Chapitre 7
Flocon sortit de la grotte pour rejoindre le reste du groupe. Il aperçut Anémone et la rejoignit. Elle s'était entêtée de venir avec eux malgré les protestations des Guérisseurs et de ses amis. Il jeta un coup d'œil nerveux à Ouragan. D'après les loups partis en reconnaissance le matin-même, la camp d'Abysse était deux fois plus nombreux qu'eux. Malgré cette annonce, les Loups des Dunes avaient pris la décision ensemble, ils combattront coûte que coûte. Le loup blanc reposa son regard vers la vallée. Dans quelques instants, elle deviendra un enfer.
- On ne va pas attendre plus longtemps, déclara Typhon en se mettant à descendre tout en longeant la paroi. Il est temps d'y aller.
Aussitôt les douzaines de loups présents s'élancèrent derrière leur chef, prêt au combat. Flocon n'hésita pas et se mit à courir avec ses camarades. Ils traversèrent rapidement les quelques longueurs qui les séparaient du sol. Alors c'est là qu'il les vit. Il y avait au moins une centaine de loups et de chiens. Les gueules entrouvertes, le regard féroce, les crocs dévoilés, ils semblaient bien décidés à les exterminer. Au milieu d'entre eux, un grand loup noir, au regard meurtrier, lui faisait face. Abysse.
Flocon tressaillit mais ne recula pas. Il ne pouvait plus reculer. C'était leur seule et unique chance d'empêcher le massacre.
Le loup blanc plissa les yeux et tendit les muscles, prêt à bondir. Leurs pattes martelaient le sol. Les deux camps n'étaient plus très loin à présent. La poussière était soulevée sur leur passage. Flocon dévoila les crocs et attaqua. Grace à son élan, il fit un saut périlleux et écrasa de ton son poids le loup qui se trouvait là. Flocon ne prêta pas attention aux craquements sinistres signifiant que son adversaire avait les côtes brisées, il venait de se faire prendre en chasse par deux gros loups.
Flocon pivota sur lui-même et fit face à ses adversaires. Le loup blanc hésita - une seconde trop - les deux loups en profitèrent l'attaquer. Le premier l'immobilisa en enfonçant ses crocs dans son flan tandis que le deuxième s'approcha de son visage. Flocon lut dans son regard de la haine, mais surtout il paraissait savourer ce moment. Le loup blanc se débattit et asséna un terrible coup de patte au second loup. Le premier enfonça alors ses crocs encore plus profondément. Le loup blanc hurla de douleur. Sa vue se brouilla, ses oreilles lui sifflaient, sa tête bascula sur le côté.
Il distingua alors Anémone qui venait de donner un puissant coup crocs à un chien. Il croisa son regard bleu-gris. Il sentit une chaleur monter en lui et avec la force qui lui restait, se roula sur le côté et se dégagea ainsi du premier loup. Flocon ne prit pas la peine de se relever et le mordit profondément dans le cou. Les yeux de son adversaire regardèrent autour de lui affoler avant de se poser sur lui. Il émit un long gargouillis avant de s'immobiliser. Flocon se releva péniblement et fit face au seconde loup. Sans lui laisser le temps de réagir, le loup blanc bondit et l'attrapa à la gorge. Le gros loup secoua la tête dans tous les sens pour le forcer à le lâcher mais Flocon tint bon. Le loup gémit, s'écroula comme une masse sur le sol et rendit son dernier souffle.
Flocon détourna les yeux. Ce combat était une horreur. Il venait de tuer de sang-froid des loups, ça lui été déjà arriver certes, mais jamais avec autant de hargne et de violence. Le loup blanc sentit son flan le bruler tout à coup. Les Guérisseurs auront pas mal de travail, si on s'en sort, songea-t-il en jetant un coup d'œil à sa blessure. Puis, il analysa les alentours et vit que le tiers des loups de son camp avaient péris. Il fut soudainement pris d'un mauvais pressentiment et décida de partir à la recherche de ses amis. Il se mit à courir, esquiva les attaques de loups qui tentaient de l'arrêter, grogna et griffa des museaux et vit enfin une forme noire qui se battait contre plusieurs chiens à la fois. Ce sont des chien-loup, remarqua Flocon en fronçant les sourcils. Ils ont l'air habitués.
- Ouragan ! Sur ta droite ! hurla tout à coup le loup blanc en voyant un quatrième chien surgir de nulle part.
