Chapitre 19

« Jérémie !

— Aïe, mon crâne.

— Tu peux m'expliquer ça ? le questionne Alice en lui collant son téléphone sous son nez. Je ne me souviens pas avoir écrit de message hier soir. Encore moins à lui !

— Tu en es sûre ? Tu étais quand même sacrément bourrée.

— Je n'envoie jamais de messages en étant bourrée. C'est beaucoup trop cliché.

— Ok, j'avoue. Je plaide coupable, concède-t-il, levant les doutes qui commençaient à s'immiscer dans l'esprit de son amie. Mais je ne pense pas que tu m'en veuilles tant que ça, vu que tu lui as répondu.

— Je ne voulais simplement pas avoir l'air bête, se défend-elle.

— C'est ça, je vais te croire. Sur un plan plus pratique, tu as apporté autre chose que tes t-shirts de geek et la tenue sur laquelle tu as renversé pas moins de deux verres hier ?

— Ce ne sont pas des t-shirts de geek ! De toute manière, je n'ai pas besoin de faire des élégances avec lui.

— Je t'ai arrangé un date et tu veux tout gâcher ?

— Un date ? Et puis quoi encore ?!

— Je dois avoir deux ou trois affaires que des filles ont oubliées ici.

— Et c'est de bon goût ? »

Il lui adresse une grimace et fouille dans un placard pour en retirer un sac de vêtements. Alice est à peine impressionnée par la quantité de conquêtes qu'il lui a fallu pour remplir un contenant de cette taille.

« Comment veux-tu que je rentre là-dedans ? Elles sont toutes mal nourries, les filles que tu ramènes ici ? raille-t-elle en tenant du bout des doigts un débardeur qui aurait pu provenir du rayon enfant.

— Très drôle. Regarde ce top, il est joli.

— Ok, il est pas mal. Je veux bien essayer ça, mais tu retournes ranger le reste de ta collection dans ton placard de psychopathe. Tu ferais mieux de les donner à une association au lieu de les garder comme ça.

— C'est pour la bonne cause. Tu vois bien que ça peut servir ! »

Alice enfile le haut fluide et coloré qu'elle assortit d'un jean. Elle parvient à échapper à la séance de maquillage que Jérémie tente de lui infliger et cet ultime débat l'affuble de plusieurs minutes de retard quand elle se met en route.

⭐​⭐​⭐​

Lorsqu'elle l'aperçoit, Alice salue Valentin qui l'attend, casquette sur la tête et lunettes de soleil sur le nez.

« Je suis désolée pour mon retard. Tu dois être super occupé...

— Ne t'inquiète pas, ça me fait du bien de prendre une pause.

— Alors, tu m'emmènes où ? enchaîne-t-elle de peur qu'une gêne ne s'installe.

— C'est un petit café assez discret où l'on ne devrait pas être embêtés.

— Je te suis. »

Ils empruntent une petite rue dans laquelle un café aux stores colorés se démarque des autres façades ternies par les années. Des parasols assortis et des fauteuils en osier sont entreposés sur la terrasse. L'intérieur est tout aussi chaleureux, laissant aux clients le loisir de choisir entre chaises et banquettes en cuir pour leur postérieur. Ils s'assoient à une table et jettent un coup d'œil à la carte avant qu'un serveur prenne leur commande.

« Je vais prendre un thé glacé, s'il vous plaît.

— Et pour moi ce sera un café. » complète Valentin.

Alors qu'ils patientent, ce qu'Alice redoutait se produit ; un silence embarrassant s'empare de l'espace. Elle se décide à le rompre avant qu'il ne devienne trop pesant.

« Il faut que je t'avoue un truc. Le message n'était pas de moi. J'étais totalement bourrée hier et un pote en a profité pour récupérer mon téléphone.

— Un pote ?

— Oui, il m'hébergeait cette semaine.

— Alors tu ne voulais pas me voir ? s'enquiert-il avec un sourire en coin.

— Te dire qu'il m'a forcée serait un mensonge, confesse-t-elle. Mais je ne voulais pas te déranger. Et puis, après la dernière fois, je n'étais pas certaine que tu veuilles encore me voir.

— Bien sûr que non, assure-t-il alors que son sourire redescend. Je suis désolé, ce n'était pas correct de ma part de partir sans te dire au revoir. Je m'en suis voulu et je m'en veux toujours, mais en aucun cas je ne souhaite que ça compromette notre amitié.

— Bah, de toute façon, tu ne me dois rien. Je ne suis que la babysitter de ton neveu dans cette histoire.

— Tu es un peu plus qu'une babysitter, et tu le sais. Tu as été une super amie quand j'en avais besoin. Tu ne méritais pas que je parte comme ça ni que je laisse mes doutes tout gâcher une fois de plus.

