Chapitre II : L'île de Malignis

Le royaume de Narnia avait été évidemment très étonné du choix de Serena, en partie son père, dont la santé s'était encore quelque peu dégradée. Mais elle avait fini par convaincre les gens qu'elle se rachèterait en trouvant la magie nécessaire pour sauver le roi.

À présent, à bord du Lys flotteur, un majestueux bateau à voile, la jeune princesse étudiait de nombreuses cartes maritimes, à sa disposition, à l'aide d'un compas, dans sa cabine personnelle. Cela faisait bien trois mois qu'elle et son équipage faisait un arrêt sur toutes les îles qu'ils trouvaient, afin de chercher une quelconque vieille magie assez puissante comme celle d'Aslan.

- Princesse, prononça Preyus, en ayant toquer à sa porte qui n'était pas fermée. Nous avons repéré une île plutôt étrange, un peu plus à l'est, souhaitez-vous que l'on s'y arrête ?

Elle releva le visage et acquiesça d'un hochement de tête.

- Tout est susceptible d'être habité par la magie, allons-y, acheva-t-elle.

Mais ce que l'équipage ignorait, c'est qu'il s'agissait de l'île non pas la plus bienveillante avec la magie la plus ancienne, mais une île dominée par des créatures obscures et surtout dirigée par une sorcière au cœur aussi sombre qu'un trou sans fond. Par chance, les créatures et la sorcière, étaient contraints à vivre accrochés à cette île, qui s'appelait Malignis, car, des millénaires auparavant, Aslan avait créé une barrière assez puissante pour les empêcher de la quitter. Et seul un fils d'Adam, ou une fille d'Ève était la solution pour détruire la barrière en question.

Ils prirent deux barques, et plusieurs minotaures ramaient avec les pagaies à l'aide de leur force remarquable, jusqu'au rivage. La princesse fût la première à poser un pied sur le sable, un sable qui avait rapidement réussi à pénétrer dans ses bottes de cuir. Elle prit une grande inspiration, et laissait pénétrer l'odeur du sel marin se frayer un passage dans ses narines, avant de prendre la tête du groupe. La plupart des membres de son équipage était encore à bord, et ils n'étaient finalement qu'une dizaine à être descendus sur terre, car il fallait avant tout faire du repérage, afin de s'assurer que le danger n'était pas présent.

Il y eut plusieurs heures qui s'écoulèrent, sans qu'ils ne fassent la moindre rencontre, mis à part quelques animaux sauvages inoffensifs, se demandant même s'il y avait de la vie ici. Mais en réalité, ils se trouvaient seulement du côté de l'île où il n'y avait pas d'habitants.
Ils passèrent la nuit autour d'un petit feu de camps improvisé, et finirent par s'endormir au clair de lune.

Le lendemain, plus de la moitié du groupe avait pris la décision de rebrousser chemin, jugeant que c'était une île inhabitée, et qu'il était donc inutile de continuer plus loin. La princesse, Preyus et un nain nommé Haros, quant à eux, poursuivaient leur avancer dans leur épopée. Plus ils se terraient au milieu d'une forêt, sombre et sinueuse, plus ils sentaient le danger rôder. Le duo Preyus et Haros, qui se trouvait subitement en face de créatures toutes plus dangereuses que les autres, avait même finit par être séparé de la princesse, qui avait été engloutie dans les cimes d'arbres. Il était réputé que ces arbres-ci possédaient la capacité de rendre fous ceux qui pénétraient dans ces bois. Et bien que Serena ne se sentait pas en sécurité, elle se disait que si cette forêt était là, c'était sans aucun doute pour protéger quelque chose d'important.

Elle ne savait pas vraiment depuis combien de temps cela faisait qu'elle avançait, ou tournait en rond. Sa boussole dans une main, en quête du nord, une torche enflammée de l'autre, la jeune femme tentait, tant bien que mal à retrouver son chemin dans ces bois obscurs, qu'elle en perdait la notion du temps. Ce ne fut qu'au moment où elle entendit le bruit d'une cascade, qu'elle eut de l'espoir, car elle se sentait également déshydratée.

