Chapitre 1

Le bruit de la sonnette retentit dans la maison. Mme Ledoni retouche une dernière fois son maquillage tandis que son mari embrasse leur fils, lui rappelant quelques consignes que l'enfant a déjà entendues des dizaines de fois.

La mère de famille ouvre la porte et accueille la nouvelle arrivée avec un grand sourire.

« Bonsoir Alice. Entre, je t'en prie.

— Bonsoir ! Comment allez-vous ? salue la brunette d'un ton enjoué.

— Alice ! s'écrie le petit garçon en se ruant dans les bras de sa babysitter.

— Ethan ! Tu es en forme, dis donc ! s'amuse-t-elle en ébouriffant sa crinière caramel.

— Avant de partir, nous voulions te demander si tu étais disponible samedi après-midi ? intervient Mme Ledoni. Nous avons un imprévu et pas de solution de garde avant seize heures...

— Pas de problème, ce sera avec plaisir. Je n'ai pas beaucoup de travail en ce moment !

— Merci, tu nous sauves encore une fois ! Heureusement que nous n'avons pas à chercher quelqu'un d'autre, car Ethan t'apprécie beaucoup.

— C'est réciproque, il est toujours très sage. » assure Alice en souriant.

La porte se referme sur le couple. La jeune femme dépose ses affaires dans l'entrée et retire ses baskets avant de rejoindre l'enfant installé sur le canapé du salon.

« Tu as changé de lunettes ! remarque-t-il.

— Eh oui ! Je suis allée chez l'opticien aujourd'hui, elles sont toutes neuves. Tu es le premier à les voir. Alors, tu en penses quoi ? s'enquiert-elle en ajustant la monture Pantos sur son nez.

— Elles sont jolies. » répond-il en déversant une caisse de briques de construction au milieu du salon.

Ethan a 7 ans. Plus petit que les autres enfants de son âge, il n'en déborde pas moins d'énergie. Ses petits yeux brillants et son sourire taquin lui donnent un air malicieux, renforcé par ses cheveux constamment en bataille.

Comme ce mercredi soir et depuis bientôt un an, Alice le garde régulièrement en parallèle de ses études. Elle effectue aussi d'autres babysittings plus ponctuellement, mais Ethan reste de loin l'enfant dont elle préfère s'occuper. Malgré son côté espiègle, il est toujours agréable et il ne fait presque jamais de bêtise. Par-dessus tout ça, le courant est tout de suite bien passé entre eux et ils se sont très vite fortement attachés l'un à l'autre. La babysitter a endossé peu à peu un rôle de grande sœur, qu'elle prend très à cœur.

« Alors, qu'est-ce qu'on construit ce soir ? questionne Alice en attachant ses cheveux mi-longs en queue-de-cheval.

— Un zoo ! »

Le duo s'attèle à assembler les briques colorées afin de créer un parc accueillant pour la ménagerie. Le petit garçon est un grand passionné de nature et d'animaux, thématiques sur lesquelles il est intarissable. Il ne cesse d'agrandir sa collection de documentaires, de livres et de jeux sur le sujet. Alice est impressionnée par sa capacité à accumuler et stocker toutes ces connaissances.

Le zoo est une réussite, et les animaux en plastique ont l'air ravis de leurs enclos.

« Tu sais, je vais bientôt y aller ! s'enthousiasme Ethan, un zèbre à la main.

— Où ça ?

— Bah, au zoo ! C'est mon tonton qui va m'y emmener.

— C'est super ! Et tu y vas quand ?

— Dimanche ! J'ai trop hâte !

— Tu en as de la chance !

— Tu pourrais venir avec moi ?

— C'est gentil, mais c'est une journée entre toi et ton oncle, sourit la jeune femme.

— Oh, tu sais, il aime bien les jolies filles.

— Ah oui, je suis jolie moi ? le taquine-t-elle.

— Oui, tu es la plus belle ! »

Alice laisse échapper un rire devant la remarque attendrissante de l'enfant. Elle le garde de plus en plus souvent ces derniers temps et ses parents ont l'air très occupés par leurs affaires. Il semble se sentir un peu seul certains soirs, même s'il ne le montre pas beaucoup. Elle ne savait même pas qu'il avait un oncle ; il ne lui en avait jamais parlé avant aujourd'hui.

