suis allé et il était déjà là, ce n'était pas volontaire. (Ça me semble plus logique, effectivement.) On utilisait deux machines à proximité et il a proposé de m'assurer, puis je lui ai rendu la pareille.

— T'assurer ?

Ses yeux deviennent rieurs. Oui j'ai un niveau de merde en sport et alors ?

— Veiller à ce que la barre ne me tombe pas dessus.

— C'est gentil de sa part ! m'enthousiasmé-je.

Il se contente de hausser les épaules. Le sujet est encore sensible mais il l'aborde de lui-même, c'est un bon début. Ils vont de petit pas en petit pas mais ils avancent !

— D'ailleurs... (Il paraît hésitant, entre sa voix mal assurée et son regard fuyant, ce qui est rare et attise ma curiosité.) Edward t'as déjà parlé de ses relations avec Jack ? Tu sais si ils s'entendent bien ?

Je ne m'y attendais pas. Edward est mon ami depuis la rentrée, donc avant mon rapprochement avec lui, et jamais ce dernier ne m'a interrogée. Je ne dirais pas que Gabriel s'en fichait, mais plutôt que ça ne lui venait même pas à l'esprit. La case a toujours été fermée à double tour dans son cerveau, tout simplement.

— Pas tant, il ne m'a pas dit grand-chose. Leur entente semble... cordiale. Il est conscient de ses travers, ses parts d'ombre, et ne l'idéalise absolument pas, mais c'était le cas de sa mère. Il a grandi avec des discours qui encensaient Jack donc il ne le déteste pas vraiment non plus. Puis il ne l'a pas beaucoup vu dans son enfance, il vivait à l'opposé du continent, alors leurs relations n'ont jamais pu être approfondies. C'est quelque peu superficiel.

Il hoche la tête à plusieurs reprises, enregistrant lentement mes paroles, sans répondre pour autant. Ce n'est pas grave, le principal est qu'il y réfléchisse et s'ouvre doucement, à son rythme. Il s'intéresse sincèrement à son demi-frère, c'est suffisant pour le moment.

En parlant de fraternité, je profite du silence et sa volonté d'évoquer autre chose pour gratter quelques infos. Je prends un ton nonchalant :

— Et Tyler, tu l'as vu ce week-end ?

— Oui, vendredi et samedi, on s'est fait un marathon Marvel dans son home cinéma.

Je ne me vois pas lui demander s'il allait bien, je serais totalement cramée. De toute façon il enchaîne :

— Pourquoi ?

J'esquive savamment :

— Oh, Captain America sur grand écran rien que pour vous ! Fallait m'inviter.

Il me toise bizarrement.

— C'est pas Thor, ton préféré ?

— Pourquoi, c'est le tien ?

Il rit de bon cœur et comme d'habitude, je me fais la réflexion suivante : j'adore ce son.

— Non mais Raphaëlle et Fallon ont un vrai problème avec Chris Hemsworth. Genre ça tourne à l'obsession.

À mon tour de ricaner. Je les imagine complètement se pâmer devant.

— Et bien perso, team Chris Evans forever. Son visage est franchement parfait et ses muscles ont l'air tellement bien dessinés, je...

Je me tais, recevant une vive claque sur les fesses.

— Aïe, ça fait mal !

— Je ne souhaite pas entendre la suite.

Je ne peux m'extasier à haute voix sur le Chris que je préfère et je n'obtiens aucune indication sur le mood de Tyler, super ! En prime, je me fais frapper !

— Pas touche à mes fesses ! Tu vas les meurtrir, elles aussi. (Soudain, un détail me revient.) Ça serait dommage, elles sont jolies.

Je reprends l'adjectif utilisé dans son texto, tout à l'heure. Un qualificatif pour le moins fade, le connaissant. S'en rappelant aussi, il me gratifie d'un sourire amusé avant de se pencher pour mieux les voir, lorgnant par-dessus mon épaule.

— J'ai été radin niveau compliment. Elles ne sont pas juste jolies. Elles sont très belles. Excitantes. Carrément bandantes.

Ses deux mains glissent jusqu'à elles, puis les empoignent avec vigueur. Une bouffée de chaleur me traverse aussitôt, je m'éloigne donc rapidement et saute sur mes pieds. Je suis incapable de repartir pour un tour, là !

