chapitre 24

Pdv Jerry

J'étais cachée derrière un arbre depuis quelques minutes et observais Ilyana faire tourner en bourrique mon protégé. Il avait finalement dû poser la question à propos du loup car elle lui sortait mille excuses, plus absurdes les unes que les autres, et profitait qu'il soit occupé à lui poser des questions pour le faire chercher plusieurs fois au même endroit et ainsi gagner du temps en avançant donc moins rapidement.

Essayant de trouver une excuse pour expliquer mon absence, je ne remarquais pas que Galdaë se dirigeait vers moi. Ce n'est que lorsqu'il m'appela que je sursautais et lui faisais face, plongeant mon regard dans le sien.

-Ah, tu es là.

Je me mordais la lèvre inférieure, le cerveau carburant à mille à l'heure, essayant de trouver l'excuse la plus probable qui expliquerait mon absence. Il fit quelques pas pour rentrer dans la forêt et me rejoindre mais je le rejoignais en quelques secondes.

-Ouais... Je-

-Il faut que je te raconte un truc, me coupa-t-il. Ilyana ne veut rien m'expliquer et j'espère que toi tu pourra.

Je me retenais de lui rétorquer qu'il n'aurais pas la moindre réponse de moi sur ce loup auquel cas, il pouvait facilement deviner mon lien avec et il continua:

-En te cherchant, on a été voir Enaël et arrivés là-bas elle s'est mise à parler avec une louve. Est-ce que tu peux m'expliquer comment elle a réussit à l'approcher ?

Alors que j'allais répondre, un détail me fit tiquer: louve. Il avait dit louve.

-Une louve ? Demandais-je en fronçant les sourcils. Comment tu peux être sûr que ce n'était pas un loup ?

-Je... Ça va peut être te paraître bizarre mais j'en ai pas la moindre idée. Je suis sûr que c'en était une.

Je hochais la tête, ne sachant pas trop quoi répondre à son argument du "je n'en ai pas la moindre idée".

-Donc, tu peux m'expliquer ?

-Elle est dompteuse de loup, dis-je avec un léger sourire.

-Tu te fous de ma gueule ?

-Oui.

Mon cerveau criait au manque de tact mais je ne me voyais pas dire autre chose que ça. Je n'allais pas lui dire que je ne me foutais pas de lui alors que c'était clairement le cas. J'aurais eu l'air de quoi moi, à mentir en disant un truc aussi crédible qu'un gosse ayant du chocolat autour de la bouche et disant qu'il n'en a pas mangé, alors que la vérité était aussi flagrante qu'une tâche sur un mur blanc.

-Je sais que ça va te saouler mais je n'ai pas le droit de t'en dire plus, rajoutais-je.

Il sembla hésiter à me poser des questions et se rétracta finalement lorsqu'Ilyana intervint:

-Je pense que je vais rentrer chez moi.

-Attend. Je pourrais te parler ?

Elle m'observa quelques instants alors que je la fixais avec insistance. La veille, j'étais totalement aveuglée par la colère et je n'avais donc pas spécialement écouté ce qu'elle m'avait dit. Je voulais donc savoir si me forcer à lui en vouloir valait vraiment le coup ou non.

-Ok.

Je faisais signe d'attendre à mon protégé et emmenais Ilyana légèrement plus loin.

-Pourquoi tu t'étais servi de Galdaë pour que je me batte ? Tu aurais pu aussi bien me le demander.

-Tu aurais eu peur de me frapper et je voulais que tu donnes tout.

-Te servir d'une personne semblait être la meilleure solution ?!

Elle secoua la tête, se mordant la lèvre.

-Non, mais quand tu me l'as confié, j'étais occupée à trouver une solution pour te mettre en rogne et je n'ai pas réfléchi plus. Ça me semblait être une bonne idée comme je te l'ai dis tout à l'heure.

-Comme tu m'as bien aidé aujourd'hui et que je t'adore, malgré tout, je soupirais, espérant ne pas regretter ma décision. Je te pardonne.

Elle sauta en l'air comme une gosse et cria d'une voix suraiguë, me vrillant les tympans au passage, avant de me prendre dans ses bras. Je restais stoïque quelques secondes avant de passer à mon tour les bras autour d'elle.

-Tu ne sera pas déçue ! Je te le promets.

Je hochais la tête alors qu'elle se détachait.

-Il commence à se faire tard, on ferai mieux de commencer à rentrer.

