ONZE

De longues heures s'étaient écoulées avec une rapidité surprenante, durant lesquelles le surnommé Suga avait fouillé dans les tréfonds de son esprit pour trouver les bonnes associations de couleurs, les bonnes peintures et les bons pinceaux. Il avait lutté contre le sommeil et n'avait cessé de déchirer ses toiles pour en recommencer une nouvelle.

Suga se fichait pas mal du bordel autour de lui. Tout ce qui l'importait, c'était ses œuvres. Éternel insatisfait, très rare étaient les moments ou il arrivait à apprécier pleinement ses œuvres. Et ce même si les quelques amis qu'il avait ne cesser de lui répéter qu'il avait du talent. De toute façon, à quoi bon tenir tête à un jeune homme aussi borné ? Il n'acceptait pas qu'on lui fasse la morale, même si c'était pour son bien. En clair, Suga était ce qu'on appelle un homme pessimiste. Il ne voyait pas le monde comme un paradis dans lequel les hommes se baladaient. Il le voyait comme un enfer.

Une seule chose lui permettait de s'évader de ce monde. La peinture. Min YoonGi était capable de passer des heures voir des jours à travailler la même toile, sans réellement prendre le temps de faire une pause. Sauf bien évidemment, lorsqu'il s'agissait de prendre sa dose de drogue quotidienne.

Mais ce jour-là, la rage s'était emparé de son corps et de son esprit, pour ne faire place qu'à un jeune homme râleur et colérique. La proposition de JiMin tournait dans une boucle infernale à l'intérieur de sa tête. Une vrai torture pour le jeune peintre dont la seule préoccupation à cet instant était de se changer les idées. Mais comment y parvenir n ? La voix du critique d'art raisonnait dans son esprit. Comme si, à cet instant même, ses lèvres charnues étaient à côté de son oreille, murmurant suavement.

Je veux être ton modèle, YoonGi.

"Putain de merde !"

Le mentholé jeta rageusement son pinceaux contre le mur, et ce dernier rebondit misérablement sur la tapisserie défraîchie, et l'éclaboussa de tâches rougeâtres, semblables à du sang, avant de tomber au sol. YoonGi posa son regard sur cette oeuvre non-voulu et une idée macabre s'invita dans son esprit. Une idée noire qui n'avait pas sa place dans la vie du peintre, mais qui s'efforçait à en obtenir une. Après tout, pourquoi pas ? Se dit-il. Ce ne serait pas la première fois.

YoonGi ferma les yeux et fit le vide dans son esprit. Il ne devait absolument pas céder, c'était la règle de base. NamJoon lui avait apprit une technique pour gérer ce sentiment de frustration intense et cette envie irrépressible de le faire.

On inspire, on retient sa respiration quelques secondes, on expire. Toutes pensée négative doit être expulsées. Seul les bons moments ont leur place, une place permanente.

Ses paupières se rouvrirent d'un seul coup et si étonnant que cela puisse paraitre, un sourire vint illuminer les lèvres sèches de YoonGi. Malgré tout ce mal qu'il ressentait, ses pensées dérivaient tout de même vers JiMin ? Ou plutôt, vers la nuit mouvementée en sa compagnie. Que YoonGi aimait sentir son corps pressé contre le sien. Ses ongles se planter dans son épiderme à cause du trop-plein de plaisir. Sa voix mélodieuse résonner contre les murs et s'évader en écho affreusement agréable à l'oreille. Park JiMin était irrésistiblement attirant. Ou plutôt attrayant, comme une attraction dans une fête foraine. Car après tout il n'était que ça aux yeux de YoonGi. Un simple corps avec lequel on pouvait jouer à sa guise.

Un pion sur un échiquier.

