67 - Aversion

Mikey se laissa tomber sur le canapé, abasourdi.

Le dégoût que Nao éprouvait pour lui ne lui avait pas échappé ces dernières années. Chaque fois qu'ils se trouvaient dans la même pièce, elle s'arrangeait pour partir ou bien, si ça n'était pas possible, elle se tenait aussi loin de lui qu'elle le pouvait et faisait comme s'il n'était pas là.

Comment j'ai pu croire que sa mère l'avait laissée venir ici ?

Il se ressaisit. Il devait faire vite.

– Je te ramène chez toi, lui dit-il en se levant.

Il lui tendit la main et la fillette la saisit.

– Ok ! Dit-elle. Comme ça, je pourrai te montrer ma chambre ! Tu pourras venir jouer chez moi si tu veux ! J'ai plein de jouets, tu sais !

Mikey doutait que Nao le laisse approcher de chez elle à moins de dix mètres, mais il préféra ne rien dire à la petite.

Arrivé à la porte de chez lui, il se ravisa.

– Attends, dit-il en allant chercher son téléphone.

Plutôt que de la ramener à sa mère, mieux valait essayer de trouver son père. Kakucho saurait garder son calme, lui.

Tout en rejoignant le couloir Mikey composa le numéro de Izana.

– Izana ? Dit-il. Tu sais si Kakucho est dans le coin aujourd'hui ?

Kakucho ? Dit Izana. Pourquoi ? Tu veux le voir ?

Mikey baissa les yeux vers la fillette qui fredonnait au bout de son bras.

– J'ai sa petite avec moi.




Izana lui donna rendez-vous dans son bureau et quand Mikey poussa la porte, il découvrit la moitié des cadres du gang rassemblée là.

Il avait vu juste. La petite n'avait dit à personne où elle allait.

Tama vit son père et elle se précipita vers lui.

– Papaaaaa !

Kakucho la prit dans ses bras, soulagé.

– Où est-ce que tu étais Tama chan ? Lui dit-il. Tu nous as fait peur, maman te cherche partout.

Tama se retourna et lui montra Mikey.

– J'étais chez mon ami, dit-elle. J'aime bien aller chez lui. Je lui fais des dessins et on mange des bonbons. Aujourd'hui on a bu du chocolat ! Dis papa, il peut venir jouer à la maison s'il te plaît ?

Elle s'était tournée vers son père, mais Kakucho regardait Mikey en silence. 

Avant qu'il ait dit un mot, la porte s'ouvrit à la volée et Nao entra.

– TAMA CHAN ! Cria-t-elle.

Kakucho l'avait prévenue dès que Izana l'avait appelé.

Elle se jeta sur la petite, la lui arracha presque des bras et la serra contre elle jusqu'à l'étouffer.

– Ne me fais plus jamais peur comme ça mon bébé... Dit-elle. J'ai cru devenir folle... Ne me fais plus jamais peur...

La petite se débattit pour échapper à ses baisers et à ses câlins nerveux et elle descendit de ses bras.

– Mais il faut pas avoir peur maman ! Dit-elle, les mains sur les hanches en une parodie de sa mère. J'étais chez Mikey ! On a bu du chocolat ensemble et j'ai fait un dessin !

Elle le rejoignit et prit sa main comme pour le lui présenter.

Nao les regarda durant une seconde, puis son sang parut se figer dans ses veines.

Elle se rua sur Mikey et lui arracha sa fille presque avec violence.

– NE TOUCHE PAS À MON BÉBÉ ! Hurla-t-elle en ramenant Tama contre elle. JE T'INTERDIS DE T'APPROCHER DE MON BÉBÉ SALE MALADE MENTAL !

Dans le bureau, tous se raidirent.

Entre les bras de sa mère, Tama écarquilla les yeux, surprise par son éclat.

La seconde suivante, elle se mit à pleurer, effrayée.