— Tes doutes ?

— Je tiens à notre amitié, mais j'ai peur de ne pas être à la hauteur, se confie-t-il à l'oreille attentive d'Alice. C'est nouveau, pour moi, et je ne veux pas tout saboter. Même si j'ai l'air plutôt doué pour ça jusqu'à présent.

— Je pense que le meilleur moyen pour que ça fonctionne, c'est de ne pas chercher à tout maîtriser ou essayer de prendre tes distances au moindre doute. Aie confiance en toi et en moi, et laisse la vie suivre son cours, débite-t-elle, inspirée. Désolée, ça fait trop ? reprend-elle devant l'absence de réponse de Valentin. Je ne pensais pas que ça sonnerait si philosophique.

— Non, au contraire. Je trouve ça très vrai. »

Elle sourit timidement et prend une gorgée de la boisson que le serveur vient de déposer devant elle.

« Et sinon, tu fais quoi à Paris en ce moment ? change de sujet le chanteur.

— J'avais un concours cette semaine.

— Un concours ?

— Oui, trois jours pour développer une application.

— Et tu as gagné ?

— Je ne sais pas encore, ils ne nous donnent pas les résultats tout de suite. Mais je ne me fais pas trop d'illusions, il y avait des participants vachement bons.

— Je suis certain que tu as tes chances.

— On verra bien ! Et toi, comment ça se passe en ce moment ?

— J'enregistre mon prochain album, c'est pas mal de boulot. J'espère qu'il sera bien.

— Tu n'as pas l'air convaincu... Ce ne sont pas tes chansons ?

— J'ai essayé de négocier, mais je n'ai pas vraiment le choix. Soit je les adapte à leurs envies, soit je dois me contenter de trucs écrits pour moi.

— C'est dommage. Ils ne se rendent pas compte que ton talent ne se limite pas à ta jolie voix.

— Tu trouves que j'ai une jolie voix ?

— Ne m'oblige pas à le répéter, je ne voudrais pas que tu prennes la grosse tête.

— Tu trouves que j'ai une jolie voix. » réitère-t-il en dévoilant un sourire digne d'une publicité pour un dentifrice.

Alice lève les yeux au ciel, amusée. La conversation va bon train et les deux amis ne voient pas le temps passer. La gêne s'est entièrement dissipée et ils parlent désormais aussi librement qu'au début de leur amitié.

« J'ai entendu à la radio que toi et Stacy aviez rompu... C'est vrai ?

— Oui. Quelques jours après notre retour ici, à vrai dire.

— Et comment tu te sens par rapport à ça ?

— Je ne peux pas dire que je l'ai très bien vécu, mais ça devait arriver. Je ne le sentais plus trop depuis un moment, surtout après ces vacances chez ma sœur.

— Je comprends.

— Et puis, ce n'est pas comme si j'avais le temps pour ça, en ce moment. C'est bien mieux ainsi. Étrangement, les paparazzis me laissent même plutôt en paix à présent. Espérons que ça dure.

— Je n'ai pas expérimenté le coup des paparazzis, mais sache qu'il y a de nombreux avantages à être célibataire. Peut-être que tu arriveras à prendre un peu de temps pour toi.

— Tu as bien raison. Mais pour ce qui est du temps pour moi, il faudra sûrement attendre la fin de l'enregistrement de l'album. Et ce sera de courte durée, car après sa sortie il y aura la tournée à organiser.

— Si jamais tu as envie de prendre une pause, tu sais où tu peux venir te réfugier. Je suis sûre que les Ledoni se feront une joie de t'accueillir, voire même de te cacher.

— Je retiens l'idée. »

Les vibrations du téléphone de Valentin interrompent leur engouement.

« C'est mon agent. Je suis désolé, je réponds rapidement.

— Pas de soucis, vas-y. » le rassure-t-elle.

Il s'éloigne de la table pour sortir du café et revient quelques minutes plus tard.

« Je suis désolé, je n'avais pas vu l'heure. Ils m'attendent...

— Ne t'inquiète pas, il va falloir que je rentre aussi.

— C'était sympa. J'aurais aimé pouvoir t'accorder plus de temps. Avec un peu de chance, je pourrai rendre une petite visite à ma famille après l'enregistrement. Si jamais tu es dans le coin à ce moment-là, on s'organisera quelque chose.

— Je ne compte pas bouger prochainement, alors fais-moi signe ! Même si je pense qu'il y en a un qui se fera un plaisir de m'avertir. »

Les deux jeunes gens se saluent chaleureusement avant de se séparer devant l'entrée du métro. Ils savent qu'ils n'auront pas l'occasion de se revoir de sitôt. Du moins, c'est ce qu'ils croient.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top