Car les humains n'étaient que ça après tout. Des tas de chairs et d'os dont YoonGi se moquait ouvertement. Il n'avait que très peu de proche. Rare étaient les moments ou il voyait ses parents. Il ne s'entendait pas réellement avec son frère. Il y avait vraisemblablement un manque de compréhension entre eux. Et puis YoonGi avait très peu d'amis. NamJoon, Lucas. Et personne d'autre. Cela pouvait paraître pathétique, mais le peintre aimait vivre de cette façon-là. Seuls des personnes auxquelles il pouvait accorder sa confiance l'entourait, et ça lui suffisait amplement.

YoonGi n'avait besoin de personne, de toute façon. C'était lui qui dirigeait sa vie et qui la dirigerait jusqu'à ce que la faucheuse décide de le venir à sa rencontre.

"Tu es vraiment fou, Park..."

Un rire gutturale raisonna dans l'atelier alors que YoonGi composait le numéro du blondinet sur le clavier de son téléphone. Il allait bien s'amuser.

"Park JiMin, j'écoute ?"

"C'est moi idiot. T'as pas enregistré mon num ?"

Répondit YoonGi d'une voix assez moqueuse il est vrai. La politesse de JiMin le ferait toujours rire. Il était comparable à un aristocrate du début du XXème siècle. Un snob qui tient son verre de vin avec trois de ses doigts, qui promène son caniche aux poils ridiculement taillés, et qui n'assume jamais qu'il se drogue pour s'évader de sa misérable vie de cloporte.
C'était absurde, pourtant c'était tout ce que le blondinet lui évoquait.

"Non, je ne l'avais même pas en fait. Pourquoi tu m'appelles ?"

"J'ai réfléchis à ta petite proposition."

"Laquelle ?"

Évidemment qu'il fallait préciser avant que le blond ne s'emballe peut-être un peu trop. Il allait finir par croire que YoonGi parlait de l'exposition du Terminus et non de sa dernière demande. Mais tant pis si il s'enthousiasmait trop vite, c'était son problème. De toute façon, YoonGi remarqua bien vite que JiMin n'avait pas de timbre de voix particulier. Il était simplement concentré sur leur discussion. Et le peintre comprit que le jeune homme était conscient qu'il en craquerait pas si facilement, même pour un joli tas de billet.

Ses peintures étaient trop précieuses pour les exposer dans une galerie d'art comme le Terminus, même si la réputation de ce dernier était assez importante. La plupart des grands artistes passaient par là pour se faire connaître mais YoonGi ne peignait pas pour la popularité ou la richesse.

YoonGi sourit en réalisant que finalement, le blond n'était peut-être pas si stupide qu'il le pensait, et ajouta une petite précision à sa phrase.

"Ta demande de poser pour moi. Et j'ai moi-même des questions à te poser. Tu es au courant que la plupart du temps, je peins de l'érotique ?"

"Évidemment que je le sais. Me prends-tu pour un idiot ?"

Comme à sa fâcheuse habitude, JiMin avait prit ce ton prétentieux qui avait le don d'insupporter son interlocuteur. YoonGi était même sur et certain que le blondinet arborait actuellement un air de Monsieur-je-sais-tout. Ce même air que cet élevé agaçant dans une classe de primaire, celui qui ne prend pas la peine de lever la main avant de repondre et qui contredit le professeur même quand il a tord.

"Je te prends pour un critique d'art."

"D'accord, donc en plus de raconter mes exploits sexuels tu crache sur mon métier. Je retiens tout ça sache le." Il était vexé, ça c'était un fait. Qui ne le serait pas après qu'un autre critique de façon aussi banale son métier qu'il exerçait depuis plusieurs années en plus.

"Retiens le, au moins ça travaillera ta mémoire."

"Je vais raccrocher."
Le menaça le blondinet, néanmoins, YoonGi se ficha de ses menaces qui étaient vaines; il savait qu'il ne raccrocherait pas car il avait besoin de lui.

"Tu vas pas faire ça parce que j'sais parfaitement que tu as envie de poser pour moi. Et sache que c'est réciproque. Je rêve de voir ton joli fessier dodu posé sur mon canapé sans artifice le recouvrant."

