Chapitre 27 • Halloween

Hey !

Je reviens avec un peu (ou beaucoup) de retard pour vous poster la suite. Oui, un mardi.

Je me suis lancée dans deux sagas de livres absolument géniales il y a quelques semaines et je n'arrivais pas à les lâcher pour me mettre à écrire, du coup j'ai fini ce chapitre seulement tout à l'heure...

J'espère que vous me pardonnerez et que vous apprécierez cette partie très 👻🕸🎃

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— Vous avez de la chance, lancé-je avec envie. Ici les températures ont baissé d'un seul coup. Il y a environ deux semaines, je mangeais dans l'herbe à Bayford, et désormais je porte un collant sous mon uniforme.

J'entends un ricanement au bout du fil. Confortablement allongée sur la méridienne, le portable gisant sur mon ventre et le haut-parleur activé, je ne sais pas ce qui amuse Monsieur O'Connor entre mon ton boudeur et l'image de ma personne en jupe.

— Ton premier hiver dans le Rhode Island après toute une vie sous la chaleur texane... Ça va te faire drôle.

— Je me caille déjà, pourtant je suis impatiente. J'ai vu la neige une fois seulement et Wealthshire doit être fantastique sous un manteau blanc.

Le campus, les rues étroites du quartier français, les plages en bord d'océan, le toit des maisons en centre-ville... Le décor est magnifique avec un soleil de plomb ou des feuilles oranges, mais j'ai hâte de le voir encore changer. Au Texas, les saisons ont moins d'impact, le temps passe et les paysages se ressemblent.

— J'espère voir ça pour Thanksgiving. Normalement, sous environ un mois, les flocons commenceront à tomber.

Je souris bêtement en regardant le plafond. Je ne vais pas tarder à le revoir et ça me fait infiniment plaisir. Sa présence et nos discussions interminables manquent au quotidien, bien que sa fille ait excellemment pris le relai et que je lui téléphone souvent, comme aujourd'hui, pour évoquer la météo, le travail ou les cours. Sans oublier que Thanksgiving est une tradition familiale, pouvoir diner avec eux ce jour-là me rend heureuse.

— Hailey ! crie une voix stressée depuis l'étage. Tu as pris mes chaussures rouges ? Celles à talons ? Au bout pointu ?

Je roule des yeux. Des fois, Joséphine oublie vraiment à qui elle parle.

— Comme si je mettais de telles horreurs ! Ta penderie est un grand bordel, rien de plus !

Monsieur O'Connor grogne dans sa barbe, le tympan certainement percé.

— Désolée. Votre fille dine avec son mystérieux inconnu et retourne le dressing pour se faire belle, comme tous les matins depuis une semaine.

Sans déconner, c'est toujours la même rengaine avant de partir bosser. Je la soupçonne de fréquenter un autre enseignant, la seule explication possible à ce raffut journalier.

— Et toi ? essaye Monsieur O'Connor. C'est samedi et Halloween, tu ne sors pas ?

Pour coller au thème de la journée, toutes les chaînes ont programmé un film d'horreur, mais la télévision reste allumée juste en guise de fond sonore.

Suspicieuse, je plisse le front en mangeant une chips.

— Vous changez de sujet, lui fais-je remarquer. Elle vous a dit son nom ?

— Toi aussi, tu changes de sujet.

Je hausse une épaule. Ok, un point chacun.

Toujours dans sa chambre, enfouie sous une montagne de fringues, Joséphine gueule à nouveau :

— Arrête de jouer les espionnes ! Quand cette histoire deviendra sérieuse et officielle, si elle le devient un jour, tu en seras informée !

— Tant que ce n'est pas Monsieur Kincaid, ton amant secret, je ne suis pas contre la relation !

Je ne fais que la charrier. En plus d'avoir une calvitie gigantesque et des lunettes ridicules, mon prof de comptabilité est antipathique et il sent mauvais. Deux combos gagnants.

— Ce n'est pas Monsieur Kincaid !