Immédiatement, quand elle trouva le point d'eau, elle se pencha au bord avec l'intention d'en prendre entre ses mains, afin de la boire. Mais à peine eut-elle mis ses mains dans le fluide, qu'elle fût étrangement hypnotisée par une chose qui se trouvait au fond de l'eau, au point qu'elle ne sache déceler le potentiel danger qui pouvait l'entourer. Peu à peu, son visage s'approchait de plus en plus du fluide bleuté, avant de se laisser complètement tomber dans ce dernier, pour ainsi se laisser tirer par une force surnaturelle. Serena avait subitement retrouvé ses esprits, durant quelques secondes, et pendant ce laps de temps elle avait eu beau essayer de se débattre, la chose qui la tirait était plus forte qu'elle. De la magie, était-elle arrivée à penser, malgré sa détresse.
En un rien de temps, la brunette se trouva, la tête la première, au fond de la rivière, et au départ, bien qu'elle ne comprît pas ce qui lui arrivait, elle eut soudain une révélation. Elle devait ouvrir les yeux. Honnêtement, elle ignorait ce qui la poussait à avoir cette idée saugrenue, mais elle le fit quand même. Au départ, elle croyait rêver, car une étrange lueur violette sortait du sable, au fond de l'eau, mais elle avait finalement décidé de se fier à son instinct et nager jusqu'à cette lueur.

Elle ne s'en était pas directement rendue compte, alors qu'elle attrapait l'objet brillant, mais il s'agissait d'une lampe à huile, qu'elle avait pu mieux distinguer lorsqu'elle retrouvait la surface. La princesse eut une quinte de toux, tout en marchant à quatre pattes sur le sol, avant de se laisser tomber sur le dos, toujours la lampe dans sa main.
Il y eut plusieurs minutes, sans qu'elle ne fasse quoi que ce soit, sûrement épuisée par toutes ces heures de voyage et ce qui venait de lui arriver. Elle posa les yeux sur sa torche qui, par elle ne savait quel miracle, était encore allumée et posée à quelques mètres d'elle, là où elle l'avait laissée. Sans plus tarder, elle se releva, s'avança en direction d'un arbre et arracha quelques branches. Elle trouva un coin sympathique, au bord de la rivière, dont le bruit de la cascade était reposant, et avait créé un petit feu afin de se réchauffer, et surtout faire sécher ses vêtements. Par chance, elle avait un sac avec quelques vivres et une couverture, qu'elle avait utilisé pour se couvrir.

À présent, assise sur un vieux tronc, la jeune femme posa enfin les yeux sur la lampe étrange qu'elle avait trouvée au fond de l'eau. Elle avait l'intime conviction qu'il s'agissait d'un objet magique, et peut-être n'avait-elle pas tort, car après avoir observé sous tous ses angles la lampe, elle avait malencontreusement omis de la nettoyer, car celle-ci était pleine de sable et était encore humide. Serena attrapa un bout de couverture et frotta ainsi la lampe... Et la lueur violette, qu'elle avait vue tout à l'heure, devint plus intense, c'était carrément devenue un grand brouillard qui s'étendait sur plusieurs mètres autour d'elle.
Évidemment, elle fut d'abord apeurée de voir que son geste avait activé l'objet, mais lorsqu'une silhouette apparut soudainement, avant de devenir un homme brun au teint hâlé, la princesse se sentit soulagée.

- Bien le bonjour, Maîtresse ! Je vous suis entièrement dévoué !

La brune, qui était toujours assise, resta de marbre. Cette dernière ne sachant comment réagir, le dévisageait tout simplement d'un air incertain, et l'homme en question l'avait compris.

- Vous n'avez rien à craindre, je me présente, Cyrus. Je suis un génie, assura-t-il en s'approchant légèrement d'elle.

- Un génie ? demanda-t-elle, suspicieuse. Qu'est-ce qu'un génie ?

De toutes les lectures que la brunette avait pu faire, notamment des recueils de créatures magiques, elle n'avait jamais lu une quelconque information sur les génies.

- Un génie est un être vivant dans une lampe comme celle que vous venez de trouver. Nous avons le pouvoir de réaliser trois souhaits aux personnes qui deviennent notre maître.

- Et comment devient-on le maître ?

- Simplement en frottant la lampe, Maîtresse.

La jeune femme plissa les yeux, durant quelques secondes, avant de l'inviter à venir s'asseoir à côté d'elle.

- Puis-je vous poser une question ?

- Évidemment, répondit-il en soutenant son regard.

- Comment êtes-vous devenu comme ça ? Je veux dire, vous n'êtes tout de même pas né dans cette lampe ?

- Non, en effet, affirma Cyrus en baissant les yeux d'un air triste. Autrefois, je fus un homme, ou un fils d'Adam, comme disent certaines personnes. Je ne me souviens pas vraiment du temps que cela fait, que je suis comme ça, en revanche je me souviens parfaitement pourquoi.