"Mon fessier n'est pas dodu !'

S'offusqua JiMin, et à l'entendre parler YoonGi devina bien qu'il n'était pas le premier à lui dire. Mais que voulez vous, c'était la vérité. Ses deux globes de chairs était délicieusement bombés, c'était tout simplement un ravissement pour les yeux. En quoi cela était-il vexant ? JiMin était censé bien le prendre et pourtant paraissait vachement agacé par la remarque pleine de franchise du mentholé.

"Bien sûr qu'il l'est. Mais c'est pas le sujet. J'veux que tu vienne à l'atelier pour qu'on discute du contrat."

"Contrat ?"

Un sourire étira les lèvres abîmées de YoonGi. JiMin ne savait pas ce qui l'attendait et c'était assez excitant de le savoir ainsi dans le flou. YoonGi dirigeait la partie, c'était lui qui tenait les ficelles.

"Tu vas bosser pour moi quelques temps. J'ai le droit de poser des exigences. Et crois-moi, c'est pas parce que t'as l'air motivé que tu accepteras. J'ai des goûts assez particuliers. Mais tu le verras bien assez tôt. Passe me voir vers 16h. Je t'attends patiemment. À plus tard, princesse."

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Les petites mains boudinées de JiMin trituraient avec nervosité le tissu entre ses doigts. Lorsque le peintre lui avait montré, JiMin l'avait saisit pour le regarder de plus prêt, puis reposé, et ressaisit à nouveau sous le regard amusé de YoonGi.

"De la dentelle ? Sérieusement ? Je suis critique d'art YoonGi, pas acteur porno."

"Fais pas comme si ça te choquait, j'ai vu les photos sur ton tel j'te rappelle."

Les agréables souvenirs de la vue des photos lui revint en mémoire comme une vague déferlante, et YoonGi ne pu empêcher un gloussement de traverser ses lèvres. JiMin lui avait confié son portable tout en sachant que des photos plus qu'intimes s'y trouvait et se plaignait après qu'il les ait vu. Il fallait les cacher si il ne souhaitait pas que le peintre les aperçoive ! Maintenant, des images de JiMin en sous-vêtements ne cessaient d'affluer dans l'esprit du mentholé.

"Je ne vois pas le rapport."

JiMin arborait un air nullement gêné, juste sérieux. YoonGi pouffa de rire, il se moquait clairement de lui. Était-il obligé d'agir comme si il était normal de porter des bas résilles et toute une panoplie de la lanières de cuir ?

"Moi je le vois. Je veux que tu enfile cette petite culotte, c'est comme ça. T'as signé le contrat. Et puis je ne te demande pas grand chose ! Ça peut pas être pire que la tenue que tu portais sur une de tes nudes. Des lanières de cuirs, sérieusement ?"

"Je ne te permets pas de juger."

JiMin ne trouvait pas de point commun entre des photos de lui nu et le fait qu'il pose quasiment en tenue d'Adam pour YoonGi. Il n'avait pas mis longtemps a prendre ces photos après tout, alors que la il passerait des heures sur le canapé et attraperait probablement froid. YoonGi était d'ailleurs conscient de cela. Il avait tout prévu. Mais pour le moment, il ne lui disait pas pour le simple plaisir de le taquiner.

"J'ai pas besoin de ta permission."

"Je t'emmerde, c'est clair ?"

Rétorqua JiMin d'un ton sec.

"Alors emmerde moi en faisant quelque chose d'utile et enfile cette culotte."

"C'est pas une culotte , mais un tanga."

"Oh, parce qu'en plus t'es un fin connaisseurs en sous-vêtements féminin ?"

D'un soupir exaspéré, JiMin saisit le sous-vêtements de dentelle entre ses doigts -pour la énième fois- et croisa ses bras contre sa poitrine. L'intimité n'était clairement pas au rendez-vous car YoonGi semblait décidé à le regarder se changer. Mais un regard noir de la part de son vis-à-vis le dissuada. Le mentholé fit une petite moue assez attendrissante en vérité avant de se tourner dos à lui.