Elle approuva d'un signe de tête et nous nous mîmes en marche afin de rejoindre Galdaë. Il nous attendait quelques dizaines de mètres plus loin, fixant le ciel qui s'était assombrit.

-Faudrait qu'on pense à rentrer.

***

-Tu dors ? Appela Galdaë en chuchotant.

Emmitouflée dans la couette, je me retournais pour lui faire.

-Ça répond à ta question ? Répondis-je.

-Oui. Pourquoi tu es partie tout à l'heure ? Tu étais où ?

Je fermais les yeux quelques instants, avant de les rouvrir et de faire face à son air inquiet.

-J'étais dans la forêt. J'avais besoin de m'isoler.

Bien que le besoin de s'isoler était on ne peut plus vrai, j'avais tout de même l'impression que ma gorge me brûlait à cause de ce mensonge.

-Je ne voulais pas te le dire à la base. Les gars. Pour que tu t'inquiète pas. Mais il valait mieux que tu saches.

-Hum... Oui.

-Je ne sens pas convaincue.

-Si, si. C'est juste que je réfléchissais.

Deuxième mensonge, encore plus piquant que le premier parce que celui-là n'avait rien de véridique.

-Et tu réfléchissais à quoi ?

Voilà le problème dès qu'on mentait. Les gens posaient des questions et on était obligés d'en dire d'autres pour faire en sorte qu'ils ne le remarquent pas.

-Je... J'étais entrain de me dire qu'il faudrait que tu te décides pour un métier. Tous les gens ici en ont un et... Enfin, ça peut attendre la fin des quinze jours bien sûr !

Je m'étonnais moi-même de la facilité avec laquelle je débitais des conneries. C'était étonnant.

-C'était vraiment ce à quoi tu pensais ?

Qu'est-ce que je disais ? Trop perspicace ce mec. Je ne sentais pas de lui mentir encore une fois.

-Non.

-Donc tu mens depuis le début ?

C'était le moment délicat ou le célèbre "ça passe ou ça casse" entrait en action. Et le moment tout aussi délicat où je passais pour une menteuse de première classe.

-En grande partie, oui.

-Et où est la vérité ?

-Je n'étais pas dans la forêt mais au bord, par contre, j'avais vraiment besoin de m'isoler. Et après je devais aller voir Enaël. Mais j'ai rien le droit de te dire.

Ni l'envie pour l'instant, d'ailleurs.

-Effectivement je ne suis pas convaincue parce que savoir que milo et Regan me suivent ne changera pas le fait qu'ils le fassent même si je suis contente de le savoir. Et je ne réfléchissais pas, c'était une excuse pour ne pas que tu croie que je m'en fous. Même si, tu vas vraiment devoir trouver un boulot.

Il rit légèrement, à mon plus grand étonnement.

-Au moins, tu es franche. Et je pense que si tu me caches des choses, ce n'est pas par plaisir. Aussi étrange que ça puisse paraître, je te fais confiance Lilliputia. Alors je préfère que tu m'avoue quand tu t'en fous et que tu n'as pas le droit de le dire plutôt que tu me mente.

Je riais légèrement à mon tour:

-Tu deviens sentimental ?

Il me tira la langue et je lui répondais de la même manière, puis nous éclations de rire.

***

-Coucou Laïa.

Je passais la tête dans l'entrebâillement de la porte alors que la pose déjeuner venait de commencer.

-Comment vas-tu ?

-Ça va, et toi ?

J'haussais les épaules comme simple réponse et pénétrais plus sincèrement dans la salle. J'allais ensuite m'asseoir face à elle et lui demandais:

-C'est toi qui t'occupes d'en apprendre plus aux gens qui veulent se renseigner sur les espèces ?

Elle hocha la tête en souriant:

-Oui, c'est moi. Tu veux assister au cours ?

-J'aimerais bien.

-Très bien, c'est le mercredi, donc après demain de 13:30 à 14:30.

Je lui souriais simplement en réponse et elle me proposa que nous mangions ensemble, dans la cafétéria, avec les élèves. Elle m'expliqua que la cantine était seulement une grande salle dans laquelle étaient mises des tables de toutes tailles et qui restaient à disposition toutes la journée. Les élèves choisissaient eux même s'ils restaient et devaient emmener leur déjeuné. La salle n'était pas surveillée et constamment ouverte.

-On se met là ?

Elle indiqua une petite table près d'un mur à côté de la sortie. J'acquiescais et la suivais.

