Chapitre 14 - Détermination
– J'ai bien le droit à une explication, je pense, grinça Percy, adossé contre un mur.
– Toi en premier, répliqua la jeune fille. Tu m'expliques ce qu'il s'est passé ?
– Un imbécile te cherchait. Il m'a balancé une nuée de cailloux à la gueule avec sa raquette, et m'a dit de faire passer un message à "la rouquine." C'était pas vraiment compliqué de deviner qu'il parlait de toi.
– Grand, blond, yeux varions ? Énuméra la-dite rouquine en grinçant des dents.
– Yep. Il a dit qu'il te retrouverait durant le double 2. Lycée St Agnès.
Astrid laissa échapper un grognement exaspéré. Comment cet imbécile avait-il su de quelle école elle faisait partie ? Elle ne l'avait dit qu'à An... Les avait-il espionnées ?! Une sueur froide lui coula le long de la colonne vertébrale, et elle attrapa son téléphone portable, composant le numéro de sa nouvelle amie.
Celle-ci décrocha au bout de deux sonneries.
– An ? Murmura la jeune fille. Tout va bien ?
– Oui, pourquoi ? Quelque chose est arrivé ?
– Nous avons eu une visite de l'imbécile d'hier, il a agressé l'un de nos joueurs.
– Merde, c'est pas vrai ! Il faut aller porter plainte.
Astrid observa Percy, qui suivait la conversation avec attention et était en train de secouer la tête de gauche à droite. Il murmura quatre mots qui firent apparaître un sourire sur les lèvres de l'adolescentes.
" On va les démonter "
– Nope, répondit Astrid. On affronte son équipe le samedi. Manque de chance pour lui, on est bien remontés pour lui foutre sa raclée.
Le silence se fit à l'autre bout de la ligne.
– ... Ok, murmura alors An. Mais faîtes bien attention à vous.
– Toi aussi. En espérant qu'il ne se pointe pas à ton école comme il l'a fait pour nous.
– T'inquiète, il ferait cette erreur une fois mais pas deux.
La menace était tout à fait perceptible dans la voix d'An, et Astrid éclata d'un petit rire. Les deux raccorchèrent, et Astrid se tourna vers Percy pour lui expliquer les évènements de la veille. S'il gardait son air impassible, elle pouvait tout de même percevoir une once de surprise et d'énervement au fond de ses yeux.
Il ne dit cependant rien, haussa les épaules et reprit son chemin vers l'infirmerie. Astrid commençait peu à peu à comprendre son fonctionnement : il avait beau rester silencieux, il n'en était pas moins très, très en colère. Elle devait bien admettre qu'elle était admirative de la façon dont il arrivait à garder son calme. Quiconque ne le regardait pas avec attention aurait un mal fou à déterminer qu'il était en colère.
L'infirmier les accueilla avec un large sourire qui s'effrita en voyant la tête des deux adolescents. Il laissa échapper un petit cri perçant et les pressa d'entrer dans la pièce, avant de foncer récupérer du désinfectant dans une petite armoire au-dessus de son bureau.
– Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu ! S'exclama le jeune homme en secouant la tête. Mais qu'est-ce qu'il vous est arrivé, à tous les deux ?!
– Je suis tombé, lâcha Percy d'une voix plate.
– Je me suis pris le bureau dans la tête en me baissant, balança en même temps Astrid.
Le visage de l'infirmier passa de l'horreur à la suspicion en à peine quelques secondes.
– ... C'est une blague ? Leur demanda-t-il.
– J'ai l'air de blaguer ?
Percy avait dit ça tellement sérieusement que l'infirmier ne pouvait que s'incliner.
– Vous savez les enfants, si vous avez des problèmes, vous pouvez nous le dire...
Les deux gamins échangèrent un regard lourd de sous-entendus, et affichèrent un immense sourire innocent à l'homme qui les fixait.
– Non, nous sommes seulement très maladroits, lança Astrid en saississant le bras de Percy et en se collant à lui comme une enfant.