Nao ne s'en préoccupa pas. Tout ce qui l'intéressait, c'était de mettre sa fille à l'abri de cet homme.

Elle darda sur Mikey un regard noir, le mettant silencieusement au défi d'approcher, puis, sans attendre, elle sortit du bureau, sa fille dans les bras et claqua la porte derrière elle.




Nao grimpa les escaliers quatre à quatre et remonta jusqu'à leur appartement, le souffle court et le cœur battant à toute allure dans sa poitrine.

Contre elle, Tama pleurait maintenant bruyamment.

La fillette ne comprenait pas pourquoi sa mère était en colère. Elle n'avait fait que jouer à l'espionne, non ? C'était juste un jeu. Ça n'était pas pour de vrai. Alors pourquoi sa maman criait-elle ? Pourquoi avait-elle l'air d'avoir si peur ?

Nao s'accrochait à sa fille.

– Je suis là... Bredouillait-elle en la cajolant maladroitement. Je suis là mon bébé... Le méchant monsieur ne te fera pas de mal...

La scène où la main de Mikey s'était refermée sur celle de sa fille ne cessait de la hanter et, à chaque fois, une bile amère de terreur lui remontait dans la gorge.

– Il ne te fera pas de mal... Je ne le laisserai pas faire...




Dans le bureau de Izana, tous se regardèrent, gênés, sans savoir quoi dire.

Ce fut Izana qui rompit le silence.

– Ah ! Dit-il. On dirait que Nao chan a vu clair dans ton jeu, petit frère ! Un malade mental  elle a dit !

Il éclata de rire comme s'il venait de faire une bonne plaisanterie et les autres le regardèrent en silence.

Mochi se redressa.

– Je retourne bosser si on n'a plus besoin de moi ici, dit-il.

Dans son coin, Mikey semblait pétrifié.

La haine qu'il avait vue briller dans le regard de Nao une seconde plus tôt l'avait giflé avec une violence à laquelle il ne s'était pas attendue et il en avait encore le souffle coupé.

Kakucho lui jeta un regard, puis il se dirigea vers Izana.

– Izana... Dit-il. Je vais aller voir comment va Nao, d'accord...?

– Hmm ok, dit Izana.

Il avait l'esprit ailleurs.

La détresse qui s'était peinte sur le visage de Mikey ne lui avait pas échappé et il avait envie de s'amuser un peu.

Tandis que tout le monde sortait, il le rejoignit et alla lui passer un bras autour du cou.

– Alors petit frère, dit-il, ça fait quoi de se faire démasquer comme ça ? Tu as vu un peu le regard qu'elle t'a lancé ? Si elle avait pu te tuer avec ses yeux, elle l'aurait fait sans hésiter ! Mais qu'est-ce qui t'a pris d'emmener sa gamine chez toi ? Tu as envie de mourir ma parole !

Il rit à nouveau. Mikey, lui, resta silencieux.

Oui... Se dit-il. Qu'est-ce qui m'a pris ?

Il savait pourtant bien qu'il était un monstre, il le savait mieux que personne. Alors pourquoi avait-il laissé cette petite venir chez lui ? Pourquoi ne lui avait-il pas fermé sa porte la première fois qu'elle était venue frapper après avoir vu où il vivait ? Pourquoi lui avait-il préparé un chocolat chaud aujourd'hui ? Pourquoi par le passé avait-il prévu des sucreries au cas où elle venait le voir ?

Et surtout, pourquoi avait-il attendu ses visites avec une impatience qui lui faisait chaud au cœur ?

Une expression douloureuse traversa ses traits et Izana vint se pencher devant lui pour le regarder de plus près.

– Ne me dis pas que tu vas pleurer ? Se moqua-t-il. Ah ! Il est beau le chef de gang !

Il se détourna pour s'esclaffer à son aise comme si son frère n'existait plus.




Kakucho grimpa à l'étage où se trouvait l'appartement dans lequel il vivait avec Nao et Tama et il entra.

