Ethnologie, entrainement chez les 11/15ans, athlétisme.

Echauffement

L'échauffement se déroule presque toujours sur la piste d'athlétisme, il dure une trentaine de minutes.

Les athlètes commencent par un footing d'une dizaine de minutes. Le coach, chronomètre en main les observent, la consigne est claire : courir en groupe. Au coup de sifflet, les athlètes comprennent que le footing est fini, mais il n'est pas rare que le sifflet de l'arbitre de foot amène la confusion.

L'athlétisme est étrange. C'est le plus collectif des sports individuels. On transpire ensemble avant d'aller courir l'un contre l'autre en compétition. Et lorsque le groupe se rompt, pendant le footing, lorsque deux ou trois athlètes se retrouvent 30 mètres derrière ou bien comme cela arrive souvent chez les jeunes, un petit groupe, un sous-groupe entreprend d'augmenter le rythme pour se retrouver 40 mètres devant tout le monde, le coach les fait tous arrêter, redonne les consignes puis les regroupe et les refait courir. Certaines fois cette opération est rééditée à plusieurs reprises.

Un des objets avec le décamètre omniprésent est le chronomètre. L'athlétisme est un sport qui laisse peu de place à l'arbitraire, contrairement aux sports où l'homme est juge, comme la gymnastique qui permet un débat sur la mesure de la performance. Ici, pour la dizaine d'épreuves que compte l'athlétisme, il n'y a que deux juges : le multimètre qui mesure la distance et le chronomètre. Ces derniers laissent peu de places aux débats et aux doutes. Le coach munit de ces deux objets mesure le temps et l'espace, il quadrille et agence la piste suivant une logique pas toujours perceptible par les amateurs. Sur la piste, on trouve toutes sortes d'objets, de plots, de lattes avec des codes couleurs différents, de tailles différentes, placés dans une logique du mouvement des corps. Le coach montre du doigt le point de départ et les athlètes se placent les uns derrière les autres dans 4 couloirs différents ; ils commencent à avancer quatre par quatre en montant les genoux, la tête droite, le regard au loin et la jambe au sol tendu. Chaque détail compte, si bien que le coach rappelle à l'ordre celles et ceux qui ont le malheur d'avoir un bras trop avancé par rapport à la jambe, les épaules trop remontées, le buste trop en arrière et les genoux pas assez hauts.

La posture est d'une importance capitale, il suffit d'observer l'entraineur observer, qui, remarquant une mauvaise posture, le signal à l'athlète qui doit se corriger immédiatement. Entre deux exercices, l'un d'eux fait un croche patte à son camarade qui va tout de suite se plaindre à l'encadrant. Ce qui ne manque pas faire rire tous les autres athlètes. Ils avancent maintenant en jambes tendues, seule la pointe des pieds touche le sol ; lorsque les quatre premiers arrivent au bout de vingt mètres, ils s'arrêtent et font un demi-tour en passant sur les cotés pour laisser la place aux suivants. Les mêmes gestes sont répétés, les mêmes erreurs sont scrutées et les mêmes corrections sont faites. Tous se passent vers l'avant, chaque pas, chaque foulée, chaque geste n'est réalisé qu'avec le souci d'aller droit devant. Si bien qu'il soit possible de parcourir le tour de la piste qui fait 400m, en courant toujours tout droit. Chaque appui sur le sol, chaque force exercée et chaque mouvement n'a qu'une seule intention, une intention qui sous-tend toutes les disciplines de ce sport : se projeter vers l'avant. C'est surement la première chose qui frappe lorsque l'on observe un entrainement. Les athlètes avancent, puis reviennent pour repartir et repartent encore. On a l'impression de voir des lignes droites se tracer sur la piste. Celui qui comprend cela est à demi heureux, il doit encore parvenir à le réaliser physiquement.

L'échauffement est une partie importante de l'entrainement, de la séance. Il prépare le muscle, les articulations et les os à l'effort. La séance peut se décomposer en trois parties : l'échauffement, le travail spécifique d'une discipline et le retour au calme. Et pour l'échauffement, globalement, il a le footing puis les étirements dynamiques et les gammes. Il n'est pas toujours simple de savoir à quel moment exactement celui-ci s'arrête, mais, je peux dire sans trop de risques qu'observer le coach aide grandement. Bien qu'il soit très clair dans ses consignes, à aucun moment il ne dit pas « l'échauffement est maintenant finie ». Il faut plutôt se concentrer sur les moments de pauses, ils surviennent à un certain nombre de fois pendant l'entrainement ; il s'agit de la deuxième pause, celle qui arrive après les gammes.

Le coach les indique qu'ils ont 5 minutes pour respirer et boire de l'eau, il y a toujours un malin pour dire : « après les 5 minutes on devra être en apnée ? ».

Le groupe se rue vers la fontaine qui se trouve hors du stade dans un brouhaha, tandis que certains ont leurs bouteilles d'eau. On peut voir, à tous les coups l'un d'entre eux s'amuser à cracher de l'eau sur son camarade. Des petits groupes de causeries se créent par affinité. Ils crient et rigolent. Ils discutent de tous et de rien. Mais à bien tendre l'oreille, on constate que s'ils parlent bien de sujet divers, il y a là un sujet dont ils ne parlent jamais pendant les pauses : l'athlétisme.

Un jeune athlète entreprend d'escalader une barrière et manque de se faire mal, puis, toujours le même, il sort un paquet de bonbons qu'il commence à distribuer. C'est à ce moment que le coach le rappelle à l'ordre, ce n'est pas la première fois. On a l'impression que chacune de leur action vise à chercher les limites, comme s'ils avaient à chaque fois une requête et attendraient l'approbation ou non de l'entraineur. Le rappel à l'ordre serait alors un désaccord, une interdiction, et le silence une approbation, ou une indifférence.

Finalement pendant ces moments de pauses une seule chose est remarquable, une vérité que l'on peut très facilement oublier lorsqu'on les regarde s'entrainer. Une vérité qui revient à la face comme un boomerang qu'on oublierait de rattraper et qui assomme : Ce sont des adolescents de 12 ans, des collégiens et finalement des enfants.