1. L'accord

"I think it's time we stop, hey, what's that sound

Everybody look what's going down"

Buffalo Springfield - For What It's Worth

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PDV externe

Sandalwood High School – Jacksonville (FL) USA - 26 avril 1967

George Peterson était ce genre d'adolescent appartenant à cette effroyable, mais avantageuse catégorie, qui regroupait tous les élèves populaires du lycée de Sandalwood. Il fallait admettre que ce jeune homme possédait le nécessaire afin de faire succomber les filles qui ne résistaient pas à son charme.

Ce sourire dévoilant ses dents dressées de manière si droite, ainsi que cette coupe de cheveux parfaite où aucune mèche ne filait à l'Anglaise. Et malgré le fait que ce statut renvoyait une certaine image de ce garçon, George restait l'un des élèves les plus estimés du lycée de Jacksonville.

En compagnie de son meilleur ami, Jake, il appréciait particulièrement passer les soirées dans les discothèques ou les pubs, à remuer son corps sur du rythme and blues, un genre de musique considéré comme étant le père du rock'n'roll. Il affectionnait cette fusion de jazz, où se mêlaient les douces mélodies qui, pour la plupart, sonnaient sur un romantisme fondant. Son déhanchement bien prononcé, avec ce regard perçant, étaient ses meilleurs atouts pour séduire une fille et l'attirer à lui.

— Peterson, avec qui iras-tu au bal de promo ? questionna Jake, son meilleur ami, lui assenant un coup délicat sur son épaule.

Le bal de promo, soit, l'événement le plus attendu de toute l'année par les lycéens. Il marquait la fin de la scolarité obligatoire, puis le début vers la vie adulte où les choses sérieuses commençaient. Il était présent dans de nombreux sujets de discussion depuis plusieurs mois. Les filles imaginaient divers scénarios quant à cette soirée qui promettait d'être inoubliable, elles changeaient certains éléments variantes de leur vie quotidienne. Comme la récente rupture de Sara Cade, l'une des personnalités les plus rebelles du bahut.

Durant de nombreuses semaines, sa liaison avec Chris avait fait beaucoup de bruit dans les couloirs. Les rumeurs à leur sujet s'étaient estompées, jusqu'à ce que les deux individus rompent de façon soudaine, après plus d'une année de relation.

Le grand questionnement de cette dernière était : à quoi ses soirées et ses week-ends allaient-ils se résumer désormais ? Avec Chris, elle restait chez lui à vider des bouteilles d'alcool avant de venir s'éclater en sa compagnie dans les boites de nuit, déhanchant sur le rock'n'roll, ce son qui la parcourait d'une vague électrique, lui fournissant l'énergie nécessaire. Tout ceci était terminé désormais.

— Tu vas avec Sara ?

— La jument sauvage ? Et puis quoi encore ? ricana George, cherchant de manière instinctive la concernée parmi la foule de lycéens.

La jeune adolescente se postait devant son casier ouvert, son attention était focalisée sur le rangement de ses affaires dans le compartiment. Elle arrangea une de ses mèches blondes qui s'était échappée de son chignon fait en vitesse.

Malgré son caractère fort bien trempé, la blonde dégageait un certain mystère auprès de quelques étudiants. Chris avait été, jusque-là, l'unique chanceux à s'approcher d'elle, puis être sorti avec la jeune femme durant tout ce temps. Et depuis sa rupture soudaine, cette dernière rejetait de manière si sauvage, les hommes qui l'accostaient.

Les prunelles brunes de George détaillèrent son jean et le T-shirt noir qu'elle portait. Il s'agissait d'un ensemble si simple, si basique. Pourtant, cette tenue dégageait une aura bien spéciale qui suscita la curiosité de Peterson.

— Quoique, ce ne serait pas une mauvaise idée, lâcha le jeune homme à Jake en arborant un regard où brillait une lueur de malice.

— Je te parie dix dollars qu'elle va te recaler avant même que tu le lui demandes.

— Je prends les paris, affirma George en montrant sa main tendue à son ami.

