- Chapitre Quinze -
« Le but de la vie est de mourir. Tout le monde naît pour au final crever, c'est comme ça. Ça arrive à tout le monde, à un moment ou à un autre. Pour certains, c'est plus tôt que pour d'autres. Ce n'est pas juste, certes, mais c'est comme ça. On ne décide pas. Peut-être qu'un jour, je me réveillerai et, par je-ne-sais quel moyen, je ne pourrai plus respirer, et mon heure sera venue. On ne décide pas du destin. Tout est déjà écrit, il n'y a aucun moyen de changer ce qui est censé nous arriver. La vie, c'est comme un fil. Il faut de l'équilibre pour rester en place. Et, à un moment donné, le fil prend fin. On n'a aucun moyen de le savoir. Il fait noir, tout autour. On ne voit même pas nos pieds, c'est pour ça qu'on a des obstacles, bien souvent. Et donc, quand la fin du fil arrive, on ne s'en rend même pas compte. Ça se termine juste. On tombe dans ce gouffre sans fin. Ça ne fait pas mal, on ne ressent plus rien, comme si on flottait. Tout le monde fait tout un plat de la mort mais, en vérité, c'est juste s'endormir pour ne plus jamais se réveiller. Tu peux souffrir en mourant, mais quand tu es mort, tu n'as pas mal. Ton fil s'est juste arrêté. Et tu ne peux rien faire pour ça. Par contre, tu peux faire quelque chose avant ça. Tout le long du fil de la vie, tu peux faire tout ce que tu veux, tu es libre de faire ce que tu veux. Mais, quand ton fil se termine, tu n'as plus ce pouvoir, car tu n'as même plus d'endroit où poser tes pieds. C'est pour ça qu'on va réaliser, à deux, tes plus grands rêves, Isak. Je vais t'emmener à l'autre bout du monde, si tu le veux. Je t'emmènerai où tu le voudras et quand tu le voudras. On enverra chier les obstacles pour que ton fil soit aussi stable que possible. Je te le promets. »
Even avait murmuré chacun de ces mots contre l'épaule d'Isak, ayant affaissé sa tête contre celle-ci. Il ne savait pas vraiment pourquoi il lui avait dit tout ça, son monologue n'avait probablement même pas sens. Il avait juste dit ces trucs qui lui étaient passés par la tête pour qu'Isak ne pensât pas qu'il était parti, supposait-il.
Il sentait des petites gouttes d'eau couler le long de sa nuque. Le petit blond réfugié dans ses bras pleurait. Even avait l'impression qu'à chaque larme qui entrait en contact avec sa peau pâle, son cœur sautait un battement. Il détestait voir Isak si triste. Le pire restait qu'il l'était tout le temps, même s'il souriait et agissait comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes.
Combien de temps étaient-ils restés dans les bras l'un de l'autre ? Dix minutes ? Une demi-heure ? Deux heures ? Les secondes s'étaient écoulées sans que ni Even ni Isak ne tentât de s'en aller. Ils resteraient là pendant des jours et des jours, s'ils le pouvaient.
Mais ils ne le pouvaient pas.
Ils s'en rendirent compte quand les lumières que l'on voyait à travers les fenêtres commençaient à s'éteindre. Les gens qui habitaient dans les bâtiments à côté du parc se préparaient à aller au lit.
« Il est quelle heure ? » finit par demander Isak d'une voix rauque à cause des pleurs qu'il avait versés.
Le soleil n'avait effectivement pas pu aider les deux garçons à garder la notion du temps. En ce début de mois de février, le soleil se couchait extrêmement tôt, en Norvège, et quand Even était sorti quelques temps plus tôt de son université, cette partie de la Terre n'était déjà éclairée que par les rayons de Lune et les quelques lampadaires.
Even sortit son téléphone et regarda l'heure qu'il était :
« Presque neuf heures... répondit-il d'une voix basse, comme s'il avait peur que quelqu'un l'entendît.
— Je vais rentrer... annonça le plus petit. Ma mère va croire qu'il s'est passé quelque chose de grave. »
Even ne fit que hocher la tête. Il mourrait d'envie de lui demander ce qu'il en advenait de son père, mais il n'en fit rien. Il y avait eu assez de révélations pour ce soir.
« On se voit demain ? demanda le plus grand avec un regard empli d'appréhension.
— Bien sûr. Je serai là, je ne bouge pas. »
L'étudiant sourit d'un sourire qu'il ne savait pas qu'il ferait un jour — un sourire véritable.
Les deux sortirent du parc côte à côte, sans rien dire, jusqu'à ce qu'il durent se séparer, pour se rendre chacun chez soi. Ils se dirent leurs aurevoirs. Ils s'enlacèrent, se promirent que, demain, ils se reverraient. Puis ils se retournèrent et avancèrent dans des directions opposées.
Mais une voix interpella Even, le faisant tourner la tête :
« Even...?
— Oui, Isak ?
— Merci. »
Il ne fit que lui sourire.
Puis il s'en alla.
Ce garçon allait rester dans ses pensées pendant un long moment, on dirait.
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