Chapitre XIV : La faiblesse de la princesse

C'était bien la première fois que ce genre de chose était arrivé à la jeune princesse, bien qu'elle ait utilisé un moyen différent pour voyager entre les deux univers, ou bien même, tout simplement le fait qu'elle eut pris des méthodes magiques à plusieurs reprises au cours de sa vie à Narnia. Celle-ci ignorait d'ailleurs si elle devait se soucier de s'être blessée durant la téléportation, car elle n'osait faire de mouvement brusque en tentant de retrouver son équilibre. Ce furent Edmund et Lucy, qui se sentaient déjà mieux, qui s'étaient penchés dans sa direction afin de l'aider à se remettre sur ses pieds, avant de balayer du regard ce qui les entouraient. À première vue, tout semblait si paisible, à tel point qu'ils eurent envie de rester ici pour un temps indéfini. Le ciel était d'un bleu éclatant, le soleil diffusait une chaleur parfaite, et le vent était si doux, au point que le trio aurait désirer se prélasser au bord d'une rivière pour bronzer. Néanmoins, leurs longues pensées heureuses furent cessées par la voix de Serena, qui avait repris ses esprits en l'espace de quelques minutes, après avoir autant rêvé que ses amis :

- Nous devrions essayer de trouver un endroit, ou du moins quelqu'un, qui puisse nous éclairer sur la situation. Je veux dire, si nous sommes ici, il doit bien y avoir une raison précise.

Elle posa une nouvelle fois son regard sur l'environnement dans lequel elle se trouvait, avant de poursuivre :

- Je veux bien admettre que l'atmosphère est agréable, mais je ne peux également penser que nous sommes ici par hasard. Qui sait, peut-être que nous avons seulement atterri dans un endroit encore saint de ce monde. Honnêtement, si j'avais été ignorante du potentiel danger, j'aurais volontiers laissé ma vigilance de côté, mais n'oublions pas que Narnia est grand, au point que durant mes seize années d'existence ici, je n'en n'ai connu qu'une moitié. Donc restons sur nos gardes, les prévenait-elle.

- C'est sûr, je pense exactement comme toi, affirma Lucy. Cependant, ça m'intrigue un peu que nous soyons ici, en sachant que Jill et Eustache sont venus en renfort. J'espère qu'il ne leur est rien arrivé de grave. (Elle mit ses mains sur ses lèvres pour camoufler un hoquet de surprise, lorsqu'elle réalisait ses paroles) Vous imaginez s'ils sont en danger ? Ça expliquerait notre retour si inattendu. Je veux dire, Aslan nous avait bien spécifié que nous ne devrions pas revenir, pourtant nous sommes bien là, avait-elle constaté.

- En effet, c'est l'explication la plus plausible, confirma Edmund en croisant les bras contre son torse. Le problème étant que nous n'avons pas la moindre idée de notre position exacte. Comment allons-nous bien faire pour éviter de perdre du temps, surtout si le temps est compté ? J'ai beau avoir vécu ici durant quinze années, avoir mené de nombreuses batailles... Je n'aimerai pas voyager dans la mauvaise direction, cela nous ferait perdre un temps considérable, surtout que nous ne sommes au courant de rien, donc nous ne devons écarter aucune possibilité. (Il fit claquer sa langue contre son palais) Si seulement nous avions une idée du royaume dans lequel nous nous trouvons, je suis certain que cela nous permettrait déjà d'être plus enclin face à ce qui se passe.

- Si au moins nous avions le moyen de nous diriger... ajouta Lucy, d'un air dépité.

À la suite de la phrase de la brunette, un grand sourire prenait place sur les lèvres de Serena, lorsqu'elle posa les yeux sur ce qui se trouvait sur son épaule, se rappelant ainsi avoir apporté son sac avec elle.

- Alors, on peut dire que c'est le destin qui m'a donné l'idée de prendre mon sac, ainsi que tout le reste, avant que l'on soit transportés ici, annonçait-elle en glissant sa main dans sa sacoche. J'ai tout mon matériel nécessaire à une expédition ! Donc pas d'inquiétude à avoir.

La jeune femme avait sorti sa boussole, sa longue vue et d'autres affaires utiles, afin de leur montrer, et cela fit apparaître une certaine sérénité sur le visage des deux Pevensie. Serena, durant sa quête d'objets, avait senti du bout des doigts la présence de la lampe à huile, mais pour elle ce n'était pas le moment de voir si Cyrus était en leur compagnie, lui aussi, donc elle leur cacha ce détail.

- On dirait bien que nous n'avons pas terminé de découvrir de nouvelles choses sur toi, Serena. Tu sembles également être sensible à la magie. Je suis persuadée que tu l'as sentie sans même t'en rendre compte, ce qui explique que tu aies soudainement eu l'idée d'emmener tous ces objets avec toi, argumenta Lucy en passant un doigt sous son menton. Maintenant que j'en parle, je me souviens avoir étudié le sujet à plusieurs reprises, lors de mon règne ici, et ce phénomène est assez rare mais il existe bel et bien. Il me semble que nous avions quelques personnes comme ça, dans notre entourage, à l'époque.

- Sérieusement ? Moi-même je ne savais pas cette chose, s'étonnait Edmund en s'adressant à sa petite sœur, mais peut-être que seuls les gens véritablement originaires de Narnia, comme Serena, peuvent posséder ce type de capacité. Pour le coup, je suis très curieux de savoir si elle a d'autres aptitudes dont je ne connaissais l'existence, souffla le roi ébène en lorgnant ensuite la princesse du coin de l'œil, d'un air intéressé.

- Pour être franche, si je détiens bel et bien ce don, je n'y aie jamais fait attention, se justifiait la jeune femme. Bien que ce que vous venez de dire me pousse à repenser à certaine fois où je crois que ça m'est bien arrivé.

La princesse inspira profondément en se plongeant dans ses souvenirs, sous le regard des deux bruns qui attendaient qu'elle ne poursuive ses dires. Ses paupières s'étaient baissées pendant quelques secondes, tandis qu'elle pressait le bout de ses doigts contre ses tempes en les massant. Bien qu'au départ elle pensait que ça ne marcherait pas, elle se rappelait soudainement avoir, non pas entendu, mais ressentit une force au plus profond de son être lui dicter ses gestes et ses idées, comme si elle n'avait plus véritablement le contrôle de son corps, bien qu'elle soit toujours consciente. C'était une sensation qui n'avait rien de déplaisante, toutefois, cela lui procurait à présent une certaine crainte. Puis, sans vraiment y avoir réfléchi, elle se souvenait de sa rencontre avec Cyrus, et cette étrange attirance qu'elle avait eu envers le fond de la rivière dans laquelle se trouvait la fameuse lampe magique. La brune se rappelait que c'était exactement la même sensation, et alors, cette dernière posait instinctivement la main sur sa sacoche, car elle se rendait compte qu'elle ressentait actuellement la magie émanant de Cyrus, mais surtout, elle réalisait une terrible chose. Cela voulait dire que dès l'instant où la magie était à proximité d'elle, cette dernière pouvait se laisser manipuler par celle-ci. Tout en ouvrant les yeux, la princesse avait eu un frisson qui parcourait son dos, et Edmund l'avait remarqué. Il s'avança vers elle afin de la prendre dans ses bras, dans l'intention de la rassurer.

