55 - Colocation
Nao boudait toujours, les joues gonflées, quand ils arrivèrent au pied de l'immeuble alors que Kakucho, lui, n'arrivait pas à cesser de rire.
Il ouvrit la porte et elle lui asséna une tape sur le bras.
– Arrête de te moquer de moi ! Dit-elle.
– Je ne me moque pas, lui assura-t-il.
Il pinça les lèvres pour essayer de réprimer son fou rire, en vain, et reprit.
– Quand je pense que son altesse est devenue invisible... Dit-il. S'il le savait, ça le tuerait !
Ils pénétrèrent dans le bâtiment et Nao grommela de plus belle.
Il avait raison, tous les deux habitaient ensemble, mais pas vraiment comme un couple. Ils partageaient l'appartement avec Izana. C'était plus de la colocation.
Oui, mais quand même...
Elle préféra se taire. Elle n'avait pas envie de déclencher une nouvelle vague d'hilarité de Kakucho.
Une fois dans l'appartement, Nao remarqua que Izana n'était pas là.
– Tu n'avais pas dit qu'il était rentré ? Demanda-t-elle.
– Hmm, si, dit-il en jetant un œil autour de lui. Mais il a dû ressortir j'imagine.
Il retira sa veste et vint la prendre dans ses bras.
– Va prendre ton bain en premier... Dit-il. Je commence à faire à manger.
Nao alla s'enfermer dans la salle de bain.
La journée avait été longue, mais ça n'était pas le travail qui l'avait épuisée.
Elle retira ses vêtements et se regarda dans le miroir.
Le bleu qui s'étendait sur son ventre lui semblait un peu plus impressionnant à chaque fois qu'elle le voyait.
Pourtant il va bien finir par disparaître...?
Nao se demanda combien de temps il fallait pour qu'un hématome de cette taille s'estompe.
Sûrement plusieurs semaines...
Elle soupira et appuya dessus du bout du doigt.
Aussitôt elle grimaça.
Ce qui la fatiguait en réalité, c'était de devoir lutter contre la douleur à chaque mouvement.
S'asseoir, marcher. Même respirer était devenu un supplice.
Pourtant, pas un instant elle n'avait envisagé de rester à l'appartement et de prendre quelques jours de vacances.
J'ai trop de travail à faire...
Mais la vérité n'avait rien à voir avec sa charge de travail, elle le savait. En dépit des années, elle redoutait toujours d'être mise à l'écart si elle commençait à n'être plus utile pour le gang.
La peur de l'abandon ne l'avait jamais vraiment quittée depuis la mort de ses parents et chacun de ses efforts depuis ce jour, était tendu vers ce but. Ne plus être abandonnée.
Nao soupira et remarqua seulement que ses produits de beauté étaient posés dans une boîte, à côté du lavabo. Elle sourit.
Les hommes de Kakucho avaient été chercher toutes ses affaires. Elle allait enfin pouvoir utiliser son gel douche et son déodorant.
Ça faisait vraiment bizarre de sentir le déodorant pour hommes...
(Funfact : Les japonais ne portent pas de déodorant en réalité puisqu'ils n'ont pas de problèmes d'odeurs corporels. Si vous cherchez du déodorant dans un magasin là-bas, préparez-vous à devoir chercher longtemps !)
Nao délaissa le miroir pour l'espace destiné à se laver et elle commença à faire couler son bain le temps d'aller se doucher.
Lorsqu'elle sortit de la salle de bain enveloppée dans un des grands peignoirs de Kakucho, Nao se sentit revivre. L'eau chaude avait eu le bénéfice d'endormir ses blessures.
Même si de la glace ce serait sûrement mieux...
Une fois dans le séjour, elle fut accueillie par l'odeur du repas en train de cuire.
Elle rejoignit Kakucho devant la cuisinière et elle l'entoura de ses bras.
– Qu'est-ce qu'on mange ? Dit-elle.