Joséphine hurle avec exaspération, mais son père commet une grossière erreur : dire la même chose au même instant.

Immédiatement, je me redresse.

— Vous êtes au courant ! (Choquée, je prends le cellulaire en main et repose mon paquet de chips sur la table basse.) Pourquoi est-ce que vous savez et moi non ?

C'est injuste. Je suis plus concernée que lui.

Monsieur O'Connor prend délibérément une intonation moqueuse.

— En cas de problèmes, je suis trop loin pour intervenir, contrairement à toi qui pourrais faire un scandale.

— Un scandale, moi ? Ça ne me ressemble pas du tout.

Je feins l'incompréhension et son rire vaut un « mais oui, bien sûr » assez condescendant.

— Alors... fait-il, comme si de rien n'était. Cette soirée d'Halloween ?

Je soupire en reprenant ma position allongée, laissant tomber pour aujourd'hui. Je vais la continuer, mon enquête, et la résoudre même si ça prend du temps.

— Je suis invitée à une fête chez la doyenne, ses enfants convient presque toute l'université, sauf que ça ne me tente pas vraiment.

Ses enfants ou plutôt son duo maléfique. Je me demande en quoi sont grimés Fallon et Kyle. Certainement en démons ou un autre truc du genre, très représentatif de leurs personnalités.

— Pourquoi donc ?

— J'hésite... Vous en pensez quoi ? Mon côté antisocial ou bien le fait que je n'aie pas un seul déguisement ?

Même à l'opposé du pays, je le vois pincer ses lèvres et mimer la concentration. Monsieur O'Connor rentre toujours dans mon jeu.

— Je vote pour l'absence de costume.

~~~

On continue à discuter une petite heure supplémentaire. Lorsque je raccroche, il est déjà 21h, Joséphine est partie depuis longtemps au restaurant et je me rends compte que, si par malheur des enfants viennent toquer, je n'ai pas le moindre bonbon. Mais il y a un côté positif : ça me fait une raison valable de ne pas leur ouvrir.

Alors que cette réflexion me vient en tête, je sens mon téléphone vibrer quelque part, tombé dans un recoin du canapé. Je le récupère difficilement et les battements de mon cœur accélèrent quand je vois la notification. C'est un message de Gabriel.

Tu es où ?

Je fronce les sourcils. On n'a pas échangé un mot depuis trois jours et il revient avec cette simple question ? Sans même un « Ça va ? » de courtoisie ?

Mercredi soir, une fois notre partie de jambes en l'air terminée, Gabriel a vite rejoint les bras de Morphée, épuisé par son match. Quant à moi, je suis discrètement partie, fuyant l'Impérial Palace en taxi. Impossible de rester pour la nuit, je n'avais pas mon uniforme et je ne voulais pas croiser Jack ou Edward de bon matin.

Pour je ne sais quelle raison — la faiblesse post-coïtale, sans doute — j'ai posé une feuille sur la table de chevet. Elle indiquait mon numéro accompagné d'une petite taquinerie :

Si jamais tu veux aussi me présenter des excuses écrites...

Évidemment, au réveil, Gabriel a salement ignoré cette proposition, remplaçant le « désolé » convoité par un « La prochaine fois, interdiction de quitter mon lit sans permission. ». Voici notre dernière conversation.

Chez moi. Où voudrais-tu que je sois ?

Avec moi. Chez les Montgomery. Ils organisent une fête d'Halloween tous les ans.

D'accord, je comprends mieux. Une partie de moi souhaite y aller, rien que pour le voir, mais je suis trop bien en pyjama, au chaud dans mon salon.

Je ne suis pas invitée. Et surtout, je n'ai pas de costume.

En fait, j'ai été invitée par Raphaëlle, avec Edward même. Je passe volontairement ce détail sous silence.

Aucun carton d'invitation requis, juste un passage obligatoire par la fouille corporelle. Quasi tout Bayford est présent.

La fouille corporelle ? Il y a des gardes qui surveillent l'entrée ? C'est juste une soirée ou un véritable événement ?

Je ne viendrais pas seule. Tu en as conscience ? Ma présence nécessite celle d'Edward.

Je ne sais même pas ce que je suis en train de faire : céder ou tenter de le faire abandonner. Et oui, si c'est la deuxième option, je me sers de la carte « haine entre demi-frères ». Je n'en ai pas honte.

Je suis prêt à faire un tel compromis.

Je sens mes paumes devenir humides et le cellulaire qui glisse. Pour que Gabriel en arrive là... Il a très envie que je débarque et mon corps réagit automatiquement.

Je n'ai toujours pas de costume.

Je suis carrément en train de fléchir là, mais cet argument reste le plus important, tout le monde doit être grimé.

Je me suis occupé de ça. Ou plutôt Bob l'a fait, sur mes instructions. Il sera chez toi dans quinze minutes.

Il est déjà sur la route et il a une tenue pour moi ? Gabriel était donc certain que je plierais avant nos messages. Quelle confiance en lui ! Mais bon, on dirait que son arrogance est justifiée.

Si tu lui as demandé un costume « infirmière sexy » ou « policière sexy » ou n'importe quel autre déguisement sexy, je saute de la voiture en marche. Tu le sais, hein ?

Je ne déconne absolument pas. Je vais galérer à convaincre Edward, à moins que Bethany soit partante, alors je veux être sûre de ne pas le faire inutilement.

Pas de stress. C'est un déguisement qui te ressemble. Et du coup, il est sexy malgré lui.

La devinette me rend curieuse et les indices ne m'aident pas du tout. Je souris au petit compliment glissé en tapant une réponse.

À toute.

Je me lève ensuite du canapé et pars vers la salle de bain, histoire de me rendre présentable. Tandis que je monte les escaliers, je repense à Monsieur O'Connor. Mon côté antisocial est plus fort que tout, sauf le charme de Gabriel Prescott, qui vient de le battre à plate couture.