— Je file à la salle de bain avant que ça prenne une tournure que je n'assumerais pas...

Le grand tapis beige fond sous mes pieds. Il recouvre presque la totalité du sol et il est si confortable que je suis tentée de m'y installer pour la nuit.

La voix de Gabriel m'arrête en chemin :

— Quel intérêt si je te fais à nouveau transpirer après ?

Je le dévisage comme si il était fou.

— Tu plaisantes, j'espère ? Tu pourrais encaisser un deuxième round au même rythme que le premier, toi ?

Il y réfléchit, ses yeux baladeurs admirant mon corps entièrement nu face à lui. Le désir les fait littéralement briller.

— T'as raison, on fera ça plus langoureusement. (Je me retourne, satisfaite, quand il me hèle encore.) Attends, j'ai une idée. Et si je venais avec toi sous la douche ?

Je le fusille du regard.

— Dans tes rêves ! Laisse-moi reprendre des forces.

Il bougonne, mécontent.

— Dans ce cas, grouille-toi d'aller te laver, ne reste pas à poil au milieu de la chambre. Et tourne le verrou, au cas où.

Je suis bouche bée. C'est lui qui me retient !

Sa plainte me fait réaliser que mon string est quelque part, égaré par son appétit dévorant. Je le repère sur une petite console en bois — comment il a atterri ici, j'en sais rien — et me penche pour le récupérer. J'entends alors un grognement derrière moi et fuis à toute vitesse, sans oublier son conseil : fermer à clé.

~~~

Comme prévu, cette douche m'a procuré un immense bien-être. En totale extase sous le jet, je suis restée au moins un quart d'heure, à délier mes pauvres muscles endoloris et ôter une transpiration purement coïtale de ma peau. Bien que je m'excuse auprès de la planète, pas la moindre goutte n'a coulé inutilement, cette eau était nécessaire, un véritable besoin.

Encore légèrement humide, j'enfile avec difficulté mon string puis enroule la serviette autour de moi. C'est une serviette de grande marque, je ne savais même pas que ça existait et je l'avoue, j'ai pouffé en reconnaissant le logo. Qui a des serviettes Ralph Lauren, sérieux ? Du Gabriel Prescott tout craché.

Quand je sors de la pièce, la vapeur d'eau suivant mes traces, il traîne sur son téléphone, toujours allongé sur le dos, avec maintenant un bras replié derrière la tête. La couette toujours au niveau des hanches, ses abdominaux et ses pectoraux magnifiques exposés, je profite ostensiblement de cette vue en le rejoignant.

Je pose ma tête contre son épaule, son écran bien visible dans cette position, et identifie rapidement l'application : Instagram. Étant pas du tout branchée réseaux sociaux et n'ayant même plus de comptes, je le regarde faire en silence. Il ouvre d'abord quelques stories. Je ne reconnais que celle de Raphaëlle qui montre une salle de restaurant très chic et de Brad qui partage une affiche de match. Les footballeurs de Bayford jouent mercredi à domicile contre Dartmouth.

— Ça te dit ? me demande soudainement Gabriel.

— De ?

Il garde le doigt appuyé pour que la story ne disparaisse pas et incline le portable vers moi. Étonnée, je le questionne tout de même :

— Aller voir ce match de foot ?

— Oui. J'y vais avec tout le groupe.

Elle sort d'où, cette proposition ? Perplexe, je reste muette quelques secondes. Je ne vois pas ce qu'il a derrière la tête.

Il continue face à mon silence :

— Le Texas est une terre de football, non ?

Je pousse un léger soupir.

— Je ne sais pas... Même si je viens, à quoi ça sert ? On sera en public, impossible pour nous d'échanger.

Il hausse son unique épaule libre, l'autre me servant de coussin.

— Pas grave. J'aime que tu sois près de moi, en public ou en privé, et on pourra discuter un minimum. Dartmouth est notre plus gros concurrent, l'ambiance va être dingue. Et tu passerais un moment avec mes amis.

La question « Pourquoi veux-tu que je passe du temps avec tes amis ? » me brûle les lèvres. Mais je connais déjà la réponse : il tient à m'intégrer dans sa vie, même si c'est de façon infime et discrète, la seule façon possible. C'est inutile, notre histoire étant condamnée à mourir prématurément, ou plus exactement à ne jamais commencer de manière officielle, mais je suis touchée.

