Chapitre 20
« Ne va pas chercher Ethan à l'école tout à l'heure. Nous sommes à l'hôpital. »
Alice écarquille les yeux à l'entente de cette nouvelle annoncée par la voix peu sereine de Mme Ledoni. Une vague d'angoisse la submerge brusquement alors qu'elle resserre la prise sur son téléphone portable.
« Que s'est-il passé ? Comment va-t-il ?
— L'école nous a appelés pour que l'on vienne le chercher. Il avait très mal au ventre et de la fièvre qui ne descendait pas. J'ai fini par l'emmener aux urgences. Ils sont en train de lui faire passer des examens.
— Est-ce que... est-ce que je peux vous rejoindre ? Je peux passer chez vous pour lui rapporter son doudou et des affaires si vous le souhaitez.
— Ça nous rendrait un grand service, merci Alice. Ne te sens surtout pas obligée.
— Ne vous inquiétez pas. J'y tiens vraiment. »
La jeune femme raccroche et assimile difficilement ce qu'elle vient d'apprendre. Cela fait bientôt une semaine qu'elle est rentrée de Paris et elle ne s'attendait pas à recevoir un tel appel. La veille, comme les autres jours, Ethan s'est montré en pleine forme. Il n'avait vraiment pas l'air malade. Est-ce grave ?
⭐⭐⭐
Lorsqu'Alice arrive à l'hôpital avec un petit sac contenant quelques jouets et le doudou du petit garçon, elle retrouve le père de ce dernier devant les urgences.
« Comment va-t-il ? Il y a du nouveau ?
— Ils lui ont fait une prise de sang et une échographie. Nous attendons encore les résultats. »
L'attente d'une vingtaine de minutes semble durer une éternité. Seule avec M. Ledoni, Alice est à la fois mal à l'aise et impatiente. Elle n'a pas pu se décider à lui confier les affaires de son fils et à rentrer chez elle. Elle a besoin de savoir qu'il va bien.
Les yeux rougis et les traits inquiets, la mère du petit garçon vient les libérer de leurs incertitudes.
« C'est une appendicite. Le médecin a été très rassurant, il dit que ce n'est rien de grave. Il lui a donné des médicaments pour qu'il n'ait plus mal et il a programmé l'opération pour demain matin. Ethan va passer la nuit ici, ils sont partis l'installer dans une chambre.
— Je suis rassurée. Je vais vous laisser en famille, mais est-ce que je peux le voir avant de partir ?
— Bien sûr, ta visite lui fera plaisir. Ils vont l'installer dans la chambre 21, au deuxième étage. Tu pourras monter dans quelques minutes, nous devons d'abord l'accompagner et discuter des formalités de son accueil avec les infirmières.
— Merci infiniment.
— Merci à toi d'être venue. Il va avoir besoin de son doudou. »
Alice profite de ce temps d'installation pour acheter trois cafés au distributeur de boissons. Avec toutes les émotions de cette fin de journée, les parents sont sûrement fatigués.
En s'engageant dans le couloir du deuxième étage, elle est surprise de voir une tignasse brune patienter devant la chambre 21.
« Valentin ?
— Salut... »
La porte s'ouvre sur le couple Ledoni avant qu'ils puissent échanger davantage de mots.
« Vous allez pouvoir le voir, mais ne restez pas trop longtemps. Il a besoin de repos.
— Vas-y d'abord, propose Alice au chanteur qu'elle ne s'attendait pas à croiser ici.
— On peut y aller ensemble, si tu veux. »
Les parents déjà moins inquiets la remercient pour le café et profitent du fait que leur fils soit distrait pour parler avec le médecin de l'opération du lendemain.
Malgré ses traits tirés trahissant sa fatigue et son état, Ethan les accueille avec un grand sourire. La présence de ses deux jeunes adultes préférés lui fait oublier un instant le cadre aseptisé dans lequel il va passer les prochaines 24 heures.