Nao était là. Elle faisait nerveusement les cent pas dans le salon, les bras serrés autour d'elle.

Elle releva les yeux en le voyant.

– Nao... Dit-il en la rejoignant.

– Elle va bien... Dit-elle. La petite va bien... Elle est dans sa chambre...

– D'accord, dit-il.

Nao s'immobilisa devant lui.

– Il ne lui a pas fait de mal, hein ? Reprit-elle. Dis-moi, qu'il ne lui a pas fait de mal Kakucho...

– Non, il ne lui a fait aucun mal.

– Comment elle s'est retrouvée là, continua-t-elle. Est-ce que c'est lui qui...

Kakucho ne la laissa pas finir.

– Non, dit-il. Avant que tu arrives, Tama chan était en train de nous expliquer qu'il était son ami...

Il préféra ne pas lui dire que ça n'était pas la première fois qu'elle allait chez lui ainsi, sans rien dire à personne.

– Son ami ? Grinça Nao.

Sa voix avait grimpé d'une octave. Elle poursuivit.

– Comment ma fille pourrait-elle être amie avec ce... cet...

Elle tremblait et semblait sur le point de craquer. Kakucho la prit dans ses bras.

– Chuut, lui dit-il. Tout va bien. Tama chan n'a rien et Mikey n'avait aucune intention de lui faire du mal.

Nao le repoussa brusquement.

– QU'EST-CE QUE TU EN SAIS ? Lui cria-t-elle. CE TYPE EST FOU ! QUI SAIT CE QU'IL PEUT LUI FAIRE ? JE NE VEUX PLUS QU'IL S'APPROCHE DE MA FILLE, TU M'ENTENDS ?

– Nao...

– PLUS JAMAIS !

La porte de la chambre de la petite s'ouvrit et Tama apparut.

Elle avait encore les yeux rouges, mais elle ne pleurait plus. Elle s'avança, la bouche marquée par un pli déterminé et Nao alla vers elle sans paraître s'apercevoir de l'expression de son visage.

Elle s'accroupit pour la prendre dans ses bras.

– Tama chan, dit-elle en serrant contre elle. Maman est là.

La fillette se dégagea.

– Maman pourquoi tu dis que Mikey il est méchant ? Dit-elle. Il est pas méchant, il est triste...

Elle avait entendu la dispute de ses parents.

Nao la coupa sans l'écouter.

– Tu ne dois plus jamais t'approcher du méchant monsieur mon bébé, lui dit-elle, d'accord ? C'est dangereux.

La fillette s'échappa à nouveau de son étreinte.

– Pourquoi tu dis que Mikey il est méchant ! Répéta-t-elle avec violence. Il est pas méchant je t'ai dit ! Il est tout seul ! Il est triste !

– Non Tama chan, il est méchant et dangereux. Tu ne dois plus t'approcher de lui, est-ce que c'est compris ?

Il y avait de la dureté dans sa voix.

Cette fois, Tama recula.

– Non ! Cria-t-elle. Toi tu es méchante ! Je veux plus te parler !

Elle s'enfuit vers sa chambre et ferma la porte derrière elle.

Nao se releva lentement. Elle avait l'impression de vivre un cauchemar.

Derrière elle, Kakucho vint vers elle en silence.

– Nao... Dit-il.

Elle secoua la tête.

– Je m'en fiche, dit-elle. Peu importe si mon bébé m'en veut... Je ne laisserai pas ce type lui faire du mal. Jamais.

Puis elle se tourna vers Kakucho et ajouta :

– Tu m'as comprise ? Je ne veux plus jamais qu'il l'approche.


NDA : Je sais que plusieurs passages de cette histoire sont particulièrement durs pour Mikey. Mais je me dis que si ses derniers mots lors de cette timeline ont été « ma vie n'aura été que souffrances » , ça n'est pas pour rien...

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