- Est-ce que ça va, Serena ? prononça-t-il dans l'espoir qu'elle lui réponde de manière positive.

- Je pense, enfin, j'espère. Je venais seulement de me rappeler de certaines choses qui confirment bien que les paroles de Lucy n'ont rien de fariboles. Je suis vraiment sensible à la magie. Mais est-ce forcément une excellente nouvelle ? Honnêtement, je n'en n'ai pas la certitude, avouait-elle en grimaçant.

- Pourquoi dis-tu cela ? la questionnait sa meilleure amie.

- Eh bien, vous êtes les mieux placés pour savoir que lorsqu'il y a de la magie dans des histoires de guerre ou autre, ça ne se passe pas très bien. Toi, Edmund, la terrible sorcière blanche t'as ensorcelé avec des sucreries et des promesses aguicheuses. Toi, Lucy, lorsque tu désirais plus que tout ressembler à Susan, tu as fini par te supprimer toi-même et ainsi détruire tout ce que tu connaissais déjà, avant que, fort heureusement, Aslan ne te fasse réaliser que tu n'avais pas à envier les autres, car tu avais ta propre beauté et qu'il ne servait à rien de te dévaloriser en ne s'acceptant pas. Vous voyez ce que je veux dire ? La magie n'a rien de bon, en partie lorsqu'elle se trouve entre les mains de personnes qui choisissent de se plonger dans l'obscurité.

- Oui, je pense comprendre où tu veux en venir, souffla Edmund. Tu crois que des êtres dotés de magie noire sont à l'origine des nouveaux malheurs de ce monde.

- Tout à fait, c'est même très probable. Vous comme moi savons que c'est tout à fait possible, nous avons vécu assez d'années dans ce royaume pour savoir ce que la magie peut faire comme dégâts. Et au vu des nombreuses fois où j'ai pu être sujette à la magie, bien que ce ne fut jamais grave, ça ne veut pas forcément dire qu'à l'avenir cela reste une bonne chose pour moi. Heureusement, pour le moment, je n'ai jamais été gravement affectée ou quoi que ce soit d'autre. Par exemple, lorsque la magie se préparait avant notre téléportation, j'ai été contrôlée par une force extérieure, ou bien j'ai également été sujette à la magie lorsque Cyrus et moi nous sommes rencontrés, mais c'était encore plus fort cette fois-là. Alors imaginez ce qui pourrait arriver si je me faisais ensorceler par un être qui possède des pouvoirs obscurs ?

Edmund n'avait toujours pas quitté les bras de Serena, et à la suite de ses révélations, Lucy avait également écarté les bras afin de se serrer contre elle.

- Ne t'en fais pas, souffla l'ancienne reine. Si cela est vrai, nous ferons en sorte que ça n'arrive tout simplement pas.

- Lucy a raison, et jamais nous ne permettrons que quiconque te fasse du mal, que tu sois ou non plus sensible à la magie que nous, car à mes yeux ça ne change rien, affirmait le roi ébène. Mais pour l'instant, cessons de nous causer des tracas et concentrons-nous sur notre objectif premier, celui de trouver une issue et des gens pour nous aider.

Serena s'écarta légèrement de ses amis en inclinant la tête, avant de leur offrir un sourire chaleureux, leur prouvant ainsi que ses craintes se dissipaient pour le moment. Lucy et Edmund partagèrent un regard complice tandis que la princesse sortait une nouvelle fois sa boussole de son sac.

- Je propose que l'on s'aventure vers le nord, annonça la princesse.

Les deux Pevensie avaient acquiescé d'un simple hochement de tête, avant qu'ils ne se mettent enfin en route, s'enfonçant ainsi de plus de plus dans la forêt. Ils firent à plusieurs reprises la rencontre d'animaux qui n'étaient point dotés de parole, ce qui avait légèrement déstabilisé Lucy, car elle s'était attendue à en voir quelques-uns qui puissent leur indiquer un quelconque chemin. Ils firent plusieurs pauses, dès lors où ils trouvaient des points d'eaux afin de se rafraîchir, mais surtout pour qu'Edmund et Lucy puissent soulager leurs pieds qui se trouvaient dans des souliers peu adaptés à la longue marche.
Ce ne fut qu'au bout de trois heures, qu'ils étaient arrivés au bout de la forêt, et le ciel commençait à s'assombrir, ce qui ne rassurait aucun membre du trio, car ils n'avaient pas de vêtements chauds pour la pluie. Les montagnes s'étendaient à perte de vue, et plus ils avançaient, moins il y avait de verdure, pour laisser place à du sable et un froid sec.

À présent, il faisait nuit noire, la pluie tombait à fortes gouttes, et par chance la lampe torche d'Edmund leur permettait de voir quelque chose à travers le petit chemin de collines dans lequel ils étaient en train de marcher depuis quelques temps. Il ne devait pas faire plus de cinq degrés, et Lucy ne pouvait s'empêcher de claquer des dents. Edmund arrivait à tenir la cadence et Serena ne se souciait guère de ce genre de détail, car elle était bien trop concentrée sur ce qui se perdait à l'horizon, et elle espérait fortement qu'une quelconque demeure apparaisse soudainement. Ce fut, par ailleurs, le cas lorsqu'elle repéra une lueur au loin, provenant d'une petite maison dont de la fumée s'échappait de la cheminée. Aucun son n'avait eu besoin de sortir de la bouche des trois amis pour exprimer leur joie, car ils s'étaient tout simplement décidés à accélérer le pas afin d'atteindre cette maison le plus rapidement possible.
Lorsqu'ils atteignirent le pas de la porte, ils n'hésitèrent pas à tambouriner sur le bois sec. Quelques instants plus tard, une fouine mâle était apparue devant eux, une pipe entre les lèvres, un gros gilet recouvrant son corps et une paire de lunettes posées sur son museau. Cette dernière plissa les yeux, avant de prononcer quelque chose :

- Bien le bonsoir. Que puis-je faire pour vous, par un temps aussi pluvieux ?

- Bonsoir, nous venons demander l'asile, pour la nuit, répondit Edmund, qui semblait bien être le seul à avoir su garder un tant soit peu sa salive.

- Nous sommes complètement gelés, continua Serena.

- Nous sommes trempés, enchaîna Lucy.

- Et nous avons terriblement faim, avait conclu la princesse, qui se frottait les bras.

La fouine resta muette, ne sachant pas vraiment comment réagir face à la situation. Après un petit moment à les toiser de la tête aux pieds, l'animal s'était finalement mis sur le côté afin de les inviter à entrer, dans un premier temps, afin qu'ils puissent se sécher.

- Je... je n'ai pas souvent de la visite, bredouilla la fouine. Veuillez m'excuser pour ce désordre, dit l'animal en refermant la porte derrière le trio. Bien sûr que vous pouvez rester ici pour la nuit, ça ne me pose aucun problème. Surtout par un temps pareil.