Sa babysitter lui donne son doudou et il la serre dans ses bras. Elle aimerait le réconforter, mais elle est si soulagée de le voir enfin qu'aucun mot ne sort de sa bouche.
« Tu es venu ? s'étonne-t-il en apercevant son oncle.
— Bien sûr. Mais que ça ne soit pas une raison pour finir à l'hôpital plus souvent. »
Valentin et Alice n'ont aucun mal à changer les idées du petit garçon qui paraît ravi de recevoir autant d'attention. Le fait d'avoir celle de son papa et de sa maman semble plus le réjouir que sa situation ne l'inquiète. Ses rires emplissent la pièce et il parvient même à faire chanter son oncle a capella. Lorsqu'ils le quittent pour qu'il se repose, Valentin lui assure qu'il reviendra lui tenir compagnie le lendemain, après son opération.
« C'est gentil d'avoir fait tout ce trajet pour le réconforter, lui dit Alice quand ils sont de retour dans le couloir. Toi qui n'as déjà pas beaucoup de temps pour toi...
— J'avais deux jours de pause. Et puis, si je ne prends pas du temps pour ma famille quand il y en a besoin, je le regretterai un jour. Je préfère être près d'Ethan plutôt que de m'inquiéter à distance.
— Je suis contente qu'il n'ait rien de grave. J'ai eu si peur.
— Il va mieux, maintenant, et il sera totalement remis d'ici quelques jours. Il y a de quoi être soulagé.
— Au final, nous nous serons revus plus tôt que nous ne le pensions. Dommage que ce soit en ces circonstances.
— C'est vrai, c'est encore Ethan qui nous réunit. D'ailleurs, tu as eu les résultats de ton concours ?
— Ils ne sortent que le... Attends, quel jour est-on ?
— Le 3, pourquoi ?
— Quelle cruche ! J'ai totalement oublié ! Ils ont été publiés cet après-midi. »
Elle déverrouille son téléphone sous l'œil amusé de son ami et pianote sur l'écran. Le pouce en suspens, elle marque une pause avant d'appuyer sur le lien qui dévoile les résultats. Voyant son expression figée, Valentin ose jeter une œillade par-dessus son épaule pour savoir s'il doit se réjouir avec elle ou la réconforter.
« Eh, mais c'est ton nom, là. Tu es arrivée à la seconde place ! Bravo !
— Tu es sûr ? doute-t-elle en semblant se réveiller. Il y a peut-être une erreur.
— Je ne pense pas. Qu'est-ce qu'il y a écrit à côté ? Ça dit que tu es la première femme à atteindre le podium. » déchiffre-t-il.
Au lieu de s'en enthousiasmer, Alice lève les yeux au ciel.
« C'est ridicule... Le concours existe seulement depuis 5 ans. Ce n'est pas quelque chose qui se fête.
— Tu n'en es pas fière ?
— Ça ne risque que de me décrédibiliser auprès des autres candidats. Quant aux organisateurs, ça sert surtout leur image de diversité. C'est sûr que vu les affaires de harcèlement qu'ils ont sur le dos lors de chaque concours, ils ont besoin de redorer leur notoriété.
— Je ne vois pas pourquoi ça te décrédibiliserait. C'est grâce à ton talent que tu leur es totalement passée devant.
— J'espère. Ça se voit que tu n'as jamais entendu "Vous avez été acceptée ici parce que vous êtes une femme, mademoiselle". Ou encore que "les femmes ne sont là que pour les quotas" et autres blagues sexistes insinuant que je n'ai aucune légitimité dans la voie que j'ai pourtant choisie. Les autres se rassureront en se disant "Elle a gagné seulement parce qu'il fallait faire gagner une femme", ils se moquent bien de mes compétences.
— Sacré mentalité... Je ne pensais pas que certains avaient encore l'audace d'assumer ce genre d'idées arriérées aujourd'hui.
— Il faut croire que dans un milieu où les hommes passent leur temps entre eux, ça avance bien moins vite.