~~~

Prudent et discret, Bob se gare à un petit kilomètre de la maison, isolée de toute civilisation, cachée entre les arbres dans une forêt immense.

Après quelques minutes d'une balade en pleine nuit, pas vraiment flippante grâce au ballet des voitures, je passe enfin les grilles et voici le seul mot que je lâche :

— Wow.

Impossible de prononcer autre chose. La demeure est somptueuse, presque mystique. Elle ressemble à un château sombre, avec sa façade en brique gris foncé et son toit noir. L'allée que je traverse et qui sépare la pelouse en deux me guide vers une fontaine impressionnante juste devant la porte et je reste un moment à contempler les décorations pour Halloween tout autour de moi.

Des toiles sur la charpente, comme si des araignées vivaient là, par centaines et depuis un siècle, mais aussi des citrouilles énormes installées partout, des squelettes entourant la fontaine, des sépultures angoissantes qui parsèment l'espace vert et des fantômes habillant les arbres.

— Les jumeaux Montgomery savent recevoir, hein ?

Je reconnais la voix à son intonation toujours enthousiaste. À côté de moi, dos à la porte et les yeux rivés au jardin parfaitement décoré, Bethany sourit joyeusement dans une combinaison moulante et pailletée qui rappelle les années 80.

— Ce sont les meilleurs hôtes du pays, visiblement.

Pour toute salutation, je la prends dans mes bras et fais de même avec Edward. Il est à tomber. Entre ses canines rallongées, sa tenue entièrement noire, ses cheveux plaqués en arrière badigeonnés de gel et le sang rouge vif qui dégouline, partant de sa bouche vers son cou, je le trouve plus que hot.

Lorsque j'ai composé son numéro, prête à débattre un long moment et sûre que venir à cette fête était pour lui une très mauvaise idée, il se faisait déjà maquillé par Bethany. Il grognait en permanence, critiquait son travail et répétait inlassablement faire ça pour elle, mais la finalité était semblable : Edward se préparait. Je n'ai pas su leur cacher mon fou rire, le retournement de situation était hilarant.