Ce dernier se dégagea prestement de son emprise en pestant dans sa barbe, tandis que l'infirmier levait un sourcil. Il se décida finalement à laisser tomber, bien conscient que ces deux-là n'allaient certainement pas lui expliquer ce qu'il s'était vraiment passé. Il attrapa un coton, qu'il imbiba de désinfectant, et commença à le passer sur le visage de Percy. Ce dernier grogna de douleur en sentant les petits picotements sur sa peau.
Puis l'homme se tourna vers Astrid, qui fit un pas en arrière.
– Oh, euh, non, moi ça va... C'était hier...
– Tu as désinfecté ? Lui demanda-t-il d'une voix impérieuse.
Astrid n'hésita que quelques secondes, mais ce fut quelques secondes de trop. L'infirmier soupira et lui tamponna à son tour le visage de désinfectant, sans écouter les plaintes de l'adolescente. Il sortit quelques pansements à mettre sur le visage de Percy. L'adolescent fusilla du regard Astrid quand celle-ci s'approcha un peu trop près de lui pour lui mettre un pansement à son tour.
Ok, message reçu : " T'approche pas de moi ", qu'il lui disait.
L'adolescente haussa les épaules, et rangea le pansement rose à pois blancs qu'elle avait dans la main. Tant pis.
Quand les deux revinrent aux courts, l'effervescence s'était un peu calmée. Au vu du regard de la coach et de la vingtaine de personnes qui couraient autour du terrain, on ne pouvait que deviner que Séléna avait du avoir recours à la punition pour que ses élèves se calment.
Isaac, assis sur un banc, fixait alternativement Percy et Astrid d'un regard suspicieux. Astrid n'était pas devin, mais elle était à peu près sûre qu'il trouvait ça quand même vachement louche que les deux petits nouveaux arrivent l'un après l'autre avec des blessures au visage, à un jour d'intervalle. Il n'avait pas tout à fait tort, mais Astrid n'allait pas pour autant le lui admettre.
Elle s'apprêtait à rejoindre Percy, qui avait pris de l'avance sur elle, quand une main posée sur son épaule la fit s'arrêter. Derrière elle se dressait Noah, qui la fixait de ses yeux bridés, ses cheveux couleur caramel se balançeant doucement dans le vent.
– Tout va bien, Astrid ?
La jeune fille hocha la tête mais détourna les yeux. Noah avait un regard perçant et elle se sentait comme s'il lisait à l'intérieur d'elle. Son sourire énigmatique éternellement collé sur son visage, il l'observait en détail, comme s'il tentait de lire dans ses pensées. En était-il capable ?
On pourrait le croire, en voyant l'éclat de colère qui venait de s'allumer au fond de ses yeux bleus, avant de s'éteindre tout aussi rapidement. Savait-il quelque chose ? Non, probablement pas. Ça n'était que son imagination.
Que son imagination.
– Équipe principale, rassemblement ! Cria la voix de Séléna.
Astrid profita de la distraction pour se soustraire à l'examen minutieux et se précipiter un peu trop rapidement vers le reste de l'équipe. Noah la suivit sans faire de bruit.
– Nous avons discuté avec Adrian de la fiche de match pour notre premier affrontement contre l'équipe du lycée St Agnès. On commence par le double 2 !
Mais avant qu'elle n'eut l'occasion de dire quoi que ce soit, Percy avait déjà pris la parole.
– Astrid et moi, lança-t-il d'une voix impérieuse qui n'attendait aucune réponse. Nous souhaiterions le jouer.
– S'il vous plaît, compléta obséquieusement l'adolescente en donnant un coup de coude dans les côtes de son coéquipier.
Celui-ci lui lança un regard meurtrier, mais suivit le mouvement.
– Oui, s'il vous plaît, grogna-t-il comme à contrecoeur.
– Ce n'est pas vraiment ce que nous avions prévu... murmura la coach en jetant un coup d'oeil interrogateur au capitaine de l'équipe.
– S'il vous plaît ! Répétèrent les deux enfants en s'inclinant légèrement.
Adrian haussa les épaules, marquant son approbation.
– Hm, ok... Très bien. Dans ce cas, Astrid et Percy joueront le double 2. Notre Golden Pair s'occupera du double 1. Ensuite en simple, nous aurons Momo sur le simple 3, Eddie en simple 2, et Noah en simple 1.
