Effrayante ?

La ruelle était sombre et sordide. Un petit groupe d'adolescents se tenaient là, affalés contre une vieille porte. Ils sentaient l'alcool et la cigarette. Ils renvoyaient quelque chose d'agressif et de patibulaire. Des vestes en cuir déchirées, des babioles inquiétantes, des coiffures colorées ; leur look représentait le cliché des personnes à éviter, sous peine de se retrouver privé d'objets divers et couvert de bleus.
  L'hiver arrivait à grands pas et sans que l'heure ne soit encore très avancée, la nuit tombait doucement. Une jeune femme s'avança à travers la ruelle. D'apparence fragile, elle marchait à pas hésitants. Elle gardait la tête baissée vers le sol, et ses cheveux blonds cachaient ce qu'on aurait pu voir de son visage. Ses poings fermés ne dépassaient qu'à peine de son pull trop grand. Lorsqu'elle arriva à son niveau, l'un des gaillards l'interpella :

- Et poupée, t'as pas du fric sur toi ?

Elle continua d'avancer sans lui adresser un seul regard. Elle ne s'arrêta que lorsqu'ils lui eurent bloqué la route. Elle était minuscule face à eux trois. Celui qui lui avait adressé la parole l'apostropha à nouveau :

- Alors, t'as pas de fric ?

Elle ne lui répondit qu'après un long moment d'attente, sans même lever le regard, d'une voix tremblante :

- Suis-je effrayante ?

Les trois voyous lui rire au nez tandis que celui qui semblait être le chef repris d'un air narquois :

- T'as plutôt l'air effrayée, oui ! Allez, sors ton porte-monnaie au lieu de jouer aux devinettes !

Sous le regard goguenard des adolescents, elle releva la tête et redressa son bras, faisant glisser sa manche. Les trois voleurs arrêtèrent immédiatement de rire et leurs yeux furent envahis de peur. Dans sa main, elle tenait un couteau imbibé de rouge. Elle souriait, et un liquide écarlate coulait d'un coin de sa bouche. Mais le plus apeurant, c'était son regard empli d'ivresse folle et d'envie de tuer. De sa voix chancelante d'excitation, elle dit avec un ton d'innocence et de pureté :

- Pourtant, l'homme de tout à l'heure avait l'air de me trouver effrayante...

Comme d'un commun accord, les adolescents s'enfuir à toute jambe. Elle les regarda s'éloigner, et lorsqu'ils eurent disparus de sa vue, poussa un long soupir. Son bluff avait marché. Le loyer était certe dérisoire, mais elle devait sans cesse redoubler d'ingéniosité pour arriver chez elle sans le moindre mal.

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