Assise sur l'un des bancs, à l'extérieur du court de tennis, Astrid attendait impatiemment le début de son match. Percy, installé à côté d'elle, arborait son habituel air blasé. Le reste de l'équipe discutait tranquillement, attendait que l'horloge sonne treize heures trente et le début officiel des matchs. Plus qu'une demi-heure.

Perdue dans ses pensées, l'adolescente sursauta quand quelqu'un s'assit à côté d'elle. Elle reconnut immédiatement le parfum d'An, et lui adressa un sourire mirobolant... avant de se rendre compte qu'il ne s'agissait pas du tout d'An mais d'un garçon imposant aux cheveux noirs et au visage sévère. Il se tourna vers elle et la fixa quelques millisecondes avant de se décider à lui sourire.

– Astrid.

Oui, bon, alors là elle n'y comprenait plus rien. C'était qui lui ?!

– Je suis le frère d'An, Raphaël.

Ah, de suite ça faisait plus de sens. Même si ça n'expliquait toujours pas ce qu'il foutait ici ! Elle haussa les sourcils d'un air interrogateur, et il rigola gaiement. Peu à peu, les coéquipiers d'Astrid commençaient à se rapprocher du banc, curieux. Seul Percy semblait complètement s'en foutre.

– Tu joues le double 2, j'ai cru comprendre ?

– Oui, murmura la jeune fille en hochant la tête.

– Ma soeur aussi. J'ai cru comprendre qu'elle était très déçue de ne pas pouvoir assister à votre mach contre ces " babouins ", continua-t-il en mimant des guillemets.

Astrid laissa échapper un ricanement moqueur. C'était tout An de leur avoir donné ce surnom-là.

– Elle m'a chargé de te faire passer un message, continua Raphaël. La dernière qui gagne son match paye le repas de ce soir ! Bonne chance !

Et il se leva et s'éloigna sans un mot de plus. Mona considéra Astrid d'un air surpris, de même que tout ses coéquipiers. Noah fut le premier à intervenir, de sa voix douce habituelle.

– Astrid, d'où tu connais le capitaine de l'équipe de Notre Dame ?

– C'est le capitaine de Notre Dame ?! S'exclama-t-elle, provoquant le rire de ses camarades.

– Ok, elle le connaît pas en fait, ricana Allen.

– J'ai rencontré sa soeur y a deux semaines. Elle s'est bien gardée de mon dire que son frère était capitaine...

Astrid fit la moue, mais elle souriait intérieurement. Le défi avait piqué sa curiosité, et elle pouvait sentir que c'était le cas également de Percy. Après tout, la promesse d'un repas gratuit était toujours intéressante.

– Nous allons commencer le double 2, lança alors l'arbitre en s'installant sur sa chaise, perché à presque deux mètres de hauteur.

Astrid et Percy se levèrent simultanément, et se firent un high five sans même se regarder. Allen laissa échapper un sifflement. L'atmosphère venait soudainement de changer et de devenir électrique. Inconscients de l'excitation qui montait chez leurs coéquipiers, les deux adolescents enlevèrent d'un même geste leur veste et rentrèrent sur le court.

En face d'eux se positionnèrent leurs adversaires.

– Lycée St Agnès, Maxime et Dan. Lycée Nightingale, Percy et Astrid. Maxime au service !

Le-dit Maxime se mit en position de receveur, et Astrid se rendit compte que jusque là elle n'avait pas eu la moindre idée de leurs noms. Dan était donc celui qui l'avait frappée, tandis que Maxime était celui qui avait pris la peine de se déplacer jusqu'à leur lycée pour agresser Percy. Ce dernier les fixait alternativement de ses yeux vairons, sourcils froncés et bouche déformée par une grimace de méchanceté.

Astrid était en position de receveuse, genoux pliés et raquette bien en main. Mais quelque chose dans le regard de du garçon ne la rassurait pas. La balle partit, et Astrid réagit instinctivement, sautant de côté et l'évitant complètement.

La balle alla frappa dans un clang! sonore le grillage derrière elle et retomba à l'extérieur du terrain.

– Out ! 15 – 0, Percy et Astrid mènent.

Elle put entendre la surprise audible de ses coéquipiers derrière le grillage qui les séparait du court.

" Heureusement que je l'ai évitée... "

– Il a visé sa tête, là, on est d'accord ? Put-elle entendre Noah dire distinctement.

Elle frissonna. Quelle voix glaciale.

– Eh ! BABOUIN ! Hurla la voix scandalisée de Maki derrière elle, tandis que Mona tentait en vain de la calmer.

Mais oui. Il avait sacrifié le premier point de ce match juste pour tenter de l'éborgner.

– Ohla, ohla, ricana-t-il. Pardon, je me suis trompé.

