Chapitre 10
Ce samedi soir, toute la bande est rassemblée sur le toit de l'immeuble d'Olivia et Karim. Assis autour d'une nappe de pique-nique sur laquelle trône un copieux apéritif, ils profitent de la fin des beaux jours alors que l'automne commence déjà à se faire sentir.
« Meuf, tu as reçu un message, signale Marion.
— De qui ?
— Va... Attends, c'est qui ce Valentin ? Il t'envoie des photos, en plus ?
— Des photos ? s'intéresse Olivia en battant exagérément des cils.
— Ce n'est pas ce que vous croyez, se défend Alice devant ses amis hilares.
— Ah oui ? Prouve-le et ouvre la photo devant nous, alors. »
Alice laisse échapper un soupir amusé. Elle hésite à montrer le message à ses amis. Bien sûr, il n'a jamais rien envoyé de compromettant. Mais que se passerait-il s'ils le reconnaissaient ? Valentin lui en voudrait-il ?
« J'en étais sûr, elle refuse de nous les montrer ! argue Antoine, suspicieux.
— Mais non, je vous promets qu'il n'y a rien de bizarre sur ces photos, je ne peux juste pas...
— Tu as l'air encore plus louche à essayer de te justifier.
— Bon, vous l'aurez voulu. »
Elle déverrouille son téléphone. La conversation s'ouvre et deux images s'affichent. Avec un peu d'espoir, ils ne reconnaitront pas le chanteur, peut-être n'y aura-t-il même pas son visage.
Ce sont des photos de sa loge avant son concert. La première montre une pièce assez sobre, meublée d'un canapé sur lequel est posée sa guitare. Sur la seconde, son reflet apparaît dans un miroir bordé d'ampoules.
« C'est un musicien ! s'exclame Marion à l'affût derrière son dos.
— Fais voir ? »
Elle tourne le téléphone vers ses amis, croisant les doigts pour qu'aucun ne fasse le lien.
« Vous voyez, il n'y a rien de bizarre.
— Pourquoi faire tant de mystère, alors ? On le connaît ? s'enquiert Antoine.
— Non, c'est juste un ami que je connais depuis peu.
— Il a l'air pas mal. » commente Olivia en scrutant la photo.
Ses deux pouces sur l'écran, elle zoome sur l'image. Alice voit les yeux de son amie s'arrondir subitement et comprend qu'il est trop tard. Elle sait.
« Attends... C'est Val ?! demande-t-elle en pâlissant.
— Val, le mec que tu me fais tout le temps écouter ? interroge Karim.
— Val, ça me dit quelque chose... Mais oui ! Je l'ai entendu à la radio l'autre jour et je suis allée stalker ses réseaux, ajoute Marion, prenant le portable des mains de sa colocataire pour examiner la photo. C'est carrément lui ! »
Alice n'a toujours pas répondu et fait face aux regards insistants de ses meilleurs amis qui attendent qu'elle développe. Elle sait qu'il est inutile d'essayer de nier.
« Oui, c'est "Val", avoue-t-elle enfin.
— Mais comment tu le connais ? questionne Olivia qui n'en revient toujours pas.
— Je veux bien vous raconter, mais il faut absolument que ça reste entre nous... Histoire de ne pas déclencher de rumeur... Car ça ne concerne pas que moi. »
Devant une assemblée attentive, la jeune femme raconte sa rencontre avec Valentin, leur dimanche au zoo, la soirée au lac de la veille et leur journée à s'échanger des messages. Le passage du concert où elle a appris qui il était déclenche les éclats de rire de ses confidents.
« Alors ce BG a passé la nuit dans notre appartement ?
— Tu essaies de nous faire croire qu'il n'y a rien eu entre vous ? ajoute Karim, le regard lourd de sous-entendus.
— Non, il ne s'est rien passé. Ça n'aurait pas été une bonne idée. Sérieusement, vous me voyez, moi, en couple avec une pop-star ?
— Et pourquoi pas ?
— Nos mondes sont bien trop différents.
— Wow. T'en as d'autres, des révélations comme ça ? souffle Olivia.
— Hmm, pas de ce genre, non.
— Il y a quelque chose qu'elle ne nous dit pas, devine Marion.
— Non, mais ce n'est rien d'important. J'ai peut-être un rencard bientôt.
— Un rencard ? Tu as la cote en ce moment, ma parole ! Est-ce qu'il arrive seulement à la cheville de Val ?
— Je ne sais pas encore, je ne le connais pas très bien. Vous vous souvenez de Léo, le gars de la boîte ? Ma sœur lui a envoyé un message dans mon dos et nous avons rendez-vous mardi.
— Mais oui, l'étudiant d'école de commerce ! se rappelle sa colocataire.
— Ça veut dire que tu n'envisages rien du tout avec le chanteur ? soulève Karim.
— Même si je voulais envisager quelque chose - mais je n'envisage rien - ce serait impossible. La distance, sa situation, ses fans, son emploi du temps... Je ne suis qu'une étudiante anonyme. Et faudrait-il encore que je lui plaise.
