64 - Naissance

L'été était de retour et, avec lui, la chaleur écrasante de la canicule.

– Je n'en peux plus... Soupira Nao en se laissant tomber dans son fauteuil derrière son bureau. Je vais finir par fondre si ça continue !

Elle revenait du tribunal où elle avait accompagné Arata pour négocier avec un industriel qui refusait de céder ses parts de l'entreprise familiale au Toman. Elle s'était préparée à aller jusqu'au procès s'il le fallait, mais l'homme, un quadragénaire frileux, avait fini par faire marche arrière et il avait signé tous les documents qu'ils lui avaient présentés.

– Ça s'est bien fini en tout cas, lui fit remarquer Kisaki installé dans un des fauteuils qui entourait la table basse au milieu de la pièce. 

Nao laissa tomber sa tête sur le dossier et elle ferma les yeux.

– Et j'imagine qu'on le doit à tes combines, dit-elle.

Il grimaça.

– Je préfère le terme de manœuvres si ça ne te dérange pas, dit-il.

Nao leva un œil vers lui, mais n'insista pas.

Elle finit par se redresser en s'appuyant lourdement sur les accoudoirs de son siège et laissa échapper un râle. Elle en était maintenant à son neuvième mois de grossesse et elle n'avait qu'une hâte, en avoir fini.

– Quoi qu'il en soit, dit-elle, c'est une bonne chose de faite... Je n'aurais même pas eu besoin de me déplacer en réalité, Arata aurait pu s'en occuper seul.

– Je te l'avais bien dit, lui rétorqua-t-il. Mais tu n'as pas voulu m'écouter.

Nao lui lança un regard mauvais et Kisaki n'insista pas. Les sautes d'humeurs de Nao n'avaient pas diminué avec le temps et elle avait tendance à exploser pour un mot de travers.

En vérité, il n'était pas particulièrement inquiet de ce qu'elle pouvait faire, mais son bouledogue de mari n'était jamais très loin et il savait mieux que personne qu'il était impossible de discuter avec Kakucho quand il avait le sentiment qu'on touchait à ses proches.

– Bon, dit-elle en s'étirant, j'y vais. Si tu me cherches, je suis allée voir Izana.

Il leva un sourcil surpris.

– Encore ? Dit-il. Tu essaies de l'avoir à l'usure ?

– Exactement, dit-elle. Il finira par céder, tu verras !

– Ou alors tu vas encore le mettre de mauvaise humeur et c'est nous qui en ferons les frais.

Nao ne répondit que par un Hummf ! puis elle sortit, laissant Tetta Kisaki derrière elle.




Sur le trajet pour le bureau de Izana, elle se répéta pour la centième fois ses arguments.

C'est la meilleure chose à faire pour tout le monde ! Je finirai par le lui faire entrer dans le crâne !

Arrivée au niveau de l'ascenseur, elle appuya sur le bouton et hésita.

En d'autres temps elle aurait pris les escaliers. Les bureaux des cadres se trouvaient à l'étage juste au-dessus et elle n'avait qu'une poignée de marches à gravir.

Mais là, même dix marches, c'est au-dessus de mes forces...

Elle passa la main sur son ventre et soupira.

– Tu sors quand tu veux toi hein ? Dit-elle tout haut. Surtout tu n'hésites pas !

La petite fille ne semblait toutefois pas pressée.




Une fois devant la porte du bureau de Izana, Nao entendit des voix à l'intérieur. Il n'était pas seul.

Comme si ça allait m'arrêter !

Elle frappa et entra quand il l'y invita.

– Izana, dit-elle avec un grand sourire. Il faut qu'on parle !

Elle tourna la tête et aperçut Kakucho assis dans le divan le long du mur.

Elle lui adressa un petit signe de la main.

– Coucou chéri ! Dit-elle.

Il lui retourna son sourire.

– Salut mon amour, répondit-il.

Nao revint à Izana. 

Installé sur le coin de son bureau comme il aimait à le faire, il la regarda, puis leva les yeux au ciel.

– Tu veux quoi Nao ? Dit-il.

Elle le rejoignit en deux pas.

– Tu sais très bien pourquoi je suis là, dit-elle. Je veux que tu prennes Miki comme secrétaire quand je ne serai pas là !

– C'est hors de question, dit-il. Je n'ai pas besoin d'une secrétaire, je te l'ai dit et redit !

Nao s'approcha encore plus près.

– Mais elle est parfaite ! Elle ne te gênera pas et je suis sûre qu'elle allègera ta charge de travail !

Izana eut un mouvement de recul, mais Nao l'avait acculé sur son bureau.

– Tu dis ça juste parce que tu ne veux pas qu'elle retourne auprès de Kisaki et parce que ton avocat a déjà sa propre secrétaire ! Dit-il.

Nao était maintenant tellement près qu'il se retrouvait obligé de remonter les pieds sur son coin de bureau.

– Mais allez ! Insista-t-elle.

– J'ai dit non et arrête de me menacer avec ton gros ventre ! Je ne veux pas d'une femme dans les pattes point final ! Kakucho dis quelque chose à ta femme !

Kakucho ne leva même pas les yeux de la revue qu'il avait pris sur la table basse devant lui en comprenant ce qui allait se passer.

