Chapitre 40 • Au gymnase

Je dois avouer que j'ai écrit cette partie il y a déjà un petit bout de temps mais je n'avais pas écrit ni posté depuis si longtemps que je me suis dit à quoi bon la poster ?

Pour les quelques personnes qui se rappellent de cette histoire ou qui l'ont lue récemment, voici la suite quand même 🫣

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Point de vue Gabriel

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Lundi, quand le réveil sonne, je n'ai qu'une seule envie, rester au lit toute la journée. Toute la semaine, en fait, parce que jeudi c'est Thanksgiving, et à part le fait que nous ayons un break de quatre jours sans cours ni entraînements, il n'y a rien de positif à ça.

Le peuple américain adore ce jour férié, il le préfère à Noël et au 4 juillet, ce que je peux concevoir, même si nous n'ouvrons pas de cadeaux ou que nous n'admirons pas de feux d'artifices mais que nous mangeons une dinde à la place, car il marque le début des fêtes de fin d'année et nous rappelle toutes les choses pour lesquelles nous pouvons être reconnaissants, mais la composante principale de cet événement reste la famille. Par conséquent, je ne peux que le détester.

Cette semaine, voilà ce qui m'attend : faire semblant d'être le gendre idéal lors d'un dîner avec la famille de Victoria et jouer le fils parfait autour d'un repas avec la mienne. Pire, Jack va aussi prendre le rôle du père modèle. Heureusement ma postérité ne compte que lui, bien que cette année une pièce rapportée se tape l'incruste, à savoir mon demi-frère. Avais-je besoin d'une raison supplémentaire pour haïr Thanksgiving ? Non, absolument pas.

Quand Bob me dépose à la fac, je suis en avance et tendu comme les strings que portent constamment Hailey. D'autant plus que samedi soir, une fois rabibochée avec Edward — réconciliation pour laquelle j'ai œuvré, je tiens à le rappeler — cette dernière n'est pas venue me rejoindre. Rien de vexant en soi mais je l'attendais patiemment, mon cerveau ayant pris la fâcheuse habitude de lui réserver chaque trou dans mon planning surchargé. J'en manque vraiment, de temps libre, ces dernières semaines, je gratte donc le moindre instant avec elle, comme les midis pendant son embrouille avec Edward, et je me retrouve plus que frustré lorsque de telles occasions sont gâchées. Par elle, en prime !

Je grogne en repensant à son texto. Il disait qu'elle tombait de fatigue et qu'elle préférait rentrer dormir. Impossible de faire ça avec moi, peut-être ? Je ne suis pas un animal, elle aurait pu rejoindre les bras de Morphée confortablement installée dans les miens, sans baise au préalable. Je peux respecter le sommeil d'une fille, hein. Argument supplémentaire : mon appartement se trouvait un étage plus bas, elle se serait endormie plus rapidement !

Bref, comme je le disais, je suis de mauvaise humeur et j'ai devant moi une vingtaine de minutes avant que mes cours ne débutent. Je tape un message au garçon des enfants Montgomery pour savoir où il est et si par une heureuse coïncidence — le hasard a bon dos connaissant Kyle — il n'a pas un joint sur lui à me dépanner. Quand les cigarettes ne me suffisent plus, je touche au cannabis, mais c'est la seule drogue que je prends, mon hygiène de vie ayant des conséquences directes sur mes performances sportives. Tout ça pour dire que je vais avoir besoin d'un second paquet pour survivre à cette journée si je ne fume rien de plus fort.

Kyle me répond vite. Par chance, il est déjà là aussi, posé derrière la bibliothèque, son coin fétiche en raison de sa tranquillité et son absence de caméra. Lorsque je me pointe, je le trouve en compagnie de Brad et deux autres footballeurs. Je les connais de vue mais je suis incapable de me remémorer leurs prénoms, bien que je me souvienne impeccablement de celui à la peau noire et au sourire d'un blanc éclatant. Comment l'oublier ? C'est lui, le mec trop familier avec Hailey qui la trimballait partout au East Waves, coincée par son énorme bras, l'étouffant presque.