Durant les révélations du génie, Serena avait un peu mieux observé la carrure et la tenue de celui-ci. Cyrus était de taille normale, et ses vêtements semblaient effectivement dater d'une époque plus ancienne. En revanche, ce qui avait réellement attirer l'œil de cette dernière, ce furent les deux bracelets en or épais qu'il portait aux poignets. Cela lui faisait grandement penser à des chaînes que l'on utilisait pour les prisonniers, mais en plus luxueux.

- Que s'est-il passé, exactement ? Êtes-vous prisonnier de cette lampe à huile ?

- Oui, c'est exact, ceci est ma punition. Cette lampe et ma condition sont mon fardeau. (Il exprima un fort soupir en regardant la cascade). Il y a longtemps, j'étais un jeune cultivateur, naïf et surtout dévoué à la cause. Je fus autrefois un habitant du royaume de Telmar, lorsqu'il était encore dirigé par le roi Caspian X. Un jour, alors que je m'occupais de mes plantations de légumes, je fus soudainement interpelé par une grande amie à moi, appelant à l'aide. Elle me racontait avoir perdu tout espoir de retrouver son fils, qui avait été enlevé par des brigands. Je le considérais comme mon neveu, nous étions très proches... Elle m'avait parlé de tout, dans les moindres détails, et je fus profondément touché. (Il soupira à nouveau) Je vais vous éviter tous les détails, mais suite à ça j'ai fait un tas de choses, pas forcément bonnes, qui m'ont mené à bord d'une barque, accompagné d'autres personnes, qui menait en direction d'une dangereuse brume verte. De là, nous avons été transportés au large, et au fur et à mesure on est arrivés sur cette île maudite, Malignis. La plupart d'entre nous était loin de savoir mener un groupe, ni même nous débrouiller sur un terrain inconnu, car nous n'étions que de simples marchands, pères et mères de bonne famille... Quoi qu'il en soit, je me suis retrouvé dans une sale affaire, dans laquelle je suis le seul survivant car les autres furent soit tués ou sont morts de faim et de froid... Pour ma survie, j'ai été contraint à voler le sceptre de flammes, appartenant à la reine de cette île, la sorcière des ombres, et c'est en partie la raison de ma situation actuelle.

- Attendez, attendez... Quelle est cette histoire de sceptre de flammes ? Il y a une sorcière qui règne ici ?

La brunette était scotchée aux lèvres du génie. Elle n'avait raté aucune miette de tout ce qu'il avait pu lui raconter, et ça la fascinait.
Ils passèrent plusieurs heures à discuter et faire connaissance, donnant naissance à une amitié entre eux. Cela avait particulièrement touché Cyrus, qui était surpris d'avoir pu sérieusement échanger avec une personne sans qu'il soit obligé de réaliser les trois vœux. En général, ses anciens maîtres se contentaient d'en savoir le moins possible à son sujet, jugeant qu'il n'était bon qu'à remplir ses fonctions, et ceci l'attristait beaucoup, mais tel était son malheur.

Plus Serena en apprenait à propos de Cyrus, plus elle ressentait l'envie de le libérer de sa condition, mais bien que ce fut égoïste de penser ça, elle se dit que sauver Cyrus de cette prison serait son troisième et dernier vœu, et qu'elle devait profiter de son pouvoir pour sauver son père. Elle espérait vainement qu'il serait assez puissant pour parvenir à lui rendre sa liberté à elle aussi.

- Dites, Cyrus. Je comprends que tout cela soit terrible pour vous, que vous ne souhaitez que retrouver votre liberté, c'est aussi mon cas et c'est pourquoi, je vous propose un marché. Je souhaiterai que vous soigniez mon père, le roi Rilian, roi de Narnia. Il est excellent dans ce qu'il fait, vraiment. À côté, je suis une bouse... Et je rêve d'autre chose, avoua-t-elle. C'est pourquoi, en échange de ce souhait, je vous libère de votre malheur en souhaitant votre liberté.

- Oh... cela est gentil de penser à moi, Serena. Mais on ne peut me libérer de la sorte. Seule la mort de la sorcière peut me permettre de quitter à tout jamais cette lampe, souffla-t-il, désespéré. Néanmoins, je dois vous dire que je ne peux réanimer les morts, chère amie.

- Que voulez-vous dire ?

Cyrus sembla soudainement attristé pour la jeune femme. Il lui attrapa la main, dans le but de la soulager avec les mots qu'il s'apprêtait à lui révéler, toutefois il fut coupé dans son élan par cette dernière qui avait rapidement déduit les choses.

