Allongé dans l'herbe

Allongé dans l'herbe, les bras croisés sous sa tête, ses pieds nus caressant le sol, le petit garçon réfléchissait.

Il réfléchissait au soleil.

Il réfléchissait à la vie.

Il réfléchissait à l'amour.

Il réfléchissait à pourquoi Nuageux était parti.

Nuageux était son chat.

Il avait aimé Nuageux de tout son cœur. Nuageux l'avait aimé de tout son cœur. Ils étaient inséparables.

Ils jouaient ensemble dès qu'il avait fini de faire ses devoirs ou de ranger sa chambre.

Nuageux s'asseyait sur ses genoux pendant qu'il dessinait sur la table du salon, la langue tirée, la tête penchée.

Il dessinait Nuageux sous un soleil, il se dessinait à côté de Nuageux.

Nuageux laissait ses poils partout. Dans la chambre, la salle de bain, la cuisine, le salon... Partout ! Et c'était le petit garçon qui devait nettoyer. Enfin, il était censé nettoyer, mais avant qu'il ait fini, il repartait jouer avec Nuageux. C'était son père qui devait finir.

Il est gentil son père.

Il s'occupe tout le temps de lui depuis que Maman est partie.
Maman elle est partie, aussi, mais pas de la même manière que Nuageux. Elle, elle est partie parce qu'elle n'aimait pas Papa. Il n'a  j'aimais compris pourquoi elle n'aimait pas Papa. Il est gentil Papa.

Donc Maman elle est partie et maintenant elle est mariée avec un méchant monsieur. En plus le monsieur il avait déjà des enfants. Et maintenant, Maman, elle aime plus les enfants du méchant monsieur que le petit garçon.

Ça le rend triste, mais il ne sait pas si il doit être fâché avec elle. Ou alors avec le méchant monsieur, parce qu'il a fait Maman l'oublier. Ou alors avec les enfants du méchant monsieur, parce qu'ils lui ont volé sa Maman. Alors il est fâché avec tout le monde. Sauf avec Papa. Parce qu'il est gentil Papa. 

Il ne sait pas non plus si il est aussi triste parce que Maman est partie ou parce que Nuageux est parti.

Maman elle n'était pas très gentille, elle lui criait beaucoup dessus. Elle fumait et buvait aussi beaucoup, et ça, c'est pas bien. Mais parfois elle venait lui demander pardon d'être une aussi mauvaise mère, elle lui disait qu'elle l'aimait. Et elle pleurait aussi. Et lui il ne savait pas quoi répondre. Alors il ne disait rien.

Nuageux, lui, était son meilleur ami, son complice, son confident, son compagnon.

Quand il était triste, Nuageux était toujours là.

Quand il était heureux, Nuageux était toujours là.

Quand il était en colère, Nuageux était toujours là.

Bref, il était là tout le temps.

Sauf maintenant. Et maintenant, il en avait vraiment besoin. Il en avait plus besoin que les autres fois.

Parce que Nuageux était parti.

Ils jouaient ensemble. Nuageux était un chat très joueur, il rapportait la balle, même si c'était un comportement de chien. C'était un chien-chat.

Il avait donc lancé la balle, qui était passée au dessus du muret du jardin et avait atterri sur la rue. Nuageux voulut aller chercher la balle et le garçon le laissa faire. Il ne craignait pas qu'il se fasse écraser car c'était une route de campagne et très peu de voitures y passaient.

Nuageux courait.

La voiture roulait.

Le garçon la vit.

Nuageux prenait la balle dans sa gueule.

La voiture accélérait.

Le garçon voulu crier mais aucun son ne sortait de sa bouche.

Nuageux sentit la voiture.

La voiture freina.

Mais c'était trop tard. La voiture avait percuté Nuageux.

Et le cœur du petit garçon s'était brisé en même temps que les os de Nuageux.

Maintenant, Nuageux était au fond du jardin, sous la terre, entouré de ses jouets et d'un dessin de lui, du garçon et du soleil.

Une larme coula sur la peau lisse du petit garçon. Nuageux. Son Nuageux. Déjà deux jours sans lui. Déjà deux jour sans son ami. Déjà deux jours de supplice.

Deux ans plus tard...

Le garçon n'avait jamais oublié Nuageux. Il n'avait jamais oublié son ami. Il avait eu un autre chat, mais Nuageux était à jamais son chat.


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