Épilogue
La cloche de l'école primaire retentit et, la minute suivante, des enfants jaillirent par le portail.
Plusieurs voitures noires, aux vitres teintées pour la plupart, étaient garées le long du trottoir.
Il faut dire que Sainte Catherine n'était pas n'importe quel établissement scolaire. C'était une école privée catholique haut de gamme, fréquentée uniquement par les enfants des familles les plus fortunées du Japon.
Tama parut au milieu de la foule de ses camarades, son randoseru ballotant sur le dos.
(NDA : Randoseru, cartable des petits japonais. Très moche, mais très solide)
Izumi, le garde du corps attitré de la famille, debout près de la voiture, lui ouvrit la portière.
– Bonjour mademoiselle Tama, lui dit-il tandis qu'elle s'installait, vous avez passé une bonne journée ?
– Ça va, lui dit-elle. Yukiko m'a prêté ses feutres magiques aujourd'hui et j'ai fait un super dessin avec ! Tu veux le voir ?
– Peut-être tout à l'heure mademoiselle, lui dit-il en s'asseyant au volant. Ça ne serait pas prudent pendant que je conduis.
– Ah oui, c'est vrai.
Tama avait maintenant sept ans et l'école occupait une grosse partie de ses journées. Sur le chemin du retour, elle aimait babiller avec Izumi qui lui tenait le plus souvent lieu de chauffeur.
– Tu sais quoi ? Reprit-elle. Hiro a essayé de copier sur moi au contrôle ! La maîtresse l'a vu et elle l'a grondé ! Il a pleuré ! C'est bien fait pour lui !
– Oh, je vois.
– Et puis Atsu a apporté des bonbons en classe pour son anniversaire, mais c'était ceux que j'aimais pas, tu sais, avec le rouge dedans. Alors je les ai donnés à Yukiko pour la remercier. Elle était contente !
– C'est très bien mademoiselle Tama de penser à vos petits camarades.
La fillette poursuivit sur sa lancée tout en regardant la rue qui défilait par la fenêtre de la voiture.
– Aujourd'hui, la maîtresse nous a donné des devoirs trop durs ! C'est des problèmes, je suis sûre que j'arriverai jamais à les faire ! Se lamenta-t-elle.
– Vous pouvez demander à votre maman, je suis sûr qu'elle vous aiderait.
Tama réfléchit.
– Non, dit-elle finalement. Je vais aller demander à monsieur Kisaki, il explique mieux. Quand il m'explique, j'ai toujours des bonnes notes !
– C'est vrai que monsieur Kisaki est très intelligent, reconnut-il.
– C'est parce qu'il a des lunettes, lui dit-elle avec assurance. Mon papa aussi il met des lunettes des fois pour devenir intelligent.
Izumi lui jeta un regard dans le rétroviseur.
Il sourit, mais ne dit rien.
– En tout cas, lui rappela-t-il, pensez à prévenir votre maman si vous allez voir monsieur Kisaki, sinon elle risque de s'inquiéter.
– Oui, je lui dirai.
La voiture fendit la circulation et, bientôt, le building qui abritait les locaux du Toman apparut.
Après avoir englouti son goûter, Tama se précipita à l'étage des bureaux, son cahier de mathématiques dans les mains.
Elle évita souplement les hommes qu'elle croisa dans les couloirs et tous la saluèrent en la voyant passer en courant.
Elle était un peu une sorte de mascotte au sein du gang.
Parvenue devant le bureau de Kisaki, la fillette entra sans frapper comme une tornade.
– MONSIEUR KISAKI ! Cria-t-elle. J'AI BESOIN QUE TU M'AIDES POUR MES DEVOIRS !
– Oh, dit une voix derrière la porte. Voilà un bruyant petit ouragan.
Tama se retourna et découvrit Hanma, installé sur le canapé, les jambes croisées sur son pantalon au pli impeccable.
Elle se mit aussitôt au garde-à-vous.
– Bonjour monsieur le capitaine des asperges ! s'exclama-t-elle.
Hanma pouffa de rire. Cette gamine le faisait toujours rigoler avec son aplomb et ses répliques sorties d'on ne sait où.
Tama se retourna vers Kisaki et elle le rejoignit en deux pas.
Elle alla se pendre à son bureau avec les yeux les plus larmoyants qu'elle put.