- Est-ce qu'il est déjà mort ? poursuivit-elle en ayant la voix tremblante.

Cyrus demeura silencieux, se contentant d'un hochement de tête en guise de réponse. Et sans plus tarder, elle fondait en larmes. Le brun la pris dans ses bras, se sentant impuissant face à cette tristesse qu'il ne pouvait guérir par nulle autre chose que des mots rassurants et une étreinte.

- Je suis un monstre, Cyrus ! Mon départ est comparable à un assassinat ! s'exclama-t-elle. J'ai laissé mon père seul, sur son lit de mort, en quête d'un stupide remède alors qu'il avait besoin de moi ! Je suis horrible ! HORRIBLE !

- Allons, allons, Serena. Ne vous mettez pas dans cet état-là, ce n'est pas votre faute, si votre père est décédé... tenta de la rassurer Cyrus, en lui tapotant l'épaule. Vous n'avez rien à vous reprocher, je devrais même dire que vous êtes courageuse. Une princesse comme vous, qui s'aventure dans le danger en quête d'une solution pour sauver la vie de quelqu'un, il n'en n'existe pas des masses ! Croyez-moi.

- Là n'est pas le problème, Cyrus, prononça-t-elle entre deux crises de larmes. J'ai conscience de mon courage, mais, je suis une égoïste.

- Pourquoi dire cela ?

- Parce que j'ai absolument cherché à fuir ma destinée, depuis toute petite, mon rêve a toujours été de parcourir les mers, les terres et même les airs, en quête de nouvel horizon. Je ne voulais point d'une vie de château, et j'ai tout simplement essayé de trouver le moyen de fuir la réalité. Pour moi, si je partais à l'aventure en quête d'un remède, c'était aussi la raison parfaite pour éviter de parcourir les royaumes voisins dans le but de me marier de force à un prince dont je ne serai jamais amoureuse...

- Donc, si je comprends bien, vous pensez que sous prétexte que vous êtes partie, la mort de votre père est votre faute ?

- Peut-être, je n'en sais rien... Argh ! Tout cela est compliqué... Nous devrions essayer de dormir, proposa-t-elle, comme dit, la nuit porte conseil.

Cyrus ne sembla pas convaincu, mais fit comme si et avait alors préparé un petit nid douillet pour la jeune femme, avant de s'apprêter à retourner dans sa lampe. Mais ce dernier fût retenu par celle-ci, qui le supplia de ne pas la laisser seule. Il eut un petit sourire amical à son attention, et s'allongea à côté d'elle.

La nuit avait pris possession de la forêt, et un magnifique clair de lune faisait office de veilleuse sur les deux individus allongés contre le tronc. Sans grand étonnement, la princesse n'avait pas trouvé le sommeil, et quand bien même le génie la couvrait avec ses bras pour lui tenir plus chaud, son cœur était à présent aussi froid que de la glace. Elle sanglotait durant plusieurs heures, repensant à tous les bons moments, et à l'amour que lui portait son père.
Lorsque l'aurore fit son apparition, aussi étonnant soit-il, la jeune femme avait beau avoir une mine affreuse, (elle avait des yeux bouffis et ses cheveux en bataille) elle sembla être motivée à passer une meilleure journée, sans doute était-ce dû au fait qu'elle avait passé la moitié de la nuit à regretter, avant de passer l'autre à réfléchir à sa situation, afin de rebondir comme il se devait.

- Bonjour, dit-elle en s'adressant à Cyrus. Bien dormi ?

Ce dernier se leva péniblement, avant de secouer la terre et quelques insectes qui s'étaient posés sur lui durant la nuit. Il se passa une main sur la tête pour se recoiffer, et posa enfin un regard sur la brunette.

- Bonjour, Serena. Vous semblez de bonne humeur, pour quelqu'un qui vient d'apprendre le décès d'un proche...

Elle était en train de faire griller des poissons sur une brochette improvisée, au-dessus du feu.

- Disons plutôt que je fais avec. La douleur est là, dit-elle en posant sa paume contre son cœur, elle ne disparaîtra jamais, même si elle finira par s'atténuer, mais il faut vivre avec.

- Je ne vous savais pas si mâture, vous m'impressionnez, fit-il remarquer en s'asseyant à côté d'elle.

- Disons que j'ai ma façon de gérer ça. Il faut être forte, je suis une battante, et non une mauviette !

Le brun se contenta de la toiser d'un air admiratif, tout en attrapant un bout de poisson sur la brochette, afin de le manger.

