Chapitre 2 - Premières balles
Astrid se réveilla en sursaut en entendant la sonnerie stridente de son réveil et se prit les pieds dans son sac à dos en se levant, s'écrasant lamentablement par terre.
– Ouille... grommela-t-elle en se relevant péniblement.
Son genou gauche commençait peu à peu à prendre une légère teinte bleue, et elle grimaça devant sa propre nullité. Ce devait bien être la seule personne au monde à réussir à se casser la figure à peine trente secondes après son réveil. Il était dix heures du matin, et elle était déjà crevée. La rentrée dans son nouveau lycée était le lendemain, et elle était censée rencontrer la coordinatrice de l'établissement à onze heures trente aujourd'hui.
Le lycée n'était qu'à quelques minutes de chez elle, mais elle se connaissait. Elle était parfaitement capable de se perdre et de mettre deux heures à y arriver. Par mesure de précaution, elle partit donc de son studio à dix heures et demi... et arriva devant le lycée Nightingale à dix-heures trente-cinq.
Ben au moins, elle ne serait pas en retard.
Quelques élèves étaient déjà sur les lieux, dont un petit groupe d'élève habillé de l'uniforme de sport du lycée et munis de raquette de tennis. Elle savait que son établissement possédait une équipe de niveau national dans laquelle se retrouvaient certains des meilleurs joueurs de l'état – voire du pays – et ne voulait qu'une seule chose : en faire partie également.
Par curiosité, elle se décida à suivre le groupe de sportifs à distance.
Elle ne mit pas longtemps à arriver aux installations sportives, et laissa échapper un sifflement appréciateur en voyant le gymnase et les dix courts de tennis qui se trouvaient devant elle. Astrid n'en était pas vraiment étonnée : cette école était réputée et les frais d'inscription y étaient exhorbitants. Ils avaient plutôt intérêt à avoir des infrastructures incroyables !
– Astrid ! Murmura une voix derrière elle.
– Mona ! Qu'est ce que tu fais ici ?
– Ma grand-mère gère le club de tennis. Je suis venue l'aider aujourd'hui. Tu joues ?
– Un peu, oui.
– Tu joues bien ? Continua la jeune fille avec un peu plus d'enthousiasme.
Astrid haussa les épaules sans répondre. La vérité, c'était qu'elle jouait vraiment, vraiment très bien. Mais il aurait sans douté été mal vu de se vanter, alors elle préféra ne pas répondre.
– Je viens juste de m'y remettre, après des années d'insistance de ma grand-mère, reprit Mona. On devrait s'entraîner ensemble, de temps en temps.
– Oui, c'est une bonne idée.
Mona semblait plus bavarde que la veille. Peut-être était-elle plus réveillée, ou alors c'était juste que le tennis était pile le bon sujet à aborder pour sa voir sa langue se délier.
– Qu'est-ce que tu fais ici ?
– J'ai rendez-vous avec la coordinatrice à onze heures trente.
– Tu veux que je t'accompagne ? Le campus est super grand, ce serait dommage que tu te perdes.
Astrid hocha la tête avec enthousiasme. Un peu qu'elle voulait de la compagnie ! Et puis si le campus était si grand que ça, elle était sûre de se perdre et de ne jamais en ressortir toute seule.
Mona lui adressa un sourire, dévoilant d'adorables fossettes aux coins de sa bouche.
– C'est ta première année aussi, non ? Comment ça se fait que tu connaisses le campus aussi bien ? La questionna Astrid.
– Ma grand-mère se sert de moi comme manager officieuse de l'équipe de tennis masculine depuis que je suis petite, grimaça Mona. Au moins cette année je vais pouvoir le faire officiellement !
– Je vois... Tu vis avec elle ?
Le sourire sur le visage de Mona disparut aussi rapidement qu'il était apparu, et Astrid se sentit soudainement coupable d'avoir posé la question.
– Tu n'es pas obligée de répondre si tu ne veux pas, Mona...
– Non, t'inquiète. Mes parents sont morts dans un accident de voiture quand j'étais encore bébé. Ça n'a toujours été que ma grand-mère et moi.
– Je suis désolée.
– Ne le sois pas. Et ta famille à toi ?
– Juste mes parents et moi, pas de frère ou de sœur. J'aurais adoré avoir un petit bébé à m'occuper !
– Oui, moi aussi ! Ah, on est arrivée. Je t'attends devant d'accord ?
Astrid frappa à la grande porte en bois et l'entrouvrit délicatement. Une jeune femme blonde l'accueilla avec un petit sourire.
– Mademoiselle Renard !Vous êtes ponctuelle à ce que je vois.
– Ahah, rigola doucement la jeune fille.
Si elle savait. Astrid baissa la tête pour dissimuler le sourire contrit qui venait d'apparaître sur son visage. « Ponctuelle » n'était habituellement pas le mot utilisé pour la décrire.
– Bonjour, madame Tan.
– Alors, voilà ce qu'on va faire aujourd'hui... J'ai quelques papiers à te faire signer, comme quoi tu es bien arrivée... Voilà... Alors, tu es en première année... Tu as été assignée à la classe F2.
