- Chapitre Trente-Deux -
La journée d'Isak commença avec un sursaut. Où était-il ? Il tourna la tête dans tous les sens et remarqua qu'il était seul, dans un petit abri couleur verdâtre qui laissait passer de la lumière à l'intérieur. Comment était-il arrivé là ? Où était passé Even ? Une couverture toute douce qui était aussi rouge que le jus d'une cerise le maintenant au chaud, enroulée tout autour de son corps. Isak parvint finalement à s'en délivrer, non sans peine. Quand s'était-il endormi ? Il se souvenait de la veille ; il s'était baladé avec Even sur cette colline, ils avaient regardé ensemble le soleil. Isak lui avait avoué qu'il l'aimait, et il lui avait dit en retour – était-ce vraiment arrivé ou n'avait-ce été qu'un rêve ? Il pouvait se souvenir de tout, sauf de ce moment où il s'était endormi et, d'une manière ou d'une autre, avait fini emmitouflé dans une couverture et protégé du vent. Où était-il ?
Un zip se fit entendre et Isak recula par instinct, jusqu'à ce que son dos ne frôlât la toile de l'abri – une tente, peut-être ? Il se prépara psychologiquement à voir débarquer un ours dans ce petit espace qui ne pouvait contenir que deux personnes.
Cependant, ce ne fut pas la tête d'un ours qui apparut ; plutôt celle d'Even.
« Enfin réveillé ? » sourit-il.
Isak laissa échapper un soupir.
« Je suis où, au juste ? demanda-t-il en étirant ses jambes.
— Dans une tente.
— J'ai atterri comment ici ?
— Tu t'es endormi contre mon épaule hier soir, quand on était assis sur le banc, alors je t'ai porté en mode princesse jusque la voiture et j'ai conduit jusque notre emplacement de camping pour les prochains jours. Puis j'ai monté la tente vite fait, et je t'y ai allongé.
— ... Tout ça sans que je me réveille.
— T'as le sommeil plutôt profond, remarqua Even.
— Je vois ça. Donc on est à Kristiansand ?
— Exactement. Maintenant, lève-toi et va te laver rapidement, je t'emmène quelque part. »
Le blond ressortit sa tête à l'air libre et son petit-ami le suivit. Autour de lui s'étendait un camping qui n'avait visiblement pas des masses d'hôtes, aujourd'hui – seules quelques tentes se dressaient à quelques emplacements du terrain. Ce qui n'était pas si étonnant que ça, fin février. Plus loin, s'élevait un petit bâtiment dont la porte était orné d'un petit écriteau qu'Isak n'arrivait pas à lire d'ici. Mais il déduit qu'il s'agissait sûrement de l'accueil, ou peut-être des douches. Une main attrapa la sienne et Isak releva la tête vers son copain. Il lui fit un signe de tête vers le bâtiment en question avant de l'y entraîner, envoyant valser un petit sac sur son dos.
Il se trouvait que son intuition était correcte ; il s'agissait bel et bien de douches. Il y en avait une bonne douzaine, à première vue, et de la fumée s'échappait de l'une d'entre elles. On était vraiment en hiver. Sans un mot, Isak se faufila dans la cabine qui était tout au fond tandis qu'Even entra dans celle juste avant.
****
« Hey, qu'est-ce que tu fais ? »
Even leva la tête de son livre de physiologie. Même s'il était en vacances – et encore, c'était un grand mot – pour la semaine, il ne pouvait pas se permettre de prendre trop de retard et risquer de ruiner son année. C'est pour ça qu'il avait amené quelques-uns de ses livres et qu'il était resté debout jusque tard hier soir à remanier les notes des cours qu'il avait manqués. Il ne saurait dire combien de fois il avait remercié Mikael. Il regarda un instant Isak et ses cheveux encore humides. Il faisait beau, aujourd'hui, malgré qu'ils fussent en hiver. Le réchauffement climatique dérangeait vraiment les saisons... Le soleil qui brillait à travers quelques nuages reflétait sur son visage, créant un halo de lumière autour de lui, comme s'il était un ange.
« Révisions, déclara-t-il en désignant la couverture plastifiée de l'ouvrage. T'es prêt ?
— Prêt pour quoi ? »
Even se leva et épousseta son jean délavé afin d'en enlever les quelques brins d'herbe qui s'y étaient collés sous le regard d'Isak.
« On en a parlé ce week-end, commença-t-il, tu te souviens pas ? »
Le visage d'Isak se transforma, semblant tout à coup devenir aussi blanc que neige. Il se mit à bafouiller des sons qui étaient probablement censés former des mots mais qui ne formaient aucun sens, au final.