Son ami l'esquiva de justesse et le regarda reconnaissant. Flocon décida de lui venir en aide. Il se faufila entre deux combattants avant d'arriver à la hauteur de son ami. Ouragan maintenait fermement un chien dans la gueule avant de l'envoyer valser dans les airs. C'est vrai qu'il est devenu fort, pensa Flocon en se remémorant les paroles d'Anémone un peu plus tôt.
Flocon fondit sur le plus petit des chiens mais un deuxième vint se placer devant lui. Ce dernier, ou plutôt cette dernière, avait un regard qui lançait des éclairs. Flocon ouvrit la gueule et dévoila ses crocs. Il roula sur le sol et attrapa la patte arrière de la chienne-louve. Déstabilisée, elle s'écroula sur le sol. Aussitôt l'autre chien, se rua sur lui. Flocon vit son mouvement et au moment où il plongeait sur lui pour le mordre, il tendit sa patte avant droite et l'enfonça dans son visage de toute ses forces. Le petit chien hurla de douleur. Le liquide poisseux et rouge lui recouvrait partiellement le visage. Le loup blanc sentit alors une douleur insupportable venant de son flan surgir. Flocon écarquilla les yeux. La chienne-louve venait de lui sauter dessus. Il vit avec horreur la patte de cette dernière s'approcher dangereusement de son visage. Le loup blanc eut tout juste le temps d'esquiver le coup. Sa patte lui griffa malgré tout mais il put éviter le coup fatal. Le loup blanc cligna des yeux et se redressa. Il se mit à gronder vers son adversaire. Cette dernière lui jeta un regard plein de mépris.
- Tu as bien de la chance d'être encore en vie, mais plus pour longtemps, ajouta-t-elle en bondissant sur lui.
Flocon ne vit pas le coup arriver. Alors qu'il s'attendit au choc qui n'arriva pas, il ouvrit les yeux. Un loup blanc se tenait devant lui, le cadavre de la chienne-louve entre les crocs. Son sauveur lâcha sa proie et se tourna vers Flocon. Ce dernier écarquilla les yeux en reconnaissant Clam. Son ami hocha la tête avant de repartir de plus belle dans la bataille.
Flocon se redressa péniblement et regarda autour de lui. Des dizaines de cadavres jonchaient le sol, des blessés agonisaient et le nombre de combattants diminuaient de leur côté. A moins d'un miracle on ne pourra jamais gagner, réalisa-t-il la gorge nouée. Il croisa soudainement le regard d'Anémone qui venait dans sa direction. Elle semblait penser la même chose.
- Non ! Non !
Flocon sursauta et fit volte-face. C'était la voix d'Ouragan. Le loup blanc plissa les yeux mais avec la poussière, il ne le trouva pas.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? murmura Anémone inquiète.
Flocon écarquilla les yeux et comprit. Une dizaine de loups venaient de se lancer sur un seul combattant, ou plutôt une combattante, car oui c'était bien Rivière, qui malgré l'interdiction de participer aux combats, malgré sa blessure, venait les aider. La louve blanche trancha d'un coup sec la gorge d'un de ses adversaires avant d'en tuer un autre en le propulsant avec ses pattes arrières. Flocon en resta bouche-bée. Elle tuait avec une telle facilité tous ces loups. Comment faisait-elle ?
- Rivière ! Non !
Flocon se tourna subitement vers Ouragan qui venait d'entrer dans son champ de vision. Des larmes roulaient le long de ses joues.
- Tu vas te faire tuer ! Va-t-en !
Après avoir adressé un coup d'œil à Anémone, il s'élança vers ses amis. Ils vont tous les deux se faire tuer s'ils continuent, pensa-t-il paniqué. Flocon contourna deux loups qui se combattaient et arriva enfin vers le combat de Rivière qui semblait redoubler d'ardeur. Flocon sentit quelque chose s'enfoncer brusquement dans son épaule. Le loup blanc se dégagea rapidement du loup qui venait de le mordre et se précipita sur Rivière. Cette dernière venait de rendre le dernier souffle à un grand loup blanc. Ouragan se tenait déjà là.
- Rivière, je t'interdis de combattre plus, grogna le loup noir.
La combattante leva ses yeux bleus vers eux.
- Et moi je vous interdis de vous regarder mourir sans rien faire.
Flocon asséna un coup de patte à un loup qui venait de l'attaquer.
- Ecoute-moi Rivière, l'implora Ouragan. Tu n'es pas en état de te battre. Tu risques de mourir.
Flocon sursauta en voyant le regard noir que le lançait Rivière au loup noir.
- Fiche-moi la paix ! Je m'en sors très bien !
Le loup blanc jeta un coup d'œil autour d'eux. Les combattants d'Abysse semblaient se replier. Pas étonnant après la raclée qu'ils viennent de se prendre par Rivière, pensa-t-il avec un demi-sourire.