– La maîtresse nous a donné des problèmes et j'y comprends trop rien du tout ! Dit-elle. Il faut que tu m'aides, sinon je vais mourir !
– Tch, mourir ? Rien que ça ? Rétorqua Kisaki. C'est hors de question la punaise. J'ai du travail, sors d'ici.
Tama ne fit pas un mouvement. Au lieu de ça, elle se cramponna davantage au bord du bureau.
Elle inspira et se lança :
– S'ilteplaîts'ilteplaîts'ilteplaîts'ilteplaît s'ilteplaîts'ilteplaîts'ilteplaîts'ilteplaît... ! Se mit-elle à répéter en boucle.
Dans son dos, Hanma éclata de rire. Il se leva.
– Je vous laisse avant que Kisaki devienne dingue ! Dit-il.
Il lui fit un petit signe de la main.
– À plus, dit-il, je repasserai tout à l'heure, quand tu auras fini de jouer les nounous !
– Tch ! Lâcha à nouveau Kisaki.
Près du bureau, Tama poursuivait sa litanie.
– S'ilteplaîts'ilteplaîts'ilteplaît...
– Ça suffit, ferme-la ! Dit-il. Pourquoi tu ne demandes pas à ta mère ?
– Parce que tu es plus intelligent qu'elle, lui dit-elle.
Depuis le temps qu'elle vivait parmi eux, Tama avait appris à connaître les points faibles de chacun et celui de Tetta Kisaki, elle le savait, c'était la très haute opinion qu'il avait de son intelligence.
Il souffla, le front barré par un pli contrarié.
– C'est bon, dit-il, je vais t'aider, mais c'est la dernière fois ! Allez, fais voir ton cahier !
La fillette sourit, ravie. Elle était sûre qu'il finirait par céder comme à chaque fois.
– C'est ces deux problèmes-là, lui montra-t-elle. Celui avec les pommes et celui avec le vélo...
Moins d'une heure plus tard, Tama regagna la suite familiale, ses devoirs faits.
En entrant, elle vit que Kakucho était de retour. Il avait troqué sa veste pour un tablier et il était en train de battre des œufs dans un saladier.
– Papaaaaa ! S'écria-t-elle en abandonnant son cahier dans l'entrée.
Kakucho se tourna vers elle.
– Salut ma puce, dit-il. C'était bien l'école ?
La fillette se hissa à genoux sur un des tabourets de la cuisine et croisa les bras sur le comptoir.
– Ouais ! Et j'ai même fini mes devoirs, j'ai demandé à monsieur Kisaki de m'aider.
– Oh ? Lui dit Kakucho en lui jetant un regard par-dessus son épaule. Et tu lui as dit merci au moins ?
– Non, j'ai dit et plus vite que ça ! Répondit-elle en imitant une grosse grosse voix et en agitant le doigt comme l'aurait fait sa mère.
Durant une seconde, Kakucho fut saisi, plus il éclata de rire. Cette gamine avec son répondant à toute épreuve réussissait toujours à le surprendre.
Tama sourit de toutes ses dents, satisfaite d'avoir fait rire son père.
Elle se pencha en avant.
– Tu fais quoi ? Dit-elle en contemplant le bol qu'il n'avait pas lâché.
– Je prépare tout ce qu'il faut pour ce soir, lui dit-il. Izana vient manger et je pensais faire des okonomiyakis...
(NDA : Okonomiyaki, sorte de grosse crêpe salées au chou et à la viande)
Tama ne le laissa pas finir. Elle leva les bras.
– Des okonomiyakis ! J'adore les okonomiyakis ! Dit-elle.
Elle se laissa glisser au pied du tabouret et se mit à danser dans la pièce.
– Et en plus il y a tonton Nazana qui vient ! Continua-t-elle.
Kakucho lui jeta un regard amusé.
– Tu devrais arrêter de l'appeler tonton Nazana, lui dit-il. Tu n'es plus un bébé maintenant.
La petite fille s'immobilisa et fit mine de réfléchir.
– Non, dit-elle enfin. J'aime bien l'appeler tonton Nazana et je suis sûre qu'il aime bien aussi.
Kakucho secoua la tête en pouffant.
– Alors va prendre ton bain et ranger ta chambre, je t'appellerai quand ça sera prêt.
Tama attrapa son cahier de mathématiques et elle s'élança vers sa chambre.