— Ils vivent réellement dans un manoir, constaté-je en me tournant pour admirer la bâtisse. Et des gardes fouillent vraiment les invités.

Je me souviens de leurs paroles, à Raphaëlle sur l'herbe et Gabriel plus tôt. Ils ne mentaient pas et je n'aurais pas dû supposer que oui. Je vis à Wealthshire désormais et la normalité de ses habitants ressemble à ça.

— On est chez le gouverneur. Tu croyais quoi ? me questionne Bethany. Certes, il laisse ses enfants recevoir du monde, mais la sécurité doit être assurée, pour eux comme la maison.

Le gouverneur ? Ses enfants ?

Si je comprends bien, les parents de Fallon et Kyle sont la doyenne et un homme d'État ? Ils sont donc protégés à Bayford mais aussi dans tout le Rhode Island ? Tu m'étonnes que Kyle fasse des conneries h24 et que Fallon se pense intouchable !

Le choc passé, un détail me saute aux yeux.

— Pourquoi la majorité amène des cadeaux ?

Edward me répond en claquant Bethany sur les fesses, un peu en colère, et sa « petite amie » lâche un couinement douloureux. Les révélations ne sont pas terminées.

— Je te partage cette nouvelle apprise sur la route : on ne fête pas Halloween mais leur putain d'anniversaire.

~~~

Cette soirée est la plus grandiose que j'ai faite de toute ma vie. Grandiose dans son intégralité car tout l'est : les décorations, le manoir, le nombre d'invités, les costumes, sans oublier la playlist et les amuse-bouche. Même l'ambiance est géniale. Ça me tue presque de le reconnaître mais je passe une soirée formidable, entourée de jeunes alcoolisés et pour fêter la naissance de Fallon et Kyle.

Bethany parle avec beaucoup de monde, comme à son habitude, et je profite de ces moments seule avec Edward pour noter les déguisements. On se moque ensemble d'une Marylin Monroe ratée et on se retrouve interdits devant un clown terrifiant. Le reste du temps, on danse et on se marre à trois, de la même façon qu'en boîte. Et je mange aussi, les petits-fours étant juste succulents.

Seule ombre au tableau, je ne croise pas Gabriel la moindre fois, néanmoins je le cherche du regard sans interruption. La maison est bondée, les éclairages sont tamisés, et parmi tous les gens que je connais, je n'aperçois que le roi de cet événement. Près des enceintes, Kyle roule de grosses pelles à une charmante blonde, tellement grosses que je m'inquiète pour lui. Avec son maquillage du Joker, le sourire iconique risque de prendre cher.

Quand une musique de Two Feet commence, avec son rythme langoureux et ses paroles explicites, Bethany et Edward se rapprochent et je m'éclipse. Pour leur donner une certaine intimité mais également pour aller voir Gabriel. Il m'a faite déplacer, envoyant son chauffeur me récupérer et me forçant à porter un déguisement idiot, je ne peux donc continuer à rigoler sans lui. Bon d'accord, je veux surtout le retrouver pour échanger quelques mesquineries, ou alors une brève conversation sans intérêt, ou même un petit regard à la dérobée. Ouais, j'en suis là.

Je traverse un premier salon, puis un deuxième sans aucun visage familier, mais à peine entrée dans le troisième, je repère Tyler avec plusieurs Green Sharks. Ils sont installés dans un canapé, à boire entre coéquipiers, alors Gabriel ne doit pas être loin. Dès que je fais cette supposition, le mec en kimono devant moi bouge et la vue se dégage, me permettant de voir les fauteuils et ses occupants. Tous les organes dans mon ventre se crispent aussitôt.

Magnifique, Gabriel en occupe un, vêtu en Dieu grec comme son meilleur ami. J'aimerais me raidir de plaisir en le contemplant mais je suis en fait animée par quelque chose de très négatif. Son bras gauche, nu et musclé, est posé sur un accoudoir, mais le second entoure Victoria, assise sur lui. Avec sa robe de mariée ensanglantée, elle repose tranquillement sur les genoux de Gabriel, et la scène toutefois banale me remplie de jalousie.