- Ne vous en faites pas pour le désordre, nous ne vous jugerons pas, lui affirma Lucy qui découvrait la petite pièce chaleureuse en la balayant du regard. En tout cas, on vous remercie pour votre hospitalité.

- Oui, merci beaucoup ! firent Serena et Edmund.

La fouine s'était penchée pour ouvrir un placard et en sortir plusieurs serviettes et couvertures qu'elle donna à ses invités afin de se sécher et se couvrir.

- Ça me fait plaisir de vous aider, répondit l'animal. Vous pouvez retirer vos vêtements dans la pièce d'à côté, nous les pendront à côté de la cheminée afin qu'ils soient secs pour votre départ demain.

Le trio suivit les indications de l'animal et un à un ils se trouvèrent seulement vêtus de leurs sous-vêtements, chaussettes, en étant enveloppés dans d'épaisses couvertures faites en peau de bête. Ils se tinrent tous les trois comme des piquets dans la pièce principale en attendant que leur hôte leur donne la suite des directives.

- Allons, allons, ne restez pas ainsi, asseyez-vous près du feu, vous allez tomber malade à rester comme ça ! Je vais vous apporter à chacun un grand bol de soupe, vous allez voir, vous m'en donnerez des nouvelles ! Ça vous fera le plus grand bien.

- Oh oui ! Merci infiniment !

Sans plus tarder, la fouine laissa les trois amis se diriger vers le canapé se situant près de la cheminée, afin de se réchauffer grâce à la chaleur émanant de ce petit espace. Au départ, ils furent muets, ne se délectant que de l'atmosphère agréable dans laquelle ils se trouvaient, avant que Serena ne se décide à faire cesser ce silence de mort. Ils parlèrent ainsi jusqu'au retour de leur nouvel ami, qui leur apportait, sur un grand plateau, des bols de soupe aux potirons bien chauds. Dès lors où les deux jeunes femmes et le jeune homme eurent ingurgités leur première gorgée du breuvage, ils sentirent en eux une douce chaleur s'emparer d'eux. Ils se sentirent très bien.

- Au fait, comment doit-on vous appeler ? lança Lucy, une fois que la fouine les eux rejoins pour de bon.

- Oh ! Veuillez pardonner ma maladresse, je me nomme Yvgon. Et vous, mes chers amis ?

- Je suis la reine Lucy la Vaillante, débuta la concernée.

À l'entente de cette information, la fouine ouvrit de grands yeux, sans doute parce qu'elle ne s'était pas attendue à une telle révélation. L'animal posa ensuite les yeux sur le jeune homme et l'invita d'un signe de tête à se présenter.

- Roi Edmund le Juste, enchanté, fit le brun avant de boire une nouvelle gorgée de soupe.

- Et moi je suis la princesse Serena, fille du roi Rilian, enchaînait la brune. C'est un plaisir de faire votre connaissance.

La fouine posa une patte contre sa fourrure, au niveau de son abdomen.

- Suis-je en plein rêve ? Ou bien je confonds peut-être les choses ? Mais vous êtes en train de me dire que vous êtes tous les trois des rois, reines et princesses de l'ancien temps ? Mais que faites-vous ici ? Pardonnez-moi, mais ne devriez-vous pas être décédés depuis des siècles ?

- Non, non, vous ne rêvez pas ! riait Serena. Nous sommes bien d'anciennes princesses, reines et ancien roi, de ce monde. C'est assez fou que nous soyons encore en vie, pourtant c'est bien réel... Mais si vous y tenez, nous pouvons chacun vous raconter les raisons qui expliquent tout.

La fouine hocha seulement la tête, se glissa dans une couverture et s'installa à côté de Lucy, signe avant parleur qu'il était prêt à écouter leurs récits. Sans perdre une seconde de plus, ils parlèrent chacun leur tour, en commençant par Lucy, car ce fut la première à avoir mis les pieds à Narnia, avant de terminer par Serena, dont l'histoire était plus récente. Yvgon n'avait pas perdu une seule miette de leurs histoires, à tel point qu'il leur posait des tas de questions sur les événements du passé dont avaient été spectateurs les trois anciens souverains. C'était assez plaisant à raconter et à écouter.
Ils avaient ainsi fait plus ample connaissance, et appris chacun de l'autre durant le reste de la soirée. Yvgon s'était présenté comme étant un marchand qui exerçait le commerce de légumes, lait et œufs, à domicile. Il possédait une petite grange au fond de son jardin, derrière sa maison, dans laquelle résidaient quatre chevaux, cinq vaches et quinze poules. Cela avait ravi les deux Pevensie et Serena, car immédiatement, ils pensèrent que ces chevaux allaient être leur moyen de transport, bien qu'Yvgon ne soit encore au courant de ce qui se tramait dans l'esprit des trois individus.

- Savez-vous, par hasard, s'il y a un quelconque danger par-delà les montagnes ?

Le regard de la fouine semblait en dire plus long qu'il n'y paraissait, car il y eut bien dix secondes qui s'étaient écoulées avant qu'il ne daigne prononcer quelque chose.

- Personnellement, je n'ai rien vécu de tel, ces derniers temps, néanmoins, on raconte partout dans cette contrée qu'il est fortement déconseillé de se rendre près des royaumes de l'est.

Serena glissa un doigt sur ses lèvres tout en réfléchissant aux paroles de la fouine.

- Donc, si je ne me trompe pas, étant donné que nous sommes perchés dans les montagnes, ceci voudrait ainsi dire que nous nous situons au sud de Narnia, autrement dit, non loin de Anvard, au royaume d'Archenland.

- C'est bien cela, vous semblez bien connaître la géographie, votre Altesse, la complimentait Yvgon. À vrai dire, nous ne sommes qu'à deux journées de marche de la capitale, et le village le plus proche est à seulement quelques heures, ce n'est pas bien loin si nous avons un chariot et de quoi le tirer.

- Oh ! Disons que voyager à travers les royaumes était une de mes spécialités, répondit la jeune femme en se grattant l'arrière du crâne. Maintenant que j'ai bien la confirmation de notre position, cela veut donc dire que nous sommes très loin de l'endroit d'où proviens le mal, souffla-t-elle.

Ils se turent à nouveau et ce fut Edmund qui poursuivit l'interrogatoire.

- Sauriez-vous en quoi consiste le danger qui peut rôder à l'est de Narnia ?

L'animal haussait les épaules.

- Je n'en n'ai pas la moindre idée, Messire Edmund. J'ai beau être un commerçant qui a pu voyager dans divers endroits, cela fait quelques temps que je ne sors plus souvent de cette petite contrée, vous savez. Je ne fais qu'entendre des échos par ci et là de la bouche de mes clients, voilà tout.

Edmund baissa la tête, un instant, avant de lâcher un léger soupir.

- Vous n'avez rien d'autre à nous révéler, vraiment ? tentait Lucy.

- Je ne sais pas... balbutiait Yvgon en secouant la tête. Pardonnez-moi, mes amis.

Edmund et Serena partagèrent un regard, et tous deux se disaient que la fouine ne leur parlait pas de tout.