D'un petit murmure, JiMin lui indiqua de se retourner et la vue fut assez agréable a regarder. YoonGi siffla pour montrer son approbation.

"Wow ! La prochaine fois qu'on baise, rappelle moi de te prêter cette culotte "

"Tanga putain."

De nouveau, JiMin le corrigea et YoonGi pouffa un soupir. C'était de plus en plus agaçant, cette façon de le corriger comme un enfant.

"T'es insupportable."

YoonGi lui fit signe d'aller prendre place sur le sofa et JiMin le fit sans broncher, si ce n'est qu'il lâcha un long soupir distinct, signalant son ennui. Il n'avait de toute façon pas besoin de soupirer pour montrer à YoonGi que tout ici l'ennuyait. YoonGi le suivit et lui demanda de redresser son buste pour pouvoir passer un drap de satin rouge sous son dos. Puis JiMin se rallongea et attendit simplement que YoonGi lui dise comment se placer.

Les instructions ne tardèrent pas à arriver. JiMin devait lever l'un de ses jambes et la plier, tandis que son bras gauche se laissait tomber par dessus le canapé, pendant dans le vide. Son regard lui, se perdait dans le loin, et ses mèches de cheveux en bataille laissaient penser qu'il se trouvait en pleine réflexion après un réveil frauduleux. YoonGi l'aidait à prendre pose, et le peintre paraissait plus sérieux que jamais. Sa main droite glissa sur la cuisse du blondinet et il lui indiqua de placer son second bras sur son bas-ventre, comme pour le masquer un minimum.

Le simple rapprochement de leur visage fit rougir JiMin qui triturait nerveusement sa lèvre inférieure. Le visage de YoonGi était encore plus beau de prêt. Finalement, le mentholé se recula et lui adressa un petit soupir avant d'ébouriffer un peu plus ses cheveux.

"Bon, ça risque de durer longtemps. Ne lâche pas ta pose, ne quitte pas des yeux le plafond. Fais le vide dans ton esprit, ça te fera passer le temps."

Et effectivement, le temps passa extrêmement lentement pour JiMin. Le blondinet posait patiemment sur son sofa, il ne souhaitait pas bouger ne serait-ce que le petit doigt. La peinture devait être parfaite. Si cela plaisait à YoonGi, peut-être accepterait-il qu'il pose de nouveau une seconde fois, puis une troisième, jusqu'à devenir régulierement son modèle. Et enfin, YoonGi accepterait d'exposer ses tableaux au Terminus, car il serait satisfait de son boulot.

"Tu as été parfait Park."

Après de nombreuses heures passées sur son tableau, YoonGi posa enfin son pinceau. Ce fut un soulagement pour le blondinet qui commençait à avoir des crampes à force de garder sa pose trop longtemps.

"C'est sûrement l'un de mes meilleures tableaux."

JiMin se leva finalement et attrapa le drap de satin pour l'entourer autour de son petit corps. Il avait attrapé un petit coup de froid à cause de ces fichues heures. Le blondinet s'approcha de son patron temporaire et enfin, son regard se posa sur le tableau.

Wow.

C'était sublime. Une oeuvre d'art venait de naître sous les coups de pinceaux experts de YoonGi. Un pur chef-d'œuvre.

"C'est magnifique YoonGi..."

Ces mots n'étaient que de simples murmures à peine perceptible mais le peintre pu les entendre. Et malgré toutes ses appréhensions à propos de JiMin, un sourire se forma sur ses lèvres. Oui, son tableau était magnifique. Pour la première fois dans sa vie, il était amplement satisfait de son travail. Et tout ça, ce n'était que grâce à un élément.

"Mon tableau est réussit, Park, et tu l'es tout autant. C'est grâce au toi si il est si beau."