Journée


Me réveiller. Sentir ma montre se vibrer, me dire "non pas encore, je veux encore dormir même si c'est pour ne plus me réveiller". Se réveiller seul, comme toujours, sentir déjà cette solitude m'envahir et m'étreindre.
Me lever. Pourquoi me lever, pourquoi à part aller travailler, ou ne rien faire de la journée, ou de faire des choses que tout le monde se fous.
Se doucher. Quel ennuie, quel manque de temps, mais il faut se faire beau pour les autres, toujours faire plaisir aux autres pour qu'ils puissent vous ignorer au lieu de vous humilier.
Regarder son téléphone. Voir comment vont les amis qu'on ne verra jamais, leurs poser les mêmes questions, toujours répondre qu'on va bien, pour éviter d'expliquer ce que je ne peux pas expliquer, voir ce que les autres font mieux que moi, poster des choses que personnes ne remarque, et stresser à chaque notification qui vibre ma montre et mon téléphone.
Boire un café. Sentir cette boisson que je ne sens même plus, qui ne me donne aucun effet, que je pourrais boire comme de l'eau, le goût de chlore en moins.
Regarder les info. Se prouver qu'on s'est lever pour rien, que tout est pourri, que tout est mieux que moi, qu'on est tous foutu mais qu'on continu de vivre.
Conduire. Se concentrer sur la route, éviter les autres, éviter les accidents, parce que je n'ai pas les finances pour ça, je n'ai pas le courage pour ça.
Travailler. Rencontrer des collègues qui vous raconte leurs vies, ne pas oublier de ne pas les ignorer pour éviter qu'ils parlent dans votre dos, et raconter une fausse vie parce que vous avez honte de la votre, ou ne rien dire, ce que j'excelle. Toujours douter, toujours craindre de mal faire, courber le dos face aux critiques.
Écrire, dessiner. Essayer, détester ce sue je fais, ne pas accepter les compliments, toujours dénigrer, toujours jalouser sur les autres, me vider le moral, remplir ma tête des mêmes mots : inutile, nul, arrête.
Servir la famille. Faire ce que la famille peut faire mais qui préfère me faire faire, faire les courses, faire les petites courses de chacun, faire le taxi parce que je suis le seul à avoir le permis, se lamenter de cette situation et que je n'arrive pas à dire non, continuer encore et encore.
Manger. Ne plus sentir le goût industriel de la nourriture, manger sucrer, grossir et encaisser les critiques, manger toujours les mêmes choses, manger devant la télévision, manger sous les disputes, manger en réfléchissant, toujours manger.
Regarder la télé. Toujours des rediffusions, des films qu'on a vu 10 fois, m'ennuyer, me fatiguer, regarder l'heure, et regarder la télé en famille, réfléchir à pourquoi vivre encore.
Jouer. Jouer à des vieux jeux, seul, parce que j'ai toujours peur des autres, échouer, échouer encore, rager, déprimer et rejouer.
Me coucher. Fermer les yeux, essayer de dormir, réfléchir au lendemain, de ce que je dois faire, de ce que je ne peux pas faire, des défis que je dois affronter que d'autres ne pensent même pas, dormir de sommeil sans rêve, dormir jusqu'à ce que ma montre vibre...
Et puis me détester, toujours un peu plus chaque jour, me détruire de l'intérieur, de l'extérieur, pour espérer que ça s'arrête, parce que mon futur est gris, parce que mon passé est noir, parce que la fatigue de vivre le gagne, et qu'un jour, je ne veuille plus me lever pour entamer une seule autre journée.

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