Astrid considéra Noah d'un oeil surpris. Ce garçon, en simple 1, le dernier match ? C'était habituellement le meilleur joueur d'un club qui jouait le simple 1 : en effet, quand les deux équipes étaient à force égale, le simple 1 était celui qui permettait de les départager et de donner la victoire – ou la défaite.
Moon avait bien dit lors du tournoi de classement qu'elle avait eu de la chance de ne pas jouer contre Noah, mais elle ne pensait pas que la coach et le capitaine lui faisaient confiance à ce point-là. Comme quoi il ne fallait vraiment pas se fier à son apparence frêle et douce.
Elle croisa le regard de Noah et détourna immédiatement les yeux en se rendant compte qu'il l'observait aussi. Qu'est-ce qu'il pouvait être déroutant !
– On va stopper l'entraînement là pour ce soir. Rentrez chez vous, reposez-vous, et on se retrouve demain ! Il nous reste un peu moins de deux semaines avant le début du tournoi !
Astrid fonça aux vestiaires, se rhabilla en quatrième vitesse, et s'élança pour rentrer chez elle le plus rapidement possible. Elle ne voulait pas laisser la possibilité à quiconque de l'arrêter et de l'interroger, comme elle soupçonnait que ce soit l'intention de Noah et Isaac. Malheureusement pour elle, quelqu'un l'avait devancé et l'attendait à l'entrée du lycée, bras croisés sur sa poitrine.
Mona faisait la moue, son sac à dos posé à ses pieds.
La rouquine fit mine de la dépasser, espérant que ce ne soit pas elle qu'elle attendait mais son amie Maki, mais Moon ne lui laissa pas l'occasion de s'échapper. Elle l'attrapa par le bras, la forçant à s'arrêter.
" Quelle force ! " pensa Astrid.
– On va chez toi, ordonna Mona d'une voix qui n'appelait aucune réponse.
Vaincue, Astrid mena la marche, la guidant jusqu'à son appartement. Elles montèrent les deux étages qui menaient à son studio, enlevèrent leurs chaussures dans le silence et s'assirent toutes les deux sur le lit, aucune d'entre elles ne voulant débuter la discussion qui allait s'imposer. Finalement, Mona prit une grande inspiration.
– Il s'est passé quoi ?
– Je me suis cognée... commença Astrid sans grande conviction.
– La vérité, Astrid.
La rouquine frissonna en entendant son amie utiliser son prénom en entier. Elle avait en effet pris l'habitude de l'appeler Ari – comme la majorité du club par la faute de Percy d'ailleurs – et le fait qu'elle ne le fasse pas cette fois-ci ne rendait que plus clair le fait qu'elle espérait une réponse sérieuse et honnête. Avec un soupir, elle entreprit de raconter à Mona ce qu'il s'était passé la veille et ce que Percy lui avait expliqué sur le chemin de l'infirmerie.
L'horreur fit peu à peu son apparition sur son beau visage fin, ses traits se tordant en une grimace.
– Bon sang, mais pourquoi tu n'as rien dit ? On peut les faire exclure du tournoi !
– An a déjà tenté de me convaincre. Mais je refuse. Mona, ils ont dit qu'une fille n'avait pas sa place sur un court de tennis ! Je refuse de me laisser avoir par la peur.
Mona fronça les sourcils et porta deux doigts à ses tempes, les massant circulairement.
– Ari, reprit-elle d'une voix douce, porter plainte ce n'est pas un aveu de faiblesse, tu sais.
Astrid haussa les épaules.
Si, porter plainte était un abus de faiblesse.
Et de toute façon, personne ne la croirait, comme la première fois.
Même avec des témoins, la partie adverse dirait juste que c'était un accident, un geste malencontreux.
Elle savait déjà comment ça allait se passer.
Elle savait que la justice, ça n'existait pas vraiment.
Elle savait que si elle voulait être vengée, elle devrait le faire toute seule.
Mais elle garda ces pensées pour elle. Il était bien plus facile de dire à son amie qu'elle avait envie de les humilier sur le terrain que d'avouer qu'elle avait de nouveau peur qu'on ne la prenne pas au sérieux.
Astrid n'était pas encore prête à assumer la raison pour laquelle elle s'était exilée aux États-Unis.
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