Il la regarda par-dessus son épaule.
– Légumes marinés et poisson grillé, dit-il, ça te va ?
Elle jeta un œil à ce qui était en train de cuire. Kakucho prenait toujours soin de leur préparer des repas équilibrés. Elle n'avait jamais mangé aussi sainement que ces deux derniers jours.
– C'est super, dit-elle. Tu veux que je surveille le poisson pendant que tu vas prendre ton bain ?
– Je veux bien, dit-il.
Il se retourna et retira son tablier. Puis il la regarda, surpris.
– C'est mon peignoir ça, dit-il. Ils ne t'ont pas rapporté toutes tes affaires ?
Il fronçait les sourcils, mais Nao répondit en resserrant sa prise sur sa taille.
– Si, mais je préfère porter le tien, dit-elle.
Le sourire que Kakucho lui rendit lui fit battre le cœur et lorsqu'il se pencha pour poser ses lèvres sur les siennes, une volée de papillons brûlants prit son essor dans son ventre et, cette fois, ils ne devaient rien à la douleur.
À la fin de la soirée, tous les deux se retrouvèrent dans la chambre de Kakucho. La nuit était tombée au dehors et la lueur des étoiles leur parvenait à travers une fente entre les rideaux.
Nao s'étendit. Elle avait abandonné le peignoir de Kaku pour un des grands t-shirts avec lesquels elle dormait.
Izana n'était pas encore rentré et Kakucho lui avait laissé une assiette protégée par un film cellophane dans le frigo. Apparemment ils avaient l'habitude de fonctionner comme ça.
Allongé sur le lit à côté d'elle, Kakucho caressait sa taille au travers du t-shirt tandis que ses lèvres effleuraient les siennes de baisers à peine esquissés. Ses doigts se faufilèrent sous le rebord du tissu et lorsqu'ils entrèrent en contact avec sa peau, Nao frissonna.
Kakucho se redressa.
– Je t'ai fait mal ? Dit-il.
Elle secoua la tête.
– Non... Non, tout va bien.
Elle glissa les bras autour de son cou et le ramena près d'elle. Ses lèvres retournèrent chercher les siennes et sa langue quêta l'accès à sa bouche.
Kakucho se laissa faire avec douceur.
Un frémissement, comme une décharge électrique, traversa Nao et Kakucho sourit, sa bouche contre la sienne.
Une seconde plus tard, il se souleva.
Il écarta du bout du doigt une mèche de cheveux qui s'était égarée sur le front de Nao.
– Je peux te poser une question ? Lui dit-il.
Surprise par le soudain sérieux de son ton, elle hocha la tête.
– Bien sûr.
– Est-ce que tu as envie d'arrêter tout ça, ce travail ?
Nao le regarda sans comprendre et il poursuivit.
– Je veux dire... après ce qui t'es arrivée, si tu voulais te ranger, trouver un autre job et ne plus entendre parler des gangs, je comprendrais. Si c'était ce que tu voulais, je ferais le nécessaire pour t'aider.
Elle réfléchit.
Est-ce que c'est ce que je veux ? Arrêter de travailler pour le Tenjiku ? Reprendre une vie normale... ?
À cette pensée son cœur se serra.
Elle entoura fermement son cou de ses bras.
– Je ne veux pas être loin de vous... Dit-elle. Je ne veux pas être loin de toi. Plus jamais.
Il y avait de la détresse dans sa voix.
Kakucho coula les doigts le long de son bras. Il le détacha de sa nuque et il ramena sa main contre sa bouche puis il embrassa sa paume.
– Tu ne seras jamais loin de moi Nao, dit-il. Je te l'ai déjà dit et je te le répéterai autant de fois qu'il le faudra. Mais je veux savoir si tu préfères arrêter et vivre en sécurité ? Si c'est le cas, alors tu n'as qu'un mot à me dire. J'en parlerai à Izana et nous trouverons quelqu'un d'autre. Tu n'as pas à t'en faire, c'est toi qui décide. Tu pourras choisir le travail que tu souhaites et l'organisation t'y aidera.