Manque de chance pour lui, c'était désormais au tour de Percy de renvoyer le service. Et lui n'allait pas se laisser impressionner aussi facilement que sa coéquipière. Ils échangèrent de place sans avoir besoin de se regarder pour se comprendre. Maxime se remit en position, cette fois-ci bien décidé à marquer le point. La balle rebondit dans le carré de service.

– T'es pas si bon que ça..., marmonna Percy en la renvoyant à pleine puissance.

Surpris de la force de son coup, Dan renvoya la balle difficilement. Au lieu du coup droit qu'il tentait de faire, il se vit forcé de lober. La balle s'éleva haut dans les airs, ce qui laissa la possibilité à Percy de smasher. L'adolescent sauta et tapa la balle avec le haut de sa raquette, l'envoyant dans le coin droit du terrain.

– 30 – 0 ! annonça l'arbitre.

– ... Et tu oses nous menacer ? Termina Percy en laissant la place de receveur à Astrid.

Cette dernière sourit. Elle n'avait pas eu besoin de faire le moindre mouvement pour gagner ce point. C'était bien la preuve que Percy était un très bon joueur... ou que les deux autres étaient juste nuls.

Si les regards avaient pu tuer, aucun doute qu'Astrid et Percy auraient été foudroyés sur place. Mais il en fallait plus pour leur faire peur. Astrid reprit sa position et secoua sa tête. Ses cheveux roux se balancèrent doucement dans son dos, et elle resserra sa queue de cheval d'un geste léger. Elle fixa son adversaire d'un regard méchant, et il sembla frissonner, mais reprit bien vite sa contenance. Il tira et Astrid renvoya la balle juste après le rebond. Surpris par la vitesse de réaction de l'adolescente, ils n'eurent pas l'occasion de se remettre en position et elle marqua le point.

– 40 – 0 !

– On se fait un petit speedrun, Percy ? Ce repas gratuit me tente vraiment ! Lança la jeune fille à son camarade en lui faisant un sourire qui dévoilait ses canines.

– Pas besoin de se forcer contre ces deux-là, ce sera facile.

Elle hocha la tête. Percy renvoya le cinquième service de Maxime à pleine vitesse, mais leurs adversaires semblaient peu à peu s'adapter à leur vitesse de frappe, et ils parvinrent à la renvoyer pile entre eux deux. Percy et Astrid se précipitèrent au même moment sur la balle, s'évitant de justesse mais ne parvenant pas à la renvoyer.

– 40 – 15 !

– Eh, Percy, c'était ma balle ça ! Grogna la jeune fille.

– T'es sérieuse là ? Elle arrivait sur ma main dominante, c'était à moi de la récupérer !

Astrid leva les yeux au ciel, dépitée.

– Mais t'es stupide ou tu le fais exprès ? Elle est arrivée au milieu, t'es gaucher et je suis droitière ! Elle est aussi sur ma main dominante, je te signale !

Le garçon ne répondit pas, baissant sa casquette sur ses yeux et se détournant pour retourner se positionner.

– T'en es encore bien loin.

" J'en suis encore bien loin ? Mais pour qui il se prend celui-là ?! Je vais lui montrer, qui en est encore bien loin ! "

Le match reprit, Percy et Astrid jouant de façon beaucoup plus virulente qu'au début. Ils ne loupaient pas beaucoup de balles, mais ne rataient pas une occasion de s'engueuler dès que l'un d'entre eux faisait une faute ou piquait un coup à l'autre.

Derrière le grillage, Isaac et Allen observaient la paire avec la tête de quelqu'un qui venait de croquer dans un citron.

– Qui a eu l'idée débile de mettre ces deux-là ensemble ? Grinça Allen. Ils font une paire actroce !

Le garçon se ratatina sur lui-même en sentant un lourd regard peser sur son dos.

Ah oui. C'était l'idée de leur capitaine.

Yep, mieux valait qu'il se taise.

– C'est vrai qu'ils ne coopèrent pas très bien... approuva Isaac.

Le reste de l'équipe hocha la tête.

"Pas très bien", c'était un euphémisme.

Pourtant, malgré leur mésentente, les deux joueurs de Nightingale menaient le jeu. Un échange ne durait pas plus de quatre ou cinq coups, et le score était déjà de quatre jeux à zéro. Silas griffonnait sans cesse dans son carnet vert émeraude, marmonnant des choses incompréhensible dans sa barbe.

– 100% de chances qu'ils ne se battent pas contre leurs adversaires, mais l'un contre l'autre, énonça-t-il alors clairement, surprenant tout le monde.

– ... Comment ça... ?

