Chapitre 12
C'est sur la nouvelle réjouissante de la réussite de ses partiels qu'Alice démarre la nouvelle année. Ses notes sont plus ou moins satisfaisantes, mais son semestre est validé.
Elle essaie toujours difficilement de sortir Valentin de sa tête. Cela fait plus d'un mois qu'il n'a plus donné de nouvelles. Elle ne sait pas si elle est plus énervée qu'inquiète, mais réprime ces sentiments pour se concentrer sur ses études et ses projets. Si cette amitié n'était qu'illusion, elle veut désormais se préoccuper de ce qui est bien réel.
Ses amis ont fini par comprendre que le chanteur était un sujet qu'il fallait éviter d'aborder avec elle. Se préserver des actualités le concernant s'avère étonnamment complexe, alors même qu'avant de le rencontrer elle n'avait jamais entendu parler de lui. Les magazines people en vitrine du tabac presse sur son chemin pour aller à l'université, les réseaux sociaux, la radio qui passe ses morceaux ou ses interviews, et même cette émission de télévision dans laquelle il était invité l'autre jour... tout semble lui rappeler qu'il est bien vivant et qu'il continue paisiblement ses activités, en l'ayant totalement oubliée.
De manière inattendue, ce sont les parents d'Ethan qui finissent par lui donner des nouvelles de celui qui joue au fantôme.
« Tu dois te souvenir de Valentin, mon frère. »
Alice se fige à l'entente de ce prénom, avant de répondre par l'affirmative.
« Il vient passer quelques jours à la maison.
— Oh, votre relation s'est arrangée ?
— Disons qu'il commence à s'assagir. Il nous a appelés pour s'excuser de son comportement.
— Vous aurez quand même besoin de moi cette semaine ?
— Bien sûr, il s'occupera peut-être d'Ethan de temps en temps, mais nous allons le laisser profiter un peu de ses vacances. En fait, nous voulions te proposer de rester dîner demain soir, après avoir ramené Ethan de l'école.
— Vous êtes sûrs ? Je ne veux pas gêner vos retrouvailles...
— À vrai dire, Ethan nous a suggéré que ça ferait plaisir à Valentin. Il m'a dit que vous aviez sympathisé lors de votre sortie au zoo, et comme il ne connaît pas grand monde par ici... »
Alice s'apprête à refuser poliment, quand une petite tête brune qui a laissé traîner ses oreilles intervient.
« S'il te plaît, dis oui ! »
N'ayant aucun argument justifié pour décliner l'invitation, la jeune femme accepte, bien qu'elle ne soit pas convaincue que le chanteur soit ravi de la retrouver.
Elle ne sait quoi penser. Évidemment, il n'a pas pris la peine de la prévenir qu'il venait dans le coin, ni de l'informer que sa relation avec sa famille s'était arrangée. Pourtant, il semble avoir suivi son conseil pour se réconcilier avec eux. Que s'est-il passé pour qu'il mette autant de distance entre elle et lui du jour au lendemain ?
Au lieu de passer sa soirée à cogiter sur ce qu'elle a déjà mille fois retourné dans son esprit, elle se concentre sur une tâche tout aussi complexe. L'application sur laquelle elle travaille depuis plusieurs mois est encore loin d'être terminée, bien qu'elle ait tendance à y consacrer plus de temps qu'à ses révisions. Si le projet avançait sûrement jusqu'ici, il lui donne du fil à retordre depuis plusieurs jours. Les derniers tests ne sont pas concluants, et elle ne parvient pas à trouver la source de l'erreur dans son code. Elle finit par capituler face à ses bâillements qui lui indiquent que ce n'est pas ce soir qu'elle réussira à se débloquer.
⭐⭐⭐
Le lendemain, elle récupère à la sortie de l'école un petit garçon tout excité à l'idée de retrouver son oncle.
« Je ne veux pas aller au parc, je veux rentrer tout de suite !
— Tu sais, je ne suis pas sûre qu'il soit déjà arrivé...
— Alors on sera là pour l'accueillir !
— Prends au moins le temps de manger ton goûter ! »
Rien ne freine son entrain. Le cœur d'Alice bat un peu plus fort que d'habitude. Elle appréhende ces retrouvailles. Elle a tant de questions à poser à Valentin, mais elle garde aussi une certaine amertume par rapport à son comportement de ces dernières semaines. Va-t-il s'excuser ou faire comme si de rien n'était ?
