Chapitre 3
Ce dimanche matin, comme prévu, Alice attend Ethan et son oncle Valentin devant l'entrée du zoo. Comme prévu également, ils arrivent en retard.
« Alice ! »
Ethan court vers elle et saute dans ses bras. L'enfant est surexcité à l'idée de passer la journée au milieu des animaux. Son oncle arrive derrière lui, portant des lunettes de soleil et la même casquette que la veille.
« Bonjour ! lance-t-il joyeusement.
— Bonjour, comment allez-vous ? s'enquiert-elle.
— Il fait beau et je vais passer la journée en compagnie de mon petit singe préféré, tout ne peut qu'aller bien ! Mais je pense qu'on peut se tutoyer, si ça ne te dérange pas.
— Bien sûr, pas de problème. »
La petite troupe entre dans le parc après que Valentin ait insisté pour payer le billet d'Alice. Prise de court et voyant la file d'attente derrière eux, elle n'a pas osé s'engager dans un débat. Mais elle est bien décidée à se rattraper pour le déjeuner. Ethan tire déjà sa main pour l'entraîner vers les pingouins.
« Regarde, regarde là-bas ! »
Le petit garçon court partout et il est difficile à suivre. Terrifiée à l'idée de le perdre dans la foule, Alice passe plus de temps à le chercher du regard qu'à observer les animaux. Devant chaque enclos, il s'arrête pour lire attentivement les panneaux explicatifs et tente d'interagir avec les animaux, alternant grimaces et petits cris. Les deux jeunes adultes qui l'accompagnent ne manquent pas une miette de son manège. Ils s'esclaffent plus d'une fois en le voyant se démener pour se faire remarquer par des animaux indifférents qui vivent leur vie sans trop se préoccuper des visiteurs.
Après avoir observé les crocodiles paresser dans leur bassin, ils décident de faire une pause pour déjeuner avant la suite de leur visite. Ils doivent presque l'imposer au petit garçon qui semble avoir oublié son estomac, trop absorbé par le spectacle que lui offrent les espèces animalières en tout genre.
À la buvette du parc, il est ravi de son menu enfant. Tout semble l'émerveiller ici, même le steak trop cuit et les quelques frites gisant dans son assiette. Alice se réjouit de voir un si grand sourire sur le visage de l'enfant. Après avoir dévoré son repas, ce dernier s'aventure vers l'aire de jeu, restant dans le champ de vision de son escorte du jour.
Ethan a monopolisé la parole pendant la totalité du repas, exposant ses connaissances sur les singes sous leur oreille attentive. Le silence s'installe après son départ et Alice remarque que Valentin n'a presque pas dit un mot depuis le début du repas. Il ne s'est pas non plus montré très bavard dans la matinée. Intriguée, la jeune femme tente d'entamer la conversation.
« Ethan était vraiment heureux de te retrouver. Vous ne vous voyez pas souvent ?
— Malheureusement. J'habite loin et je suis peu disponible avec mon travail... Mais je suis de passage dans le coin, alors j'en profite !
— Et tu bosses dans quoi ? s'intéresse-t-elle.
— Dans le domaine de la musique. Et toi, tu fais quoi dans la vie ?
— Je suis encore étudiante, en master de programmation informatique. En gros, je fais du développement web.
— C'est sympa ça, ce sont les métiers du futur. En plus, il n'y a pas beaucoup de femmes dans ce domaine.
— C'est vrai, mais nous sommes heureusement de plus en plus nombreuses ! »
Ethan revient avec une envie pressante et Valentin se propose de l'accompagner aux toilettes. Pendant qu'elle les attend, Alice en profite pour régler le repas. Ne les voyant pas revenir au bout d'une quinzaine de minutes, elle se lève et part à leur recherche.
Pensant les trouver en train de patienter dans une file d'attente sans fin, elle est surprise de ne voir personne devant les sanitaires. Elle aperçoit finalement Ethan, seul, assis sur un banc à côté du bâtiment.
« Où est passé ton oncle ?
— Je ne sais pas. Il m'a dit de l'attendre ici et de ne pas bouger.
— Et ça fait longtemps que tu es là ?
— Oui...
— Il y en a un qui va m'entendre ! Quelle idée de laisser un enfant seul au milieu d'un parc rempli d'inconnus ! Viens, Ethan, on va le retrouver. »
Elle prend le petit garçon par la main et s'enfonce dans les allées. La sympathie qu'elle commençait à éprouver pour le jeune homme se dissipe déjà, remplacée par son énervement et son incompréhension.
Elle passe à côté d'un attroupement agité. Les personnes rassemblées semblent crier un nom, rendu inaudible par le tumulte ambiant. Elle y jette un rapide coup d'œil mais ne voit pas l'oncle du garçon parmi elles. Elle s'éloigne alors pour poursuivre ses recherches sans prendre le temps de s'interroger sur ce qui peut créer une telle agitation dans un parc animalier.