– Nao arrête d'embêter Izana, dit-il platement.

Izana poursuivit.

– Pourquoi moi d'abord ? Je croyais qu'on lui faisait peur ?

– C'est parce qu'elle ne te connaît pas bien ! Lui expliqua Nao. Mais comme ça je suis sûre que personne ne viendra l'embêter !

– Tu veux que je serve de garde du corps à ta secrétaire en somme ?

Nao recula d'un pas et réfléchit.

– Oui, dit-elle enfin. Tu es un homme galant. Pas comme les autres.

Izana soupira.

– Si j'accepte, est-ce que tu me laisses tranquille ?

– Tout à fait !

– Et tu me promets que tu la récupèreras aussitôt que tu reviendras ? Ajouta-t-il.

– Évidemment, lui assura Nao. Je ne pourrais pas me passer d'elle.

Il finit par abandonner.

– Très bien, dit-il. Mais elle n'a pas intérêt à me déranger !

– Tu ne la remarqueras même pas ! Jubila Nao. Tu verras !

Elle était ravie, elle avait enfin gagné.

Kakucho se leva et il vint les rejoindre.

Il prit Nao par la taille.

– Tu es fière de toi, pas vrai ? Lui dit-il.

Elle hocha la tête.

– Tu n'imagines pas !

Izana descendit souplement du plateau de son bureau.

– Maintenant dehors ! S'exclama-t-il. Kakucho emmène le tyran que tu as épousé hors d'ici avant que je perde patience !

Tous les deux se dirigèrent vers la porte, Kakucho tenant par la taille une Nao rayonnante.

Avant de sortir, elle lança à Izana :

– Ah ! Dernière chose ! Interdiction de coucher avec elle !




Kakucho referma la porte tandis que, de l'autre côté, Izana était à deux doigts de leur balancer tout ce qu'il avait sous la main.

– Tu ne crois pas que tu exagères un peu ? Lui dit-il.

Il disait cela, mais Nao voyait bien qu'il riait.

– C'est bon, dit-elle. Ça se passera très bien, j'en suis sûre.

Elle reprit la direction des ascenseurs, mais avant d'avoir fait deux pas, elle s'immobilisa.

Les mains sur le ventre, elle ouvrit grand les yeux.

– Nao ? Tout va bien ? Dit-il en la rejoignant.

– Je.. je crois que je viens d'avoir une contraction.




Quinze minutes plus tard, tous les deux étaient en route pour la maternité.

– Tu as tout ce qu'il te faut ? Lui demanda Kakucho. Tu n'as rien oublié ?

Sur le siège arrière, Nao respirait comme on lui avait appris.

– C'est bon, dit-elle. Mon sac est prêt depuis des semaines et j'ai pensé à tout.

Kakucho lui jeta un regard dans le rétroviseur.

– On va devenir parents... Dit-il.

Il y avait de l'émotion dans sa voix.

Nao lui rendit son regard.

– Oui...

Puis une autre contraction la traversa et elle dut se concentrer le temps que passe la douleur.




Dans la salle d'accouchement, Nao serrait les dents, le corps recouvert d'un voile de sueur et le corps déchiré en deux.

– Poussez, poussez encore ! Continuez à pousser tant que je ne vous dis pas d'arrêter ! Lui dit le médecin.

À côté d'elle, Kakucho lui tenait la main et il se tendait comme la corde d'un arc avec elle à chaque contraction.

– Tout va bien ? Demanda-t-il quand Nao retomba sur le lit pour souffler une seconde.

Il lui épongea le front, inquiet.

– Tout se passe normalement, lui assura le médecin. Ne vous en faites pas, le bébé se présente bien et il ne devrait plus tarder à pointer le bout de son nez.

Une nouvelle contraction arriva et Nao inspira, prête à reprendre l'effort.

– Allez on y retourne ! Dit le médecin. Ne lâchez rien vous y êtes presque !




Lorsqu'elle revint dans sa chambre, Nao avait l'impression qu'un semi-remorque lui était passé sur le corps.

Et aussi qu'il a fait marche arrière pour me repasser dessus encore fois.

Kakucho s'assit près d'elle.

– Comment tu te sens ? Dit-il.

Elle sourit.

– Épuisée... Tes entraînements, c'est rien du tout en comparaison...

Il rit.

Quelques minutes plus tard, l'infirmière fut de retour avec la petite, emmaillotée dans ses langes.

– Voilà le petit bout de chou, lavée et pesée... Félicitations, vous avez bien travaillé !

Nao se redressa avec l'aide Kakucho et la femme vint lui mettre son bébé dans les bras.

Leur fille.

Elle était si petite et si légère.

Pendant une seconde, Nao crut qu'elle allait se remettre à pleurer. C'était autant l'effet de l'émotion que de la fatigue.

Elle caressa la joue de la petite.

– Bonjour mon bébé... Dit-elle. C'est maman...

La petite fille bâilla mais elle n'ouvrit pas les yeux. Elle prenait sa sieste très au sérieux.

L'infirmière sortit son bloc-notes et reprit.

– Vous avez choisi un prénom ? Dit-elle. C'est pour les papiers.

– Oui, lui répondit Kakucho. Elle s'appelle Tama. Tama Hitto.


NDA : Tama, 玉, signifie entre autres, Perle.

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