— D'accord, si ça te fait plaisir... Mais comment on fait pour que je squatte ton groupe ?

— On peut dire que Tyler t'a invitée ? Ou je propose à Edward de venir et il te demandera forcément de l'accompagner.

Je secoue la tête.

— Non. Je refuse que tu sois gentil avec lui par intérêt. Ce n'est pas honnête, ni correct.

— Pas faux. En toute franchise, je ne me sens pas de lui demander sans arrière-pensée. Option Tyler, alors ?

J'acquiesce et il me fait un bisou dans les cheveux, content que je participe à la fête. Intérieurement, je prie pour que Tyler accepte. Depuis jeudi midi, nos rapports ont peut-être changé...

— Évidemment, je ramène Edward.

Il dira oui, je suis confiante. De toute manière il va obligatoirement y aller, il est super pote avec les footballeurs.

— Évidemment, répète Gabriel avec un sourire dans la voix.

Tandis qu'il recommence à utiliser Instagram, balayant les dernières publications de ses abonnements, une idée me vient.

— Et si tu allais le follow ?

Il bugue, son pouce ne touchant plus l'écran.

— Mon demi-frère ? (Je hoche la tête et il prend un ton dégoûté.) Jamais de la vie !

— Tu abuses, ce n'est rien de fou.

— J'ai dit non, insiste-t-il.

— Vois-le comme une action pratique, je parie que tu n'as même pas son numéro, ça peut être utile si tu as besoin de le contacter.

— Jusque-là, je n'en ai jamais eu besoin.

Je me redresse, place mon visage en face du sien, et fais les gros yeux. J'obtiens un soupir et crois avoir gagné mais que nenni ! Fidèle à lui-même, il essaye de négocier :

— Si je le follow, j'ai le droit à une deuxième pipe ?

J'ouvre la bouche et gifle son torse, offusquée.

— Je ne fais pas dans le chantage sexuel !

— Et bien ma réponse ne change pas.

Je lève les yeux au ciel avant de reprendre ma place contre lui. Tant pis, j'abandonne. Il est têtu comme un âne.

On reste environ cinq minutes de plus ainsi, moi l'observant scroller, lorsque tout à coup un post de Bethany apparaît. Une superbe photo d'elle, dans une robe noire satinée certainement portée à Thanksgiving qui avec un large décolleté met sa généreuse poitrine en valeur. Naturellement, sans même hésiter, il like et passe à la suivante.

Je ne me retiens pas de commenter :

— Je ne te dérange pas, à ce que je vois.

— Comment ça ?

— La publi que tu viens d'aimer.

— Laquelle ?

— Celle de Bethany.

— Et bah ?

Mon Dieu, ce dialogue me fatigue ! Il fait semblant de ne pas comprendre, obligé. Ou c'est juste un homme...

Peu importe la raison, son manque de réactivité est exaspérant. Perdant patience, je me relève sur un coude et explose :

— Ce n'est pas ton amie, la photo montre quasiment ses seins — énormes, soit dit en passant — et tu as couché avec !

Ok, il ne faisait pas semblant. Je le réalise à son expression confuse.

Lorsque ça fait tilt dans son esprit, un rictus narquois commence à étirer ses lèvres.

— Tu es jalouse ?

Je déteste cette intonation aussi moqueuse que supérieure.

— Non, c'est du bon sens et du respect. Tu l'as fait devant moi.

— Tu es jalouse.

Cette fois, il le fait sonner comme une affirmation.

Il lâche alors son portable, se tourne vers moi et attrape mes poignets. Il s'allonge ensuite complètement sur mon corps et lève aisément mes bras au-dessus de ma tête. Ma respiration s'accélère instantanément.

— Il n'y a pas de raison, Hailey. (Ses yeux cherchent les miens et les trouvent.) Dans mon monde, tu es la seule fille qui existe.

Je ressens une telle sincérité en lui, dans ses paroles et son regard, que je déglutis avec peine. Il parvient à m'émouvoir, deux petites minutes après avoir tendu mes nerfs. Pas de doute, il sait comment se rattraper !

— Même si je ne fais pas de 90C ?

— T'inquiète, ta poitrine est aussi jolie que tes fesses.

Un rire m'échappe. Qu'est-ce qu'il est bête !

