Défi mots #2

Mots imposés: 

-Eclipsée

-Funambule

-Cristalliser

-Thébaïde

-Mohère



-Tu veux aller faire un tour? demanda Thomas en se levant des marches, j'en ai marre d'être assis.

-Go!

Je le rejoignis au pied des escaliers et en profitai pour agiter mes pieds qui commençaient à s'engourdir.

-Bon alors, on va par où?

-Gauche? A droite c'est que des salles de cours, on y a été l'autre fois.

-Va pour la gauche alors. Si on tombe sur un tueur en série je dirai que c'est ta faute.

-On est à la fac, soupirai-je en remettant mon mohère bleu nuit en place.

-Raison de plus.

Je ne renchérissai pas et accélérai même le pas. Nous arrivions dans une partie de la fac un peu plus sombre. Ce part et d'autre du long couloir se trouvaient des bureaux, du moins c'est ce que semblaient indiquer les petites étiquettes scotchées à chaque porte. Les néons éclairaient faiblement. Et au moins un sur deux était hors service. Les finances de l'université n'allaient pas au mieux, c'était un secret de polichinelle, même pour les nouveaux arrivants comme Thomas et Suzanne.

Au bout de l'interminable ligne droite, nous tombâmes sur un escalier.

-En haut?

-Ouais. Tu penses qu'on est à combien de devenir des Vasco de Gama?

-Pfiou, aucune idée, répondis-je, on a encore pas mal à visiter.

Je souris en repensant à Luis qui nous avait surnommé les explorateurs en voyant que l'on s'amusait à découvrir les bâtiments pendant les temps de pause. Nous avions poussé le vice jusqu'à se fixer un objectif: visiter chaque recoin de la fac. Ce jour-là, nous nous attriburons le titre ultime de Vasco de Gama. En espérant ne pas se voir décerner celui de Lapérouse.

En haut des marches s'étalaient de nouvelles salles de cours. Une étrange odeur régnait dans l'air. C'était très entêtant, quelque chose entre le vinaigre et la rouille. Je jetai un regard à Thomas qui faisait semblant de s'étouffer avant de m'approcher de l'une des portes.

-Labo de chimie?

-Je sais pas mais ça pue. Je peux plus respirer là, je redescends.

-Oh mais ça va, t'es sûr de pas vouloir venir voir?

-C'est mort, je suis pas suicidaire moi.

-Je te crois, c'est pas toi qui trouve amusant d'être funambule je te rappelle.

Thomas sourit en se souvenant de la vidéo qu'ils avaient regardé la veille. C'est vrai que se retrouver au dessus du vide entre deux montagnes le tentait pas mal.

-Non mais là je peux vraiment pas.

-Tu renonces à ton titre de Vasco de Gama alors?

-Pas moyen, sourit-il, je reviendrai quand il y aura une autre odeur dans ce putain de couloir.

-Très bien, très bien, je vais prendre un peu d'avance alors. A toute à l'heure.

-Tu m'abandonnes?

-Oui.

-Alors t'as intérêt à aller voir au moins ce qu'il se cache derrière cette porte, ça a l'air de venir de là.

-Non, t'es fou, répondis-je en jetant un coup d'oeil à la porte qu'il me désignait.

-Vasco de Gama ou pas?

-Va te faire foutre.

Je regardai Thomas disparaître dans les escaliers puis me mit à arpenter le couloir. L'odeur ne me piquait plus vraiment la gorge maintenant que je m'y étais habituée. Je fis quelques pas dans le couloir avant de revenir devant la porte que m'avait désignée Thomas. Si je n'y allais pas, il le saurait. Je n'avais pas vraiment le choix. Je poussai la porte, le coeur battant.

L'odeur acre était encore plus saisissante à l'intérieur de la pièce. C'était tout ce que je pouvais percevoir pour le moment. Mes yeux mirent un peu de temps à s'habituer à l'obscurité. La salle était un bazar aux fenêtres éclipsées par de longs draps. Quelques raies de lumières réussissaient à se frayer un chemin pour venir éclairer des objets tous plus divers. Il y avait de la vieille verrerie: erlenmeyers, béchers, des éprouvettes de toutes tailles et un récipient large dans lequel des cristaux colorés étaient en train de cristalliser.

Je me croyais dans une boutique d'antiquité qui aurait été ravagée. Des globes volumineux étaient entreposés dans un coin et de vieux meubles en bois massif se perdaient sous l'amoncellement de bibelots.

Un bruit dans le fond de la pièce me fit bondir en arrière. Le plus discrètement possible, je tentai de rejoindre la porte.

-Tu peux rester.

Je me retournai pour découvrir une femme voûtée et souriante. Son corps semblait refléter le poids des années mais son regard vif pouvait tromper et lui donner l'air plus jeune.

-Euh désolée, je me suis trompée de salle, j'ai cours de chimie, ça doit être à côté.

-Il n'y a que les masters qui sont dans les labos cet après midi. Tu n'as pas l'air d'être à ce point âgée, dit la vieille femme d'un ton calme.

Je me mordai la lèvre inférieure et détournai le regard. La pièce ne manquait pas d'objets à observer. Mes yeux choisirent de se poser sur une maquette de bateau poussiéreuse.

-Le Sao Gabriel, murmurra-t-elle en s'approchant, c'est le bateau qui a fait le tour du monde celui-là. Avec Vasco de Gama.

Je plantai finalement mon regard dans le sien. Elle souriait. Elle avait l'air triste? En tout cas émue.

-Tout va bien?

-Tout va bien. Profite bien de ta vie, jeune fille, explore toujours. Même ce qui est proche de toi. Allez va maintenant, il est 16h, ton cours de maths débute.

Je restai la regarder interdite.

Elle me fit signe de filer avant de remonter son mohère bleu nuit sur le bout de son menton.

Je réussi à rejoindre Thomas pile à l'heure. Il était déjà assis à nos places habituelles, dans le fond de l'amphi. Mon ami tenait le plan de la fac que l'on avait déniché au secrétariat. Il me le tendit avec un regard d'interrogation. Son visage était plus sérieux que d'haitude. Il ne comprenait pas quelque chose.

Je déchiffrai les mots écrits à l'emplacement de la pièce dont je revenais: "bureau de Suzane Magellan".

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