Le jeu fut conclu par cette poignée de main qui allait avoir un impact bien plus important que Peterson l'avait songé. Arrivé devant elle, il resta muet durant quelques secondes lorsque la demoiselle planta ses iris dans les siens. Ce contact visuel désarçonna le jeune homme. La bouche ouverte, George se surprit à perdre ses mots, rendant ses phrases incompréhensibles tant le malaise soudain qui l'enivrait grimpait en flèche dans son organisme.

— Je... Heu...Tu...

— Je vais au bal de promo ? Ça dépend avec qui, le coupa la jeune femme qui analysa l'adolescent en lui adressant un regard méfiant.

Dans l'optique de calmer sa nervosité l'habitant, le garçon récupéra un rythme respiratoire normal. Il existait mieux comme première approche. Or, il n'avait pas prévu qu'une appréhension soudaine allait le démunir de son assurance habituelle.

— Je recherche une cavalière et tu sembles te pointer au bon moment.

— Peterson, si tu es là, c'est pour une bonne raison. Alors dis-moi tout de suite pourquoi tu me demandes ceci.

Au travers de ses yeux marron, fulminait une certaine animosité témoignant de sa mauvaise humeur. Cette fille avait reniflé le pari à plein nez. George se mordit les lèvres, navré d'avoir été mis à découvert si rapidement.

— Jake mon pote m'a dit que je n'arriverai jamais à t'inviter au bal, parce que tu vas me recaler avant.

Cette réplique ramena son énergie qui le mettait en confiance, lui apportait une assurance qui le distinguait des autres. Il toisa Sara avec cet air mesquin imprimé sur les traits de son visage. Gagner ce pari, il était décidé à le faire et par tous les moyens.

— Tu es vraiment un bouffon, Peterson.

— Et toi une jument sauvage.

Cette colère scintillant dans ses iris se musa en une certaine haine. George venait de prononcer à voix haute et devant elle, ce que les autres lycéens murmuraient tout bas. Néanmoins, le jeune homme perçut l'adolescente sous un autre angle unique, ainsi, il la jugeait de manière différente. À ses yeux, Sara n'était pas cette jeune femme délirante, car elle ne laissait personne l'approcher. Non, pour George, elle reflétait cet animal sauvage qui s'écroulait sous les étiquettes que l'on lui imposait sans cesse. Elle avait soif de liberté, de vivre sa vie comme elle l'entendait.

Or, les quatre murs dans lesquels elle était enfermée depuis si longtemps muselait le véritable caractère de la jeune femme, l'empêchant de se dévoiler au grand jour.

— C'est lui qui m'a lancé le pari. Je suis venu vers toi, car j'ai vraiment envie que tu m'accompagnes.

À mesure que leur échange visuel s'éternisait, George ressentit ce lien qui filtrait entre les deux individus. Si la jeune femme ne réalisait pas sa présence, tant il était faible, Peterson le percevait bien. Il avait compris qu'entre eux, le courant était passé, malgré les expressions froides trahissant les désirs de Sara. Ce détachement qu'elle laissait entrevoir n'était qu'un masque qui la protégeait du mal pouvant la toucher, puis la blesser.

Elle avait saisi le fait de se faire une couverture s'avérait être l'unique moyen pour éviter que les lycéens, emplis de mauvaise intentions, la percent à jour et se servent de ses faiblesses contre elle. Un seul semblait avoir découvert l'existence de cette fausse illusion. George. Il avait réalisé qui elle était après l'avoir observé durant des jours à son insu, dans sa vie quotidienne où la fausse Sara se mêlait à la foule sans interagir avec eux. Elle restait à la périphérie du contact humain.

De manière soudaine, la main de Sara agrippa avec fermeté le col de la chemise de George afin de l'attirer contre lui. Le regard fulminant qu'elle lui porta suffit à mettre un terme à suppositions erronées de l'adolescent.

