7 - face-à-face
– Kurokawa ! Brailla un jeune homme en direction du couloir. Tu as de la visite !
Un instant plus tard, Izana parut en chaussons.
Il s'immobilisa, les yeux écarquillés de stupeur. Puis il rejoignit le hall d'entrée en deux pas et éclata de rire.
Nao et Kakucho se tenaient là, droits comme des i tous les deux, leurs cartables d'écoliers sur le dos et encore secoués par leur virée en ville visiblement. Ils ne s'étaient d'ailleurs pas lâché la main.
– Mais qu'est-ce que vous faites là ? Leur demanda-t-il entre deux éclats de rire.
– On est venu pour te voir Izana, lui apprit Kakucho.
Le sérieux avec lequel Kaku lui répondit calma un peu l'hilarité de Izana. Il essuya les larmes de rire de ses yeux et se redressa.
– Bon, dit-il, puisque vous avez fait tout le chemin jusqu'ici, venez, je vous fais visiter !
Il les guida au travers des couloirs du foyer. Il leur montra la salle de repos, le réfectoire, la salle de bain...
L'endroit ressemblait beaucoup à l'orphelinat remarqua Kakucho, à part que les pensionnaires étaient plus âgés. Ils croisèrent essentiellement des adolescents et aussi quelques jeunes adultes qui ne devaient pas être loin de la majorité.
Finalement, Izana les conduisit jusqu'à sa chambre au premier étage.
C'était une pièce de cinq tatamis, petite, mais confortable. Il avait un placard pour ranger ses affaires et plier son futon, et un bureau était disposé dans l'angle pour lui permettre de faire ses devoirs.
Mais ce qui attira surtout l'attention de Kakucho, ce fut la guitare acoustique appuyée contre le mur.
Il se précipita pour la regarder de plus près, avant de se tourner vers Izana.
– Izana ! Dit-il.
Izana le rejoignit.
– Ah ça, dit-il. C'est un senpai qui me l'a offerte pour mon arrivée. Il m'apprend à en jouer. C'est assez facile en fait.
(NDA : Dans la culture japonaise, un senpai est une personne plus âgée, qui était là avant vous, par opposition au kohai, le plus jeune. Senpai signifie littéralement le camarade de devant)
Nao les avait rejoint et Kakucho reprit.
– Tu joues de la guitare ? Dit-il. Pour de vrai ?
Il ne semblait pas y avoir de limite à l'admiration qu'il avait pour son idole.
– Évidemment, répondit Izana. Vous voulez que je vous montre ?
Un instant plus tard, les deux enfants s'étaient installés à genoux sur les tatamis, leurs cartables dans un coin, et Izana accordait sa guitare comme le lui avait montré son aîné.
D'abord il égrena quelques notes, montant et descendant la gamme pour se familiariser avec les cordes. Ensuite, ses doigts se mirent à parcourir l'instrument, d'abord avec hésitation, puis peu à peu avec plus d'assurance.
La mélodie, un refrain simple qui passait à la radio à ce moment-là, emplit la chambre et Nao et Kakucho restèrent bouche bée. Aucun d'eux n'osait faire le moindre mouvement ni même dire un mot.
Izana joua le morceau deux fois de suite avant de poser la guitare sur ses genoux. Il y avait bien eu quelques fausses notes, mais ni Kakucho ni Nao ne les avaient relevées et, pour eux, Izana venait une fois de plus de faire la preuve de son génie.
– C'était incroyable Izana ! Commença Kakucho en se redressant avec enthousiasme. Tu joues comme un vrai musicien alors que tu as commencé il y a quelques jours ! Tu es vraiment trop fort !
Nao hochait fébrilement la tête. Izana venait de gravir un échelon supplémentaire dans son cœur si c'était encore possible.
Izana reposa la guitare contre le mur.
– Non, j'en suis encore loin, dit-il, mais petit à petit je joue de mieux en mieux. Je vais m'entraîner et je vous montrerai ce que ça donne dans quelques semaines !
Nao et Kakucho repartirent en fin d'après-midi, l'esprit encore en ébullition.
– Izana sait vraiment tout faire, il est trop fort ! S'exclama encore Kakucho sur la route. Tu n'es pas d'accord Nao ?
– Oui...
La fillette ne l'écoutait qu'à demi.
Izana était vraiment un garçon parfait, elle était d'accord. Doué, intelligent, beau garçon...
Si seulement il pouvait me regarder...
Une chose lui avait paru évidente cet après-midi. À ses yeux, elle restait une petite fille sans intérêt.