- Cela va peut-être vous brusquer, mais comme nous vous l'avons expliqué, nous sommes à la fois d'anciens souverains mais également des sauveurs de Narnia, continua Edmund d'un ton plus calme. Et notre retour n'est en rien anodin, donc s'il vous plaît, je vous implore de nous révéler ce que vous savez. Ça me gêne, d'ailleurs, de devoir vous demander cela, mais votre aide nous est très précieuse, et croyez-le, nous allons vous récompenser comme il se doit, dès lors où nous aurons détruit la nuisance qui menace Narnia.

Ce fut le tour d'Yvgon de baisser la tête, car celui-ci se mis à réfléchir longuement, avant d'accorder à nouveau son attention à son interlocuteur.

- Je ne veux pas vous induire en erreurs, mes chers anciens souverains, prononça-t-il d'une voix tremblante. Je préfère ne rien dire... Vous savez, je pense que lorsque des gens racontent des choses, ce n'est jamais à cent pour cent la vérité. Chacun transforme à sa manière les détails, pour qu'au final, l'histoire originale ne soit pas la moitié de ce qui a été raconté. Vous comprenez ce que je veux dire ? C'est pourquoi, bien que des tas de choses ont été colportés au sujet du danger qui entoure Cair Paravel, et les royaumes voisins, je préfère ne rien dire.

Une fois de plus, les yeux du trio se croisèrent, et ils comprirent les intentions de leur nouvel ami. Il n'était pas mauvais, et d'une certaine façon il avait raison. C'était bien pour cela qu'ils firent le choix de ne pas insister davantage sur leur interrogatoire, se contentant seulement de lui demander un service.

- En quoi puis-je vous aider, Messire ? avait répondu Yvgon, à la suite de la question.

- Pouvez-vous nous prêter vos chevaux ? Nous devons nous rendre au village le plus proche afin de nous équiper. Comprenez, nous ne pouvons point aller combattre le danger sans y être préparés.

- Certes, je comprends. Je veux bien vous prêter ce dont vous avez besoin, je viendrai même avec vous, cela va de soi ! Je ne peux vous laisser avancer seuls dans cette aventure après ce que je sais à votre sujet. Je ne suis pas très fort en stratégie, ni au combat, toutefois, j'ai un excellent sens de l'orientation et j'ai de l'expérience en termes de voyage, donc je pense être utile !

- Parfait, ce sera avec plaisir que vous nous rejoignez, répondit le brun.

- Ed, fit Lucy. Tu dis vouloir que l'on s'équipe, mais avec quel argent ?

- Eh oui, c'est vrai ça... souffla Serena.

Personne ne prononça quoi que soit durant quelques secondes, avant que la fouine ne dise :

- Si vous me promettez bien que je serai récompensé, dès lors où vous aurez gagné contre le mal, alors je veux bien vous aider aussi sur ça. Évidemment, ça me chagrine de devoir y remédier mais nous n'avons pas d'autre choix. Nous vendrons deux ou trois de mes poules, ainsi qu'une vache. Avec ça vous aurez normalement assez d'argent pour acheter ce dont vous aurez besoin.

Le trio fit les gros yeux. Cela les attristait de pousser leur nouvel ami à vendre ses animaux pour les aider, mais ils savaient également qu'ils n'avaient pas d'autres options qui puisse leur permettre de gagner rapidement de l'argent. Ce fut Edmund qui décida de reprendre la parole :

- Cela est très courageux de votre part, nous vous sommes extrêmement reconnaissants pour ce que vous faites pour nous, déclara le roi ébène d'un ton assez gêné. Merci infiniment, ajouta le brun en s'inclinant.

Les deux jeunes femmes firent de même.

- Voyons, voyons, bégayait Yvgon en se tamponnant le front avec un mouchoir, ne soyez pas embêtés pour moi. Si je vous propose cela c'est que je pourrai très bien tenir sans eux ! Et puis, aller au village me fera le plus grand bien ! Ça fait si longtemps que je ne m'étais pas sociabilisé.

- Très bien, si vous insistez, nous procéderons ainsi, conclu Edmund en jonglant du regard entre l'animal et les deux brunes.

Sur ces mots, Yvgon se leva et annonça qu'il avait besoin de leur aide pour préparer les lits, dans la pièce principale.

- Souhaitez-vous dormir dans mon lit ? proposa la fouine en s'adressant à Serena et Lucy.

Les deux jeunes femmes se regardèrent d'un air gêné.

- Ne vous en faites pas, dormir dans le salon ne sera pas dérangeant. Vous savez, nous avons eu l'occasion de dormir à plusieurs reprises à même le sol lors de certaines de nos expéditions, répondit gaiement Lucy. Mais c'est gentil d'avoir proposé.

- Vous nous êtes déjà d'une grande aide, nous n'allons pas en plus prendre votre matelas, poursuivit la princesse d'une voix douce.

- Fort bien, dans ce cas, je peux vous proposer de dormir sur des bottes de paille ? Je n'ai malheureusement pas d'autre solution.

- Ça ira très bien, confirma Edmund.

Serena se tourna face à sa meilleure amie pour la saisir par les épaules.

- Lucy, j'aimerais que tu dormes sur le canapé.

- Mais...

- Fais ce que te dis Serena, lui suggéra son aîné en lui offrant un clin d'œil.

- Oh, euh... d'accord, souffla la brunette avant d'emboîter le pas de la fouine, suivit par son frère et son amie.

Yvgon ouvrit la porte arrière de sa maison, menant ainsi à son jardin. Ces derniers constatèrent que la pluie avait cessé, et ils s'avancèrent en direction de la grange. Dedans, ils y prirent plusieurs bottes pour faire un lit deux places, qu'ils portèrent à bouts de bras jusqu'à la maison. Ils placèrent tout cela au milieu du salon, non loin de la cheminée. Afin de ne pas se gratter à cause de la paille, durant la nuit, ils mirent une couverture, et ensuite, le jeune couple s'était allongé dans ce lit rudimentaire. Lucy fit de même, sur le canapé à côté d'eux.

- Je vous souhaite une excellente nuit, fit la fouine en éteignant toutes les lampes qui se situaient dans la pièce.

- Bonne nuit Yvgon, répondit le trio, avant de se mettre à bâiller à l'unisson.

Puis la nuit s'empara de la maison. Edmund et Serena, qui se rappelèrent soudainement qu'ils avaient été en froid plusieurs jours auparavant, firent néanmoins le choix de laisser cette chose puérile derrière eux pour se coller l'un contre l'autre afin de s'aimer dans l'obscurité, à l'abri des regards. Lucy laissait ses lèvres former un grand sourire lorsqu'elle comprit qu'ils s'embrassaient, signifiant ainsi que leur querelle était terminée. Peu à peu, le sommeil avait gagné le roi ébène et sa petite sœur, mais ce ne fut point le cas de la princesse, qui ne pouvait faire taire une petite voix dans sa tête. Cela la fit lâcher un léger grognement, avant qu'elle ne prenne la décision de sortir du lit. Doucement, et sans faire le moindre bruit, la jeune femme s'extirpa des couvertures, se baissa et attrapa son sac qui se trouvait à ses pieds, et se dirigea vers la porte de sortie, après avoir enfilé ses vêtements à présent secs et ses bottes, pour se rendre dans la grange.