Après avoir rangé le salon et couché le petit garçon, Alice s'installe sur le canapé avec son ordinateur. Elle tape quelques lignes de codes avant d'être distraite par une notification sur son téléphone. Un message de sa mère s'affiche sur l'écran.

« Coucou ma puce, as-tu pensé à une idée de cadeau pour ta sœur ? »

En effet, l'anniversaire de sa cadette, Clara, est dans moins d'une semaine. L'adolescente n'est pas facile à satisfaire, alors elle va devoir se creuser les méninges pour trouver un cadeau susceptible de lui plaire.

« Coucou, je vais y réfléchir. Je te dis dès que j'ai trouvé ! »

Elle se reconcentre sur l'écran de son ordinateur et se remet à coder. Pour une fois, il ne s'agit pas d'un devoir pour l'université, mais d'un projet personnel qu'elle a décidé de monter. Elle n'en a encore parlé à personne. Ce master de programmation informatique qu'elle suit représente bien plus que des études pour elle. C'est le moyen d'allier sa passion à son futur métier et de réaliser ses projets. Si elle sait qu'elle ne pourra pas changer le monde, elle aspire au moins à l'améliorer. Pour ce faire, elle compte bien s'appuyer sur la technologie et ses compétences en la matière.

Loin de l'image du geek enfermé dans une pièce sans lumière avec des vêtements sales, Alice peine pourtant à évoluer dans le monde de la Tech, encore peu ouvert aux femmes. Elle sait qu'elle devra redoubler d'efforts pour faire ses preuves. Mais ça ne lui fait pas peur, car elle aime ce qu'elle fait. Ces langages informatiques qu'elle a appris sont devenus comme une deuxième langue pour elle, lui permettant de réaliser des sites web ou des applications. Elle aime beaucoup construire les structures pour voir ensuite ce qu'elle tape sur son clavier prendre forme et se traduire en interface utile et accessible à tous.

Les parents du petit Ethan rentrent de leur dîner d'affaires vers 23 heures. Après leur avoir assuré que leur fils a été sage, Alice s'apprête à s'en aller quand la mère du garçon la retient.

« Au fait, pour te remercier du temps que tu passes avec Ethan, nous aimerions te donner deux billets pour un concert auquel nous ne pourrons pas aller, annonce-t-elle en fouillant dans un tiroir. Tu pourras t'y rendre avec une amie.

— Vous êtes sûr ? Vous n'êtes pas obligés... hésite la jeune femme.

— Oui, nous n'en avons vraiment pas besoin, affirme Mme Ledoni en lui mettant les billets entre les mains.

— Alors merci, c'est vraiment très gentil. C'est le concert de qui ?

— D'un chanteur très en vogue auprès des ados.

— Ça fera sûrement plaisir à ma petite sœur. Merci encore !

— Bonne soirée Alice. »

Sur le chemin du retour, l'étudiante se réjouit de ce présent inattendu. Le voilà, le cadeau pour sa petite sœur ! Elle n'aura qu'à vérifier qui est ce chanteur pour s'assurer que ça lui plaise et elle s'en sortira sans aucune dépense démesurée. Finalement, il y a du bon à faire ces babysittings qui finissent tard !

⭐​⭐​⭐​

Le lendemain matin, Alice marche dans les couloirs de l'université habillée d'un jean simple assorti d'un léger pull lilas. Elle atteint la salle du cours de "Sûreté et sécurité" où elle retrouve ses camarades de promotion. Tout ce qui touche à la cybersécurité l'intéresse particulièrement, bien que M. Denfert, le professeur qui en a la charge, lui mène la vie dure.

Cette année, elle est la seule représentante de la gent féminine dans sa formation. Au cours de ses études, elle s'est habituée à cet environnement masculin et elle n'a aucun souci à s'y intégrer. À part quelques crétins comme il arrive d'en croiser partout, la plupart sont sympathiques et se moquent bien de ce qu'elle n'a pas entre les jambes. Exception faite de quand les hormones s'en mêlent, bien entendu.