- Ce n'est pas mauvais !

- Je crois que c'est une carpe, je ne suis pas très douée pour savoir ce genre de chose.

- En revanche, vous êtes douée pour les pêcher ! Vous avez l'œil et la précision ! la complimentait ce dernier avant de continuer à déguster son poisson.

***

- Ah ! J'ai bien mangé ! déclara-t-elle en s'affalant sur la couverture.

- Ne devriez-vous pas reprendre la route jusque chez vous, Serena ? lança le génie, en s'approchant d'elle.

Serena s'était assise en tailleur et croisa son regard.

- Je... je pense que c'est trop tôt pour rentrer.

- Comment ça ? Mais vous ne pouvez pas vivre éternellement dans ces bois ! Qui plus est, des bois magiques qui se trouvent sur une île maudite ! Il faut que vous rentriez, votre peuple a besoin de vous.

- Je compte désigner un remplaçant, temporairement bien sûr, affirma-t-elle. Autant, je me sens capable d'accepter sa mort, autant reprendre le trône m'est impossible pour l'instant. J'ai besoin de temps, pour me faire à l'idée que je suis dos au mur, que je ne peux plus reculer... Si je rentre, je ne partirai plus jamais à l'aventure, ce sera terminé. Et je ne veux pas rester sur un tel échec. Que dirait le peuple ? Les courtisans ? Tout le monde !

Cyrus garda le silence, la laissant raconter tous ses tracas.

- Et si je faisais le vœu de partir d'ici, pour réaliser mon plus grand rêve, celui de découvrir un endroit qui n'a encore jamais été vu par les gens d'ici ? suggéra la brune en le regardant avec de grands yeux.

- Partir, mais pour aller où ?

- J'ai longtemps rêvé de visiter le monde dont sont originaires les deux rois et deux reines de l'âge d'or, c'est d'ailleurs en partie les récits à leur sujet qui m'ont donné l'envie de partir à l'aventure !

- Vous n'êtes quand même pas sérieuse, Serena ? tenta de se rassurer le génie en plissant le front. Je ne possède pas le pouvoir de voyager à travers les nombreux univers, personne ici ne le peut d'ailleurs. Il n'y a qu'un seul être qui en soit capable...

- Aslan, je sais, soupira la brune. Mais il existe bien des passages, créés par Aslan lui-même. Je suis au courant de ces choses... Mon père m'avait parlé de ses amis, un certain Eustache, et Jill, qui sont tous deux également originaires de ce monde. Ils l'ont aidé à monter sur le trône, et mon père m'avait affirmé qu'ils avaient utilisé un passage, un portail créé par Aslan, pour venir et repartir d'ici.

- Où voulez-vous en venir ?

- Je sais parfaitement qu'Aslan n'a pas refermé tous les nombreux passages, et qu'il serait alors possible que je me rende à l'un d'eux afin de faire le voyage jusqu'à la Terre, et revenir quelques temps plus tard.

- Vous êtes bien consciente que si vous y aller, vous serez plongée dans l'inconnu ? Il peut vous arriver n'importe quoi, dans ce monde dépourvu de magie... Il est même probable que ma magie ne puisse vous permettre le voyage de retour, souhaitez-vous toujours vous y rendre malgré ces théories ?

- Oui, car après tout, c'est en étant audacieux que l'on accomplit des choses. Je ne crains pas le danger, lui assura-t-elle. Mais avant ça, je dois seulement retrouver celui à qui je confierai mon devoir, en attendant. Cyrus, guide-moi jusqu'à mes compagnons que j'ai perdus en cours de route, et ensuite nous iront au portail.

- Entendu, Maîtresse, dit-il d'un air plutôt déçu, comme s'il avait compris qu'au final la princesse comptait aussi user de son pouvoir.

Serena le remarqua, et lui offrit une tape amicale sur l'épaule, avant de dire :

- Je te promets qu'à notre retour, je ferai mon possible pour te rendre ta liberté, même si je dois commettre un meurtre pour ça, sourit-elle. Si tu me permets de réaliser mon souhait, je dois en faire autant pour toi, c'est normal car nous sommes amis.

