- Chapitre Trente-Neuf -
Bonjour, bonsoir :)
Je vous l'annonce officiellement : ceci est le dernier chapitre de cette histoire. Il y aura un épilogue, et possiblement un chapitre bonus, mais il s'agit du dernier "vrai" chapitre.
Merci de me lire, j'espère que vous aimerez ce chapitre x
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Des voix. Elles chuchotaient tout autour de lui, mais Isak parvenait à les entendre dans son état de demi-sommeil. Il sentit ses yeux papillonner, une voix annoncer qu'il était réveillé. Mince. Il aurait voulu continuer de dormir encore un peu. Ça faisait déjà cinq jours qu'il ne pouvait rien faire. Rien du tout. Juste rester allongé sur le dos. Et il ne dormait pas exactement très bien, dans cette position, alors c'était selon lui légitime de vouloir profiter de ces quelques petites heures de répit.
Quand Isak ouvrit finalement les yeux, il vit au-dessus de lui le docteur Medkaff – l'infirmier qui s'occupait de lui depuis son arrivée – avec un masque devant sa bouche. C'était une obligation, en cas de greffe de cœur. Il n'avait pas tout compris, mais c'était une histoire de microbes. Du coup, sa mère et Even n'avaient même pas pu le voir. Enfin, si ; derrière une vitre. Et seulement sa mère, puisque seule la famille était autorisée – qui sait pourquoi. Isak devait avouer qu'il se sentait un peu comme un zombie portant un virus ultra-contagieux, cloîtré dans cette pièce, mais au moins elle n'était pas insonorisée et il avait pu discuter avec sa mère. (Encore heureux, d'ailleurs ; il serait devenu fou, sinon.)
« Bonne nouvelle, Isak, commença l'infirmier en jouant avec les tubes qui étaient reliés à son corps. On te transfère en service de chirurgie cardiaque. »
Isak bailla plus ou moins discrètement en se massant le dos comme il pouvait. Ça lui faisait encore un peu mal, mais c'était mieux que les premiers jours. Et, au moins, il n'avait plus cet affreux tuyau dans la gorge.
« Prends ton anti-douleur puis on va essayer de te lever, ça te va ? »
Il ne fit que hocher la tête en étirant son bras pour prendre le verre et le cachet déposés sur une petite table. C'étaient les seules choses qui pouvaient s'y retrouver. Il n'avait pas même eu droit à son téléphone ou un bouquin – et n'avait pas osé demander pourquoi.
Si vous aviez dit à Isak qu'il serait heureux de ressentir le froid du sol sous ses pieds nus, il vous aurait sûrement ri au nez. Et pourtant, à l'instant, il était réellement heureux. Ce simple fait de se mettre debout, ça le rendait heureux. Le garçon ne pouvait ôter son regard de ses orteils qu'il faisait gigoter sous les chaussons transparents. Il ne saurait l'expliquer... Mais la voix de docteur Medkaff le ramena sur Terre.
« Tu vas essayer de marcher, OK ? »
Isak hocha la tête, la baissa pour regarder une dernière fois ses pieds avant de la relever de nouveau pour croiser les yeux de sa mère, qui l'attendait de l'autre côté de la vitre. Elle leva ses deux pouces d'une manière si enthousiaste qu'Isak se mit à rire silencieusement.
Sa main droite se cramponna plus fermement sur le pied à perfusions qui était toujours relié à son organisme et il attrapa de sa main gauche le bras que lui tendait l'infirmier.
« Prêt ? » demanda-t-il de nouveau.
Isak prit une profonde respiration avant de hocher la tête.
« Carrément. »
Puis, juste comme ça, c'était fini. Un pas. Juste un pas. Ça n'avait duré qu'une seconde, et pourtant c'était un moment qu'Isak n'allait probablement jamais oublier. C'était le premier pas qu'il faisait avec son nouveau cœur. Le premier pas qu'il faisait avec un autre destin qu'une mort prématurée. Le premier pas, tout simplement.
Il était heureux.
Jusqu'au moment où ses jambes faillirent lâcher sous sa masse et où il faillit se ramasser. Si docteur Medkaff n'était pas là pour le retenir, ce serait arrivé et Isak ne savait pas ce qui serait advenu de lui. Il essaya de reprendre une respiration régulière alors qu'il pouvait sentir les battements de son cœur – du cœur de son donneur ? – contre sa cage thoracique. Personne ne disait mot autour de lui, semblant retenir leur respiration, et ça le rendait nerveux plus que ça ne le rassurait. Sans que le docteur ne l'autorisât, Isak avança de nouveau de quelques centimètres. Cette fois, il ne tomba pas. Pendant un moment, il avait eu peur que cette faiblesse n'eût été causée par ce cœur qui n'était pas vraiment le sien dans son organisme ; mais cela ne devait être que parce qu'il n'avait pas marché depuis plusieurs jours.