« Tu vois, il n'est pas encore là. Tu peux aller te laver les mains. » dit-elle en sortant les clés de la serrure avant d'aller déposer les affaires de l'enfant au salon.
Elle s'arrête net devant la vision d'une femme allongée sur Valentin, la langue dans sa bouche. Ils n'ont même pas remarqué qu'ils n'étaient plus seuls. Alors qu'elle s'apprête à tousser pour signaler sa présence, Ethan opte pour une solution plus efficace.
« Baaaaaaaaah ! Dégoûtaaant ! »
Le couple sursaute et manque de tomber du canapé. Valentin regarde Alice avec un air surpris, comme s'il ne s'attendait pas à la trouver ici. Alors que la blonde qui l'accompagne rajuste ses vêtements, il accueille enfin son neveu avec un grand sourire.
« Salut mon grand ! Comment vas-tu ? »
Ce dernier saute dans les bras ouverts de son oncle, oubliant rapidement son dégoût devant la scène précédente. La babysitter cherche une échappatoire pour fuir l'ambiance avant qu'elle ne devienne pesante.
« Je... Je vais préparer le goûter, vous voulez boire quelque chose ?
—Mais tu m'as déjà donné mon goûter !
— Eh bien aujourd'hui c'est la fête, tu peux goûter une deuxième fois.
— Je veux bien du jus de fruits, s'il te plaît, demande Valentin.
— Pour moi, ce sera un verre d'eau. » prononce enfin sa petite amie.
Alice s'empresse d'aller dans la cuisine. Elle a bien reconnu Stacy Smith. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il soit accompagné, mais cela ne fait que confirmer son attachement à la jeune mannequin. Elle place sur un plateau verres, jus de fruits et carafe d'eau qu'elle apporte au salon après une grande inspiration.
« C'est de l'eau du robinet ? s'enquiert directement Stacy.
— Euh... Oui, pourquoi ?
— Je ne bois que de l'eau minérale en bouteille.
— Désolé, je ne crois pas qu'il y en ait...
— Tant pis, il doit m'en rester dans mon sac. »
Elle se lève pour se diriger vers la chambre d'amis, laissant derrière elle une ambiance gênante. Alice a beau espérer qu'Ethan débute la conversation comme il sait si bien le faire, le petit garçon est trop occupé par son verre de jus de fruits qu'il boit comme si quelqu'un allait le lui retirer d'un instant à l'autre. Évitant de regarder Valentin, elle s'attache à remplir les deux autres verres de boisson. À l'inverse, il ne détache pas ses yeux d'elle, tout en cherchant ses mots.
Il attrape le verre qu'elle lui tend et leurs doigts entrent en contact un bref instant. Elle relève alors la tête et leurs regards se croisent. Il perçoit toutes les interrogations qui traversent son amie et s'apprête à ouvrir la bouche quand sa petite amie revient dans la pièce. Sans raison apparente, ils s'empressent de lâcher le verre qui, fidèle à la loi de la gravité, tombe. Il déverse son liquide sur le pantalon et les chaussures du jeune homme.
« Je suis désolée, s'excuse Alice. Je vais trouver de quoi nettoyer.
— Quelle maladroite ! »
Étonnée, elle se tourne vers Stacy, incertaine de ce qu'elle vient d'entendre.
« Ne t'inquiète pas, ce n'est pas grave. J'ai de quoi me changer.
— C'est pas sa faute ! » s'indigne Ethan
Valentin se lève pour aller se changer, suivi de près par Stacy. Cet incident laisse un moment de répit à Alice, légèrement déroutée par le comportement inattendu de la nouvelle venue et par son petit ami qui n'a même pas sourcillé.
« Elle est pas gentille, souffle le petit garçon.
— Ne dis pas ça, on ne la connaît pas encore. Je suis sûre qu'elle est très gentille. Elle est peut-être simplement fatiguée par son voyage. » la défend Alice, se convaincant non sans mal de ne pas la juger immédiatement.
Les parents d'Ethan rentrent bientôt et préparent le dîner tandis qu'elle met la table avec leur fils. Le chanteur retrouve sa sœur et son beau-frère comme si rien ne s'était passé, au grand étonnement de la babysitter qui se souvient encore nettement de la dispute qui s'est jouée au même endroit.