« Hé, c'est rien. Je déconnais. »
Les paroles d'Even parurent légèrement rassurer le garçon qui afficha un petit sourire timide.
« Alors, où est-ce qu'on va ? »
— Au zoo. »
Even sourit en haussant les sourcils furtivement. Il savait que visiter cet endroit plairait à Isak, non seulement parce qu'ils en avaient déjà parlé auparavant, mais aussi parce que ce zoo était un des plus grands et des plus beaux de la région. D'autant plus que, là-bas, on n'y maltraitait pas les petits animaux sans défense.
L'étudiant se pencha pour ramasser son manuel et le ranger dans un sac, puis dans la tente avant de fermer celle-ci à l'aide d'un cadenas – on ne sait jamais. D'un jeu de mains qui le surprit lui-même, il attrapa les clefs de voiture et finit par se tourner vers Isak qui n'avait cessé de le fixer depuis tout à l'heure.
« C'est parti. »
Avant de vraiment se mettre en route, les deux adolescents décidèrent de manger un petit quelque chose mais, au bout de quelques minutes seulement, ils étaient partis.
Even, tout le long du trajet, réussit à ne pas céder : il n'avait pas révélé un seul nom des animaux qui les attendaient, lui et Isak, au parc zoologique où ils resteraient toute la journée. Et ce ne fut pas une tâche facile. Ce garçon pouvait être vraiment persuasif. Voir l'immense enseigne s'agrandir devant leurs yeux fut donc un soulagement pour l'un comme pour l'autre. D'autant plus qu'il n'y avait que quelques voitures garées sur le parking. Quelle bonne idée il avait eu de planifier cette sortie en pleine semaine ! De cette façon, tous les enfants étaient à l'école et il n'y avait donc que peu de personnes qui visitaient le zoo. Il devait avouer qu'il s'attendait tout de même à ce qu'il y eût légèrement plus de monde ; il faisait plutôt beau pour un mois de février, il ne pleuvait pas, et la notoriété du parc n'était pas des plus basses. Mais il ne s'en plaignait pas.
Dès que les places furent payées par Even – non sans petite bagarre affective avec son petit-ami au préalable –, ils entrèrent dans l'enceinte du parc zoologique et furent attaqués par une vague de chaleur humide avant d'être accueillis par une immensité de verdure clôturée par une cloche de verre. Des arbres s'élevaient parfois, ornés des plumes multicolores d'oiseaux dont Isak pourrait certainement nommer l'espèce. Quelque part dans la volière, on pouvait entendre de l'eau tomber – une mini-cascade, peut-être. L'ensemble était magnifique. Mais, quand Even tourna la tête, il remarqua qu'Isak l'était encore plus. Il semblait si émerveillé et, pour être honnête, ça l'étonnait un peu. Avec une mère avocate, il aurait pensé que ces genres d'activités auraient été plutôt accessibles pour lui. Ils ne parlaient que rarement des familles de l'un et de l'autre, estimant certainement qu'il existait d'autres sujets de conversation plus intéressants. Mais peu importait ; comme ça, Isak était magnifique. Un sourire prenait petit à petit place sur son visage alors qu'il tournait sur lui-même pour faire connaissance avec l'environnement. Cette vue fit sourire Even. Il était tellement heureux d'être celui qui arrivait à le faire sourire de la sorte ; ça changeait de l'époque où il l'épiait au parc. Il sortit son téléphone portable puis prit des photos d'Isak. Ce garçon méritait d'être un mannequin, sans déconner. Il avait tout pour l'être. Quand Isak le remarqua, il se mit à rire nerveusement, mains contre son visage.
« Il faut que tu perdes cette habitude me prendre en photo, décida-t-il en baissant l'objectif d'Even.
— Mais t'es beau. » répliqua Even en faisant ressortir sa lèvre inférieure.
La remarque amena une teinte rosée sur les joues d'Isak, ce qui fit sourire le plus vieux. Il s'empressa de redresser son téléphone pour photographier le moment, alors que le visage du garçon s'empourprait davantage.
« T'es trop mignon. Allez, viens. »
Isak sembla bugger un instant mais il finit par attraper la main que son petit-ami lui tendait et les deux garçons se mirent en route.
Alors que les animaux et les photos défilaient, Isak se libéra un peu et commença à vraiment s'amuser. Il riait face aux petites bagarres des singes, fondait face aux bébés tigres que leurs parents nourrissaient, applaudissait les dauphins qui effectuaient des acrobaties. C'était comme s'il avait fini par oublier son photographe personnel – Even – qui ne semblait pas pouvoir s'empêcher de capturer chaque expression du visage de son petit-ami. Ils passaient un bon moment, un très bon moment.
