Le chat


Le principe de cette nouvelle était de décrire de manière originale un personnage (connaître son apparence, son métier, son anniversaire...). J'ai donc choisi les yeux de nos amis félins ;)

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Je guette impassible les allées et venues de la rue, à la recherche de celle que j'attends. Aujourd'hui, elle rentre tard. Mais il est bientôt l'heure, je le sens. Soudain, une silhouette apparaît dans mon champ de vision. Avançant à toute allure, je la reconnais, et je sais qu'elle se précipite pour me voir. Elle passe devant moi et me reconnait, elle étire ses lèvres en un sourire doux et habituel, mais je reste de marbre. Ne me laisse-t-elle pas seule toute la journée ? Je me dois de la faire languir un peu, me faire désirer.

Je descends lentement de mon promontoire et avance vers l'entrée en même temps qu'elle dans le couloir. J'entends clairement le son crissent à mes douces oreilles de la clef qui ripe sur l'orifice. C'est une rengaine à laquelle je ne m'habitue pas. Lorsque la poignée s'abaisse enfin, mon estomac se contracte. La faim me tenaille, je ne peux plus l'ignorer, il est temps pour moi d'entrer en action.

D'un pas vif, je me coule vers ses jambes, je me frotte contre ses mollets, j'essaye de ne pas prêter attention au contact râpeux du tissu bleu qu'elle porte. Je m'éloigne alors lorsque mille odeurs inconnues montent à mes narines. Je reconnais vaguement celle de l'Autre. L'Autre ne m'aime pas, et cela tombe bien, moi non plus je ne l'aime pas.

Sans plus attendre, je la quitte pour aller réclamer mon dû. Il est temps ! Plaintivement et avec empressement, je lui fais entendre ma requête. Sa voix berce mes oreilles mélodieusement, elle se dépêche pour moi, bien. Elle laisse tomber son sac chargé de cours, et viens me rejoindre. Je plante mon regard sur elle, elle fourrage dans le placard en hauteur, là où elle cache mes victuailles. Elle me donne enfin satisfaction et s'affale sur une chaise derrière moi, fatiguée.

Toujours à l'affut même en me délectant, je perçois clairement le son sec et vif des touches de son ordinateur, là où il fait si bon de se réchauffer. Il est rare qu'elle s'acharne sur son objet aussi vite. Mauvaise journée ?

Pour moi oui en tout cas ! Elle m'ignore là ! Je me dois de lui rappeler ma présence. Je bondis ni une ni deux sur la table et me colle au mur, près du tableau magnétique. Je gronde légèrement en voyant la carte de l'Autre, offerte il y a quelques semaines pour son 20e anniversaire. Pourquoi la garde-t-elle alors qu'elle ne conserve jamais aucun de mes présents ? Alors, sans remords je me dresse de tout mon long, et je donne un coup vif à la carte qui volète un instant avant de tomber sur le sol.

Je me retourne et la fixe fièrement. Elle me regarde les lèvres pincées un instant, puis esquisse un vague sourire avant de s'esclaffer. Naturellement je reste de marbre. Lorsqu'elle se lève, je me précipite vers son ordinateur et m'installe avec empressement dessus. Elle s'écrie alors et me dégage.

Ne suis-je pas plus importante qu'un devoir ? Décidée à ne pas me laisser faire, je m'avance vers elle de ma démarche élastique et me frotte à son visage. Elle toussote, grommelle et me pousse un peu, avant d'enlever mes quelques poils dans l'air. Je dois dire que mon soyeux pelage, éclatant, dénote assez dans la noirceur du sien. Mais ainsi, tout le monde sait qu'elle est avec moi, et elle porte ma trace souvent du matin jusqu'au soir, emmenant un peu de mon auguste personne dans les amphithéâtres.

Je me place astucieusement sur la table à côté d'elle, son visage est tendu, concentré. Soudainement je tombe sur moi-même et me retourne afin de laisser paraître mon ventre. Elle glisse un regard en ma direction. Elle hésite, je le sais. Je me tortille un peu. Son regard noir et fatigué passe de son écran à moi. Je me tortille à nouveau. Elle pousse un soupir et tente de rester à sa tâche. Alors je laisse sortir de ma gorge un léger bruit. Elle se retourne à nouveau vers moi et plonge ses longues mains vers mon pelage.

Car elle sait qu'il n'y a qu'à elle que j'offre mes félines grâces.

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