Noah pouffa de rire, les yeux fixés sur ses deux cadets qui étaient de nouveau entre train de presque se taper dessus sur le terrain. L'arbitre fut obligé de les rappeler à l'ordre, et ils se remirent en position non sans se tirer la langue.

– Noah ... ? Tu as compris, toi ?

Le garçon hocha la tête.

– Regardez les bien. Ils ne portent plus aucune attention à leurs adversaires. Si je pouvais lire dans leurs pensées, je suis quasiment sûr que tout ce qu'on entendrait c'est " je vais lui montrer que je suis meilleur-e que lui/elle !".

En effet, Percy et Astrid ne jouaient plus contre St Agnès. Leurs adversaires, en face, avaient beau tenter de provoquer les engueulades en tirant pile aux milieux des deux adolescents, ils ne semblaient pas se rendre compte que plus Percy et Astrid se tapaient dessus, plus leur motivation à gagner augmentait.

Chacun voulait faire mieux que son coéquipier.

Marquer le plus de points possibles.

Avoir l'échange le plus court.

Ce n'était plus une bataille pour la victoire. De toute façon, l'issue de ce match était déjà décidée. C'était une bataille pour qui aurait le droit de jouer en simple la prochaine fois. Et Percy, autant qu'Astrid, n'était pas prêt à se laisser marcher dessus.

La coach, assisse sur le banc, assistait à ce petit jeu les sourcils froncés. Adrian faisait de même, et les autres joueurs pouvaient sentir l'aura d'agacement qui se dégageait de lui. Astrid et Percy, sur le terrain, n'étaient cependant pas encore conscient de l'orage qui allait leur tomber dessus.

– Jeu et match, Astrid et Percy. Six jeux à zéro !

– Putain ! Hurla Maxime, surprenant tout le monde. Bande de... de... sales gamins irrespectueux ! Tout ça, c'est de votre faute !

Et il lança sa raquette en direction d'Astrid, qui était la plus proche de lui. Manque de chance pour lui, elle n'était pas prête à se laisser avoir une deuxième fois. Elle l'évita lestement, et fut surprise de voir Percy rattraper la raquette volante au même moment.

– Tch. Les gars comme toi, ça n'a pas sa place sur un court.

Et il renvoya la raquette de l'autre côté du filet, la laissant s'écraser mollement aux pieds de son adversaire. Dan et un autre joueur de leur équipe furent obligés de tirer son coéquipier par le bras pour le faire sortir du court, alors qu'il semblait prêt à se jeter sur Percy.

– Lycée St Agnès, maîtrisez vos joueurs ! Tonna la coach, coupant l'herbe sous le pied de l'arbitre qui s'apprêtait sans doute à leur donner un avertissement.

L'équipe adverse hocha la tête, dépitée. La première défaite avait eu un sacré impact sur leur moral.

D'un côté, on se demandait à quoi ils s'attendaient, sérieusement. Ils pensaient vraiment gagner contre un lycée réputé pour son équipe de tennis ?

– Amateurs, murmura Percy dans sa barbe.

– Percy, faut qu'on aille voir si An a fini son match ! S'exclama Astrid en le tirant par la manche.

Mais au moment où ils sortaient du court, ils se retrouvèrent face à un Adrian qui, bien qu'arborant son habituel air impassible, les fixait d'un oeil peu amène.

– Cap'taine ... ? commença la jeune fille en reculant d'un pas afin échapper à son regard inquisiteur, uniquement pour percuter la coach qui se tenait derrière elle.

Percy se rapprocha d'Astrid, comme s'il espérait qu'elle puisse le protéger de la tornade qu'il apercevait dans les yeux de Séléna.

– Vous êtes fiers de vous ? Leur demanda-t-elle sèchement.

– Euh... Oui... commença Percy, vite interrompu par un coup de coude dans les côtes de la part de sa camarade.

Il referma sa bouche aussi sec.

– Vous ne devriez pas ! Vous avez passé votre temps à vous crier dessus ! Comportez-vous comme des adultes, pas comme des enfants.

Derrière Adrian, Astrid pouvait apercevoir Allen qui ricanait doucement, se faisant le plus discret possible pour ne pas se faire repérer par leur capitaine.

– On attend mieux de vous, lâcha d'une voix froide le-dit capitaine avant de se détourner et de retourner auprès du reste de l'équipe.

Les deux adolescents baissèrent la tête, abattus. Mais Adrian se retourna, et leur adressa un léger sourire :

– Cependant, félicitations pour une victoire impitoyable. Rompez.

Les deux échangèrent un regard et partirent en trottinant sans demander leur reste, tandis que la Golden Pair rentrait sur le terrain. S'ils étaient curieux de voir leurs aînés jouer, la bouffe gratuite prenait la priorité.

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À suivre : Chapitre 17 - Rencontre

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