Mais tous les bons moments finissaient par se terminer.
Autour de dix-sept heures, le circuit du zoo touchait déjà à sa fin. Le sourire d'Isak ne quittait pas une seule seconde son visage alors qu'ils se dirigeaient vers la sortie. Puis une boutique souvenirs se présenta devant les yeux d'Even, dans lesquels passa une étincelle. Et s'il achetait un petit quelque chose à Isak ? Ça lui ferait plaisir, non ? Il tenta de suivre ce que lui racontait son petit-ami en même temps qu'il scrutait discrètement les vitrines à la recherche d'une peluche à la hauteur du garçon. Puis il la vit.
« Je dois aller aux toilettes, prévint Even quand Isak avait fini de parler. Tu devrais y aller aussi, je t'emmène quelque part.
— Oh, d'accord. » accepta-t-il sans retirer le sourire qui n'avait pas quitté son visage de la journée.
Bien entendu, Even n'alla pas aux toilettes.
Il attendit que le garçon fût dans une cabine pour sortir en vitesse et acheter la peluche qui avait attiré son regard. Heureusement, il n'y avait personne à la caisse. Il paya puis ressortit aussi vite que possible – mais, visiblement, pas assez vite. En effet, Isak l'attendait déjà devant la porte des toilettes et, quand il entendit des pas derrière lui, il se retourna pour trouver Even, la main derrière le dos.
« Qu'est-ce que t'as encore fait ? » demanda-t-il avec un air de suspicion dans la voix.
Honnêtement, Even ne savait pas trop comment le prendre. Ça l'étonnerait toujours comment Isak pouvait passer de l'ado le plus gamin du monde au plus mature en à peine trois secondes.
« Mais rien ! se défendit le plus vieux.
— Even, prévint-il.
— Mais j'ai rien fait ! J'étais aux toilettes puis je t'ai attendu ici en regardant un peu.
— Premièrement, tu mens très mal. Deuxièmement, je n'ai entendu ni chasse d'eau ni eau qui coulait. Donc soit t'es super crade, soit–
— O.K., tu gagnes. » l'interrompit le blond.
Isak fronça les sourcils. Visiblement, il ne comprenait pas. Alors, Even dévoila la peluche qu'il cachait derrière son dos.
Alors, le visage du garçon se détendit, sans pour autant enlever l'éclat de suspicion de ses pupilles.
« Tu as acheté un phœnix en peluche, déclara-t-il.
— Oui. Pour toi. »
Even lui tendit la peluche et Isak la prit délicatement, avec maintenant de la confusion dans le regard.
« Merci, mais... commença-t-il en passant ses doigts contre les ailes de feu de la peluche. Pourquoi ?
— J'ai vu ton tableau du phœnix au-dessus de ton lit, l'autre jour... Donc je me suis dit que tu devais bien les aimer, pour qu'il soit aussi grand, expliqua Even en haussant les épaules.
— Ouais, c'est mon animal préféré, sourit doucement Isak. Merci. »
Son petit-ami ne fit que lui sourire en retour.
Plus tôt, Even ne plaisantait pas ; il allait bel et bien emmener Isak quelque part. Ce quelque part était en fait la plage. En février, pas terrible, effectivement ; mais il trouvait que le temps y était propice et qu'ils pourraient en profiter pour parler tranquillement en buvant un chocolat chaud avec vue sur la mer.
Il se gara le long de la digue puis sortit de la voiture, rapidement suivi par Isak. Il attrapa sa main et l'entraîna vers un café où il demanda deux tasses de chocolat chaud ainsi que deux cookies. Puis, lentement, ils marchèrent vers un banc de pierre où ils s'assirent, proche l'un de l'autre. Ils profitèrent du silence qui les entourait et laissèrent la brise salée envahir leurs narines alors que le breuvage qu'ils buvaient les réchauffait. Le soleil se couchait sur Kristiansand et Isak ne put s'empêcher de penser que là, tout de suite, il était heureux. Ces couleurs orangées qui lui rappelaient la peluche que venait de lui offrir son petit-ami semblaient refléter sur la mer, créant un spectacle qu'il n'arriverait jamais à oublier. Isak tourna la tête pour observer l'autre garçon dont les yeux étaient fixés sur l'horizon. Lui non plus, jamais il ne l'oublierait.
Ce garçon allait rester dans ses pensées pendant un long moment, on dirait.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Bonjour, bonsoir :) Je ne vous le dis pas assez : merci pour vos lectures, vos votes, vos commentaires. Merci simplement d'avoir décidé de commencer à lire cette histoire qui, je l'espère, vous plaît toujours autant. Merci. Merci. Merci. Xx
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top