Nous fîmes apparaître quelques aliments: un sandwich et un pomme pour ma part alors que Laïa, légèrement plus gourmande, souhaita plusieurs gâteaux. Je riais quand elle prit une première bouchée et gémit presque de plaisir.

-Je te l'ai dis Jerry. Je suis une fan incontestée de tout ce qui est sucré !

-Tout de même. C'est un peu poussé là, non ?

-Absolument pas, ce gâteau est tout bonnement délicieux, je ne fais que lui rendre hommage. Elle jeta un regard à mon sandwich et grimaça. C'est sur qu'à côté, tu fais pâle figure.

Je lui tirais la langue alors qu'elle demandait:

-Il est à quoi ?

-Jambon, beurre.

Son nez se retroussa et elle plissa les yeux, la faisant plus ressembler à lapin qui se serait fait écraser par une voiture qu'autre chose avant de pointer mon repas du doigt, dégoutée:

-Comment tu fais pour manger ça ?!

-Et bien, c'est très simple ! Je t'explique. Phase une, tu ouvres la bouche, phase deux, tu mets le sandwich dans ta bouche, et attention, le plus compliqué ! Tu mâches !

-Très drôle ! Non, je te parle de manger de la viande, comment tu fais pour manger un animal mort ?

-On a besoin de viande pour vivre. Tu es végétarienne ?

-Oui, on en a besoin mais ce n'est pas une raison pour enfermer les animaux dans des cages, collés les uns contre les autres où ils ne voient jamais la lumière, et les tuer dans d'horribles conditions.

Je restais muette face à son explication. Comme tout le monde j'étais bien entendu au courant des conditions de certains abattoirs mais je n'avais jamais essayé de ne plus manger de viande. J'aimais bien trop ça pour tenir de toute façon, et dire au revoir aux pâtes à la bolognaise, à la charcuterie ou encore à un bon steak frite était inenvisageable pour moi.

-Tu vois, tu ne réponds rien parce que tu sais que j'ai raison.

-Je ne réponds rien parce que je ne sais pas quoi répondre. Qu'est-ce que tu voudrais que je te dise ? "Oui, je sais que les conditions sont horribles mais j'aime trop les cadavres d'animaux pour arrêter d'en manger" ?

Elle secoua la tête alors que je prenais (enfin) une première bouchée.

-Désolé, je sais que la plupart des personnes ne voient pas le problème mais je trouve que manger un être vivant est horrible. Bien sûr, si toi, ça ne te gêne pas, je ne peux rien faire.

-On est sur la même longueur d'ondes ! Je respecte tout à fait que tu n'en manges pas, et tes convictions, mais ce n'est pas pour autant que je vais te suivre dans la démarche.

-Je te comprends. Bon, parlons d'une chose plus réjouissante que le massacre de centaines de milliers animaux. Tu as une idée de sujet de conversation ?

Je réfléchissais quelques instants, puis secouais la tête en croquant à nouveaux dans mon sandwich. Avant d'arrêter et d'avaler ma gorgée.

-Je peux te demander un truc ?

Elle acquiesça d'un signe de tête.

-Comment... Tu n'es pas obligée de répondre bien sûr ! Mais... Comment est-ce que tu es morte ?

-Tu es prête à entendre l'histoire la plus palpitante de toute ta vie ? Rit-elle.

-Hum. Oui...?

-Lorsque j'étais enfant, vers mes douze ou treize ans, j'ai eu un accident de voiture alors qu'on était en sortie avec mes parents. J'ai perdu l'usage de mes jambes et mes deux parents dans la même journée. À la suite de ça, je n'arrivais plus à parler à personne sauf quelques mots, assez peu souvent à mon grand frère qui n'était pas dans la voiture au moment de l'accident, mais il est mort d'une maladie quelques années plus tard. Notre famille d'accueil du moment n'a jamais voulu m'en dire plus. Ils se disaient sans doute que j'aurai été plus traumatisée que je ne l'étais déjà. À ce moment-là, je ne voyais plus pourquoi je continuerais à vivre alors que j'étais dans l'incapacité de me débrouiller seule à la fois à cause de mes jambes et de mon incapacité à parler, et que j'étais seule. J'étais déjà morte intérieurement, de toute façon, alors ma décision n'a pas été dure à prendre. J'ai avalé tous les médocs que j'ai pu trouver. J'avais dix-sept ans.

La main sur la bouche et les larmes aux yeux, j'avais l'impression de découvrir cette femme beaucoup plus forte que je ne le pensais pour la première fois et je la regardais sous un œil nouveau.