— En tout cas, moi je te félicite. Tu as gagné parce que tu le méritais. Faut fêter ça, non ?
— Eh bien, je devais passer la soirée avec mes amis à la base. Mais je ne suis plus trop d'humeur festive avec Ethan à l'hôpital.
— Tu devrais y aller. Il est entre de bonnes mains et il ne se passera rien avant demain matin.
— Tu as sans doute raison. Tu aurais envie de te joindre à nous ? Nous ne serons pas très nombreux.
— Ça me ferait plaisir ! Ce sont tes amis que j'ai vus sur les photos de ton appartement ?
— Tu as bonne mémoire.
— Mais je ne suis pas sûr de me souvenir de leurs prénoms...
— Nous allons chez Olivia et Karim. Il y aura aussi Marion, ma colocataire, et Antoine, son petit ami. »
⭐⭐⭐
Après un court trajet, Alice et Valentin rejoignent le reste de la bande. Leur arrivée crée un effet de surprise lisible sur le visage des amis d'Alice.
« Quand tu nous as dit que tu ramenais un ami... Tu aurais peut-être pu préciser de qui il s'agissait ! Pourquoi tu ne m'as rien dit ?! Il y a quoi entre vous ? Je veux tout savoir ! s'enquiert Olivia en prenant Alice à part.
— Chuttt, du calme. Je ne t'ai rien dit parce qu'il n'y a rien à dire. Nous sommes simplement amis.
— Alors, ces bières ? appelle Marion depuis le salon.
— On n'en restera pas là ! » avertit l'hôte de la soirée en lui mettant deux bouteilles dans les mains et en prenant le reste entre ses bras.
Alice sourit face à la réaction de son amie. Elle sait qu'elle ne lui en veut pas réellement. Elle bénéficie même de circonstances atténuantes puisqu'elle a trouvé le moyen de ramener son chanteur préféré chez elle.
Sans surprise, Valentin s'intègre facilement au groupe d'amis. Il rit à l'humour d'Antoine, partage des anecdotes de concerts avec Olivia et part dans un affrontement enflammé contre Karim et Marion lors d'une partie de jeux vidéo. Ce soir, il se sent comme n'importe quel jeune profitant de sa vingtaine.
Alice le lit dans son regard et le voit dans son sourire. Elle retrouve ce Valentin avec qui elle avait tant apprécié passer une soirée au bord du lac. D'un selfie, elle immortalise cette joyeuse bande. Le cliché rejoindra très probablement les photos qui peuplent les murs de son appartement.
Olivia résiste à l'envie de poster sur ses réseaux sociaux la photo où elle sourit aux côtés de sa star de la musique favorite. Elle se résigne à la garder sagement dans sa galerie, mais se réconforte à l'idée qu'elle trouvera bien une occasion de s'en vanter plus tard.
La soirée se prolonge jusqu'à tard dans la nuit. Quand les deux couples partent se coucher, Alice et Valentin s'installent sur le toit pour ne pas déranger les couche-tôt.
« Merci, prononce-t-il simplement.
— Pour quoi ?
— Pour m'avoir permis de vivre cette soirée. Tes amis sont géniaux et ils m'ont incroyablement bien accueilli. Je crois que j'en avais besoin, ça fait un bien fou.
— La semaine était difficile ?
— Un peu.
— Tu sais, ce n'est pas seulement qu'ils t'ont bien accueilli, c'est toi qui t'es bien intégré. Je ne sais pas si tu en es conscient, mais tu es plutôt du genre accessible. Pour une star, je veux dire. Tu as beau être célèbre et avoir des milliers de fans, tu as toujours les pieds sur terre. C'est précieux, cette intégrité. Je pense que les gens t'aiment aussi pour ça.
— C'est gentil, répond Valentin, touché.
— C'est surtout très vrai. »
Après une journée agitée, cette fin de soirée est bénéfique pour tous les deux. À ce moment-là, aucun des deux ne souhaite être ailleurs qu'ici, à rire et bavarder avec l'autre.
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