— Tu veux dire très belle, excitante, carrément bandante ? je liste en essayant de me remémorer ses mots.

Il fait mine de réfléchir.

— Il faut que je la vois pour être sûr.

D'une main experte, il défait la serviette qui est toujours autour de moi. Je me cambre pour qu'il la retire entièrement et il envoie le morceau de tissu valser.

— Ouais, cette description me semble correcte.

Sur cette confirmation, il libère mes poignets et sa bouche se jette sur mes seins, affamée. Une main malaxe l'un pendant que ses lèvres aspirent l'autre et entendre ses propres geignements pendant qu'il me donne du plaisir à moi me fait complètement perdre la tête. Passant les doigts dans ses cheveux, je m'arc-boute, lui offrant ma poitrine afin qu'il continue encore et encore.

Lorsqu'il délaisse mes seins, ses yeux examinent mon tattoo avec curiosité. Du doigt, il retrace la phrase inscrite sur mes côtes.

— Quelle est la signification de ce tatouage ?

Je ne souhaite pas mentir, ni détourner son attention, j'opte donc pour la semi-vérité. Même si elle risque de gâcher un peu l'ambiance...

— Un hommage à mon grand-père. Il a fait énormément pour moi.

— Celui qui est venu pour Thanksgiving ?

— Oui. C'est une belle personne et bénéficier de sa bonté me pousse à en faire preuve aussi.

J'avale ma salive, à la fois émue d'en parler et heureuse de lui partager quelques informations sur moi. La vraie moi.

Comprenant que je ne m'étalerai pas davantage, il remonte le nez dans mon cou pour le couvrir de baisers mouillés. Je l'entends alors me respirer.

— Tu sens mon savon. Mon odeur.

Il sourit contre ma peau et je devine que ça lui plaît.

— J'adore sentir la même chose que toi, lui avoué-je.

Sa bouche trouve la mienne et il m'embrasse avec passion. Un mélange de langues entreprenantes, de souffles chauds, de lèvres voraces et de gémissements sonores.

Je me perds dans cette étreinte à la sensualité folle quand il se détache et accroche mon regard. Décidément, il est d'humeur bavarde.

— Ça sera toujours ça, ça l'a toujours été.

Je hausse un sourcil, légèrement étourdie.

— C'est-à-dire ?

— Toi et moi. Ça l'a toujours été et ça sera toujours des répliques bien senties, des engueulades pour un rien, des réconciliations sur l'oreiller et des orgasmes comme gages de paix.

Je ricane, d'accord et totalement partante, bien que « toujours » signifie en réalité jusqu'à ce que « toi et moi » n'existe plus.

— Sur ce coup, il manque la partie orgasme.

Appuyé sur ses coudes, il me lance une œillade incertaine.

— C'est bon, tu t'es remise du round précédent ? Parce que si je commence à bander fort et que tu stoppes net, ça ne sera pas agréable.

Gabriel grimace rien qu'à imaginer la sensation. Sa subite envie de discuter a donc une explication.

— Je suis prête à recommencer depuis ma sortie de la douche mais comme tu traînais sur ton téléphone...

— Ah, la jeunesse !

Déterminé à se faire pardonner, il fond sur mes lèvres.

Directement, je sens que ses intentions sont différentes. Il n'est plus question de faire la conversation, de s'interrompre, de remettre à plus tard. Son corps pèse plus lourd sur le mien, sa langue devient envahissante, ses gestes eux précipités. Ses doigts agrippent fermement mes cheveux et inclinent sans délicatesse ma tête en arrière, approfondissant le baiser. Il a envie de moi et tout dans son comportement me le prouve.

Seul rempart entre nos deux corps, mon string devient humide tandis que son érection nue appuie contre ma jambe. Je halète, le désir gagnant chaque fibre de mon être, et ressens un creux au fond de mon ventre. Une impression de vide.

Quand je glisse un bras entre nous pour le caresser, sentir son excitation grandir dans ma paume ne fait qu'accroître la mienne. Cette fois, je ne tiens plus.

— Préservatif, articulé-je contre sa bouche. Maintenant.

Au diable les préliminaires ! Je suis bien trop pressée.

Inutile de me répéter. Tout aussi impatient, il s'éloigne de moi, fouille la table de chevet et se met à genoux entre mes cuisses. Pendant qu'il enfile la capote, j'ôte le bout de tissu qui me couvre encore, mais la voix rauque de Gabriel interrompt mon geste.