Elle s'assoit à côté d'Antoine, un brun aux cheveux bouclés et aux yeux bleus. Il est son binôme dans la majorité des projets et son ami depuis leur deuxième année de fac, devenu plus récemment le petit ami de sa colocataire, Marion. Ils se sont rencontrés par l'intermédiaire d'Alice, qui a expérimenté ses talents de Cupidon en jouant dans un scénario digne d'une comédie romantique. Ayant ramené son ami dans leur appartement pour travailler sur un projet de groupe, elle a tout de suite capté l'attirance entre les deux étudiants. Quelques semaines ont suffi pour que le couple se forme. Depuis, ils sont tellement accros l'un à l'autre qu'elle voit autant Antoine chez elle qu'en cours.

« Salut, marmonne le jeune homme dont les cernes témoignent d'une courte nuit de sommeil.

— Vu l'heure à laquelle Marion est rentrée ce matin et vu ton état, j'en déduis que ce "un dernier verre et on rentre" s'est révélé être un traquenard.

— M'en parle pas ! Karim et Olivia nous ont traînés en boîte et Marion était inarrêtable. Aïe, mon crâne. » grimace-t-il.

Le professeur entre et Alice sourit en sortant son ordinateur. Marion et elle sont amies depuis leurs années de lycée, et elle connaît par cœur son tempérament fêtard.

« J'ai corrigé vos copies. Ce n'est vraiment pas fameux. » râle l'enseignant.

Il entame la distribution des devoirs notés, l'agrémentant de commentaires tantôt indulgents, tantôt désobligeants.

Quand vient son tour, Alice serre les dents.

« Mademoiselle Perrot. Ce n'est pas vous qui allez nous convaincre d'accueillir d'autres demoiselles parmi nous. »

Sa pique envoyée, il dépose la copie sur le bureau où la note de 6/20 est soigneusement inscrite à l'encre rouge.

« Enfin, ce n'est pas comme si nous avions le choix aujourd'hui. Il faut obligatoirement avoir l'air inclusif. » ajoute-t-il.

Personne ne réagit, et encore moins Alice. Seul Antoine lui envoie un sourire compatissant. Tout le monde s'est habitué à ces railleries. Mais si chacun en prend pour son grade, Alice concentre sur elle toutes les remarques sexistes du quinquagénaire acerbe. Ce dernier prend souvent un malin plaisir à insinuer plus ou moins subtilement qu'elle n'est dans ce Master que pour remplir un quota.

Si son sentiment de légitimité et sa confiance en elle encaissent encore le coup, elle ne peut les empêcher de s'ébrécher un peu plus à chaque fois.

Le reste du cours est consacré aux explications détaillées du prochain projet de groupe à rendre. Les notes du rapport écrit et de la soutenance orale seront déterminantes pour leur semestre. Ils doivent analyser plusieurs virus et être capables d'identifier les logiciels malveillants afin de les contrer. Alice a confiance en son équipe constituée d'Antoine et de Julien, un blond aux cheveux toujours noués en chignon.

Après s'être réparti les tâches et avoir convenu d'un rendez-vous dans deux semaines pour avancer, elle sort de la salle avec Antoine. Ils rejoignent sa colocataire qui les attend à la cafétéria pour déjeuner. Celle-ci termine sa licence de droit sur le même campus qu'eux.

Comme à son habitude, elle est rayonnante. Avec sa chevelure dorée, ses yeux clairs et son sourire pétillant, Marion ressemble à une princesse de conte de fées. Contrairement à son petit ami, ses traits tirés hérités de la soirée de la veille sont à peine perceptibles.

« Toujours partants pour aller boire un verre avec Karim samedi ? demande-t-elle gaiement.

— Ne me parlez pas de boire, geint Antoine en se massant les tempes, encore hanté par ses excès de la veille.

— Si ce n'est pas un autre traquenard... charrie Alice. Je garde Ethan l'après-midi, mais c'est toujours ok pour moi ensuite. Ça me fera plaisir de le revoir ! »

Karim est le quatrième larron de la bande. Lui aussi connaît les deux filles depuis le lycée et il est désormais en dernière année d'école d'ingénieur.

Alice compte bien profiter de cette sortie salvatrice du samedi soir. Elle aime faire la fête autant que ses amis, mais les dernières semaines ont été un peu chargées entre les devoirs à rendre, ses projets personnels et ses soirées de babysitting.

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