– F2 ?
– Freshmen 2. C'est comme ça qu'on appelle les premières années, ici. Alors... Donc, voici ton emploi du temps. Les clubs ne sont pas obligatoires mais fortement conseillés... J'ai cru comprendre que tu étais intéressée par le tennis, c'est cela ?
– Hm, oui...
– Super ! Notre club de tennis masculine est plutôt réputée dans l'État de New-York. Enfin maintenant c'est une equipe mixte, donc tu auras peut-être l'occasion de jouer avec nos meilleurs joueurs si tu es aussi bonne que ce que la coach Anderson nous a dit ! Continua-t-elle avec un petit rire.
Astrid cligna des yeux quelques minutes. Ouhla. C'était plus compliqué que prévu de suivre ce que disait cette femme, qui parlait avec un épais accent texan.
– Hm... ok... murmura Astrid en hochant la tête alors qu'elle n'avait compris que la moitié de ce qu'elle venait de dire.
– Bon, tout est en règle ! Comme convenu, Séléna Anderson est responsable de tes autorisations de sortie, donc n'oublie pas de lui faire signer... hm, ce papier, ce papier, ce papier et ce papier. Ah, et celui-là également !
Elle lui fourra un tas de feuille entre les mains, lui adressa un gigantesque sourire dévoilant des dents plus blanches que la neige, et lui fit signe que cet entretien était fini. Mona l'attendait devant la porte et ses yeux s'écarquillèrent en voyant le monceau de papiers qu'elle tenait dans ses bras.
– C'est pas facile la vie d'expatriée... tu veux aller faire quelques balles ?
– J'aimerai bien mais je n'ai pas mon matériel... soupira la rouquine en suivant son amie en direction des courts de tennis.
– Grand-mère aura bien une raquette à te prêter parmi celles du club. Et j'ai une paire de baskets supplémentaires dans mon casier, elles seront probablement à ta taille, murmura-t-elle en posant son pied à coté du sien.
Astrid hocha la tête et rassembla ses cheveux roux en une queue de cheval haute. Même avec cette coupe de cheveux, ils lui tombaient en-dessous des omoplates. Quand elles arrivèrent aux courts de tennis, un petit attroupement s'y était formé, constitué majoritairement de jeunes filles qui faisaient beaucoup, beaucoup de bruit.
– Comment ça se fait qu'il y ait autant de personnes sur le campus ? La rentrée n'est que demain... non ? Marmonna Astrid.
– Hm, ici les élèves sont souvent déjà là la semaine qui précède les cours... On vient s'inscrire aux clubs, ranger des affaires dans nos casiers, faire nos démarches administratives... ça ne se fait pas en France ?
– Tu rigoles ?! Les élèves n'ont déjà pas envie de venir le jour de la rentrée, alors la semaine d'avant... certainement pas.
Astrid tenta de se frayer un chemin parmi les filles qui criaient, sans se rendre compte que Mona ne la suivait déjà plus, ayant préféré battre en retraite. Elle parvint enfin à atteindre le devant de la foule, et comprit rapidement ce qui les mettait dans un état pareil.
Devant elle, sur les courts, se tenaient quelques garçons, tous en uniforme, une raquette à la main. Ils étaient grands, ils étaient beaux, et ils étaient de toute évidence adulés par les adolescentes à entendre leurs hurlements. Eux ne leur adressaient même pas un regard.
Elle serait bien restée pour les regarder jouer, mais un mouvement de foule la fit soudainement reculer, et elle se vit contrainte de ressortir à l'arrière, où elle trouva Mona, assise sur un banc.
– Les titulaires sont arrivés, commenta-t-elle laconiquement en se levant.
– C'est incroyable cette ferveur, on dirait des idoles.
– C'est un peu le cas. Ce lycée est vraiment très réputé pour son équipe de tennis, c'est l'un de nos clubs les plus connus. Sans compter que ces mecs sont vraiment, vraiment mignons.
– Hm. Bon, on va jouer ?
Les deux se dirigèrent en direction des vestiaires. Comme convenu, Astrid emprunta une paire de chaussures ainsi qu'une raquette, mais garda ses vêtements. Elle était en short et tee-shirt, ce serait largement suffisant pour les quelques balles qu'elles prévoyaient de s'échanger.
Elles se positionnèrent non loin des titulaires sur le court numéro 1. Les garçons ne leur addressèrent même pas un regard, tout occupés qu'ils étaient par leur entraînement. Mona effectua un service gentil, et Astrid renvoya la balle de façon tout aussi calme. Elle n'avait pas envie de se prendre la tête et n'était de toute façon pas échauffée pour. Elles étaient très bien dans leur coin, jusqu'à ce qu'un cri les sortirent de leur torpeur.
– Attention ! Hurla une voix masculine.
Il ne fallut pas le dire à Astrid deux fois. Du coin de l'oeil, elle aperçut immédiatement la balle de tennis qui filait à toute vitesse vers elle. Elle aperçut également le regard effaré de Mona, mais ne s'en soucia pas. Cette balle n'était pas si rapide que ça, après tout. Elle pouvait parfaitement la rattraper.