Sur ces mots, le génie accepta d'être son guide à travers la forêt. Durant plusieurs heures, ils demeuraient presque silencieux, comme s'ils étaient en train de faire le point sur la situation, tout en serpentant de temps à autres entre les arbres qui laissaient trop souvent traîner leurs racines, poussant la jeune femme à trébucher à plusieurs reprises, comme si ces derniers voulaient l'empêcher d'avancer davantage. Cyrus l'avait remarqué, et ce dernier informa Serena que la forêt commençait à croire qu'elle était des leurs, ce qui expliquait ce comportement étrange de leur part. C'est en partie pour cette raison que cette forêt était dangereuse, et la princesse l'avait appris à ses dépens, quand ils furent attaqués par de petites créatures obscures. Par chance, Serena savait manier l'épée comme personne, et en quelques mouvements, elle tuait ces montres, avant de poursuivre son chemin.

Quand ils atteignirent la plage, le soleil aveugla la jeune femme qui avait eu l'impression de ne pas en avoir vu les rayons depuis des siècles. Elle fut soulagée lorsqu'elle vit que Preyus et Haros étaient toujours présents sur la rive, en ayant mis en place un petit campement. Immédiatement, lorsqu'ils la virent, ils s'étaient lancés dans sa direction en lui balançant une série de questions, à commencer par l'identité de celui qui l'accompagnait. Cyrus se présenta vaguement, avant d'être coupé dans une ribambelle de réponses de la part de la brune. Par moments, les deux individus perdaient le fil des explications, et ils le furent encore plus lorsqu'elle dit ceci :

- J'ai une demande très importante à te faire, Preyus, fit-elle d'un ton sérieux.

- Quoi donc, Princesse ? fit le centaure d'un air fébrile.

- Ce que j'ai à te demander requiert une énorme responsabilité. C'est pourquoi, si tu l'acceptes, j'écrirai les choses officiellement sur un parchemin, nous en avons n'est-ce pas ?

- Euh... Seulement des carnets, pour prendre des notes de nos découvertes, répondit Haros en s'apprêtant à farfouiller à l'intérieur de son sac.

- Cela fera l'affaire, confirma-t-elle en s'adressant au nain, avant de se tourner à nouveau vers Preyus. Voilà, je souhaiterai que tu reprennes le trône, provisoirement bien sûr, s'il s'avère que ce dont je vais te parler dans un instant, n'a pas marché...

Évidemment, le centaure eut une réaction étonnée. Il avait perdu ses mots, et d'ailleurs, à ce moment précis, ses capacités de réflexion s'étaient évaporées. Et il y eut un temps qui sembla être long aux yeux de la princesse, avant qu'il ne daigne enfin prononcer un mot :

- Princesse, ce que vous me demander, c'est étrange... Pourquoi me confier votre trône, je ne comprends pas trop. C'est quoi cette histoire ? l'interrogea-t-il enfin, suspicieux.

Serena lança un regard à Cyrus, comme si elle cherchait une quelconque réponse auprès de lui, mais il se contenta de rester de marbre, car il était plutôt curieux de savoir où allait mener cette discussion, et si la jeune femme réussirait son coup.
Au bout de quelques secondes à fixer le génie, Serena se concentra à nouveau sur le centaure.

- Je... j'ai perdu assez de temps, comme ça, commença-t-elle. Mon père méritait lui aussi que je me sacrifie, pour une fois. Cet homme, que tu vois là, Cyrus... C'est un génie, un être capable de magie. Je lui ai demandé de réaliser un souhait, celui de sauver mon père, mais en échange, je suis obligée de rester sur cette île pour quelques temps.

Cyrus fit les gros yeux. Il s'était attendu à ce qu'elle sorte un mensonge, mais pas un aussi gros. Surtout qu'il n'avait pas prévu d'être impliqué dedans. Et sans grand étonnement, à la suite du mensonge de Serena, les deux individus le fusillaient du regard. Il était clair que cela allait mal se passer pour lui, surtout s'il n'ouvrait pas la bouche.

- Cette île est maudite, Messieurs. Votre amie a eu le malheur de faire appel à ma magie, et elle sera contrainte à subir le prix d'une telle demande. Sa sentence consistera à rester ici, sur l'île de Malignis, pour une durée minimum de cinq années, répliqua le génie d'un air confiant, alors qu'en réalité il mourrait d'envie de se terrer dans sa lampe pour éviter de croiser une fois de plus leur regard calculateur.

Les deux amis de la princesse gardèrent le silence, grognant seulement de temps à autres pendant plusieurs minutes, avant que Haros ne se décide à dire quelque chose.

- On ne peut pas vous laisser ici, c'est impossible ! Et qui sait si nous pouvons faire confiance à ce... génie, pesta-t-il en le toisant avec méfiance.

- C'est vrai, que dirait le peuple si l'on venait à rentrer sans vous ? Ils comptent tous sur vous, Altesse !