Je suis sûre que si je n'étais pas venue, ça n'aurait fait aucune différence... En fait, il aurait peut-être même préféré que Kakucho vienne seul.
Un froid glacial lui serra la poitrine, un froid qui lui rappela celui qu'elle avait éprouvé, des mois plus tôt, quand ses parents étaient morts.
Ses yeux s'écarquillèrent.
Non, je ne veux pas ! Je ne veux plus rester seule ! Plus jamais !
– Dis Nao, reprit Kakucho, tu es amoureuse de Izana pas vrai ?
La question eut le mérite de tirer la fillette de ses réflexions. Elle leva les yeux vers lui, abasourdie, et bredouilla.
– Quoi...? Qu'est-ce que... ? Non... Je.... Hein ?
– C'est bon, dit-il, tu peux me le dire, je comprends tu sais. C'est Izana.
Toute l'admiration qu'il avait pour son ami était contenu dans ces simples mots.
C'est Izana.
Nao finit par baisser la tête. Elle ne dit rien, mais son attitude était éloquente.
Kakucho poursuivit.
– Ne lâche rien ! Dit-il. Je suis sûr qu'un jour il tombera amoureux de toi lui aussi ! Alors n'abandonne pas !
Puis il partit en courant.
Durant une seconde, Nao contempla son dos.
Elle se sentait étrangement légère tout à coup.
Avec juste une poignée de mots, Kakucho avait réussi à faire disparaître l'étau qui lui enserrait sa poitrine. Il avait dissipé ses craintes si facilement qu'elle en était encore sous le choc.
Merci Kakucho...
Finalement, elle sourit et se lança à sa poursuite.
– Kakucho attends-moi !
Il a raison ! Je ne dois pas partir vaincue !
Les deux enfants disparurent au coin du bâtiment et Izana resta un moment sur le pas de la porte à regarder la rue. Le quartier était plus vivant que celui où se trouvait l'orphelinat. Rien que pour cela, il l'appréciait.
Il remonta la fermeture éclair de son blouson et lança par-dessus son épaule :
– Je sors ! Je vais faire un tour !
Il avait envie de se balader un peu.
Un des avantages du foyer Kutadai, c'est qu'il n'avait plus besoin d'autorisation quand il sortait. Pour peu qu'il ne disparaisse pas des jours entiers, il pouvait faire ce qu'il voulait.
L'autre avantage, c'est qu'il était situé près de la plupart des commodités. Ici, il n'avait qu'un pas à faire pour être à la gare et Izana pouvait être à Tokyo en moins d'une heure s'il le souhaitait.
Je pourrais aller voir Shinichiro, ça serait sympa de lui faire la surprise...
Il décida de le faire dès que possible. La visite des deux enfants lui avait donné des idées.
Izana était plongé dans ses réflexions lorsqu'aux abords d'un parc il entendit :
– Tiens, mais c'est sa majesté... Tu t'es perdu ?
Izana s'immobilisa les mains dans les poches. Assis sur les bancs et les jeux du parc, les jeunes tyrans de l'école élémentaire Honmoku Minami, accompagnés de leur chef, le regardaient.
Izana les toisa. Il avait oublié que, eux aussi, étaient entrés au collège cette année. Il n'imaginait pourtant pas les retrouver si près de chez lui.
– C'est plutôt vous qui vous êtes perdus, répondit-il, vous êtes à nouveau sur mon chemin, une fois ça vous a pas suffi ?
Les garçons se levèrent et plusieurs grommelèrent.
– Où est-ce que tu te crois ? Lui demanda l'un d'eux.
– On va te faire la peau ! Dit un autre.
Les garçons serrèrent les poings et s'avancèrent.
Izana n'avait pas peur. Il savait assez bien se battre pour se débarrasser de quatre ou cinq adversaires sans problème.
Une voix s'éleva derrière lui et il se retourna.
– C'est lui qui vous a mis la misère la dernière fois ? Dit un des nouveaux venus.
Izana découvrit cette fois cinq collégiens de troisième année, certains aussi larges que hauts.
Un d'eux se pencha vers Izana.
– Il est tout petit ! Remarqua-t-il. Vous avez pas honte de vous être fait fumer par une demi-portion ?
Les autres éclatèrent de rire.
Apparemment, les harceleurs de l'école primaire étaient entrés dans une bande nettement plus dangereuse.
– On va te défoncer, dit le plus grand. Ça t'apprendra à toucher à nos gars.
Izana résista autant qu'il le put. Mais ils étaient trop nombreux et trop forts.
Il finit roulé en boule sur le sol à se faire tabasser comme cela ne lui était jamais arrivé.
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