- Regarde ta blessure bon sang !
Flocon se tourna vers ses amis. La blessure sur son cou s'était rouverte, une large tache sombre s'élargissait peu à peu. Les pattes de Rivière vacillèrent.
- Je... Je peux encore me battre, répondit-elle d'une voix hachée.
Ouragan se précipita vers elle alors qu'elle s'écroulait sur le sol. Flocon s'assit à côté d'eux et écouta leur échange sans rien dire. Il n'avait pas à se mêler de leurs affaires.
- Tu vois bien que non, Rivière... murmura Ouragan en enroulant sa queue autour de celle de la louve blanche.
Cette dernière ferma les yeux.
- Il reste encore beaucoup de monde à combattre.
Rivière rouvrit les yeux et tenta de se relever. Du sang s'écoulait de sa blessure pour aller tacher le sol poussiéreux.
- Ils se replient, Rivière. On a réussi.
Flocon vit une larme rouler le long du visage de son ami. La respiration de Rivière se fit plus sifflante.
- On a réussi ? répéta Rivière. Ils sont partis ?
Flocon regarda autour de lui. Il vit effectivement que les loups encore debout étaient de leurs côtés.
- Oui, ils sont partis (la voix d'Ouragan vibra sous l'émotion), c'est toi qui les a fait fuir. On a gagné grâce à toi.
Rivière esquissa un sourire avant d'être prise brutalement d'une quinte de toux. Du sang s'échappa de sa gueule. Le liquide poisseux éclaboussa sa fourrure blanche. La jeune louve écarquilla les yeux.
- Je... Je vais mourir ? s'enquit-elle d'une voix tremblante, réalisant sûrement ce qu'elle avait fait.
Flocon n'écouta pas la suite de la conversation. Anémone accourait vers lui suivit de près par une louve à l'allure familière. Brume ! La Guérisseuse s'approcha de Rivière. Flocon écarquilla les yeux. La fourrure blanche de Brume était couverte de morsures et de griffures. Elle a aussi participé aux combats ? Oh, petite sœur...
- Son cœur ralentit ! s'exclama la Guérisseuse à l'intention de ses semblables qui s'empressèrent d'aller chercher les remèdes requis.
Rivière entrouvrit les yeux et à l'intention d'Ouragan, elle murmura :
- Je suis désolée par le deuil que tu vas endurer. Je n'ai jamais voulu te faire du mal comme ça, (elle toussa une nouvelle fois et du sang s'échappa de sa gueule), c'était plus fort que moi, je suis vraiment désolée Ouragan...
Ce dernier voulut l'interrompre mais Rivière continua.
- Je suis venue ici car je ne pouvais pas imaginer ma vie sans toi, je ne pouvais pas t'imaginer mourir alors que je ne faisais rien. Alors promets-moi une chose s'il te plait...
- Tout ce que tu veux, souffla Ouragan alors les larmes ruisselaient le long de sa fourrure noire.
Elle ferma un instant les yeux. Son souffle était si faible que Flocon crut qu'un instant que s'en était fini pour elle.
- Promet-moi que tu ne m'en voudras pas et que tu laisseras une autre louve prendre ton cœur.
- Qu'est-ce que tu racontes, Rivière !
La louve blanche émit un hoquet.
- Rivière ! hurla Ouragan déchiré. C'est toi que j'aime et personne d'autre. Tu m'entends ? Tu vivras tant que je serai encore en vie !
- Promet-le moi, je t'en prie... murmura-t-elle en fermant les yeux.
Le loup noir tressaillit.
- Je... Je te le promets, dit-il enfin entre deux sanglots.
Flocon sentit les larmes monter à ses yeux. Leur amie allait les quitter, ça allait être dur mais ça allait l'être surtout pour Ouragan. Le loup blanc sentit une rage monter en lui. Tout ça c'est la faute d'Abysse ! Rivière ne serait pas dans cet état s'il n'avait pas provoqué tout ça !
- Merci, murmura-t-elle en un souffle. Je t'aimerai toujours.
Cette dernière phrase sonnait comme une promesse aux oreilles de Flocon. Ainsi la vision qu'il avait vue, était vraie. C'était également le cas pour Elbaïte, cela voulait dire que celle concernant Anémone se réaliserait ? Flocon frémit. Il espérait de tout cœur qu'il se trompait.
- Nooooon ! Rivière !
Le cri de douleur du loup noir déchira l'air comme une lame de poignard. Rivière venait de rejoindre les Loups-esprits pour toujours.
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