— Juste pour ce foutu bal. Mais je te préviens qu'après cette soirée, tu m'oublies et je disparais de ta vie, Peterson, souffla-t-elle de manière à ce que seul le jeune homme puisse entre ses mots.

Elle relâcha le vêtement en le repoussant au loin, avant de prendre la fuite et de se mêler au troupeau de lycéens afin de disparaître. George restait sur place, son regard planté vers cette foule où il l'avait aperçu pour la dernière fois. Ses pupilles perdues dans le vide, il laissa un large sourire étirer ses lèvres, conscientisait des paroles de la jeune adolescente.

Elle avait accepté. Sara Cade avait accepté d'être la cavalière de George Peterson pour le bal de Promo.

L'euphorie qui prit possession de chaque parcelle de son corps lui procura une joie illuminant son visage.

— Tu t'es fait rembarrer, j'imagine ?

La voix moqueuse de Jake, qui se fit entendre au travers du brouhaha provoqué par la population d'adolescents, le ramena à la réalité. Le rictus malicieux inscrit sur les lèvres de George suffit à faire passer le message à son ami. Ce dernier écarquilla les yeux sous l'effet de la surprise qui l'enivra.

— Tu es sérieux où tu veux me faire croire qu'elle a dit oui, alors qu'elle t'a rejeté comme une vieille chaussette ?

— Tout est bien vrai, ce n'est pas des conneries.

Le jeune homme laissa échapper un cri de stupéfaction qui, à son grand soulagement, fut imperceptible pour les autres.

— Tu as décroché le jackpot, mon vieux ! s'exclama-t-il en se laissant enivrer par une forme d'excitation qui n'appartenait qu'à lui.

Frémissant de tout son être, Jake ne pouvait s'empêcher d'assener de délicats coups de poings sur le biceps de George. Ce dernier n'émit aucun signe de protestation, puisqu'il avait laissé son esprit vagabonder au loin. Il s'imaginait une multitude de scénarios, où il s'apercevait aux côtés de Sara. Celle-ci était vêtue d'une robe de soirée dévoilant ses formes qui, habituellement, étaient dissimulées sous ses vêtements larges.

Désormais, il trépignait d'impatience jusqu'à l'arrivée de ce bal de promo, afin de se délecter de ses instants uniques en compagnie de cette femme qui piquait sa curiosité à vif.

* * *

Sandalwood High School – Jacksonville (FL) USA – 14 juin 1967

La nervosité qui le rongeait avait atteint son paroxysme, au point de nouer son estomac. Le doigt tremblant, George pressa sur la sonnette de la maison des Cade. Quelle serait la réaction des parents de Sara en le découvrant, pour la première fois, dans cet accoutrement ? D'ailleurs, l'adolescente leur avait-elle parlé de lui ? Aucune de ses questions ne détenait de réponses et ceci contribuer à accentuer son agitation intérieure. Peut-être que tout ce stratagème n'était qu'une mascarade, une mauvaise farce destinée à ridiculiser le jeune homme. Au travers d'un long soupir, ce dernier chassa cette folle idée de son esprit. Il avait conscience du fort caractère de Sara, mais il la savait également incapable d'être habitée par de telles intentions.

Son cœur fit un bond dans sa cage thoracique, à l'instant où la porte s'ouvrit devant lui, laissant apparaître une jeune femme resplendissante. La robe blanche qu'elle portait mettait en valeur les formes – exactement de la même manière que Peterson se l'était imaginé, ses cheveux blonds étaient rattachés en un chignon impeccable où aucune mèche ne s'échappait. Afin de finaliser cette apparence unique et somptueuse, ses yeux marron étaient soulignés d'un trait de liner parfait.

— Salut... Sarah, souffla George d'une voix étouffée qui trahissait son ébahissement.

Il se racla la gorge afin de chasser ce soupçon d'hésitation que la jeune femme pouvait lui porter.

— Tu es magnifique, vraiment.

Ses yeux marron ne purent se détacher de l'adolescente, tant Peterson était frappés par cette beauté unique. Celle-ci laissa un large sourire étirer ses lèvres, puis s'avança vers lui.