Elle s'était installée sur une meule de foin, non loin des animaux allongés, et glissa sa main dans son sac pour en sortir la lampe magique qui taraudait dans son esprit depuis des heures. La jeune femme balaya la grange du regard, et constatait que tous les animaux étaient plongés dans leurs songes, ce qui la rassurait. Elle inspira profondément, tout en posant ses orbes bleutés sur l'objet magique dans ses mains. Cette dernière toisait la lampe durant plusieurs secondes, se disant que cela était peu probable que le génie soit resté à Finchley, et en même temps elle se contredisait en se disant que c'était tout à fait possible. Rien que d'y penser, son visage se décomposait, car elle savait que Cyrus s'était plutôt bien intégré à la société anglaise, et elle se sentait mal à l'idée que si elle frottait la lampe, il quitte sa vie là-bas. En fait, elle ignorait s'il était resté ou bien emporté par la force magique de la lampe, et cela la faisait énormément stresser, pour la simple et unique raison qu'elle ne voulait pas faire souffrir son ami, mais en même temps elle mourrait d'envie de savoir, quand bien même elle en était terrifiée. Elle se rappela alors la sensation qu'elle avait eu lorsque ses doigts eurent effleuré l'objet magique, tout à l'heure. Serena en était persuadée, elle avait senti de la magie, ce qui pouvait être la preuve que Cyrus avait été arraché à sa vie anglaise, mais malgré cette preuve, la jeune femme craignait du contraire. Elle poussa un soupir, et sentit une boule se former au niveau de son estomac. Tout en examinant la lampe à huile, elle hésita longuement avant de prendre la bonne décision. La jeune femme avait réfléchi plus loin de la situation actuelle, se rappelant ainsi les paroles qu'ils avaient pu échanger, notamment lorsqu'ils eurent discuté de la seule manière de le libérer de sa prison : la mort de la sorcière des ombres. Immédiatement, Serena savait quel choix faire, pour la simple et unique raison qu'elle allait enfin pouvoir tenir parole. Lentement, sa main se posait sur le dessus, et délicatement, elle frotta sa peau contre le métal magique. Rapidement, une lueur pourpre s'emparait de l'atmosphère, avant de laisser apparaître la personne qu'elle attendait face à elle. Sans grande surprise, lorsque Cyrus apparut, à nouveau vêtu de ses habits de génie et de ses grosses chaînes solides, ce dernier constatait l'endroit où il se situait. Il fut très étonné et ne trouva pas tout de suite ses mots.

- Où... où suis-je ? demanda ce dernier en faisant un tour sur lui-même. Qu'est-ce que je fais ici ? Où est ma maison ? Mon chien Sparkle ?

Serena se leva et s'avança lentement dans la direction de son ami, tout en se sentant coupable de l'avoir arraché à son animal de compagnie, mais surtout sa vie actuelle qu'il semblait énormément apprécier. Elle posa une main sur son épaule d'un air désolé.

- Cyrus, commença-t-elle, je suis sincèrement navrée de t'avoir appelé en sachant que tu menais une belle vie à Finchley. Je sais bien que nous avions convenu que je devais seulement garder et non utiliser cette lampe, mais l'heure est grave. Mes amis et moi avons été téléportés à Narnia par magie. Sûrement parce qu'une menace rôde à l'est de ce monde... Mais si je t'ai fait sortir, ce n'est pas pour te demander de l'aide à propos de ça. C'est pour te dire que dès que nous aurons vaincu le mal principal, je tiendrai enfin ma parole et tuerai la sorcière qui t'a fait devenir un génie. C'est pourquoi, j'ai violé cette promesse, et je te demande pardon.

Serena s'inclina plusieurs fois en implorant son ami. La bouche du génie tremblait légèrement, comme s'il tentait de retenir des sanglots, mais il n'en fit rien, et releva la tête d'un air courageux en affrontant le regard de sa maîtresse.

- J'accepte vos excuses, Serena. Vos agissements sont tout à fait justifiés, et c'est pourquoi, même si cela me fait de la peine d'avoir perdu ma vie anglaise, je me dis que si nous parvenons à tuer cette terrible sorcière, je serai enfin maître de ma vie, et je pourrai faire comme bon me semble !

- Je suis heureuse que tu le prennes comme ça, s'exclama la brune en lui souriant sincèrement.

- Et ne vous inquiétez pas, vous pouvez compter sur mon aide pour vaincre ce mal ci également. Je vous suis entièrement dévoué, ne l'oubliez pas ma chère. Donc n'hésitez pas, et appelez-moi si la tâche devient trop ardue.

- Très bien, j'en prends note. Merci Cyrus.

- Non, merci à vous Serena, souriait ce dernier, avant de s'autoriser à la prendre dans ses bras.

- Allons, allons, Cyrus, ne me remercie pas encore, le mal n'a même pas encore été identifié. Demain matin, avec Edmund, Lucy, et Yvgon, une fouine qui nous a accueillis gentiment, nous irons dans un village et tenterons d'en savoir plus. C'est pourquoi, pour le moment, j'aimerais que tu restes en sécurité dans ta lampe. Je ne veux pas te faire prendre le moindre risque, lui assura la princesse.

- Bien sûr, il n'y a pas de problème. Je ferai comme vous voudrez, Maîtresse.

- Dans ce cas, je te dis à bientôt !

- Ce fut un plaisir de vous revoir, Serena. À bientôt !

- Pour moi aussi ce fut un plaisir ! (Elle se tut un instant tout en se détachant de ses bras) Je vais retourner me coucher, sinon ils vont finir par se poser des questions, conclu la jeune femme avant de frotter à nouveau l'objet magique, faisant disparaître l'homme au teint hâlé.

À la suite de cela, Serena reprit le chemin inverse, retira à nouveau son attirail, et se glissa discrètement dans les couvertures, puis dans les bras de son copain. Cette dernière avait eu la chance de ne pas avoir réveillé Edmund et Lucy, qui avaient le sommeil lourd, cette nuit-là.

Le lendemain fut assez pénible pour Serena de se détacher de sa douce et chaude couverture. Néanmoins, elle n'avait eu d'autre choix d'imiter son fiancé et sa meilleure amie, lorsqu'ils prirent le chemin de la salle de bains pour y faire un brin de toilette et s'habiller plus convenablement. Pour le petit-déjeuner, ils eurent du jus d'orange pressé, du lait et de bons œufs frais, qu'Yvgon transformait rapidement en omelette. À la fin de leur petit-déjeuner, ils se sentirent rassasiés et pleins d'énergie pour la journée qui allait se présenter à eux, et tant mieux car ils ne savaient pas quand arriverait un prochain repas aussi nourrissant, bien qu'ils aient préparé des sacs avec des provisions pour leur voyage.