Il me fait venir jusque chez les Montgomery pour ça ? Jouer le petit copain transi devant moi ? Me prouver ses talents d'acteurs ? Servir les intérêts de Jack, comme toujours ?

— Hailey ?

Subitement interrompue dans ma contemplation, je me retourne et tombe sur une version juste incroyable de Arielle. La petite sirène est désormais une jeune femme immense et absolument canon.

— Raphaëlle ?

Je mets quelques secondes à la reconnaître. Entre son interminable perruque rousse, son minuscule bustier violet et sa longue jupe verte, je ne peux que buguer complètement.

— Waouh. Tu es splendide !

Elle sourit pour tout remerciement et empoigne sa nouvelle chevelure.

— Je préfère mes cheveux noirs et leurs mèches roses. Sans elles, je ne suis pas vraiment moi. (Raphaëlle me regarde de haut en bas, amusée.) Toi et ton costume, en revanche, vous matchez à la perfection. Il te colle à la peau !

Une idée de Monsieur Prescott en personne... Je lâche un ricanement amer, l'image fraîche de Victoria assise sur Gabriel me revenant en tête. Je lance vite un autre sujet pour qu'elle disparaisse.

— Quand tu m'as conviée, tu as omis un sacré détail. Halloween est l'anniversaire de Fallon et Kyle.

Je prends un ton de reproche mais Raphaëlle n'en a que faire. Comment une nana aussi pacifiste, calme et désinvolte peut être meilleure copine avec Fallon ?

— Tu ne serais jamais venue ! Edward non plus, d'ailleurs. Vic sera ravie de te voir ici, elle a bien réussi ton intégration. Et pour une fois, il y a une personne qui comme elle déteste les soirées.

Il est vrai que sa présence à une fête relève du miracle. Le fait que Halloween soit un événement particulier et que ses potes célèbrent leurs vingt-et-un ans joue un rôle essentiel.

Bien sûr, évoquer Victoria me fait à nouveau ressasser. Juste derrière moi, je sais que le torse de Gabriel est toujours collé à son dos et ça me fait bouillir de l'intérieur. C'est parti, je change encore de sujet !

— Et Brad, au fait ? Ça va mieux lui et toi ?

Raphaëlle lève ses yeux au ciel de manière exagérée, ce qui me tire un rictus. Ce geste à lui seul est une réponse.

— Après notre déjeuner sur le campus, tu devais lui parler sérieusement, non ? Tu as cessé de l'éviter ou même pas ?

Elle soupire avant de boire une gorgée. Son cocktail est bizarre, rouge sang et avec des yeux qui flottent. Beurk.

— Je me suis défilée. Environ vingt fois la semaine dernière et quinze celle d'avant.

À ce moment précis, comme par hasard, Bradley Walker passe le seuil. Il entre dans le salon avec un costard trois pièces et je devine grâce à sa couleur grise mais également la casquette assortie que le footballeur a de super bons goûts télévisuels.

— Ok, tu n'as plus le choix. (Je pique son verre à Raphaëlle et le repose sur une table.) Tu vas aller lui parler et maintenant. Il a un costume de Peaky Blinders !

Elle rit de bon cœur mais secoue la tête avant de se montrer plus vulnérable que jamais.

— Je ne cherche pas une histoire sérieuse et je ne sais pas comment lui faire réaliser. Je lui avais dit mais peut-être trop gentiment ? Je devrais être plus ferme sauf que... Je ne veux pas lui faire de mal.

Raphaëlle est si catégorique à propos des relations officielles. Il y a une véritable raison derrière, j'en suis persuadée.

— Vous deux, c'est tout récent. Brad n'est pas amoureux. Pas encore. En plus, tu veux le garder en plan cul. Edward a donné son opinion masculine et un ego d'homme peut le supporter. Souviens-toi de ce point.