-Ne réagis pas comme ça, Jerry. Tu sais, je m'y suis fait. Et une fois arrivée ici, tous mes problèmes ont disparus. Mes jambes ont semblé de nouveaux aptes à m'obéir, et mes problèmes de paroles ont disparus.

-Tout de même, soufflais-je. C'est horrible, comment fais-tu pour raconter ça avec une telle légèreté ?

-Tout à l'heure, nous parlions bien de la mort de milliers d'animaux, pourquoi une mort humaine te choque ? Et tu sais, ça fait... Vingt-cinq ans. Je suis habituée.

Oui, mais, ça ne faisait pas tout. Elle parlait de sa mort avec tant de légèreté que s'en était troublant. Comme si elle me racontait une histoire qui n'avait pas réellement eu lieu alors que c'était tout l'inverse.

-Et toi ?

-Hein ?

Elle eut un léger rire. Si mon air de débile la faisait rire, et bien soit ! Aucun problème.

-Comment es-tu morte ?

-J'ai... Durant ma vie, je n'ai jamais été heureuse, sans même en savoir la raison. Alors... Quand je me suis pris une balle lors d'un affrontement entre les poulets et un voleur, je n'ai rien fais pour me réveiller et grâce à une fille que j'ai rencontré à l'hôpital, j'ai pu mourir.

Elle se gratta le bout du nez, pensive.

-Tu n'as jamais été heureuse ? Comment ça ?

-J'ai. Il y aurait des moments où j'aurai pu l'être mais j'avais toujours l'impression qu'on me compressait la poitrine et je n'arrivais jamais à savoir pourquoi. J'avais un meilleur ami avec qui je rigolais souvent et que je connais depuis une date indéterminée et tellement lointaine que je ne m'en souviens pas mais à chaque fois cette sensation se faisait sentir tôt ou tard et elle m'empêchait de profiter de presque tous les moments.

Laïa hocha la tête et j'étais sûre que si elle avait eu des lunettes, elle les aurait remonté sur son nez avec l'air sérieux des adultes qui se préparent à vous annoncer quelque chose.

-Je pense qu'il y a une raison à ça. Bien sûr, je ne sais pas ce que c'est ! Mais tu devrais fouiller, parce que même si tu n'en as pas conscience maintenant, ca remontera à un moment où à un autre et ce ne sera peut être pas le bon moment pour que tu apprenne tout ce qui pourrait te tomber dessus.

-Tu en parles comme si un truc énorme allait me tomber dessus Laïa, rétorquais-je. Mais je ne vois pas ce que je pourrais apprendre, sérieusement. Je me souviens de ma vie entière, alors je n'ai en toute logique rien à faire "remonter" comme tu dis.

-Tu te souviens de tout ? Absolument tout ? Elle appuya sur le dernier mot comme pour me montrer qu'elle savait que je mentais.

Effectivement, je ne me souvenais de rien avant mes huit ans, mais je n'avais jamais fais attention à ça. Ce n'était qu'un détail sans importance, tous les enfants ne se souvenaient pas du début de leur enfance, et peu importe si ma période était plus longue que celle des autres.

Il n'y a rien de ce côté et rien à déterrer, pas la peine de se prendre l'esprit pour ça.

-Oui, je me souviens de tout.

Elle secoua la tête tout en finissant son deuxième gâteau, ne rajoutant pas un mot lors des minutes qui suivirent.

Je mangeais en silence tout en essayant de ne pas me remémorer notre conversation. Car elle m'avait beaucoup plus touché que je ne le pensais et que ce n'était nécessaire.

-Tu ne devrais pas y aller ? Il est déjà 13:15.

Je sortais de ma torpeur alors que le temps que j'avais passé dans ma tête était plus long que je ne le croyais.

-Si, je vais y aller.

_______

Hello tout le monde !

Comment allez vous ?

Alors ce chapitre qu'est-ce que vous en avez pensé ?

L'explication avec Galdaë ?

L'intervention de Galdaë et leur repas ? L'explication de Laïa, vous vous attendiez à un truc de ce genre sur sa vie ou pas ?

Je vous informe aussi que le rythme de publication risquera de n'être absolument plus stable dès maintenant car c'était le dernier chapitre que j'avais écrit à l'avance et je ne sais pas si j'arriverai à suivre le rythme (mais sachez que je ferai de mon mieux).

Je vous dis à bientôt !

Byzzz

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