Ils partirent après l'Aube, sur un chariot fait de bois et dont une toile recouvrait le dessus. Ce furent Serena et Lucy qui montèrent à l'arrière avec plusieurs poules qui étaient prévues pour la vente, et Edmund accompagné d'Yvgon s'assirent devant. Le chariot fût bien sûr tiré par trois des chevaux de la fouine, et la vache suivait le rythme en étant accrochée à une corde ficelée au chariot. Le chemin fut plus rapide qu'ils ne le pensèrent, car ils firent passer le temps en discutant d'un tas de choses, faisant ainsi plus ample connaissance avec leur nouvel ami.

Lorsque les premiers bâtiments se laissaient entrevoir au loin, Serena et Lucy se sentirent excitées à l'idée de découvrir ce village. Elles s'étaient penchées vers l'avant afin de percevoir ce qui allait se présenter à tout le groupe. Bien évidemment, à cette heure de la journée, les chemins étaient plutôt bondés par les passants et les chariots qui se suivaient les uns derrière les autres. Yvgon fut reconnu par plusieurs personnes, qu'il connaissait, qui le saluaient gaiement, avant qu'ils ne poursuivent leur route. Ils finirent par stopper leur chariot non loin d'un marché, et Yvgon demanda à Lucy de tenir compagnie aux chevaux pendant leur absence, et celle-ci accepta sans rechigner. Serena et Edmund se chargèrent de transporter les boîtes dans lesquelles avaient été mises les quelques poules à vendre, et la fouine détacha la corde du chariot pour emmener avec lui sa vache. Ils marchèrent silencieusement dans le marché plutôt bruyant, jusqu'à ce qu'Yvgon ne bifurque dans un quartier voisin, les deux anciens souverains sur ses pas. Le duo ne remarqua pas tout de suite qu'ils se rendaient chez un brocanteur, car ils ne le virent que lorsqu'ils observaient l'écriteau à côté de la porte qu'Yvgon poussa face à lui. Serena et Edmund partagèrent un regard interrogé, pour la simple et unique raison que les brocanteurs n'achètent pas d'animaux mais des objets anciens. Un petit tintement se laissa entendre, et avant d'entrer, Yvgon demanda à ses amis de garder avec eux la vache et les poules.

Serena et Edmund attendirent patiemment jusqu'au retour de leur ami, bien que pendant son absence, leur curiosité ne faisait que s'agrandir. Il était revenu une dizaine de minutes plus tard, accompagné d'un minotaure. Ce dernier salua rapidement le couple avant de porter son attention sur les animaux qu'ils avaient apporté avec eux. Quand le minotaure eut cessé de vérifier les moindres détails sur chacune des bêtes, il attrapa à sa ceinture une bourse qui semblait pleine de pièces et la jeta dans les pattes de la fouine. Au moment où la bourse atterrissait dans ses pattes, Serena avait pu apercevoir qu'il grimaçait, et que ses yeux étaient humides, ce qui lui fit mal au cœur car elle savait qu'il tenait beaucoup à ses animaux. Néanmoins, elle n'ajouta rien, se contentant de traîner des pieds sur le chemin de retour, tout simplement parce que ça l'embêtait énormément d'avoir demandé autant à Yvgon. Il était si bon avec eux, à tel point qu'elle se trouvait répugnante à côté. Edmund avait remarqué qu'elle était perturbée par cela, et glissa une main dans la sienne avant de croiser son regard.

- Je sais, se contentait-il de dire d'une voix plutôt triste. Je pense comme toi, mais nous n'avions pas le choix. Nous reviendrons bientôt pour lui rembourser tout ça, c'est promis.

- Je te crois Edmund, mais tu sais, les êtres vivants ça ne se remplace pas, même s'il s'agissait seulement d'une vache et de quelques poules. Leur relation semblait être importante, je me trouve horrible.

- Peut-être qu'à l'heure actuelle c'est une chose que nous trouvons horrible, mais qui sait ? Si nous n'intervenons pas au plus vite, qui sait si le mal de l'est ne viendrait pas se propager jusqu'à ce sympathique petit village ? Finalement, ces animaux vivraient sûrement pires en subissant cette menace qu'en étant chez ce brocanteur, qui ma fois est étrange puisqu'il n'achète pas seulement de vieux objets...

Le visage de la princesse se baissa un instant, avant qu'Edmund ne mette un doigt sous son menton pour le relever.

- Tu ne crois pas que j'ai raison ? s'inquiétait le jeune homme.

- Si, si, tu as entièrement raison.

Le roi ébène se pinça les lèvres car il devinait bien que malgré ses explications, sa fiancée ne pouvait s'empêcher de culpabiliser.

Lorsqu'ils arrivèrent au chariot, Yvgon proposa à ses amis d'échanger sa place avec celle de Lucy, afin d'être sûr que le chariot ne disparaitrait pas durant leur absence. Le trio fut ainsi lâché seul en plein marché, avec la bourse pleine de pièces qu'Yvgon leur avait confiée, afin qu'ils puissent faire leurs achats sans le moindre pépin.
Rapidement, Lucy avait repéré un magasin de vêtements, et sans perdre une minute, ils entrèrent à l'intérieur pour y dénicher ce dont ils avaient besoin. Lucy avait ainsi trouvé une robe assez confortable qui puisse lui permettre de faire de grands mouvements de jambes, ce qui était parfait pour elle car c'était ce qui était le mieux adapté pour la suite du voyage. Edmund, quant à lui, avait pris un doublet bleu ciel et un pantalon à sa taille.
Serena avait été la seule à n'avoir rien pris, car elle n'en n'avait guère besoin.
Ils avaient directement enchaîné en allant acheter des chaussures adéquates à la marche, et ils terminèrent par ce qui allait leur coûter le plus cher.

Serena fut la première à ouvrir la porte du petit magasin appartenant à un forgeron. Dès lors où ils posèrent le pieds à l'intérieur, ils virent que cet artisan était très habile de ses mains, tout simplement parce qu'il était à l'œuvre devant eux, en frappant avec un marteau sur un bout de fer brûlant. Le forgeron s'arrêta net lorsqu'il s'aperçut de la présence de ses trois nouveaux clients. Avant de s'adresser à eux, il se passa le dos de la main sur son front afin d'effacer sa sueur apparente.

- Bonjour, que puis-je pour vous ? demanda celui-ci en essuyant ses mains sur son tablier en caoutchouc.

Lucy s'était approchée des articles posés sur des présentoirs, et elle en saisit quelques-uns afin de constater la qualité des produits.

- Bien le bonjour, Monsieur, débuta Edmund. J'aurai besoin d'équipements, si bien entendu vous avez le temps et les matériaux pour effectuer ma demande. Sinon je ne prendrai que le strict minimum.

- Dites toujours.

- Il me faudrait une cotte de maille, une armure complète, un bouclier et une épée.

L'homme se passa une main sous le menton.

- Oh, je vois ce que vous vouliez dire. Je pense avoir un bouclier et une épée quelque part dans l'arrière-boutique. Néanmoins, pour le reste, je pense être un peu débordé avec les commandes, je ne m'arrête plus ! Ne m'en voulez pas mais si vous désirez quand même que je vous fasse le reste, il vous faudra attendre au moins un ou deux mois.

