Chapitre 9

« Je suis sûr qu'elle n'est pas si froide que ça !

— Je suis prête à parier que tu vas la trouver gelée.

— Et je gagne quoi si j'ai raison ?

— Hmm... Je ne sais pas, des idées ?

— On trouvera bien ! »

À peine plonge-t-il ses pieds dans l'eau qu'une grimace se dessine déjà sur son visage.

« Bim, j'ai gagné ! fanfaronne Alice.

— Mais non, elle n'est pas si froide que ça, tente-t-il de se défendre.

— Ah oui ? »

Sans crier gare, elle s'approche de lui et pousse le jeune homme qui tombe dans l'eau dans un « plouf » retentissant. Elle ne peut s'empêcher de s'esclaffer en le voyant se relever, ruisselant et désorienté.

Trop absorbée à savourer sa plaisanterie, elle n'a pas le temps d'esquiver le revanchard qui vient se jeter sur elle, l'entraînant avec lui dans sa chute.

« Et toi, tu en penses quoi ? Elle est bonne ? »

Trempée et surprise, elle éclabousse son assaillant en guise de réponse. Ce dernier réplique immédiatement, déclenchant ainsi une farouche bataille d'eau. En voulant esquiver les projections, Alice trébuche sur un caillou et se retrouve à nouveau sous l'eau. Deux bras salvateurs viennent aussitôt la repêcher.

« Ça va ? »

Valentin est troublé face à son air un peu sonné. Elle change soudainement d'expression et le pousse à son tour dans l'eau, mais ce dernier s'accroche à elle pour qu'elle bascule avec lui. Quand il se relève, il ne l'a toujours pas lâchée. Elle redresse sur sa tête ses lunettes parsemées de gouttelettes qui l'empêchent de voir son interlocuteur.

« C'est pas juste, c'est moi qui ai gagné le pari !

— Tu as raison, capitule-t-il. Qu'est-ce que tu veux ?

— Ce que je veux ? » fait-elle mine de réfléchir.

Toujours dans les bras de Valentin, elle réduit la distance qui se situe entre leurs lèvres pour un bref baiser.

« C'est ça. »

Surpris, Valentin a un mouvement de recul, interprété immédiatement par Alice comme un rejet.

« Désolée, je pensais que toi aussi... tu voulais... Je n'aurais pas dû. Je ne sais pas ce qui m'a pris, culpabilise-t-elle en regagnant honteusement la plage.

— Non, attends. Je le veux aussi. Mais...

— Mais ?

— Tu sais qu'après ce soir, il y a de grands risques qu'on ne se revoie plus. Je ne veux pas que tu... t'attaches trop.

— Pourquoi c'est moi qui devrais m'attacher ?

— Je ne sais pas, je dis ça comme ça. Je ne veux pas que tu sois déçue comme...

— Comme qui ?

— Non, laisse tomber.

— Comme les autres filles, c'est ça ? C'est ce que je représente pour toi, une fille d'étape que tu oublieras dès la prochaine ville ?

— Arrête, je ne suis pas comme ça !

— Ah oui ? Permets-moi d'en douter.

— Tu sais quoi ? Très bien, garde cette image de moi si ça te fait plaisir ! »

Énervé et vexé, Valentin sort de l'eau et la dépasse pour aller se rhabiller. Alice se rend compte que dans son emportement sa remarque l'a touchée. Elle s'empresse de le rattraper.

« Écoute, je suis désolée. Je n'aurais pas dû dire ça sous prétexte que tu as un peu atteint mon ego. Je ne pensais pas que ça pouvait te blesser... Tu as raison, je ne te connais pas. Je n'ai pas le droit de présumer ce que je ne sais pas.

— Je n'aurais pas dû réagir comme ça non plus. C'est juste que... Non, oublie, c'est idiot.

— Si, dis-moi. Je veux comprendre.

— C'est juste que, je ne sais pas pourquoi, j'ai confiance en toi. Et même si on se connaît depuis très peu de temps, je te trouve différente... Pas différente d'autres filles, continue-t-il en voyant l'expression dubitative d'Alice, différente d'autres gens. Peut-être que c'est parce que tu ne savais pas que j'étais célèbre quand on s'est rencontrés, je ne sais pas, mais tout a l'air beaucoup plus vrai avec toi, plus sincère... Et je n'en ai pas l'habitude, alors je suis maladroit et j'en suis désolé. »

La jeune femme est étonnée par la franchise de Valentin. Elle ne sait pas quoi répondre et reste plantée devant lui à le regarder, attendant que les mots lui viennent.

« Alors oui, reprend-il, j'ai envie de t'embrasser. Mais pas seulement. J'ai aussi envie d'apprendre à mieux te connaître, de passer des soirées comme celle-ci, à jouer de la guitare, boire de la bière et déclencher une bataille d'eau... Mais je sais aussi que tout ça est impossible. Tout est plus compliqué avec moi.