Bordel, maintenant que je suis avec un pote d'Edward qui en prime a dragué ma nana, il me faut encore plus ce pet.

— Salut les gars, ça va ?

Je les check tous, sans oser redemander leurs noms aux deux types, sachant pertinemment qu'eux connaissent le mien et espérant qu'ils seront cités pendant la discussion, et me pose lourdement à côté de Kyle sur le muret en pierre.

J'entends aussitôt Brad se marrer.

— Qu'est-ce qui est si drôle ?

— Votre air fatigué, à Montgomery et toi. On sort d'un entraînement commencé quand il faisait nuit et on reste debout contrairement à vous qui sortez tout juste du pieu.

Logiquement, on part dans une conversation sur le foot et la fin d'année chargée en rencontres. Je ne peux que compatir, pour nous aussi les basketteurs, le championnat universitaire bat son plein. L'hiver est une période cruciale.

De la weed et parler sport, un excellent combo pour me détendre. Avoir pour doyenne la mère de mon ami est pratique, on peut fumer sur le campus, un comportement illégal même dans la rue, et on ne risque qu'une tape sur les doigts. Un énième privilège, comme si on n'en avait pas déjà trop.

Quinze minutes plus tard, il me reste seulement quelques taffes et j'ai les prénoms des mecs : Kingsley et Thomas. Plutôt cools et investis dans leur saison. Mais bon, entre ses fréquentations douteuses — oui, mon demi-frère — et son côté tactile avec les meufs prises, la gueule de Kingsley ne me revient pas.

— Au fait, il est où ton capitaine ? me demande soudain Brad.

— En retard, selon le texto que je viens de recevoir.

— À cause de sa nouvelle meuf, avec qui il essaye d'oublier la mienne ?

— Raph n'est pas ta meuf. (En bon pote, je défends un Tyler absent devant son ton narquois.) Et quelle nouvelle meuf ?

— Bah Hailey, répond naturellement le fameux Kingsley. Il nous a bien fait comprendre qu'elle faisait partie de son immense harem, l'autre soir.

— Malheureusement pour beaucoup de nos coéquipiers, ricane Thomas.

Je me raidis à ces paroles qui tombent super mal : pile à la fin de mon joint. Évidemment ! Moi qui avait évacué la tension... Mon moment de détente est terminé et il se finit brutalement.

Quels coéquipiers, d'abord ? Je suis à ça de réclamer leurs prénoms et leurs numéros de maillots. Putain, je ne me savais pas aussi jaloux, mais c'est Hailey et la concernant, je ne maîtrise aucune émotion.

De toute façon bonne chance pour l'apprivoiser, à ces types visiblement intéressés ! Je n'ai toujours pas complètement réussi et ça fait bientôt des mois que je la travaille. Au corps, sans jeu de mots aucun.

— Et heureusement pour moi ! réplique Brad. Il va peut-être laisser Raphaëlle tranquille, comme ça.

Amer, je ne me retiens pas de glousser, ni de lâcher :

— Il ne foutra jamais la paix à Raph.

À côté de moi, Kyle me fait les gros yeux, comme si j'étais un abruti fini. Et pour le coup, j'en suis un.

Il rattrape gentiment ma connerie :

— On ne sait pas, jusque-là il kiffe bien Hailey. Donc ouais, chasse gardée, rangez vos petites bites.

— Moi je pensais qu'elle se tapait Edward, sort alors Kingsley de nulle part.

Là, mes neurones disjonctent. C'est quoi, cette rumeur de merde ? Jamais entendu un truc aussi ridicule !

Je serre les dents et essaye de ne rien laisser transparaître tandis que Brad frappe entre ses omoplates.

— Pareil, mec ! Quand je les croise à Bayford, chaque putain de fois, ils sont tous les deux.

— Au East Waves, lorsqu'ils nous avaient rejoints, ils rentraient ensemble d'une après-midi patinoire, enchaîne Thomas. Qui invite une fille à la patinoire sans avoir envie de la niquer, sérieux ?