J'envie ses problèmes. Sans déconner, un mec veut du sérieux avec elle tandis que moi, je me tape un gars en couple aux yeux de la société et j'ai dû signer un contrat pour.

Elle prend une vive inspiration, puis son regard devient courageux. Raphaëlle semble enfin prête.

— Ok, c'est bon, fini de jouer les trouillardes. (Elle lisse une dernière fois sa perruque et réajuste son bustier.) De toute façon, je suis trop en manque pour continuer.

Suite à cette précision non obligatoire, elle me contourne d'un pas assuré. Sans pouvoir me contenir, j'éclate de rire. Géniale, la motivation !

Maintenant seule, j'hésite à faire demi-tour. Je suis tentée de rejoindre Edward et chasser son frère de mon esprit, seulement une force invisible me retient dans cette pièce. Un besoin malsain de le surveiller et une envie débile qu'il remarque ma présence. La meuf pathétique que je suis fait donc un choix tout aussi pathétique : rester.

Quand un serveur passe, un plateau rempli en main, je lui prends un cocktail sans alcool vert et gluant. Adossée contre un mur, je goûte ma boisson parsemée de chauve-souris, puis la sirote en fusillant Gabriel du regard. Sa main est sur la cuisse de Victoria qui a entremêlé leurs doigts.

Pitié, là-haut, envoyez quelqu'un pour me retenir...

— Alors c'est ta faute ? (Comme une apparition divine, Tyler sort de nulle part.) Tout ce sang qui éclabousse la robe de Vic, tes yeux assassins en sont la cause ?

Concentrée sur le premier Dieu grec, je n'avais pas vu le deuxième quitter son canapé. Il arque un sourcil, critiquant avec humour ma discrétion inexistante, et je réponds d'un ton semblable.

— Non, je suis innocente, mais ce déguisement est pratique. Si j'en viens à lui faire du mal, ça ne se verra même pas.

Il ricane et vient se poser à côté de moi. Le dos collé au mur, il met nonchalamment un pied dessus et son regard balaye la pièce, admirant la foule et ses idées originales.

Le brun reste silencieux une minute, son mode observation activé et le cerveau semblant réfléchir intensément, avant de relancer la conversation.

— Il fait semblant. Il l'a toujours fait et il le fera toujours. Il est condamné à le faire pour toute une vie.

Je sais qu'il joue la comédie et je sais aussi qu'il doit le faire. Alors pourquoi ça m'énerve ?

Je tourne le visage pour observer Tyler. Bien que son expression paraisse résolue, je décèle en lui une certaine tristesse.

— C'est sa peine. Mais quel est son crime ?

Il me regarde à son tour puis lève une épaule.

— Être un Prescott, je suppose.

Voilà pourquoi ça m'énerve. Cette scène, outre la jalousie, me procure un sentiment d'injustice. Je suis révoltée pour Gabriel, pas pour ma propre personne. Énervée contre son juge et le jugement, pas contre lui.

— Je t'entends penser. (Tyler se redresse pour venir en face de moi.) Mais arrête ça tout de suite. Ne tente rien, tu vas juste rajouter des barreaux à ses fenêtres. Une sentence, ça ne se discute pas, alors continue de rendre sa prison meilleure. Franchement, c'est déjà beaucoup.

Je me remets debout aussi, affectée par de telles métaphores et prête à rétorquer. Mais ses yeux honnêtes disent avant : « Je te file un conseil d'ami. Leurs histoires sont trop compliquées, pour toi comme pour moi. »

Je finis donc par rester muette, enregistrant avec découragement ses paroles, et il part à reculons. Après quelques pas, le capitaine des Green Sharks m'offre une faveur inattendue :

— Premier étage, quatrième porte à gauche. C'est la bibliothèque. (Il fait un signe du menton vers les escaliers.) Vas-y. Je me débrouille pour que Gabriel te rejoigne vite.

~~~~~~

Sur ce, je vais de ce pas continuer à écrire pour éviter de vous faire à nouveau patienter aussi longtemps !

Charleen,
🖤

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