Le repas commence donc paisiblement et Stacy semble interloquée par la présence d'Alice à table. Cette dernière s'étonne quant à elle de la faible quantité de nourriture dans l'assiette du mannequin.
« Qu'avez-vous prévu de faire pendant vos vacances ici ? questionne M. Ledoni.
— Nous allons visiter un peu la région, j'ai quelques coins sympas à lui montrer.
— Faire un peu de shopping aussi. Et Valouchou m'a dit qu'il m'emmènerait voir un lac magnifique ! »
Alice manque de s'étouffer en même temps que Mme Ledoni. Si pour l'une la réaction est due au nouveau surnom de son frère, elle est provoquée pour l'autre par l'évocation de son coin préféré, intimement lié à cette soirée d'il y a plusieurs mois.
Valentin croise le regard d'Alice, dissimulant mal sa gêne. Malgré ses tentatives pour refouler sa blessure, elle se sent trahie.
« Et toi, tu es... ? s'adresse Stacy à sa voisine d'en face.
— Alice est la babysitter d'Ethan. » répond Valentin à la place de l'intéressée.
La mannequin lui adresse un sourire crispé, qu'elle ne manque pas de lui renvoyer. Alice regrette d'avoir accepté cette invitation et prie désormais pour que cette soirée ne s'éternise pas. Elle n'a qu'une envie, partir et fuir cet endroit où elle se sent mal à l'aise.
Une fois le dîner terminé, elle n'a pas l'occasion de prendre congé qu'elle est alpaguée par Ethan qui veut jouer avec elle avant d'aller se coucher. Stacy part prendre une douche, et Valentin en profite pour rejoindre son neveu. Sans un mot et comme si de rien n'était, il empile des briques en plastique et papote avec le petit garçon.
« C'est l'heure d'aller au lit, Ethan, appelle sa mère.
— J'arrive maman ! »
Le petit fait la moue mais s'exécute. Il souhaite une bonne nuit à son oncle et embrasse sa babysitter avant de prendre le chemin de sa chambre, les laissant seuls au milieu des briques de construction.
Alice attend que le jeune homme prononce un mot, mais celui-ci reste muet. Elle se lève alors impatiemment pour partir, mais il la retient.
« Je... j'espère que tu vas bien.
— Parce que tu t'en soucies, maintenant ?
— Écoute, je sais que j'ai été distant, mais j'ai été très occupé. Et puis, avec Stacy...
— Ne te justifie pas, c'est bon, répond-elle avec amertume. J'ai bien compris que je ne suis que la babysitter. Je ne sais pas pourquoi j'ai cru que nous pouvions devenir amis, que nous étions amis.
— Mais nous sommes amis !
— Pour moi, des amis, ça se confie l'un à l'autre et ça ne se laisse pas tomber.
— Je ne t'ai pas laissé tomber ! J'étais occupé. Tu ne connais pas ma vie, tu ne sais pas à quel point mon quotidien est chargé.
— Je n'en doute pas, se radoucit-elle. Je ne m'attendais juste pas à ce changement soudain de comportement. Je ne t'en veux pas, enfin, pas trop. Je m'inquiète surtout pour toi.
— Tu t'inquiètes pour moi ? Mais je vais très bien ! Je fais le job que j'aime, je suis bien payé et reconnu pour mon talent, j'ai une petite amie et j'ai renoué avec ma famille. Je n'ai aucun problème.
— C'est sûr, c'est bien beau tout ça. Elle en met plein la vue, ta vie. Mais au fond, comment tu vas, toi ? »
Il ne répond pas, assimilant silencieusement la question.
« Valentin, tu peux ramener Alice chez elle s'il te plaît ? les interrompt M. Ledoni.
— Merci, c'est gentil, mais je vais prendre le bus.
— Tu es sûre que...
— Oui, je suis sûre. »
Sans un mot de plus, Alice enfile son manteau, récupère ses affaires et salue ses hôtes. Il aurait été insoutenable pour elle de passer davantage de temps avec Valentin. Elle est consciente qu'elle ne le connaît pas beaucoup, mais elle sent que quelque chose cloche chez lui. Ce n'est pas le même que celui avec qui elle a passé une nuit à discuter, celui avec qui elle a tant parlé par messages. Que s'est-il passé ? Est-ce qu'il va bien ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top