Tout le monde rigole. Pas moi.

Rien que de les visualiser échanger un baiser, j'ai un haut-le-cœur. Alors plus... Beurk. Inimaginable, sur cette planète et dans n'importe quel autre univers parallèle. Ils sont tous devenus fous ?

— Pour traîner avec Edward, il parle beaucoup d'elle, continue le grand black. Puis il fait la gueule à Hailey depuis quoi ? Deux semaines ? Bah ce soir là en fait. Et il refuse de balancer pourquoi. Ça se trouve il a su pour Tyler et il est jaloux à mort.

Ça se trouve il a su pour moi et il est jaloux à mort.

Et si depuis le premier jour, il avait des vues sur elle ? Et si dès la rentrée, il ne visait pas une simple amitié et s'était rapproché avec un but totalement différent ? Ce n'est pas parce que c'est moi qui couche avec elle que ça l'énerve mais juste parce que ce n'est pas lui !

Dans ma tête, ça part dans tous les sens, mes pensées deviennent incontrôlables et des scénarios catastrophes apparaissent. Qu'ont-ils bien pu se dire, samedi soir, une fois dans le penthouse ? Je l'imagine faire enfin sa déclaration, loin de mes oreilles curieuses qui trainaient dans les ascenseurs, quand tout à coup une hypothèse pareille me semble logique. Ça serait ça, la vraie raison, celle qui explique pourquoi Hailey ne m'a pas rejoint ensuite ! Touchée, voire bouleversée, elle aurait réalisé que ouais, il y avait un truc entre eux. Pire encore, je me les représente après leur prise de conscience, en train de baiser un étage au-dessus alors que je venais de les faire renouer. Comme pour vérifier mes suppositions, je me rappelle les paroles d'Edward : « Une heure c'est trop long pour un meurtre mais trop court pour une baise. » et j'ai envie de péter quelque chose. Sa gueule, voilà ce que j'ai envie de péter.

Du calme, Gabriel. Du calme. Tu dérailles complet, je tente de me répéter, conscient malgré tout que je fabule. Je veux dire... C'est inenvisageable. Si ? Merde, j'en sais plus rien !

Mes nerfs sont à vif et avec les images qui me sont venues en tête, je pourrais gerber sur mes chaussures. Aussi bouillonnant qu'une cocotte minute, je me remets debout sans le vouloir, incapable de tenir en place. Venu justement ici pour me détendre, je suis plus crispé en repartant. Quelle mauvaise blague !

— Parler d'Edward un lundi matin, c'est mort, lancé-je pour expliquer ma disparition imminente. Bon courage pour votre match, mercredi pro. Je viendrai peut-être y assister.

Je me tire sans attendre de réponse, sachant que je vais partager mes heures de cours avec Hailey et espérant repérer un indice dans son comportement. Bon sang, cette discussion m'a rendu parano.

Tandis que je marche vers le bâtiment, je reçois un message de Kyle :

Vois le bon côté. Ils la croient avec ton meilleur pote ou encore ton frère, mais personne ne se doute qu'elle couche avec toi.