Edmund fit de gros yeux. Il ne s'était pas attendu à un délai aussi long.

- Vous êtes si débordés que ça ? s'étonnait Serena en le toisant avec des yeux ronds.

- Vous savez, je pense qu'une guerre va se préparer à l'est, prononça l'artisan. C'est pour ça que je suis autant pris.

À l'entente de ces mots, le trio partagea un regard. Immédiatement, ils se dirent que c'était sûrement l'occasion de dénicher quelques informations de la part du forgeron.

- Que voulez-vous dire par une guerre ?

- Quoi ? Vous n'êtes donc pas au courant de ce qui se trame là-bas ?

Le trio secoua la tête en guise de réponse, et leur interlocuteur les observait comme s'ils étaient des extraterrestres.

- Voyons, tout le monde ne fait que parler de ça depuis des semaines. Vous savez bien, au royaume de Cair Paravel, les Calormènes se sont associés avec un singe se disant être le porte-parole d'Aslan. (Il s'approcha un peu plus d'eux et chuchota) On rapporte même qu'en réalité, Tash et Aslan sont en fait la même divinité. Ils ont décidé de l'appeler Tashlan pour faire plus simple.

Les sourcils des trois bruns se levèrent à l'entente de cela. Rien qu'en ayant appris ceci, ils craignaient pour la suite. Tash était une créature terrible, un oiseau sombre dont la simple présence ne faisait naître que des sentiments négatifs... Pour faire plus simple, c'était tout le contraire du majestueux lion.

- Si je dis qu'il y aura sûrement une guerre, c'est parce que Tashlan mène la zizanie entre tous les habitants de l'est. Il aurait ordonné des tas d'horreurs, afin de punir le peuple Narnien. Le problème, c'est que personne ne sait vraiment ce que le peuple a fait de mal. Beaucoup de gens ici pensent que ce n'est pas vrai, et d'autres disent qu'Aslan, pardon, je veux Tashlan, se serait montré à eux. Honnêtement, j'espère juste que ça ne se répandra pas jusque chez nous. Vous savez, si je vous dis être débordé c'est parce que le roi de Anvard a tenu à se préparer au pire, et il m'a passé des tonnes de commandes. Rassurez-vous, je ne suis pas le seul forgeron du coin à avoir été solliciter, c'est partout pareil.

- Hm, tout cela est bizarre, souffla Serena.

- Oui, je ne peux pas croire qu'Aslan puisse être devenu une créature aussi terrible. J'ai à de nombreuses reprises pu le voir et lui parler, déclarait Lucy. Jamais il ne ferait de telles atrocités. Pour moi, c'est un coup monté de toutes pièces !

- Je pense exactement comme toi, je n'y crois pas une seule seconde. Mais ils vont payer pour avoir osé jouer avec la naïveté des pauvres habitants de Cair Paravel, grogna Edmund en serrant le poing.

Le forgeron les observait avec véhémence, avant de reprendre la parole :

- Honnêtement, j'entends tellement de choses, que je préfère n'avoir aucun avis là-dessus. D'ailleurs, si je ne m'abuse, vous semblez vous sentir très impliqués dans ce que je viens de dire. Qui êtes-vous au juste ?

- Euh... C'est assez complexe à expliquer, mais pour vous la faire courte, nous sommes d'anciens roi, reine et princesse de Cair Paravel.

Sans grand étonnement, l'homme les dévisageait, car il ne comprenait pas.

- Ne cherchez pas à comprendre. Tout ce que vous devez savoir, c'est que nous sommes ici pour faire cesser le mal qui sévit actuellement là-bas, lui assura le roi ébène.

- Euh... Très bien, si vous le dites. Ça ne m'aide pas beaucoup, vous êtes en train de titiller ma curiosité là. Mais en même temps, si vous ne m'en dites pas davantage, c'est que vous avez vos raisons. (Il se tut un instant) Je reviens, je vais vous chercher ce que vous m'aviez demandé.

Sur ces mots, il tourna les talons et disparu dans l'arrière-boutique. Le forgeron était réapparu quelques minutes plus tard, avec dans ses mains le bouclier et l'épée.

- J'espère que cela vous conviendra, dit-il en s'adressant à Edmund.

- Oh oui ! Ils sont magnifiques. Je vous remercie, répondit ce dernier en les examinant sous tous les angles.

- Parfait, ça me ravie si vous aimez. Ils sont très légers, comme vous pouvez le constater, ce qui les rendra plus maniables. Oh ! J'oubliais, voici son fourreau que vous pourrez accrocher à votre ceinture.

- Merci beaucoup, se contenta de dire le brun en glissant sa nouvelle épée dans son fourreau. Elle est parfaite ! souriait celui-ci en attrapant sa bourse à sa ceinture. Combien je vous dois ?

Sans plus attendre, le forgeron lui indiqua le prix et Edmund lui donna la somme demandée. Ensuite, ils quittèrent le petit magasin afin d'aller retrouver leur ami Yvgon. Mais sur le chemin de retour, tandis qu'ils se frayait un passage dans le marché bondé, une dame encapuchonnée avait subitement saisi Lucy par le bras, et la tira avec une telle force que la brunette n'avait pu lui résister.

- Lucy ! s'écria son frère en la voyant disparaître dans la foule de gens.

- Lucy ! Lucy ! paniquait la princesse en bousculant les gens sur son passage, en tentant en vain de repérer sa meilleure amie.

- Par Aslan ! À peine nous détournons le regard que des soucis nous arrivent ! pesta le roi ébène en suivant de près les pas rapides de Serena.

- Où peut-elle avoir été emmenée, bon sang !? grommela la jeune femme en fronçant les sourcils.

- Là ! s'exclama Edmund en se mettant à sprinter en direction d'une rue étroite et sinueuse.

Sans tarder, ils se glissèrent dans cette rue et se rendirent compte qu'ils venaient d'entrer dans un petit labyrinthe de bâtiments collés les uns aux autres. Très vite, le couple perdit son sens de l'orientation, et ils cessèrent de courir dans tous les sens afin de simplement trouver une sortie à cet ignoble endroit. Puis, croyant avoir perdu tout espoir, le visage du duo s'illuminait soudainement lorsqu'ils sortirent et virent Lucy. Cette dernière ne semblait point apeurée, ce qui troublait un tant soit peu son frère et son amie. L'endroit semblait peu fréquenté, pour ne pas dire qu'il était désert, car il n'y avait qu'un chariot. Lucy était assise sur un rondin, en face d'une petite table décorée d'une nappe violette, sur laquelle il y avait des signes astrologiques dessinés dessus. Une boule et des cartes de tarot trônaient sur cette dernière, et cela fit rouler des yeux Edmund, qui savait déjà à quoi rimait cette affaire. Ladite femme encapuchonnée qui avait enlevée Lucy se trouvait en face d'elle et semblait parler avec la jeune femme.

- Génial, une bohémienne qui va nous prédire l'avenir, s'exaspérait-il en marchant en direction des deux femmes.

