Jeudi 23 Juillet
Coco productions presents
LACRIMOSA
Le premier temps résonna, note légère que les archets posaient avec délicatesse dans le paysage sonore. Rapidement, le deuxième vint le couvrir, amenant au premier plan un rayon de violons en deux temps. La même ronde recommença, confinant le temps dans les valeurs quantifiées des trois temps d'une valse.
Les mesures de quatre en quatre, et toujours une lumière fine, comme un air de mélodie, qui survolait la terre qu'elle éclairait légèrement comme à travers des pochoirs.
Puis l'on déversa le liquide, grand, uniformément animé de vagues de sentiments, celui d'une voix multiple et impersonnelle qui dévoile dans la pénombre ambiante les protagonistes de la toile. A la fois clair et foncé, il venait d'un geste lent et profond emplir le tableau rythmé par la délicatesse répétitive du paysage.
La pulsation régulière qui dépeignait ce tableau imprégnait l'immense pièce, dont les colonnes de marbre étaient surmontées de moulures dorées. Lentement, les pieds commencèrent à toucher le sol au rythme des archets, et les lourdes robes colorées s'enroulèrent autour des deux corps qui y dansaient.
Rouge, vert, bleu, doré, ou même violet, on voyait désormais des dizaines de couleurs tourner au même rythme, cônes arqués généreux surmontés de silhouettes élancées.
La reine était assise sur un immense trône doré, et sa robe scintillait plus que toutes les autres. Elle s'étendait au-delà de ses pieds, voletant dans le vide comme le font les tissus en mouvement des statues de bronze. Ses cheveux lisses d'une rare longueur suivaient des chemins divers, en fonction de leur résidence sur le crâne royal : certaines mèches venaient étoffer des chignons, d'autres tombaient puis remontaient, lâches finalement maîtrisées. Certaines, enjolivées de bijoux, entortillaient des tresses jusqu'aux points stratégiques où elles redevenaient libres, et les dernières pendaient énergiquement dans le dos de la souveraine.
Elle regardait d'un œil satisfait sa cour se mouvoir sous la délicatesse de son orchestre. Son regard perçant affichait toujours une détermination sans faille, accompagné de son dos des plus droits et de son immobilité totale.
Les hommes et les femmes dansaient, heureux, au rythme des éléments du paysage sonore. Ordonnés, synchronisés, ils donnaient un spectacle éblouissant de beauté sans éclat de voix.
C'était cet éclat qui semblait manquer à la toile. Tout était trop immobile, trop mesuré, sans la moindre once de violence ou de mouvement spontané.
Le verre se déversa abondamment dans la pièce, sous forme de petits morceaux qui tombaient dans une longue cascade des fenêtres déchirées. On avait entendu un coup, comme celui d'un arbre mort qui tomberait au milieu du tableau, bouleversant l'ordre établi des choses. Une explosion de douleur qui semblait se lire sur les visages déchirés.
Les danseurs ouvraient la bouche, et leur visage se couvrait de dizaines de petites rides semblables aux portées qui amènent les pleurs. Ils couraient, soulevant de leur mieux leurs imposants habits. Certains s'effondraient au milieu des autres, comme bercés d'un amour qui n'appelle que la mort, les autres atteignaient dans leurs larmes le mur opposé, qui leur avait semblé plus sûr, d'abord.
La main sur le cœur, les yeux rougis, ils étiraient leur bouche au rythme de la valse, le visage submergé du liquide qui chante la douleur.
Les vagues devenaient pourpres, et pourtant elles avaient toujours la même consistance.
Bientôt, on traîna la plus belles des robes, maintenant imprégnée de sang, sur le carrelage délicat, et l'on perça au milieu le corps d'une reine.
On souleva une couronne. Les visages souriaient d'un côté, et se défiguraient en larmes de l'autre.
Un geste circulaire puis mes doigts se touchent, l'orchestre se tait sous mes ordres.
Bonne fête.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top