Ouais, super ! Sauf que là, je rêverais que le monde entier sache que cette fille incroyable est à moi. Mon demi-frère le premier.

~~~

En arrivant devant le gymnase, je regarde l'heure sur mon téléphone. 18h15. Aujourd'hui, me pointer en avance, c'est visiblement mon truc ! Quinze minutes à poireauter mais je dois trouver un coin isolé. De quoi m'occuper.

Je fais le tour du propriétaire. La plupart des salles, dédiées au rangement, sont fermées à clé, et celles qui ne le sont pas débordent. Je me contente de les entrouvrir, craignant que les équipements me tombent dessus. Le matériel sportif, on n'en manque pas à Bayford.

Je tente la salle de projection où nous regardons les matchs de nos futurs adversaires et les nôtres pour repérer nos forces et surtout nos faiblesses, sauf que la porte est close aussi. Il y a bien celle de sport qui est toujours ouverte mais des étudiants la squattent. Quant aux bureaux des kinés, des coachs ou encore des adjoints, je préfère éviter de me faire choper à l'intérieur. Avec une meuf qui n'est pas Victoria, en plus de ça.

Après une hésitation sur les toilettes, les escaliers ou les gradins — pas glamour mais on a déjà fait la ruelle sombre, après tout — je choisis finalement les vestiaires des équipes rivales quand les Green Sharks jouent à domicile.

Je m'assois sur le banc et préviens Hailey avec un texto rapide et un peu voire très froid :

Vestiaire numéro 2

Ok, j'aurais pu mettre les formes... Mais à quoi bon ? L'information principale est donnée. Réflexion de connard, trouve ma conscience et à raison. Sauf que je n'y peux rien, depuis ce matin, tout me gonfle, ma patience a disparu et j'ai une flemme monumentale.

Brad, Kingsley et Thomas ont planté une graine dans mon cerveau qui n'a cessé de pousser et prend désormais tout l'espace. Une graine sous forme d'idée complètement saugrenue : Edward veut mettre Hailey dans son lit. Du moins, si ce n'est pas déjà fait.

Concernant la seconde partie, au fond de moi, je sais que non. Mon côté rationnel a surtout eu une preuve : son attitude ce midi, souriante, chaleureuse et avenante. Elle a carrément proposé de me voir avant que son grand-père ne débarque et saisi l'occasion du gymnase, bien que ce soit juste trente minutes, mon entraînement de basket commençant à 19h tapante. Conclusion : Hailey était réellement crevée samedi et n'a pas sauté mon demi-frère. Dieu merci !

Malgré tout, je soupçonne Edward de vouloir plus avec elle, que ce soit du cul ou même former un couple, et ça me tourmente plus que de raison. En toute franchise... J'ai peur. Peur de la concurrence qu'il représente. Peur qu'il me la prenne. Peur de la perdre. Elle tient beaucoup à lui, c'était flagrant pendant leur querelle, et je me dis qu'avec le temps, sa forte amitié pour lui peut se transformer en amour.

D'autant plus que, pour être honnête une nouvelle fois, il peut lui offrir davantage. C'est vrai quoi ! Il est célibataire, disponible, libre... Tout ce que je rêve d'être. Avec moi, elle n'a rien, si ce n'est des rendez-vous cachés et un contrat qui menace de la ruiner. Zéro signe d'affection en public, aucune étiquette sur la relation, pas le moindre avenir ensemble. À partir de là, pourquoi me choisir et non lui ?

— Toc, toc, toc. (Je reconnais immédiatement cette voix. Une petite main frappe en rythme sur le bois.) Il y a quelqu'un ?

Timing parfait ! Je me faisais des nœuds au cerveau et j'en ai marre de trop réfléchir. Maintenant, je veux profiter d'elle.

Une seconde plus tard, je lui ouvre en grand. Automatiquement soulagé de la voir, je lâche un soupir que je ne me doutais pas retenir. Toutefois, ses vêtements me déçoivent un peu.

— Tu aurais dû mettre une robe. Ou une jupe.

Magnifique sans avoir besoin de faire un quelconque effort, elle porte ses cheveux lâchés, un pull noir à rayures blanches et un jean qui épousent ses cuisses de manière parfaite.

