Jeudi 2 Juillet
[il faudra lancer la chanson quand je le demanderai]
— Ecoutez-moi tous ! On ne peut pas se laisser faire !
C'était la cheffe. Elle avait une voix forte, elle était déterminée, et tout le monde la suivrait jusqu'à la mort. C'était une anthrophane, sans attributs d'animaux, aux cheveux bruns sévèrement attachés qui répondait au nom de Léna. Elle était forte, c'était une des meilleures guerrières, c'est bien sûr pour cela qu'elle était à la tête de la rébellion.
— Vous pensez qu'on a perdu ? continua-t-elle, implacable. Vous pensez qu'on va tous mourir si on se bat ? Mais pensez-vous qu'on sera libres, si on ne le fait pas ? Nous devons nous battre, et nous avons encore toutes nos chances ! Certes, ils sont forts, mais nous sommes nombreux, nous sommes beaucoup, et nous avons ce qu'ils n'ont pas : la force de vivre !
Nous étions tous debout devant elle, à l'exception de quelques guerriers qui montaient la garde. Là-bas, dans la ville, les dirigeants nous avaient évincés. Ils vivaient avec la technologie, et refusaient beaucoup de différences.
Nous sommes beaucoup d'animanes dans la rébellion : les anthrophanes de la ville nous ont tous chassés et veulent maintenant reprendre les terres sauvages dont nous avions hérité. Mais il y a aussi des humains : ceux qui ont été rejetés à cause de trop grandes différences, mais aussi des défenseurs des droits humains, ou encore des défenseurs de l'environnement.
Tous ceux qui voulaient s'élever contre les anthrophanes de la ville.
Nous sommes beaucoup de guerriers ici. Tous ceux qui étaient en bonne santé ont appris à se battre, et tous les animanes qui vivaient dans la nature le savaient déjà.
Une silhouette se rapprochait de moi. C'était Lilia. On était devenues amies depuis que la guerre avait commencé. C'était une anthrophane magique, c'est-à-dire une anthrophane, mais dont certaines caractéristiques du corps seraient impossible sans l'aide de la magie. Le signe le plus distinctif de Lilia, c'est ses cheveux roses, coupés au carré. Les anthrophanes de la ville l'ont rejetée à cause de ça, idiot n'est-ce pas ?
— Plume... commença-t-elle. J'ai un peu peur à l'idée de combattre... On sera jamais assez forts pour les tuer !
— Ne t'inquiète pas, lui répondis-je. Léna nous guide, que veux-tu qu'il nous arrive !
Nous allâmes alors chercher des armes. Des arcs, des lances, des épées... Tout ce qu'on peut fabriquer qui pourrait nous aider.
Je pris alors une courte épée que je glissai au cas où dans ma ceinture, et une longue lance, comme ont coutume de prendre ceux qui volent. Lilia, elle, saisit un arc. Etant donné que la magie était imprégnée dans son corps, elle pouvait légèrement influencer les choses, par exemple en se concentrant sur sa flèche, elle pouvait influencer sa trajectoire pour la pousser à toucher sa cible.
Léna nous appelait à l'extérieur, puis nous dirigeait un à un vers notre unité de combat respective.
J'étais affectée à la brigade des airs, naturellement, et nous avancerions de concert avec celle où était affectée Lilia.
On commençait alors lentement à avancer. Sous les ordres de Dragon, je pris mon envol, au milieu de mes camarades ailés. Je dépliais mes longues ailes brunes, ma lance toujours à la main, et nous suivions notre cheffe de brigade à la lettre.
Pour l'instant, aucun danger ne se faisait voir, mais il était certain que les anthrophanes de la ville étaient déjà au courant de notre progression. Ils avaient des satellites postés partout, et on voyait, tel un monstre penché sur l'horizon, la lourde antenne de communication tournant sa parabole vers le ciel. Au sol, la brigade était commandée par Thravalgùr, un nain résistant et vif, qui brandissait une lourde hache. Ils avançaient lentement, marchant pour ne pas se fatiguer avant la bataille, pendant que vous surveillions du ciel si personne ne les attaquait sous un angle qu'ils ne pouvaient voir. La brigade était assez grande, et on peinait légèrement à distinguer chacun, mais je voyais toujours les cheveux roses de Lilia, au milieu de la mêlée.
D'autres brigades étaient parties sur le côté tandis que nous attaquions frontalement, et eux n'avaient pas forcément de brigade ailée pour les surveiller – nous n'étions pas énormément et avions choisi de nous rassembler. Enfin, c'était un choix de Léna, en accord avec Dragon.
Tous semblait se passer sans accroc. On était tous à cran, mais au moins, il n'y avait pas d'ennemis à l'horizon, et on se rapprochait de leur base.
[lancer la musique ici]
Soudain, une énorme détonation se fit entendre à notre droite. Tout un pan de la forêt explosa, et mon coeur manqua un battement. J'avais envie de m'arrêter pour aller voir ce qu'il se passait, mais Dragon nous rappela à l'ordre pour que l'on continue. On devait surveiller la brigade au sol, et leur prêter main forte lors de l'inévitable affrontement.
Des bruits de tirs retentirent : une des brigades étaient partie avec des explosifs et des personnes qui possédaient de la magie explosive. Ils commençaient à tirer sur l'antenne de communication qui emplissait l'horizon.
Des cris retentirent, c'était les anthrophanes de la ville qui venaient pour se battre. J'avais peur soudain, c'était le moment où il fallait tout donner, celui qu'on attendait mais dont on n'étais jamais sûr de s'échapper.