La brunette regardait le sol, elle avait honte de mentir à ses amis, mais il le fallait. En partie pour elle, et pour le bien du peuple. Elle était loin d'être prête à diriger le royaume, et pour elle ce voyage allait aussi peut-être lui permettre de devenir une meilleure personne. Un soupir s'échappa de ses lèvres, avant de répondre :

- Écoutez, si je pars de l'île, je souffrirai horriblement. À présent, je fais partie de Malignis. Mais s'il s'avère que le sauvetage de mon père ne fonctionne pas, je veux que tu reprennes le trône, en attendant mon retour, s'il te plaît.

Un nouveau grognement se fit entendre de la part du centaure, qui se retenait d'embrocher le pauvre Cyrus. Puis, il avait fini par accepter, à contrecœur, et lança à plusieurs reprises des menaces à l'attention du génie, qui malheureusement savait qu'il y ait des chances pour que ça se réalise. Durant ce temps, Serena avait enfin écrit sa lettre dans le carnet que lui avait passé Haros, puis elle le donna dans les mains de Preyus lorsqu'elle eut terminé.

- Je reviendrai dans cinq ans, Altesse. Je vous en fait la promesse, dit-il en faisant la révérence, suivit du nain qui l'imitait.

- Vous en faites pas, je survivrai ! Je suis une battante, tenta-t-elle de le rassurer. Je vous fais confiance, et je vous attendrai, c'est promis, poursuivit-elle en le prenant dans ses bras. À bientôt, Preyus. À bientôt, Haros, fit-elle ensuite en prenant dans ses bras le nain.

Les deux amis de la princesse n'avaient pu s'empêcher de verser quelques larmes, quand bien même ils essayaient d'être forts. Cela fit sourire la jeune femme, et finalement, elle-même versa des larmes lorsqu'ils eurent quitté la rive, à bord de la dernière chaloupe.

- Eh bien, j'espère que votre rêve en vaut vraiment la peine, siffla Cyrus, qui regardait l'horizon.

- Quand nous voulons quelque chose à tout prix, il y a toujours des sacrifices à faire. Au fait, je suis sincèrement désolée de t'avoir impliquée dans cette histoire.

- Oh, ce n'est rien, s'exclama-t-il, en tant que génie qui vit éternellement, je pense que je m'en remettrais.

Elle attrapa la main de Cyrus et lui fit un fier sourire, tandis que de l'autre elle essuyait ses larmes.

- Merci infiniment, Cyrus. Tu es un vrai ami.

Ils partagèrent un petit moment de silence dans lequel seuls leurs regards communiquaient, jusqu'à ce qu'elle ne vienne le rompre :

- Bon, il est temps de partir, souffla la brune.

- Très bien, dans ce cas, je vous écoute, faites votre vœu... Mais en échange, je veux une chose qui vous appartient.

- Euh... Oui, comme quoi par exemple ?

Cyrus sembla réfléchir, il est vrai que l'utilisation de la magie, en partie les règles établies à son propos, impliquerait toujours de faire un sacrifice important en échange de trois vœux. Il n'était évidemment pas à l'origine de ce règlement, et ceci l'embêtait de devoir demander une chose en contrepartie à Serena.

Serena examina son sac, en quête de quelque chose de plutôt important à ses yeux, mais il n'y avait que des choses banales. Soudain, elle regarda ses cheveux et pensa qu'une de ses mèches brunes avait assez de valeur pour être échangée. Car après tout, même si elle n'était pas coquette, ni du genre à penser à son physique, elle aimait beaucoup sa chevelure d'un brun éclatant.

- Une mèche de cheveux, cela pourrait faire l'affaire ? proposa la jeune femme.

- Oui, si vous estimez que cette mèche a de la valeur... Dans ce cas, je vous laisse la couper.

Serena attrapa une dague qui était accrochée à sa ceinture, et s'exécuta. Cyrus fut drôlement étonné de savoir qu'une femme comme elle était prête à les massacrer pour réaliser ce qu'elle souhaitait. Mais en même temps, il avait appris à ses dépens qu'elle pouvait être imprévisible.
Ni plus, ni moins, il prit la mèche de cheveux et la glissa dans la lampe. Ensuite, il la donna dans les mains de la brunette.

- Alors, pour que le vœu fonctionne, il va vous falloir frotter la lampe en même temps que vous prononcez le souhait.

- Ok, c'est entendu.