- Ça semble quand même louche, pour une personne qui prétend lire l'avenir, ajouta Serena en emboîtant le pas de son copain.

Lorsqu'ils furent assez proches de Lucy, ils entendirent ce que la soi-disant voyante disait à la jeune Pevensie, et cela inquiétait un peu Edmund, car il avait bien peur qu'elle n'ait été ensorcelée.

- Voyons, assoyez-vous. Vous me donnez le tournis à être autour de moi comme ça, lança la dame encapuchonnée.

- Êtes-vous une véritable voyante ? la questionna Serena en se penchant vers elle.

- Bien sûr que je suis une véritable voyante ! Croyez-vous sinon que je serais exposée à tout le monde au marché ? Mon don est loin d'être à la portée de tous, et il ne fonctionne pas avec tout le monde, notamment les gens sceptiques, annonçait-elle en observant Edmund.

- Tiens donc, comme c'est étrange ! riait faussement le roi ébène.

Il ne croyait pas un traître mot de ce qu'elle racontait, ce qui ne semblait pas être le cas des deux jeunes femmes. Il se rassurait en se disant que c'était parce que Serena était sensible à la magie, et qu'il était donc plus simple de la manipuler elle que lui.

- Vous ne me croyez pas, hein ? dit-elle en s'adressant au brun. Voyons donc, approchez voir. Je vais vous montrer avec votre sœur.

- Comment savez-vous que nous sommes de la même famille ?

- Ah, ah, ce n'est que le début. Taisez-vous maintenant et observez donc avec vos yeux. Vous parlez trop !

Sur ces mots, ils se contenta d'observer la séance. Ladite voyante parlait ainsi d'une future rencontre que Lucy ferait dans les jours à venir, elle parlait également de son mal-être passé, mais aussi de ses nombreux questionnements existentiels, ce que Lucy validait car c'était exact. Le jeune homme roulait à plusieurs reprises des yeux lorsque ce fut déclaré, car malgré cette démonstration, il n'avait toujours pas été convaincu. Il était toujours persuadé que sa sœur était ensorcelée.

- Très bien, au tour de vous maintenant ! s'exclama la dame encapuchonnée, en parlant à Serena.

Lucy cédait sa place à sa meilleure amie.

- Donnez-moi votre main, je vais lire votre ligne de vie.

Serena s'exécuta, et à peine avait-elle glissé sa main dans celle de la voyante, que sa capuche partait en arrière, dévoilant ainsi le visage de leur interlocutrice. Ses yeux flamboyaient, et elle devint statique durant quelques secondes, avant de prononcer ces mots ci d'une voix monotone :

- Seul le souffle du lion majestueux, le rayon de lumière donnera-t-il. Brisera le sortilège qui rend malheureux, et l'épée Vaillante détruira ainsi cette source futile.

À l'entente de ces mots, Edmund n'avait pu s'empêcher de laisser de côté son scepticisme car ce qui se produisait devant ses yeux n'avait guère l'air d'une plaisanterie. Ce que venait de prononcer la voyante était une prophétie, et cela donnait des frissons au trio.
La bohémienne avait soudainement repris ses esprits, et semblait complètement à l'ouest pendant quelques secondes.

- Qu'est-ce que j'ai dit ?

- Hein ? bredouillait Serena.

- J'ai eu une prémonition, n'est-ce pas ?

- Euh... On peut dire ça, je crois. Vous étiez flippante, à l'instant, avouait la jeune femme.

- Oh, oui, veuillez me pardonner. Comme je le disais à votre ami, tout à l'heure, mon don ne fonctionne pas avec tout le monde. En revanche, avec vous ce fut très efficace.

Le trio partagea un regard décontenancé, avant qu'Edmund ne prenne la parole :

- Puis-je savoir, pourquoi vous avez enlevé ma petite sœur, tout à l'heure ?

- Oh, euh, ça, riait nerveusement la bohémienne. En fait, la nuit dernière, j'ai rêvé de vous trois. Je ne sais pas ce qui m'a pris d'emmener votre sœur avec moi, d'ailleurs. J'étais persuadée que j'allais avoir la réponse à ma question, mais il se trouve que je me sois trompée de personne. Celle à qui je dois poser les questions est Serena.

- Je... ne me suis pas présentée, s'étonnait la concernée en la regardant avec des yeux ronds.

- Je vous l'ai dit que je n'étais pas une menteuse ! pesta-t-elle avant de reprendre. Quoi qu'il en soit, il se pourrait bien que vous soyez la solution aux problèmes de notre monde actuel. Et j'aimerais savoir ce que vous avez de si spécial.

- Euh, je ne pense pas avoir quelque chose de vraiment spécial, vous savez. Si ce n'est que vous m'avez donné une prophétie, il y a quelques minutes.

La dame pointa son doigt sur Serena d'un air excité.

- C'est ça ! C'est ça la réponse que j'attendais ! Que disais-je ?

- Hum, je ne me souviens pas exactement des mots, bafouilla la princesse.

- « Seul le souffle majestueux du lion, le rayon de lumière donnera-t-il. Brisera le sortilège qui rend malheureux, et l'épée Vaillante détruira ainsi cette source futile » prononça Edmund.

- Ça veut dire qu'Aslan est vraiment de retour ? demanda la plus jeune des Pevensie.

- Je pense plutôt que c'est la preuve que nous allons bel et bien devoir nous battre. La prophétie parle de l'épée de Peter, ça ne fait aucun doute que des morts seront au programme, déclara le brun sur un ton maussade, avant de relever le visage. Ne nous laissons pas abattre, ce n'est pas la première bataille, en revanche ça sera peut-être la dernière, annonça-t-il ensuite en regardant Lucy et Serena. Sur ce, nous devons partir au plus vite. Qui sait ce qui se passe en ce moment même à Cair Paravel ?

- Honnêtement, je ne pense pas que je tienne à le savoir, avouait Lucy en grimaçant.

Les deux Pevensie et Serena s'étaient apprêtés à partir, lorsque la voyante aggripa le bras de la princesse afin de lui murmurer :

- Une dernière chose, avant de me quitter. Faites bien attention à vous. Votre force est également votre plus grande faiblesse. C'est pourquoi, soyez vigilante avec ceux que vous croyez être vos amis, vous pourriez sûrement avoir quelques surprises à l'avenir. Mais ne vous laissez surtout pas dominer par toutes les émotions, car cela pourrait bien vous mener à votre perte, la prévenait-elle d'un air sincère. Souvenez-vous en, Princesse Serena.

La brunette retira son bras de l'emprise de la bohémienne tout en inclinant la tête afin d'acquiescer. Et tandis qu'elle et ses amis rebroussaient chemin, les paroles de la voyante dominaient ses pensées.

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Et voilà mes cher(e)s ami(e)s ! Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?

N'hésitez pas à me donner vos avis en commentaire, voter et vous abonner si ce n'est pas encore fait !

Vos commentaires me font énormément plaisir ! N'hésitez surtout pas à continuer, ça m'aidera pour l'écriture de la suite 😊

Sur ce, je vous souhaite de la patience, avant la suite 🤗

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