Quand il parvint à la porte, seul obstacle qui le séparait de sa nouvelle et longue vie, Isak s'arrêta pour prendre une inspiration. Il lâcha alors le bras de l'homme et posa sa main sur la poignée avant de l'abaisser. Elle couina légèrement mais, finalement, la porte s'ouvrit. Un sourire prit place sur son visage.
Il était vivant. Il allait vivre.
Sa nouvelle chambre était bien plus belle que celle qu'il avait habitée pendant ces quelques jours. Enfin, ça restait une chambre d'hôpital, évidemment ; le terme « belle » ne serait pas vraiment celui qu'il emploierait dans la vie de tous les jours. Mais après avoir été enfermé en quarantaine avec pour seule compagnie une télévision où le programme était fortement restreint et une table avec des cachets et de l'eau, ça ressemblait au paradis. Déjà, il y avait de la couleur. La partie supérieure des murs étaient peinte en un bleu pâle tandis que l'inférieure était blanche. Ceux-ci s'accordaient avec le carrelage au sol qui alternait entre un carreau bleu et un carreau blanc. Isak avait l'impression de ne pas avoir vu autant de couleurs depuis trois siècles.
« Bon, Isak, je pense que tu as assez marché pour l'instant. Il faut encore que tu t'habitues à ton nouveau cœur. »
Les paroles de l'infirmier Medkaff semblèrent allumer une lanterne dans la tête d'Isak ; il était essoufflé. Pourtant, il n'avait marché que quelques mètres, de sa première chambre à l'ascenseur, puis de l'ascenseur à sa nouvelle chambre. Il ne put que hocher la tête et se laissa porter jusqu'au matelas. De ce côté-là, rien n'avait changé : c'était toujours aussi peu confortable. Au moins, il ne dormait pas sur des lattes...
« Tiens, tu peux reprendre tes affaires. »
Avant qu'il ne pût même lever les yeux vers l'homme, il reçut sur ses genoux une petite pile de tout ce qui lui avait été impossible d'utiliser pendant sa période d'isolement ; à savoir son téléphone portable, un livre... et une enveloppe. Une enveloppe ?
« Euh... c'est quoi, ça ?
— Je t'ai ramené ton livre préféré. Je me suis dit que ça te ferait plaisir, répondit sa mère avec un sourire crispé.
— Non, je parle de l'enveloppe, la reprit-il. Qu'est-ce qu'il y a dedans ?
— Pourquoi ne pas le découvrir par toi-même ? Docteur Medkaff et moi, on va te laisser. »
Sa mère évitait très clairement le sujet et ça ne rassurait pas vraiment Isak. Mais il ne put répliquer, car les deux adultes étaient déjà sortis de la pièce. Bizarrement, il n'avait pas vraiment envie de l'ouvrir, cette enveloppe.
Pour retarder le moment fatidique, Isak déposa son livre sur la table roulante à côté de son lit puis alluma son téléphone portable. Il était tout froid, c'était bizarre. Il entra son code PIN et l'accueil se présenta enfin. Isak sourit en voyant son fond d'écran, une photo d'Even et lui, datant de leur semaine passée ensemble. Il espérait qu'il viendrait le voir bientôt. Son index traça le contour de son visage, passant sur ses joues, ses sourcils, la racine de ses cheveux,... ses lèvres. Ses lèvres lui manquaient. Even lui manquait. Il espérait vraiment qu'il viendrait le voir bientôt. À ce sujet, il devrait le prévenir que c'était maintenant autorisé.
Il ouvrit l'application des SMS et cliqua sur le contact de son petit-ami. Il ne lui avait envoyé aucun message. Il ne semblait même pas avoir ouvert le sien, où il lui annonçait la bonne nouvelle, l'arrivée de ce cœur... Oh, mais bien sûr ! Cette enveloppe, c'était sûrement de sa part ! Il avait dû casser son cellulaire ou bien sa carte SIM et n'avait pas pu s'en procurer d'autre. Un accident, c'était si vite arrivé. Oui ; c'était logique.
https://youtu.be/DR0xLkcsmw8
Beaucoup plus enthousiaste que quelques instants plus tôt, Isak s'empara de l'enveloppe. Elle était un peu plus épaisse vers le centre, ce qui laissait penser qu'il y avait quelque chose d'autre qu'une lettre à l'intérieur. Ses doigts ouvrirent le plus proprement possible le collant de l'enveloppe et, par un quelconque miracle, il réussit à ne pas arracher le papier. Il farfouilla à l'intérieur à l'aveuglette et en ressortit un lecteur MP3 pourpre emmitouflé dans une forêt de fils d'écouteurs. Isak sourit. C'était bien le genre d'Even. Il y avait sûrement mis toutes les chansons qui lui rappelait leur relation dessus, afin de le rendre présent malgré son absence. Isak le déposa sur ses cuisses pour reprendre l'enveloppe et en extirper une feuille de papier qui était immaculée d'encre au recto comme au verso. Il en avait des choses à lui dire... La pensée de ce qui pourrait y être écrit fit ricaner le garçon. Le connaissant, c'était possible qu'il eût écrit toutes les paroles de « Pretty Boy ».