- Dites bien distinctement ce que vous voulez, à la moindre erreur, cela pourrait vite dégénérer, ajouta-t-il.

Les dernières paroles du génie avaient fini par stresser la jeune femme, qui après avoir inspiré et expiré doucement, se lança dans sa demande :

- Je souhaite trouver le portail qui mène à la planète Terre.

Au premier abord, il n'y eut rien, et soudain, une lueur avait subitement jailli des mains de Cyrus, pour entourer ces derniers d'une brume pourpre. L'instant d'après, ils s'étaient téléportés dans une grotte.
Serena et Cyrus n'y voyaient rien, et il faisait un froid glacial. La jeune femme se frottait automatiquement les bras en laissant sortir de sa bouche de la buée.

- Ça a marché ? s'inquiéta-t-elle en parvenant à se coller à Cyrus, ce qui la rassurait un peu.

- Je pense, oui. S'il y a bien une autre raison qui fait de moi un excellent atout, c'est que je peux sentir lorsqu'il y a de la magie. L'entrée est toute proche, nous sommes seulement arrivés en plein milieu de la grotte, il ne faut pas s'affoler. Avez-vous de quoi nous éclairer ?

- Hum, je crois oui, répondit-elle en ayant les dents qui claquaient.

Bien que cela faisait plusieurs minutes qu'ils se trouvaient là, leurs yeux ne s'étaient pas si bien adaptés à l'obscurité. Serena avait donc eu quelques difficultés à trouver l'objet de sa convoitise. Une lampe torche électrique. Cette dernière avait appartenu à l'un des rois de l'ancien temps, Edmund Le juste. Serena l'avait un jour « empruntée » car elle voulait étudier de plus près cette chose qui venait d'un autre univers, mais en fait elle ne l'avait jamais remise en place, car elle avait fini par apprécier ce petit gadget.
Lorsqu'elle appuya sur le bouton, elle fut soudainement éblouie par la torche, et Cyrus mis un temps fou à comprendre qu'il s'agissait d'un objet qui n'avait rien de quelconque. Serena lui expliqua rapidement qu'elle provenait de la terre, puis ils se décidèrent enfin à s'aventurer dans cet endroit humide et étroit par moments.

Ils marchèrent durant un temps indéterminé, jusqu'à ce que Cyrus ne sente la magie émaner d'une petite brèche juste assez grande pour qu'un être humain passe.

- C'est ici, Serena. Il vous suffira de vous glisser dans cette brèche, l'informa-t-il.

- Et c'est tout ? s'étonna-t-elle.

Cyrus inclina la tête en guise de réponse.

- Étant donné les risques que vous allez déjà encourir à vous rendre dans ce monde, je préfère vous prévenir que je retourne dans la lampe.

- Très bien, aucun souci.

- Ne m'appelez qu'en cas d'extrême urgence, ou si vous souhaitez revenir ici, ajouta-t-il. Bon, je vous souhaite un excellent voyage, sourit-il.

- Oui ! Merci, merci beaucoup, fit-elle en le prenant dans ses bras. Merci Cyrus !

Ils partagèrent une longue étreinte, avant que Cyrus ne finisse par dire qu'il était temps pour lui de retourner au bercail. Ils se dirent un dernier au revoir, avant que le génie ne retourne dans sa prison.
Serena exprima un fort soupir, tout en rangeant la lampe à huile et la lampe torche dans son sac. Elle eut un frisson lorsqu'elle mit en premier son bras dans la brèche, avant de finalement sauter le pas et avancer davantage. L'obscurité l'avait à nouveau entourée, et elle ignorait combien de temps cela faisait qu'elle marchait dans le noir, elle avait fini par atteindre des marches d'escaliers. Elle les descendit, et elle fut aveuglée par une lumière provenant d'un ciel bien dégagé qui était projeté par une fenêtre fissurée. La jeune femme s'avança dans sa direction, et put observer ce qui se trouvait à l'extérieur, ça n'avait rien de comparable au royaume dont elle venait. Serena expira par le nez, tout son soulagement, car elle avait réussi. Elle était arrivée à destination.

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Et voilà, cher(e) ami(e) ! Le second chapitre a été publié ! En espérant que ça vous ai plu 🙂 Je vous invite fortement à me donner vos impressions en commentaire, et à voter si ce chapitre vous a plu 😆
Pour moi, ce chapitre fut comme la seconde partie de l'introduction, avant d'arriver enfin au vif du sujet qui n'est qu'autre que Serena dans le monde des humains !

Je vous dis à la semaine prochaine pour le chapitre suivant !

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