En quelques minutes, des salves de tirs atteignirent la brigade au sol. La plupart esquivèrent, mais un des soldats resta quand même au sol. Pas un ne se retourna pour le regarder ou le secourir : on n'avait pas le temps.
Les soldats au sol se mirent à courir, et nous accélérâmes également la cadence pour les suivre.
Des anthrophanes apparurent à ma vue. Ils avaient des armures et des armes à feu, certains avaient des lance-flamme, et d'autres des véhicules.
A notre gauche, une explosion retentit également, j'avais mal aux oreilles à force de les entendre. Cette fois-ci, je voyais des cadavres voler. C'était les gens que j'avais côtoyé, pendant l'organisation de toute cette rébellion.
Les soldats au sol commencèrent à tirer. Je voyais Lilia décocher ses flèches. Elles atteignaient leurs cibles, mais certaines se heurtaient à une armure trop épaisse et retombaient, inertes. Le Nain découpait des corps avec sa hache, imité par la plupart de ses guerriers, et une salve d'animanes de notre brigade descendit en piquée pour embrocher les ennemis dans leurs lances.
Certains revinrent, mais une partie resta au sol, criblée de balles.
Nous avions la volonté, mais eux avaient la technologie. Je commençais à douter de l'affirmation de Léna comme quoi nous pourrions vaincre.
Soudain, un énorme choc se fit entendre. L'antenne avait été touchée. Elle commençait à tomber, et venait ensevelir les bâtiments qui étaient tout proches d'elle. C'était une vision d'horreur, la terre se soulevait, et le bâtiment prenait feu. Devant ça, je voyais toujours le sang des alliés comme des ennemis.
Ce fut bientôt mon tour de descendre. Empoignant fermement ma lance, je descendais vers un ennemi précis, lui enfonçais l'arme dans l'abdomen, puis remontais, soulagée de n'avoir rien subi. Nos deux brigades devenaient plus frêles, bien trop vite à notre goût. On pouvait supposer que les deux brigades latérales avaient entièrement péri avec les explosions. Toutes les forêts semblaient désormais en feu. Les tirs ne faiblissaient pas. On était moins atteint, dans le ciel, mais certains venaient quand même à tomber, parfois.
Une nouvelle détonation se fit entendre. Cette fois-ci, c'était le bruit de quelque chose de très lourd qui venait de percuter le sol. D'immenses véhicules apparurent, avec des anthrophanes ennemis dedans.
Armés d'un canon, il se mirent à tirer ses énormes projectiles sans remords dans la brigade au sol. Je voyais des alliés mourir chaque seconde, mais ce fut un véritable choc lors que le Nain tomba. Il était pour beaucoup l'incarnation de la force et du courage, et il venait de tomber, désormais inarticulé comme un pauvre pantin.
Le nombre de combattants de la brigade au sol se réduisait à une vitesse alarmante. Dragon lança alors notre bridage vers le sol pour leur prêter main forte.
On piquait des ennemis avec nos lances, et on esquivait assez bien, avec nos ailes, mais en étant plus proches du sol, on était à la portée des tirs. Une balle me frôla. Je tournai la tête, et je vis Lilia, en sueur, qui me regardait avec soulagement.
De nouvelles explosions retentirent, cette fois-ci, c'était dans le camp adverse. La brigade explosive, après avoir rempli son rôle de faire sauter l'antenne, lançait maintenant ses projectiles vers nos ennemis, à l'arrière pour ne pas nous toucher.
D'autres véhicules apparurent bientôt, et on entendit des tirs, encore des tirs, si forts que j'en avais mal aux oreilles, et puis les explosions cessèrent. Je ne voulais pas penser à ce qui avait pu se passer. Je devais me battre, au péril de ma vie s'il le fallait.
On entendit de faibles bruits derrière, c'était la dernière brigade qui venait. Elle avait pris du retard car elle avait besoin de préparation, c'était celle dirigée par Léna. Des dizaines d'animaux magiques galopaient vers nous, chevauchés par notre cheffe et sa brigade. Ils n'étaient pas très nombreux, mais ils étaient forts, et ils étaient les bienvenus.
Léna, sur un loup immense au corps argenté, sauta par dessus la brigade au sol, et atteignit directement les soldats qui nous faisaient face, son loup déchiqueta des têtes, et elle fendait les ennemis avec son épée. Sa grâce effaçait toute la peur, et nous reprîmes le combat de plus belle. Les autres cavaliers faisaient de même, et nous leur prêtions main forte. On avait l'impression de renaître. Tout allait mieux. On pouvait faire abstraction du feu, du bruit, de la peur, de la mort.
Mais c'était sans compter la technologie : les énormes véhicules dirigés par les anthrophanes se concentrèrent sur les cavaliers. Ils commencèrent à tomber, leurs animaux étaient blessés et ils reprenaient le combat à la main.
Leur canon se tut un instant : il visait.
Le sang gicla, je ne pus me retenir de crier. Léna était touchée et tombait désormais au sol. Elle était notre espoir, sans elle, que faire ! Un à un, je voyais mes amis tomber. Cavaliers, au sol ou dans les airs, tous mourraient un à un, et j'en venais à me demander quand serait mon tour.
Et puis la douleur.
Une balle dans mon abdomen, comme les autres. Je tombais, sous le regard horrifiée de Lilia, blessée mais toujours en vie. Son instant d'inattention lui coûta la vie, elle tomba, blessée au cou. Je n'avais plus assez de force pour crier.
C'était fini.
On avait perdu.
Ma dernière vision aura été le feu, le sang, et les tirs.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top