— Pourquoi ? demande enfin Alice. Pourquoi ce n'est pas possible ? »

En réalité, elle a bien compris quelles raisons le poussent à dire ça. Ils ne sont pas du même monde. Il est un nomade qui va de ville en ville et de scène en scène, il a des fans et des journalistes à satisfaire. Elle n'est que cette fille banale qui étudie l'informatique et qui serait vite perdue si elle se retrouvait propulsée dans un monde si différent du sien.

« Parce que...

— Tu sais quoi, interrompt-elle son hésitation, ce soir ça n'a pas d'importance. On est là, avec nos bières, ta guitare et le lac, et on va en profiter. Ce soir, on est juste deux couche-tard parmi tant d'autres.

— Tu as raison, on n'a qu'à oublier le reste et profiter de cette soirée. Comme des... amis ?

— Oui, des amis, approuve-t-elle en le prenant dans ses bras pour une accolade spontanée.

— Mais tu es trempée ! Tu dois avoir froid. J'ai des habits de rechange dans la voiture, je vais te passer de quoi te changer. »

Alice prend alors conscience que le temps s'est rafraîchi et que refuser cette offre, c'est risquer de tomber malade.

Ils ramassent leurs affaires et retournent à la voiture. Valentin récupère un sweat dans le coffre et le tend à Alice. Elle enlève son t-shirt trempé pour l'enfiler, gardant cependant son short humide. Elle ne peut s'empêcher d'inspirer le parfum boisé qui imprègne le vêtement.

« C'est bon, tu peux te retourner.

— Ça ne te va pas si mal !

— Merci, j'aime bien le style. Une casquette, un sweat... Tu veux refaire ma garde-robe, c'est ça ? »

Un rire détendu s'échappe de sa gorge avant qu'il ne se frotte la nuque.

« C'est le moment où je te ramène chez toi ? s'enquiert-il, un brin de déception dans la voix.

— Tu es attendu quelque part ce soir ?

— Non, je dois seulement être rentré demain matin pour le départ.

— Ça te dit de continuer la soirée chez moi, alors ? Ma colocataire dort chez son copain. Si tu n'es pas trop fatigué, bien sûr.

— Avec plaisir ! »

Les deux nouveaux amis se mettent alors en route pour l'appartement d'Alice, qu'elle espère un minimum rangé.

⭐​⭐​⭐​

« Bienvenue dans mon antre. » annonce Alice en refermant la porte derrière eux.

Valentin parcourt la pièce principale du regard, s'attardant sur les photos des deux colocataires et de leurs amis affichées dans l'entrée.

« Ce sont mes amis. Là tu as Marion, ma colocataire. On se connaît depuis le lycée. À côté d'elle, c'est Antoine, son petit ami et mon pote de fac. La rousse ici, c'est Olivia. Elle est dans les bras de Karim qui est aussi un ami du lycée.

— C'est une jolie bande, commente-t-il pensivement.

— Et toi, tu as des amis en dehors des autres stars ?

— Tu sais, on ne se fréquente pas forcément entre nous en dehors des événements officiels. Je m'entends très bien avec les membres de mon équipe de tournée et avec mon agent. Mais je n'ai plus vraiment d'amis de mon âge. Avec mon emploi du temps et le risque de se faire reconnaître à chaque sortie, c'est difficile d'entretenir des relations amicales.

— Je comprends... Monsieur, je suis très honorée d'être votre amie, déclare-t-elle avec une révérence exagérée qui provoque le rire de Valentin.

— Tout le plaisir est pour moi. Je suis enchanté de vous offrir mon amitié. »

Alice sourit. Il a raison, c'est bien mieux comme ça. Il a certes fait battre son cœur un peu trop fort le temps d'un instant, mais chercher à aller plus loin n'aurait mené nulle part.

Valentin est ravi de la tournure que prend la soirée. Il est touché par l'attention de son hôte. Évidemment, elle commençait à lui plaire. Néanmoins, il préfère réprimer cette attirance naissante plutôt que de tout gâcher pour une histoire qui ne pourrait que mal se terminer.

Installés sur le canapé, les heures défilent alors qu'ils se racontent leur vie. Elle lui parle de son père qu'elle voit peu, il se confie sur sa mère et ses relations tendues avec sa famille. Elle lui raconte ses études et sa passion pour l'informatique et il lui relate sa vie d'artiste et des anecdotes sur ses concerts et ses rencontres. Chacun s'intéresse à la vie de l'autre et ce salon devient le théâtre de la naissance d'une précieuse amitié.

Au petit matin, les adieux ne se font pas sans émotion. Valentin doit poursuivre sa tournée, et Alice sa vie étudiante. Mais chacun espère que les liens qu'ils ont tissés en moins d'une semaine sauront perdurer.

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