62 - Affolement

Deux ans plus tard


Nao scruta avec angoisse l'objet pressé entre ses doigts.

S'il te plaît... S'il te plaît... non...

La seconde suivante, elle laissa échapper un cri qu'elle étouffa aussitôt avec sa main.

Il n'avait pas échappé à Miki, sa secrétaire, qui l'attendait de l'autre côté de la porte des toilettes.

– Madame Hitto ? Tout va bien ? Dit-elle.

Nao rangea le bâtonnet et la notice dans la boîte en carton et elle jeta le tout dans la poubelle prévue normalement pour les protections périodiques.

– Oui, oui, Miki ! Lui assura-t-elle. J'ai juste filé mes collants ! Tu ne veux pas aller voir dans mon sac ? Je crois que j'en ai une paire de rechange !

– Bien sûr madame !

Nao entendit la porte des toilettes des femmes s'ouvrir et se refermer et elle souffla.

Quand elle fut sûre d'être seule, elle sortit de la cabine et se planta devant le miroir.

Enceinte.

Ce mot dansait dans son esprit.

Elle avait déjà fait trois tests depuis la veille et tous avaient donné le même résultat.

Elle posa la main sur son ventre.

Je suis enceinte...

Son cœur se mit à battre la chamade, mais ça n'était pas un rythme joyeux.

Non... Non... Se décomposa-t-elle. Nous avons pourtant fait attention... Comment ça a pu arriver ?

Quelque temps après qu'ils aient commencé à faire l'amour Kakucho et elle, Nao avait été voir le médecin pour prendre la pilule. Ça lui semblait plus prudent. Les préservatifs se déchiraient si facilement.

Hors de question de mettre un enfant au monde avec la vie que l'on mène, s'était-il dit. Ce serait vraiment inconscient !

Même si tous les deux n'en avaient jamais vraiment parlé, elle savait que Kakucho était du même avis. Avoir un enfant alors qu'ils travaillaient tous les deux pour une organisation criminelle, ce serait de la folie.

Ils pourraient être enlevé... Blessé... Pris en filature simplement en allant à l'école et ensuite servir d'otage pour nous faire chanter. Sans compter que s'il nous arrive quelque chose à Kakucho ou à moi, il n'aura plus personne. Non, c'est hors de question d'avoir un enfant !

Sauf que la nature semblait en avoir décidé autrement.

Debout devant le miroir des toilettes, Nao s'efforça de calmer sa respiration pour réfléchir.

Qu'est-ce que je peux faire ? Qu'est-ce que je dois faire ?

Avant qu'elle ait trouvé une réponse, la porte se rouvrit et Miki fut de retour, une boîte de collants à la main, et Nao sursauta.

– Voilà les collants que vous m'avez demandés madame ! S'exclama-t-elle.

Nao posa la main sur sa poitrine pour calmer les battements de son cœur et se tourna vers elle.

– Merci Miki... Soupira-t-elle.

Elle prit les collants et retourna dans une cabine pour faire semblant de se changer.

Il faut que je trouve une solution... Il y a sûrement quelque chose que je peux faire...

Mais elle savait que, quoi qu'il arrive, elle ne pourrait pas garder cet enfant.




La journée reprit son cours et Nao eut l'impression d'évoluer à côté de son corps. Chaque fois qu'elle essayait de se concentrer, son esprit revenait vers ce petit être qui avait élu domicile sous son nombril et elle perdait le fil de ce qu'elle était en train de faire. C'était un véritable cauchemar.

Mais le pire moment, ce fut celui où elle rejoignit Kisaki pour faire le point sur leurs affaires en cours.

– Tu ne peux pas faire comme si le problème n'existait pas, lui asséna-t-il. Il faut s'occuper de cet escroc et ne plus lui laisser le loisir d'agir à sa guise.

– JE LE SAIS BIEN ÇA ! Lui hurla-t-elle. TU CROIS QUE JE NE M'EN SUIS PAS APERÇUE ? MAIS JE N'AI QUE DEUX BRAS FIGURE-TOI ! ALORS IL DEVRA ATTENDRE ET TOI AUSSI !

Kisaki la regarda, abasourdi devant son éclat, et Nao sentit les larmes se mettre à couler sur son visage avant d'avoir réalisé qu'elle pleurait.

Elle porta la main à ses yeux, stupéfaite.

Mais pourquoi je pleure ? Qu'est-ce qui m'arrive ?

Elle avait l'impression d'avoir perdu le contrôle de ses émotions.

Elle se leva et sortit précipitamment de son bureau, abandonnant un Kisaki médusé.




La minute suivante, elle s'était de nouveau enfermée dans les toilettes des femmes.

Les mains sur le rebord du lavabo pour tenter d'en calmer les tremblements, elle se répétait en boucle :

– Calme-toi... Respire... Calme-toi...

En vain. Elle avait le sentiment qu'un orage se déroulait dans sa poitrine et qu'il ne lui laissait d'autre choix que de pleurer encore et encore.

Elle s'essuya les yeux avec un mouchoir en papier et tenta de reprendre son souffle.

