4. Pluie nocturne

Assise au bord du lac, Alice regardait la lune. Jaune, ronde et belle, elle illuminait la campagne de ses rayons protecteurs, embrassant la vie qui tournait sous son regard bienveillant. Sa splendeur était telle que même les étoiles avaient perdu leur éclat. Le regard d'Alice descendit lentement vers le lac, là où la lune se reflétait parmi les nénuphars et leurs fleurs roses. L'eau était d'un beau ton de vert bleuté, claire et cristalline. Le calme de l'eau était troublé par des fines goutes de pluies tombant régulièrement, telles des minuscules larmes de diamants.

L'herbe sous la peau d'Alice était douce et humide, comme si la rosée était venue la toucher en plein milieu de la nuit. La jeune fille s'allongea, laissant l'humidité pénétrer le fin tissu de ses vêtements. Elle plaça un bras sous sa tête, occupant l'autre main en caressant les fragiles pâquerettes qui recouvraient le sol, semblables à un tapis de neige. Un sourire naquit sur son visage, et un rire enfantin jaillit de sa gorge. Le bruissement des feuilles du saule-pleureur qui se penchait sur la rive du lac et le chant des cigales ne faisaient qu'accroître son bonheur. L'adolescente ferma les yeux, laissa son corps s'emplir de toutes les belles choses de la nature. Elle se concentra sur le léger martèlement que les gouttes de pluie faisaient sur sa peau lisse. Elle toucha l'herbe du bout des doigts, plongea ses orteils dans l'eau froide. Leva la tête et inspira à plein poumons l'air frais de la nuit, sentit la caresse de la brise dans ses cheveux.

Emplie d'une énergie nouvelle, Alice se leva d'un bond et retira son chemisier. Suivirent son short et ses sous-vêtements, et sans vraiment comprendre comment et pourquoi, elle se retrouva à nager dans le lac. Son rire résonna loin dans le silence de la nuit, et son bonheur se propagea dans le ciel noir. Elle plongea, slaloma entre les tiges de nénuphars, sourit, cria de bonheur, l'eau lui rentra dans la bouche, et elle remonta à la surface en riant. Quand ses lèvres furent bleues et que son corps tout entier trembla, elle se décida enfin à sortir de l'eau. Pour se réchauffer, Alice se mit à courir dans les hautes herbes, ses doigts effleurant le haut des tiges et un immense sourire sur le visage. Elle laissa échapper un long cri de bonheur avant de s'écrouler par terre, trempée, épuisée, grelottante de froid, mais heureuse. La pluie cessa peu à peu, et Alice parvint à se réchauffer. Elle se sentait tellement bien qu'elle s'endormit à même le sol, parmi les fleurs et les insectes qu'elle aimait tant.

Aux premières lueurs du jour, quand la longue lutte entre le soleil et la lune commença, la silhouette de la jeune fille avait disparu, ne laissant aucune trace de son escapade nocturne, mis à part une petite boucle d'oreille au milieu du lac.