— Non. Garde-le. Je rêve de te baiser lorsque tu portes un de ces trucs.

Je savais que cette habitude des strings le rendait dingue mais pas que c'était dans ses fantasmes. Je ne m'en plains pas. Il est plutôt facile à satisfaire.

Étonnement, il reste agenouillé entre mes jambes, écarte les miennes, puis l'étoffe qui cache mon sexe, et me pénètre ainsi, d'une seule et vive poussée.

— Putain, grogne-t-il.

— Bordel, soufflé-je.

Une succession de jurons qui traduit notre plaisir.

Je me cambre immédiatement à la sensation d'être remplie. Avec lui en moi, je suis entière, et je ne connais rien de plus grisant, rien de meilleur, rien de plus juste.

Cette position est incroyable. Voir son corps rejoindre le mien, ses abdos se contracter, son thorax se lever à chaque inspiration, une couche de transpiration enduire sa peau... C'est une vue fantastique. Quant à lui, il observe avec fascination mes seins rebondir, caresse mes mollets à proximité de ses hanches et modifie continuellement le rythme de ses allers-retours. Il joue avec moi, m'emmène au bord du précipice, me force ensuite à reculer, et ainsi de suite. Une alternance de vitesse insoutenable qui me fait serrer les draps entre mes poings.

Quand il regarde sa queue aller et venir, la ficelle de ma lingerie écartée sur un côté, et mord férocement sa lèvre inférieure, je ne peux m'empêcher de demander, avec un sourire amusé :

— Tu aimes vraiment ça, hein ?

— C'est toi que j'aime.

Le temps s'arrête, comme tous nos mouvements, une seconde qui paraît néanmoins en durer cent. Gabriel vient de dire qu'il m'aimait ! Si naturellement, de manière tellement spontanée, que la réponse est partie toute seule et qu'il en a pris conscience trop tard. Sous le choc et bouleversée, je déglutis péniblement, incapable de parler. Je suis émue au point de trembler.

Lui non plus, il n'ajoute pas un mot. Au lieu de ça, après un moment de flottement interminable, il bascule sur moi, son torse contre ma poitrine, sa tête nichée — ou peut-être cachée — dans mon cou. Il accélère définitivement le rythme, sans plus jamais ralentir, me baisant littéralement avec un désespoir et une brutalité que je ne lui connaissais pas. Mes jambes entourent son dos, mes bras sa nuque, et je le laisse faire ce qu'il veut de moi. Ou plutôt, ce dont il a besoin.

Les coups de reins se font moins espacés, plus profonds. Chaque nouvelle poussée me cloue davantage au matelas que la précédente. Connaissant mon anatomie et ce qu'il me faut pour atteindre la délivrance, j'incline légèrement mon bassin. Une décharge électrique me parcourt instantanément, mes veines subitement inondées de plaisir. Je griffe ses omoplates, crie à de multiples reprises son prénom et resserre mes cuisses autour de lui, sentant un puissant orgasme arriver. Gabriel saisit l'une de mes fesses tout en adoptant une cadence irrégulière, signe qu'il va bientôt jouir également.

Une minute plus tard, on explose tous les deux presque simultanément. À ce moment-là, je sais qu'on pense à la même chose : son dernier aveu. Pareil quand on trouve le sommeil dans les bras l'un de l'autre sans avoir échangé la moindre parole. Qu'en dire, de toute façon ? Il est amoureux de moi, et après ? Comme les miens, les sentiments de Gabriel ne changent rien à notre histoire. Son dénouement reste le même. Il est destiné à Victoria. Point final.

~~~~~~

Il s'agit sûrement du chapitre le plus long que j'ai jamais écrit et il contient tout ce qui fait Hailey et Gabriel.

La fin approche, les choses vont commencer à se gâter dans les prochaines parties...

Toutes mes excuses pour ces délais de publication indécents, j'aimerais moi-même être plus régulière mais l'inspiration me quitte des semaines pour me revenir en pleine figure d'un seul coup.

Merci d'être encore là malgré tout.

Charleen,
🖤

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