– J'ai besoin de repos... Dit-elle enfin. C'est ça, je suis fatiguée, j'ai besoin de dormir un peu. Dès que je me serai reposée, tout ira mieux, j'en suis sûre...

Elle ressortit après s'être rafraîchie et avoir arrangé son maquillage et tomba nez à nez avec sa secrétaire qui arrivait en sens inverse.

– Madame ! Dit-elle, l'air paniqué. Monsieur Kisaki me dit que vous aviez fait un malaise...!

Tch ! Grinça Nao. Il ne peut pas se taire celui-là ?

Elle inspira et afficha un sourire rassurant.

– Mais non, dit-elle, c'est juste un petit coup de fatigue, ne t'en fais pas. Je crois que je vais prendre mon après-midi, je te laisse ajuster mon agenda, d'accord ?

– Bien sûr madame.

Nao lui faussa compagnie, bien contente de ne pas avoir à se justifier davantage.

Une fois que je serai reposée, ça ira mieux... Se dit-elle à nouveau.




Lorsqu'elle se réveilla, elle vit par la fenêtre que la nuit était en train de tomber.

J'ai dormi si longtemps que cela ?

Elle n'avait aucune idée de l'heure qu'il pouvait être. 

La sensation d'une caresse sur sa tempe lui fit tourner la tête et elle découvrit Kakucho, assis au bord du lit.

Elle se redressa, la poitrine emplie de chaleur.

– Kakucho, tu es rentré ? Dit-elle.

Il lui rendit son sourire.

– Oui, bien dormi ? Lui demanda-t-il.

– Oui... 

Elle s'étira maladroitement et reprit.

– Tu ne devais pas rentrer que demain ? Ou bien est-ce que j'ai dormi toute la journée sans m'en apercevoir ?

Ils rirent tous les deux.

Mochi et lui étaient partis en mission à Yokohama, l'ancien fief du Tenjiku, sur ordre de Izana. Ils étaient chargés de faire le tour de leurs anciens clans subordonnés pour leur rappeler à qui ils devaient allégeance.

– J'ai eu une soudaine envie de voir ma femme, lui dit-il avant de l'embrasser.

Nao lui rendit son baiser.

Puis elle fronça les sourcils.

– Miki t'a appelé, comprit-elle.

Il hocha la tête.

– Et Kisaki aussi... Ajouta-t-il. Nao, qu'est-ce qu'il y a ? Ta secrétaire me dit que ça fait plusieurs jours que tu n'es pas bien. Tu as la tête ailleurs, tu pleures pour un oui pour un non... et Kisaki m'a dit que tu lui avais hurlé dessus sans raison...

Nao appuya la tête contre son torse.

Ainsi elle n'avait réussi à tromper personne. Elle était pourtant sûre d'avoir été discrète.

De toute façon, je n'aurais pas pu garder le secret longtemps... Se dit-elle.

Elle rassembla son courage, mais avant qu'elle ait réussi à dire un mot, elle se remit à pleurer.

C'est pas vrai... voilà que ça recommence...!

C'était plus fort qu'elle, elle fondait en larmes pour un oui ou pour un non depuis quelque temps.

Le bras de Kakucho l'entoura.

– Nao, dis-moi ce qu'il y a...

Il posa son menton sur sa tête et elle se blottit contre lui en hoquetant.

– Je... Je suis enceinte... avoua-t-elle. Pardon... Je ne sais pas ce qui s'est passé... J'ai fait attention pourtant... Mais les tests... les tests sont formels... Je sais que ça n'est vraiment pas le moment... Je suis désolée...

Kakucho ne desserra pas son étreinte.

– On... va avoir un bébé ? Dit-il au bout d'un moment.

Le ton émerveillé sur lequel il avait dit cela fit lever les yeux à Nao.

Un bébé ?

Elle n'y avait encore jamais songé ainsi. Un petit bébé qui serait une partie de Kakucho et une partie d'elle.

Aussitôt, elle imagina un petit garçon aux cheveux noirs et aux yeux de braise courant autour d'elle en riant et un frisson lui traversa le corps.

– Un bébé... Dit-elle à voix haute.

Oui, ça n'était pas un ennui, ni même une erreur. C'était un bébé.

Ses yeux plongèrent dans ceux de Kakucho et elle y vit le reflet de l'émotion qui l'avait saisie.

– On va avoir un bébé... Répéta-t-il.

Nao prit son visage dans sa main.

– Est-ce que... c'est une bonne idée ? Dit-elle à voix basse.

Elle ne voulait pas poser la question, mais il le fallait. C'était une décision qui allait changer radicalement leurs vies.

Kaku posa sa main sur la sienne.

– Sans doute pas, dit-il, un sourire aux lèvres. Mais on s'en moque !

Puis il se reprit.

– Sauf si tu ne veux pas... Dit-il. Je ne veux pas te forcer ou quoi que ce soit. C'est ton corps, c'est toi qui décides.

Mais Nao n'arrivait plus à effacer de son esprit l'image de ce petit garçon pas plus que la lueur qu'elle avait vue briller dans le regard de Kakucho.

Eux les orphelins, ils allaient avoir un enfant.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top