– Ok ! Dit-elle. Après je te montrerai le dessin que j'ai fait à l'école ! Tu verras, il est trop beau !
En début de soirée, Nao revint du bureau. Elle était exténuée, la journée avait été longue.
– Salut chéri... Dit-elle en rejoignant Kaku. Bonne journée ?
Elle lui glissa les bras autour de la taille et posa la tête contre son épaule.
– Ça va, et toi ? Dit-il.
– Un peu fatigant, mais ça va. Tama chan est là ?
Kakucho lui désigna la chambre.
– Elle est dans sa chambre. Elle dessine je crois.
– Encore ? Rit Nao. Cette gamine passerait son temps à dessiner si on la laissait faire !
Elle se détacha de lui et ajouta :
– Je vais voir ça.
Elle se dirigea vers la chambre de sa fille et frappa à la porte.
– Coucou mon bébé, dit-elle en passant la tête à l'intérieur. C'était bien l'école ?
Même si la situation avait été tendue entre sa fille et elle durant les premières semaines après l'épisode avec Mikey, leur relation était revenue au beau fixe depuis le temps. Tama était encore très petite lorsque c'était arrivé.
– Maman ! S'exclama la fillette en se redressant. Viens voir !
Elle s'était installée à son petit bureau, penchée sur son œuvre.
– Viens voir mon dessin ! Poursuivit-elle. Je l'ai terminé ! Yukiko m'a prêté un de ses feutres magiques pour que je puisse le finir !
Nao s'approcha et elle regarda par-dessus l'épaule sa fille.
Elle écarquilla les yeux avant de sourire.
– Tu devrais le donner à Izana quand il viendra, lui dit-elle.
Tama leva la tête.
– C'est pour lui que je l'ai fait ! Lui révéla-t-elle. Tu le trouves comment ? Tu crois qu'il lui plaira ?
– Je crois qu'il va l'adorer, lui dit Nao.
Deux coups retentirent à la porte d'entrée et Tama sauta de sa chaise, son dessin dans les mains.
– C'est lui ! S'écria-t-elle en se précipitant vers la porte. J'y vais !
Dans le séjour, Kakucho venait d'ouvrir à Izana qui était en train de retirer sa veste.
– Ça sent drôlement bon ici ! Dit-il.
Tama vint vers lui en courant.
– Tonton Nazanaaaaa !
Elle se jeta sur lui sans ralentir et il l'attrapa au vol avec une habileté née de l'habitude avant de la faire tournoyer dans les airs.
– Oh ! Regardez ça ! Dit Izana. J'ai attrapé un petit oiseau !
Tama ne put répondre, elle riait aux éclats.
Finalement, il la posa par terre et la fillette prit sa main avant qu'il s'éloigne pour attirer son attention.
– Tonton Nazana ! J'ai fait un dessin pour toi ! Regarde !
Il s'accroupit pour se mettre à son niveau et elle brandit la feuille avec fierté.
– Là, expliqua-t-elle, c'est toi. Et là, c'est papa. Là, c'est maman. Et là c'est moi. J'ai ma nouvelle jupe rose parce qu'elle me va bien. Et là, j'ai dessiné une couronne sur ta tête parce que tu es le roi ! Et j'ai fait un cœur géaaaant autour de nous parce qu'on s'aime très fort. Et il brille parce que je l'ai fait avec les feutres magiques de Yukiko !
Elle s'interrompit pour reprendre son souffle.
À côté d'elle, Izana regardait le dessin en silence.
Plus loin, Nao s'était appuyée à la porte de la chambre.
– Il est beau son dessin, dit-elle, tu ne trouves pas ?
Izana hocha la tête sans lever les yeux.
– Oui, dit-il, il est magnifique.
Kakucho s'approcha et il se pencha par-dessus son épaule pour le voir.
Il sourit.
– Moi je le trouve très fidèle, dit-il.
– C'est vrai, reconnut Izana. Il est fidèle.
Il se redressa et prit la petite dans ses bras.
Tama lui tendit le dessin.
– Il est pour toi ! Dit-elle. Il faut que tu l'accroches sur ton frigo et que tu le regardes tous les jours !
Izana sourit.
– Je le ferai, dit-il en le prenant. C'est promis.
Nao sourit et elle se redressa pour venir vers eux.
– Tu vois ? Dit-elle. Tu as une famille, Izana.
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