Finalement, la curiosité fut trop forte et Isak déplia la feuille.
La lettre commençait par une instruction : « Mets les écouteurs, démarre le MP3, et lis. » Simple et efficace. Les mots semblaient avoir été écrits d'une main tremblante et étaient légèrement penchés vers la droite. Si c'était vraiment l'écriture d'Even, il faudrait qu'il lui demandât des cours de calligraphie. Ça lui occuperait ses journées ; il lui restait plusieurs semaines à l'hôpital avant de pouvoir rentrer chez lui.
Isak enfila donc les écouteurs et alluma le lecteur. Il n'y avait qu'une seule piste musicale, longue de trois minutes et cinquante-deux secondes. Even l'avait nommé « Isak ». Après avoir pris une petite inspiration et triturer quelques mèches de ses cheveux – il appréhendait, sans trop savoir pourquoi –, le blond appuya sur lecture et s'empressa de se plonger dans la lettre.
« Cher Isak. [barré] Hey, Isak ! [barré] Salut.
Je ne t'ai pas tout dit sur moi, Isak. Je t'ai menti – enfin, non, plutôt « caché des choses » – pour te protéger. Et pour me protéger, aussi. Surtout pour me protéger, je crois. Je ne sais pas. Tu n'as cessé de me dire pendant un temps que tu ne voulais pas que je souffre. Eh bien, moi, c'est pareil ; je ne voulais pas que tu souffres.
J'ai un problème au foie, Isak. Pas assez grave pour que je reste cloué dans un lit d'hôpital, mais assez grave pour que je sois sur la liste pour avoir une greffe.
Je vais éviter de m'acharner sur les détails, Isak. Tout simplement parce que, si tu lis cette lettre, c'est que j'ai eu cette greffe. Mais c'est aussi parce que l'opération a échoué. Le pourcentage de risques est infime, oui, sauf qu'apparemment j'en fais partie. Et, si tu lis ceci, c'est que toi tu n'en fais pas partie. Ton opération a réussi. Surprise ! [barré] C'est mon cœur qui bat dans ta poitrine. Ce n'est pas un grand changement ; depuis que je t'ai rencontré (ou presque), il ne bat que pour toi.
Je suis mort, Isak. (Ça m'effraie un peu d'écrire ça.)
J'espère vraiment que tu n'es pas en train de pleurer autant que moi je pleure. Souris : tu es en vie, putain. C'est tout ce que j'ai jamais voulu pour toi ; que tu sois en vie. Et pas seulement pour quelques mois.
Ne m'oublie pas, Isak. Souviens-toi de ces moments où on a souri, où on s'est enlacé, où on s'est embrassé. Tu te souviens de cette nuit-là ? Mikael tenait un peu la chandelle. Heureusement qu'il s'était endormi, d'ailleurs ; jamais je n'aurais eu le courage de le faire, sinon. Jamais je n'aurais eu le courage de poser mes lèvres sur les tiennes. Et je l'aurais très certainement regretté. Mais je l'ai fait. Et j'en suis très heureux. Merci pour avoir rendu mon dernier anniversaire si parfait.
Et ce petit voyage qu'on a fait... Tu dois t'en souvenir, c'était il n'y a pas si longtemps que ça. (Je ne sais pas exactement quand tu liras ça.) C'étaient les plus beaux jours de ma vie, Isak. J'en ai adoré chaque seconde, chaque minute. J'ai tout adoré, parce que tu étais là et que j'étais là et... Putain, je t'aime. Tu n'imagines pas à quel point je t'aime.
Quand je suis rentré, que mes parents m'ont texté, m'ont dit qu'il y avait un foie pour moi... j'ai hésité. J'ai hésité à tenter le coup. J'avais un mauvais pressentiment, une sensation de déjà-vu. Je ne voulais pas te laisser seul, même pour un petit moment. Puis j'ai pensé à toi, à ton sourire : je voulais que tu l'aies toujours, ce sourire, que tu sois heureux. Alors j'ai tenté. Mais, si tu as cette lettre entre tes mains, c'est que j'aurais mieux fait d'écouter mon instinct.
Mais sache que je n'ai pas oublié non plus, Isak. Ma promesse. Je ne sais pas si tu t'en souviens, mais je t'ai dit un jour que je serai toujours là pour toi, toujours. Sache que je compte bien la tenir. Je veille sur toi, Isak, pour toujours. J'ai collé mon fil au tien pour qu'il soit plus long. Et mon cœur est à toi jusqu'à ce que tu en atteignes le bout. À ce moment-là, on se rejoindra. Mais j'espère que ce sera dans longtemps. Il faut que tu vives, Isak ; tu en as le pouvoir et la force.
Alors souviens-toi, Isak. Sois heureux. Je vivrai toujours, là, en toi. Et sache que tu resteras dans mes pensées pendant un long, très long moment. Pour l'éternité.
Je t'aime.
Even »
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