Hailey cligne plusieurs fois des yeux, surprise par un tel accueil.

— Excuse-moi ?

Je remarque alors un détail étrange.

— Où est ton uniforme ?

— Je n'avais cours que le matin. Je suis revenue exprès pour toi et tu critiques mon style vestimentaire ?

— Non, je...

Elle lève vite un doigt pour me couper. On dirait que je l'ai vexée. Ce n'était pas le but. Au contraire !

— Je ne suis pas Victoria, Raphaëlle ou Fallon. Je ne suis pas féminine et je ne m'habille pas en grands couturiers. Je...

Cette fois, à moi de l'interrompre. Elle ne raconte que des conneries.

— Si tu en avais mis une, j'aurais pu facilement te baiser contre le mur. À part ça, j'aime bien tes fringues.

— Oh.

Devant son air confus, sa bouche restée entrouverte et ses joues légèrement rosies, je ne résiste pas davantage, j'attrape fermement son poignet et fais entrer Hailey dans le vestiaire. Impatient, je plaque son dos contre le fameux mur et me jette sur ses lèvres douces, violacées par le froid. Excitée par mon aveu ou juste contente de me retrouver, elle me rend ce baiser avec ferveur, se mettant sur la pointe des pieds, enroulant ses bras derrière ma nuque et venant rapidement chercher ma langue. Bon sang, que j'aime la sentir contre moi.

Lorsqu'elle frotte son bassin au mien, je dois me contenir pour ne pas la retourner avec empressement, baisser son jean et la prendre par derrière. Fort.

Cette session galoches aussi hot que des préliminaires dure encore quelques minutes, jusqu'à ce que respirer devienne vital.

— Du coup... lancé-je, ayant besoin de reprendre mon souffle. Tu es revenue sur le campus juste pour mes beaux yeux ?

Elle recule son visage, posant sa tête contre le mur, et plante son regard fiévreux dans le mien.

— C'est vrai que tu as de beaux yeux, me sourit-elle, la bouche gonflée. C'est dingue, vous avez exactement les mêmes, avec Edward.

Je me crispe de la tête aux pieds. Pardon ? J'ai mal entendu ?

Ma semi-érection retombe instantanément, aussi molle que ces immenses bonhommes gonflables dégingandés qui bordent les stations essence des autoroutes. J'ai envie de crier : « Et à quel point tu les as vus près, ses yeux ? » Au lieu de ça, je préfère changer de sujet et balance le premier truc qui me vient.

— Tu sens le café. Tes cheveux, surtout.

Elle fronce les sourcils, ne voyant pas le rapport. Normal, il n'y en a pas.

— Tu sens la cigarette. Tes cheveux, surtout.

Je ricane dans son cou et y dépose un petit bisou, puis m'écarte. Apparemment, la tension sexuelle a disparu, et pas que de mon côté.

Mon torse éloigné de sa poitrine, je ressens aussitôt une sensation désagréable. Comment peut-elle me manquer alors qu'elle est encore en face de moi ?

— Ce n'était pas un reproche, tu sais.

Hailey a souvent cette odeur et pour une raison inconnue je l'adore. Sans doute car je lui associe, tout simplement.

Mais comme tout à l'heure, elle semble offensée.

— Pourquoi utiliser ce ton bourru, alors ?

— Je n'ai pas envie d'en parler. Je n'ai pas envie de parler tout court, en réalité.

Pour illustrer, je dirige un regard lubrique vers son corps, mais elle croise les bras, creusant ainsi la distance entre nous.

— Donc il y a bien quelque chose. Pas surprenant, tu étais déjà bizarre ce midi.

— S'il te plait, fais comme si de rien n'était et embrasse-moi à nouveau.

Mon timbre implorant ne fait qu'accentuer sa perplexité. Ça ne me ressemble pas, de supplier pour son attention.

— Dis-moi ce qui te préoccupe.

Je souffle et ôte mes paumes de ses hanches. Je suis en train de perdre cette bataille.

Je lutte une dernière fois :

— C'est rien, juste un débat intérieur pathétique. Ça ne vaut pas la peine d'en discuter.