Ce qu'elle fit immédiatement.
Elle leva sa raquette en moins de quelques millisecondes, se positionna et effectua un smash parfait, renvoyant la balle dans la caisse de rangement située un peu plus loin. Le silence se fit progressivement dans le court tandis que les filles derrière elle continuaient de hurler.
– Wow... murmura l'un des garçons derrière en ébouriffant ses cheveux rouges bordeaux. Nice !
Il s'approcha d'elle avec un grand sourire.
– Désolée pour la balle ! Joli smash, gamine.
Astrid haussa les épaules sans répondre, et se fit la réflexion que ça commençait à devenir une sale habitude de faire ce geste. Elle se retint de grimacer en entendant le mot "gamine". Ce n'était pas le moment de se faire mal voir. Surtout que ce garçon, vêtu de l'uniforme des titulaires, avait l'air plutôt avenant.
– Merci.
– Ah, t'es pas une bavarde toi ! D'un côté, si tu traînes avec Moon c'est plutôt normal ahah !
– Moon ? Le questionna la rouquine.
– Mona. Moon.
– Oh.
La-dite Moon agita sa raquette en rougissant et baissa la tête.
– C'est parce que ma petite fille est tout le temps dans la lune, ricana Séléna en apparaissant, sortie de nulle part. C'est ma faute. J'ai commis l'erreur de l'appeler une fois comme ça et maintenant les joueurs l'appellent Moon.
Astrid sursauta et sentit son coeur battre plus fort dans sa poitrine. Cette vieille avait failli lui faire avoir une crise cardiaque !
– Je vois que tu fais déjà la rencontre de nos titulaires, Astrid. Maintenant que l'équipe est mixte, c'est eux que tu devras affronter pour obtenir une place dans l'équipe de l'école. Les garçons, venez vous présenter !
L'équipe, qui n'avait pas émis un mot depuis l'incident de la balle, se dépêcha d'obéir à leur coach et se précipitèrent presque au côté d'Astrid.
– Je vous présente Astrid. Elle arrive tout juste de France. C'est une excellente joueuse, peut-être pourra-t-elle mettre l'un d'entre vous en difficulté, rigola la vieille femme en leur faisant un clin d'oeil.
Celui qui avait l'air d'être le plus vieux, aux cheveux court châtains et lunettes ovales qui lui donnaient un air sévère, s'avança en premier et lui serra la main.
– Adrian. Je suis le capitaine de l'équipe principale.
Astrid lui serra la main tandis que les autres se présentaient à tour de rôle. Elle tenta bien de se souvenir de tous les noms, mais aucun doute qu'elle en oublierait certains d'ici quelques heures.
– Allen, enchanté, commença le premier garçon auquel elle avait parlé, celui aux cheveux rouges bordeaux. Désolé pour la tentative de meurtre !
– Franchement Len, t'aurais pu lui faire mal. Je m'appelle Isaac. Il faut l'excuser, il n'est pas doué.
– Eeeeh ! C'est pas très gentil...
– Les garçons, arrêtez de râler... murmura un troisième adolescent, aux yeux fins et au sourire avenant. Je suis Noah. Ne t'occupe pas d'eux, ils sont toujours surexcités. Il n'y a que nous aujourd'hui, et Silas qui est encore en train de prendre des notes là-bas, continua-t-il en désignant un autre garçon particulièrement grand, aux cheveux noirs coiffés en pics et aux lunettes rectangulaires. Tu comptes t'inscrire au club ? Astrid, c'est ça ?
– Oui.
– En début d'année nous tenons toujours un tournoi de classement pour déterminer qui jouera. Tu es bien évidemment, comme tous les nouveaux, invitée à y participer.
– Oui enfin une petite gamine aussi mignonne, désolée mais ça risque d'être compliquée de gagner une place dans l'équipe ! Continua Allen avec un large sourire en tapotant la tête d'Astrid, qui faisait bien une tête et demi de moins que lui.
Cette dernière devint toute pâle, serra très fort les dents et se força à sourire. Cependant au vu de la tête du-dit Allen, le sourire ne devait pas être très avenant car il retira sa main immédiatement tandis qu'elle le fusillait du regard. N'importe qui l'observant pouvait clairement voir qu'elle ressemblait à quelqu'un qui venait de croquer dans un citron.
– Ahah... hm. Bon, euh... je vais retourner m'entraîner, hein.
Et il fit demi-tour, aussi rapidement qu'il était venu. Isaac ricana et suivit son ami, tandis que Séléna éclatait d'un rire sonore et qu'Astrid reprenait visage humain.
– Allez les enfants, au boulot ! Si vous êtes venus vous entraîner, c'est pour bosser et pas pour discuter, leur ordonna ensuite la coach en leur faisant signe de s'éloigner.
Astrid en profita pour s'éclipser à son tour, non sans avoir dit au revoir à Mona. Elle rentra chez elle après un dernier regard en direction des courts.
Trop petite pour les battre, hein ... ? Bah. Elle comptait bien leur montrer de quel bois elle se chauffait.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top