Les yeux dans les siens, Nao fouilla au fond d'elle. C'était difficile. Pour cela, elle devait repousser la peur qui lui avait toujours enserrée la poitrine comme dans un étau pour découvrir les vrais sentiments qui se cachaient derrière.
– Non, dit-elle enfin d'un ton plus calme. Je ne veux pas arrêter. J'aime ce que je fais. Ça me passionne vraiment...
L'instant d'après elle ajouta :
– Est-ce que tu penses que ça fait de moi une mauvaise personne ?
Kakucho se pencha pour poser un baiser léger sur ses lèvres.
– Pas plus que n'importe lequel d'entre nous.
Lui aussi semblait rassuré.
Sa main revint s'égarer le long de la couture du t-shirt et il en écarta le col pour aller embrasser son épaule.
Nao laissa échapper un gémissement de plaisir, avant de ramener brusquement le col contre son cou.
– Non ! Dit-elle. Il ne faut pas !
Kakucho s'écarta, surpris.
– Pourquoi ? Tu as très mal ?
Nao rougit. Elle brûlait, comme lui, d'aller plus loin. Depuis son agression, il lui semblait qu'elle avait besoin plus que jamais de sentir le contact de la peau de Kakucho contre la sienne.
Mais ils n'étaient pas chez elle.
– Non, c'est pas ça... Dit-elle. Mais Izana pourrait revenir n'importe quand !
Il la regarda, mais elle semblait très sérieuse.
– Il s'en moque, tu sais ? Dit-il.
– Mais moi je ne m'en moque pas, imagine qu'il nous entende !
Kakucho esquissa une moue.
– Dans ce cas, qu'est-ce que tu fais des voisins de ton ancien appartement ? Dit-il. Ils nous ont entendus, eux, et plus d'une fois.
À sa tête, il comprit que cette pensée ne l'avait jamais effleurée.
Il éclata de rire en voyant sa mine effondrée.
– Tu crois ? Dit-elle.
Kakucho ne put répondre tellement il riait.
Une fois qu'il fut calmé, il reprit.
– Mais, tu sais, Izana ne se gêne pas, lui. Tu vas vite t'en rendre compte.
Nao se redressa tout à coup.
– Izana a une petite amie ? Dit-elle. Mais pourquoi je n'en savais rien ?
Kakucho s'assit à son tour et il déposa des petits baisers dans son cou, comme si lui non plus ne parvenait pas à rester loin de sa peau.
– Pas une petite amie non, dit-il. Mais disons qu'il lui arrive souvent de revenir avec des filles.
– Des filles ?
– Il a beaucoup de succès, dit Kaku sans cesser de l'embrasser, et quand il rentre de soirée, il est souvent accompagné.
Comme il disait ces mots, ils entendirent la porte d'entrée s'ouvrir et des gloussements monter de la pièce voisine.
– Tu vois ? Dit Kakucho. Qu'est-ce que je te disais ? Apparemment il a passé une bonne journée et il a eu envie de finir la soirée dans un bar.
Tous les deux se turent tandis que les nouveaux venus entraient en essayant de chuchoter, mais sans y réussir parfaitement.
À un moment donné, Nao entendit distinctement deux voix de filles et elle se tourna vers Kakucho.
– Deux ? Fit-elle en mimant les mots.
Kakucho rit silencieusement.
– Oui, dit-il, ça arrive. Il a beaucoup de succès.
Nao le regarda, puis elle regarda la porte.
Izana venait de s'enfermer dans sa chambre avec ses conquêtes du jour et elle était toujours abasourdie.
– Mais comment... ils font ? Demanda-t-elle enfin.
Il haussa les épaules.
– Ne me demande pas à moi, rit-il, je n'en sais rien.
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