— Si, puisque ça affecte ton moral. Tu es de mauvaise humeur et j'en subis les conséquences. Je ne me suis pas réconciliée avec un frère Prescott pour que le second me fasse la gueule à son tour, hein.

Je n'en crois pas mes oreilles. Elle ne parle que de lui aujourd'hui ! Ça ne fait qu'accroître mes doutes, bordel.

— Peut-être que lui te suffira. Contrairement à moi.

Les mots ont fusé, ils sont sortis d'eux-mêmes. Ahurie, elle me regarde les sourcils haussés jusqu'au front, avant de lever une main.

— Pause. Tu es fâché contre moi pour avoir voulu le récupérer ? Pour avoir besoin de lui lorsque je t'ai déjà, toi ? Depuis quand ça te dérange que je vous garde tous les deux dans ma vie ? Et ça n'a pas de rapport ! Ce sont deux relations radicalement différentes !

— Sont-elles vraiment si différentes ?

Sa bouche forme un « o » gigantesque.

— Tu plaisantes, j'espère ? Je ne couche pas avec lui, pour commencer !

Comme moi, Hailey commence à s'emporter, de plus en plus irritée. Ma prochaine question n'arrange rien.

— Jusqu'à quand ?

Brusque mouvement de recul.

— Quoi ? Qu'est-ce que tu viens de dire ?

Devant son expression, à la fois énervée, blessée et indignée, je perds un instant l'usage de mes cordes vocales. Elle paraît scandalisée et je me dis que je suis allé trop loin.

— Répète-le ! elle hurle.

Je secoue la tête avant d'obéir. Foutu pour foutu !

— Jusqu'à quand, Hailey ? Combien de temps il va te falloir pour réaliser que tu serais plus heureuse avec lui ? Que je suis une petite merde, un esclave aux ordres de son paternel tyrannique ? Que je ne peux rien t'offrir ? Combien de temps il me reste avant que tu en aies marre, que tu te lasses ? Que tu m'abandonnes comme ma foutue mère ? Que je sois de nouveau seul au monde ?

Sur les dernières paroles, ma voix se brise, et je détourne vite le regard, incapable de croiser le sien. De la pitié, voici ce que je peux lui inspirer, à me montrer aussi vulnérable, et je le redoute plus que tout.

Je n'avais pas prévu un tel débordement. La tension du jour accumulée et toutes mes craintes viennent de jaillir, simultanément et violemment. Il fallait pourtant s'y attendre.

— Gabriel, je...

Son intonation est redevenue douce. Elle fait un pas vers moi et tend le bras pour attraper mon visage.

— Regarde-moi.

Je rassemble mon courage et le fais, encouragé par la pression de ses doigts. Dans ses yeux, plein d'émotions, mais aucune pitié parmi elles toutes. Je repère de la peine, de la compassion et surtout une grande affection. Voire de l'amour ? Après toutes ces années, je ne sais plus à quoi ça ressemble et je suis trop fatigué émotionnellement pour supporter aussi de faux espoirs.

— Je ne sais pas d'où elle vient, ta nouvelle fixette sur Edward, mais arrête ça tout de suite. C'est juste absurde. Il ne me voit pas de cette façon. Il me traite comme ses potes garçons. Sans blague, j'aurais une queue entre les cuisses, ça ne ferait aucune différence pour lui. Et de mon côté, aucune ambiguïté non plus. Évidemment voyons !

Je fouille ses yeux à la recherche de quelque chose. Un mensonge éhonté, un détail omis, une minuscule incertitude. Je ne trouve rien. À ce moment précis, elle transpire la sincérité.

— C'est un ami, rien de plus. Je te le promets.

Elle caresse ma joue avec tendresse et je ferme les paupières, retrouvant mon calme peu à peu.

— D'accord. Je te crois. (J'inspire à fond, puis expire.) Je suis désolé. La possessivité m'a fait totalement vriller.

— Gabriel Prescott n'a plus si confiance en lui... Plus gros scoop de Bayford !

Pleine de bonnes intentions, Hailey tente de rendre cet échange plus léger, mais je secoue la tête. Mon humeur reste morose.

— Reconnais que c'est marrant. Toi, te sentir menacé. Par Edward, qui plus est !

À cette idée, un rictus apparaît néanmoins sur mes traits.

— J'avoue... Être jaloux de lui, c'est une première !