— Il y a plein de stars qui ont des histoires avec des gens normaux, argumente Olivia.
— Sûrement, mais j'aimerais être un peu plus qu'une histoire si je commence une relation avec quelqu'un. Et je n'ai pas non plus l'impression que ce soit son genre, les histoires sans lendemain.
— Effectivement, contrairement à d'autres, ce n'est pas vraiment le genre de rumeur qui sort sur lui, acquiesce-t-elle.
— N'empêche, je n'en reviens pas. Quelle était la probabilité que l'oncle malpoli se révèle être une superstar ? »
Ses amis ne sont pas près de la laisser tranquille après cette bombe qu'elle a lâchée.
Au milieu de cette effusion, elle répond rapidement à celui qui est devenu le principal sujet de conversation de la soirée afin qu'il reçoive son message avant de monter sur scène.
Alice : Bon courage pour ton concert ! Veille à ne pas trop faire s'évanouir les jeunes filles.
⭐⭐⭐
Valentin sourit à la réception du message. Il a passé le trajet à parler avec elle et il ne ressent étrangement aucun trac avant de monter sur scène. Malgré son manque de sommeil et ses soucis familiaux, il se sent remonté à bloc.
Son agent entre dans la loge, lui indiquant que la première partie vient de commencer et que le public a l'air chaud. Valentin lui confirme qu'il est prêt, puis hésite un instant.
« Dis, j'ai pensé à un truc pour le prochain concert... Il y a cette chanson que j'aimerais chanter, tu sais, celle que je t'ai fait écouter l'autre jour.
— Écoute, Valentin. On en a déjà parlé. Le programme est fixé, il plaît au public et tout est calé avec les ingés. J'ai déjà dû batailler jeudi pour que tu puisses chanter ta chanson pour enfant, mais je ne peux pas le faire à chaque fois.
— Mais je suis sûr qu'elle peut leur plaire et qu'elle peut leur parler. On pourrait remplacer "Jamais assez".
— Je n'en doute pas, mais elle n'est pas sur ton album et ce n'est pas le style que le label veut qu'on diffuse. Une autre fois, peut-être ? »
Un membre du staff frappe à la porte pour signaler qu'il est temps pour le chanteur de monter sur scène. Il va devoir laisser cette déception de côté pour l'instant. Il aura au moins essayé, mais sans succès, encore une fois. Il appréhende un peu l'enregistrement de son prochain album. Il sait déjà qu'il n'aura que peu voix au chapitre concernant le choix des morceaux.
⭐⭐⭐
Le mardi suivant, Alice rejoint Léo dans un bar du centre-ville sans grandes attentes. Elle se serait bien passée de ce rendez-vous, mais elle avait trop de scrupules pour annuler.
« Salut, l'inconnue de la boîte !
— Salut !
— Est-ce qu'un jour tu comptes me dire ton nom ?
— Je ne sais pas, ça cultive le mystère. Et si jamais tu es quelqu'un de dangereux et que je veux m'enfuir et disparaître, tu ne pourras pas me retrouver.
— Vu sous cet angle, je comprends la précaution. J'aurais dû faire attention, moi aussi ! Si tu es dangereuse, ce sera plus difficile pour moi de m'échapper.
— Voire carrément impossible. Je saurais te retrouver très facilement.
— Je peux donc débuter cette soirée en toute sérénité, je te remercie.
— C'est un plaisir.
— Qu'est-ce que tu veux boire ?
— Je vais prendre une pinte.
— Je vais chercher ça. »
Alice n'a pas le temps de l'arrêter qu'il est déjà au bar pour régler la consommation.
« Si je devine comment tu t'appelles, c'est toi qui payes la suivante, déclare-t-il en revenant avec deux verres, devançant ses protestations.
— Marché conclu. »
La soirée se déroule agréablement, ponctuée d'éclats de rire et de tentatives infructueuses pour trouver le prénom de la jeune femme. Malgré sa ténacité, Léo parvient seulement à en apprendre plus sur ses études. Avant de se séparer, il lui annonce qu'il va partir en échange à l'étranger pour un semestre mais qu'il aimerait la revoir à son retour.
« Bien sûr, tu me diras quand tu rentreras.
— Merci, Sylvie, j'ai passé une soirée très sympa avec toi.
— Sylvie, sérieusement ?
— J'en ai déjà tenté pas mal. Je vais commencer à être à court d'idées, Charlotte.
— Toujours pas. C'était chouette, merci pour l'invitation. »
Ils se font la bise et partent chacun de leur côté. Elle fait quelques pas avant de se retourner et de dire en élevant la voix :
« Au fait, moi c'est Alice ! »
Il sourit et tapote sur son téléphone portable.
Léo : Très beau prénom. Enchanté, Alice.
Bien qu'elle n'ait eu aucune expectative, elle n'est pas déçue. Ce Léo est sympa, et il a cette facilité à la faire rire et à détendre l'atmosphère. Elle sait qu'elle pourrait bien s'entendre avec lui.
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