— Tu n'es pas mal non plus, fit-elle en prenant sa main.

Ensemble, au travers d'un pas synchronisé, ils s'avancèrent vers le véhicule de Peterson. Tous deux se rendaient à ce bal qu'ils attendaient depuis des mois. Il avait gagné son pari, elle avait respecté sa part de marché. Tout devrait se passer pour le mieux.

Lorsque George et Sara franchirent l'entrée du hall de la salle de gym, ils croisèrent les regards étonnés de leurs camarades qui les dévisagèrent avec stupéfaction. Personne ne s'attendait à découvrir deux personnalités opposées ensemble. Pourtant, le duo se fichait des avis que l'on leur portait. Cette soirée était la leur, ils désiraient en profiter sans avoir à se soucier de l'attention provenant des autres lycéens.

À l'instant où il sentit la proximité de leur corps s'intensifier durant les notes de slow jaillissant des enceintes, l'adolescent sentit son estomac se nouer. Munies d'une délicatesse qu'il ne connaissait pas, ses mains se posèrent sur l'épiderme de sa cavalière qui n'émit aucune réaction de recul. Il en profitait pour savourer son doux parfum qui infiltra ses narines.

— Sara, je suis vraiment heureux d'être avec toi, lui souffla-t-il au creux de son oreille.

La jeune fille releva son regard sur lui, plantant ses prunelles dans les siennes. Ce désir de capturer ses lèvres piquait le jeune homme depuis plusieurs instants. Néanmoins, il fut dans l'obligation de se retenir. Ensemble, ils avaient conclu de ne passer qu'une soirée ensemble. Après ce bal, les deux allaient reprendre leur routine en effaçant les moments de cette nuit. Hors, tous deux savaient que cette soirée serait impossible à oublier, du moins tout de suite. Mais ils refusaient de l'admettre ou encore, de se l'avouer.

Sara s'écarta tout en conservant sa main enfouie à l'intérieur de la paume chaude de George.

— Suis-moi, lâcha-t-elle avec un rictus malicieux inscrit sur son visage.

Attaqué par une piqûre de curiosité, George la suivit sans un mot. Sara se fraya un chemin parmi les couples qui dansait l'un contre l'autre et quitta le hall de la salle de gym. Ils étaient à présent dans les couloirs où aucun chat ne rôdait. Plongé dans la pénombre, le jeune homme se laissa guider par la respiration de l'adolescente qui s'écrasa sur son visage.

— Laisse-toi faire, lui susurra-t-elle.

Avant que le jeune homme puisse répondre quoique ce soit, il sentit les lèvres de Sara s'écraser sur les siennes. Son corps se mua en un feu d'artifice silencieux et fut parcouru d'un contact électrisant. Ses mains plongèrent dans sa chevelure brune, son épiderme devint brûlant de désir. Il répondit à son baiser en insérant sa langue dans sa bouche. Assoiffé d'une envie inépuisable, il colla le dos de Sara contre le mur et plaqua son corps contre le sien.

George s'écarta afin de reprendre son souffle. Malgré l'obscurité, il pouvait déceler les prunelles de l'adolescente se planter dans les siens.

— Tu sais quoi ? chuchota-t-elle d'une voix si basse qui parcourut le jeune homme de frisson. J'ai envie de prolonger notre accord jusqu'à la fin du lycée.

— C'est dans trois semaines.

— Notre accord va durer jusqu'à trois semaines, minimum.

Sa respiration saccadée se mêla au travers d'une ambiance enveloppée de désir. Elle était devenue avide de lui en l'espace de quelques instants passés à ses côtés. Rien de tout ceci n'était prévu et pourtant, George appréciait la tournure que la soirée prenait. Il était accro à elle, à ses lèvres, à son visage, à ses baisers, à elle tout entier.

— D'accord pour trois semaines supplémentaires, lâcha-t-il avant de capturer ses lèvres une nouvelle fois.

Bien le bonjour jeune gens !

Alors, qu'en est-il de ce premier chapitre ?


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