Au bout de vingt minutes sans nouvelles, elle perd patience et décide de continuer la visite, présumant qu'il les retrouvera bien à un moment. Il est hors de question pour elle qu'il gâche la journée de son neveu.
Le sourire d'Ethan est un peu redescendu, mais il est tout aussi joyeux de pouvoir admirer les animaux de la savane. Il demande à Alice de le prendre en photo devant le lion, son animal préféré. Elle réalise un premier cliché du petit garçon puis les prend tous les deux en selfie.
« Ah, vous voilà enfin ! Je vous ai cherché partout. »
Valentin apparaît subitement, sortant de nulle part. Un t-shirt et une casquette estampillés au nom du zoo ont remplacé les vêtements qu'il portait en arrivant.
« Ben dis donc, tu es gonflé quand même ! s'énerve Alice. C'est toi qui as disparu ! On t'a attendu et cherché pendant presque une heure !
— Désolé, j'ai rencontré quelqu'un qui m'a retenu, se renfrogne le jeune homme.
— Eh bien ce quelqu'un devait être vachement important pour que tu en oublies la raison de ta venue ici. Attends, mais... Tu t'es changé ?!
— J...
— Arrêtez de vous disputer ! s'exclame Ethan, les calmant d'un coup.
— Je suis désolée Ethan, tu as raison. On est tous là pour passer une bonne journée avec toi, s'excuse Alice tout en fusillant son oncle du regard.
— Tiens, bonhomme, je t'ai pris une casquette à toi aussi. » annonce ce dernier en enfonçant le couvre-chef sur la tête de son neveu.
Le petit garçon lui envoie un sourire de remerciement. Elle le prend par la main et s'éloigne vers l'enclos des zèbres, Valentin sur leurs pas. Même si elle ne devrait pas se mêler de ce qui ne la regarde pas, elle lui en veut de ne pas faire plus attention à son neveu, sachant combien celui-ci tient à lui.
Elle remarque soudain que le sourire du petit garçon a totalement disparu, et qu'il affiche désormais une mine triste. Elle commence à s'en vouloir, réalisant qu'elle a peut-être été trop dure avec son oncle.
« Qu'est-ce qui ne va pas ? » demande-t-elle doucement.
Au lieu de lui répondre, l'enfant commence à pleurer. Valentin s'agenouille alors devant lui pour essayer de comprendre la cause de ce changement d'humeur.
« Ben alors bonhomme, qu'est-ce qu'il se passe ? »
Ethan tente de s'expliquer, mais sa voix est étouffée par ses sanglots.
« Si c'est pour ta babysitter, ne t'en fais pas, elle a eu raison de me gronder. Je n'aurais pas dû te laisser seul. Mais ce n'est pas pour ça qu'on ne s'entend pas. Et, tu sais, ajoute-t-il sur le ton de la confidence, je la trouve encore plus jolie et gentille que ce que tu m'avais raconté ! »
Le petit garçon semble se calmer et affiche même un sourire timide. Valentin sort un mouchoir de sa poche pour essuyer ses dernières larmes. Alice, quant à elle, est surprise par les paroles du jeune homme. D'une part pour sa facilité à trouver les mots justes pour réconforter l'enfant, mais aussi pour ses compliments inattendus, même si elle est persuadée que son but était uniquement de rassurer le petit Ethan.
Les joues encore humides mais ayant repris contenance, il entreprend de s'expliquer :
« Je ne suis pas triste pour ça, mais pour les animaux. Ils sont tous enfermés et ils n'ont vraiment pas assez de place pour vivre ! »
Bien que soulagés de ne pas être la cause de son chagrin, les jeunes adultes se retrouvent démunis et à court de réponses. Une fois de plus, Alice est surprise par la maturité dont fait preuve le garçon de 7 ans. Il a raison, que répliquer face à ça ? Il attendait tellement cette visite, mais son rêve semble tourner à la désillusion. Et il n'a pas encore l'âge pour ça.
Valentin, le regard doux, prend la parole.
« Tu sais, mon grand, ici on prend soin d'eux et on les protège. Je suis d'accord avec toi, ils devraient avoir plus de place, mais je suis sûr qu'ils ne sont pas malheureux. Ce qui les rendrait tristes, par contre, c'est un petit garçon malheureux. Et, si tu veux, on pourra même aller voir des animaux en liberté. Et si je t'emmenais un jour voir un lion en Afrique ? »
À cette idée, les yeux du petit garçon s'illuminent. Alice s'interroge sur cette proposition faite à un enfant par un jeune adulte qui doit gagner à peine plus qu'un SMIC en son début de carrière. Mais bon, si cela rend le petit Ethan heureux, elle ne va pas s'attarder sur ce détail.
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