Je marque une pause avant de continuer, hésitant à le faire. J'en ressens toutefois le besoin. Le problème de fond, ce n'est pas mon demi-frère. Avec le recul, j'en ai pris pleinement conscience.

— En vérité, c'est tombé sur Edward mais ça aurait pu être tous les habitants de Wealthshire avec un pénis et la vingtaine, car n'importe quel type pourrait te donner plus que moi.

Elle se raidit, comme si elle avait intentionnellement dévié la conversation et qu'elle ne voulait pas remettre ça sur le tapis.

Elle ouvre la bouche puis se rétracte, cherchant encore ses mots.

— Pour l'instant, ça me va. Te retrouver en cachette, ne pas définir ton importance pour moi avec un nom, conserver mon entière indépendance... J'y trouve mon compte.

Pour l'instant, je suis obligé de relever.

— On verra bien demain ! Pourquoi gâcher aujourd'hui ? Vivons dans le présent, le passé est merdique et le futur n'existe pas. Il peut même ne jamais exister.

Je roule des yeux.

— Épargne-moi ta philosophie à deux balles.

Je vois les épaules d'Hailey se baisser, et ses yeux faire de même. Elle observe nerveusement ses pieds.

— Je ne sais pas comment le formuler autrement donc... Je préfère ne rien avoir avec toi que tout avec quelqu'un d'autre.

Dans ma cage thoracique, une sensation de chaleur émerge, puis se répand dans tout mon corps. En soi, sa phrase ne veut pas dire grand chose, mais je la comprends parfaitement. Ça a du sens pour moi et je sais que c'est une adorable déclaration. Venant d'elle, ce genre de confession bredouillée me touche beaucoup.

En réponse, je l'attire dans mes bras. Tandis que je pose le menton sur ses cheveux châtains, elle ceinture ma taille et place son oreille au niveau de mon cœur. Mes angoisses n'ont pas disparu, on est quand même dans une situation pourrie, mais on a la volonté commune de rester ensemble. J'en suis maintenant persuadé.

Je recule doucement, conscient que l'heure tourne et que mes coéquipiers ne vont pas tarder à débarquer, quand tout à coup la porte s'ouvre. Nous sursautons tous les deux et nous éloignons à toute vitesse.

— Prescott ? Qu'est-ce que tu fous ici ?

Rassuré, je pousse un soupir. Ce n'est que McKinley senior qui en tant que père de Tyler et figure parentale de substitution pour moi connaît bien ma vie personnelle.

— Bonjour, coach ! Je... Euh, je me suis trompé de vestiaire.

Casquette sur la tête, sifflet autour du cou et jogging aux couleurs des Green Sharks sur le dos, il semble désabusé par mon excuse bidon.

— Allez, cesse de batifoler et va te changer. L'entraînement commence bientôt.

Sur ce, il referme derrière lui et part vaquer à ses occupations. Aussi facile et rapide que ça.

Je m'empresse de tranquilliser Hailey.

— T'inquiète, rien de grave. Il sait pour moi et Victoria.

Elle se touche le cœur, soulagée.

— Ouf, tant mieux ! Bon, je file avant qu'une horde de basketteurs rapplique. Joyeux Thanksgiving en avance.

Elle me claque un bisou et se dirige vers la porte avec empressement.

— Toi aussi. Profite bien de ton grand-père.

Je récupère mon sac sur le banc quand elle m'interpelle une dernière fois.

— Et Gabriel ? (Je me retourne vers elle.) Moi aussi je me sentirais de nouveau seule au monde sans toi.

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Prochain rendez-vous et pas des moindres : Thanksgiving ! Un événement que j'ai prévu depuis presque le début de cette histoire. J'ai hâte de voir mes idées prendre vie à travers des mots.

Pour me justifier un peu sur mon absence, j'ai eu une année 2023 très difficile mentalement (Pourquoi les hommes dans la vraie vie ne sont pas aussi parfaits que ceux dans les livres ?) qui m'a éloignée de l'écriture mais j'espère vite retrouver cette passion si chère à mon cœur et qui fait de moi qui je suis. Elle me manque. Je me manque.

Charleen,
🖤

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