54 - Malaise
Izana ne perdit pas une minute. Il expédia les tâches en cours, fit prévenir Kakucho qu'il rentrait et reprit le chemin de chez eux, Sanzu sur les talons.
De temps en temps, il jetait un regard à son invité par-dessus son épaule.
Il n'avait pas oublié ce type avec ses cheveux roses. C'était le bras droit de Mucho autrefois. Il avait suivi ce dernier lorsqu'il avait quitté le Toman et rejoint le Tenjiku, juste avant la bataille.
C'était un ami d'enfance de Mikey ?
Izana ne s'en serait pas douté.
Manjirō parlait si peu de lui que, par moment, on avait l'impression que tous ses proches étaient morts.
C'est parfait, se dit Izana en ramenant les yeux devant lui, mieux vaut un ami dévasté par son départ qu'un ami mort.
Sanzu allait être la clé. Grâce à lui, Izana allait pouvoir retrouver cette expression sur le visage de Mikey, celle qu'il lui avait vue le jour où il lui avait tendu la main pour lui proposer de rejoindre le Tenjiku.
Cette détresse mêlée d'une pointe d'espoir.
Ce désir de ne plus être seul, teinté de peur à l'idée de faire du mal à ceux qu'il aimait.
Il imaginait déjà sa tête quand il verrait l'état de son ami, amaigri, les yeux injectés de sang et une lueur fiévreuse de folie dans le regard.
Izana leva de nouveau un œil vers Sanzu.
Il n'imaginait pas en se levant ce matin, que la solution à son problème se présenterait d'elle-même.
Quelle chance ! Je n'aurai même pas à lever le petit doigt !
Il avait du mal à mettre un frein à son enthousiasme.
Il portait un masque avant... Remarqua-t-il. C'était pour cacher ses cicatrices ? Je me demande d'où elles viennent... ?
Il rangea cette idée dans un coin de sa tête. Il interrogerait Manjirō plus tard à ce sujet.
Pour l'instant, seule la pensée qu'il avait trouvé un moyen de redonner un peu de vie à sa marionnette avait de l'importance.
J'ai tellement hâte d'assister à leurs retrouvailles ! Manjirō va être dévasté en le voyant ! Peut-être même qu'il voudra le tuer ? Il ne faudra pas que je le laisse faire... Sanzu a une dette envers moi et il me sera plus utile vivant que mort...
Le pied du bâtiment se présenta tandis qu'il était toujours plongé dans ses réflexions.
Une fois dans l'ascenseur, Izana se demandait encore s'il devait aller trouver directement Manjirō ou bien le faire venir chez lui en lui disant qu'il avait une surprise.
Les deux perspectives le tentaient.
Mais si on va chez lui, au moins il n'aura nulle part où se cacher !
Arrivé à l'étage, Izana avait pris sa décision.
Il se tourna vers Sanzu.
– Avant tout, tu dois savoir qu'il est fatigué en ce moment, lui dit-il, alors ne le brusque pas. Tu te doutes aussi qu'il risque de réagir violemment en te voyant, mais je te demande de garder ton calme.
Hors de question que les deux garçons s'entretuent aussitôt après s'être retrouvés. Izana comptait bien garder Sanzu en vie et près de lui pour pouvoir tourmenter Mikey à loisir.
Lorsqu'ils furent devant la porte, Izana sonna et, derrière lui, Sanzu déglutit.
Il ne s'était pas senti aussi mal à l'aise et en même temps aussi impatient depuis longtemps.
Mikey est mon Roi... Se répétait-il. Je ferai n'importe quoi pour lui... Quoi qu'il m'ordonne, je le ferai...
Dans son esprit, il ne faisait aucun doute que Mikey pourrait lui demander de mourir.
Mais cela lui importait peu. Du moment que ces mots venaient de la bouche de celui à qui il avait consacré sa vie.
S'il me demande de me tuer, je le ferai... Pour lui, je ferai n'importe quoi...
De toute façon, il ne comptait plus retourner à sa vie de ces derniers mois. À ses yeux, une telle existence, loin de Mikey, n'avait rien de vie que le nom.
La porte s'ouvrit et le sourire radieux de Izana trancha comparée à l'expression sombre de ses deux compagnons.
– Mikey ! Regarde qui je t'amène ! S'exclama-t-il en s'écartant pour lui montrer leur visiteur. Il te cherchait et il a même été jusqu'à se traîner à mes pieds pour te voir !
Mikey leva la tête et il écarquilla une seconde les yeux. Il ne s'attendait pas à cela.
Face à lui, Sanzu était encore plus surpris.
Le Mikey qui se tenait devant lui avait le teint cireux et des cernes impressionnants. Ses cheveux étaient noirs désormais et de longues mèches sombres lui tombaient sur le visage, dissimulant à demi son regard agrandi par la stupeur.
Izana repoussa son frère sans ménagement et il entra dans l'appartement comme s'il était chez lui.
– Offre-nous quelque chose à boire Manjirō, dit-il, ou alors tu as oublié comment on reçoit des invités ?
Il jubilait.
Pendant une seconde, il avait discerné une fragile lueur de bonheur dans le regard de Mikey. Il en était certain. Une part de lui était heureuse de retrouver Sanzu.
Sur le pas de la porte, Sanzu, lui, resta debout sans savoir quoi faire. Il attendait que Mikey l'autorise à entrer.
Finalement, ce dernier se poussa et lui fit signe.
Sanzu fit un pas en avant.
L'appartement était luxueux constata-t-il, mais Mikey paraissait étrangement déplacé dans ce cadre. Comme un bijou poussiéreux et brisé dans un écrin de velours neuf.
Mikey rejoignit la cuisine, tandis que Izana s'installait sur le canapé, le sourire aux lèvres.
– Alors Manjirō, dit-il, dis-moi ce que cela fait de retrouver ainsi un de tes anciens amis ? Ne sois pas timide ! Je suis sûr que lui aussi brûle d'entendre à quel point il t'a manqué !
Il avait l'impression d'être au spectacle.
Finalement, la journée serait beaucoup plus agréable qu'il l'avait pensé.
Nao rejoignit le trottoir devant le bâtiment où se trouvaient leurs bureaux, Kakucho sur les talons.
Elle resserra les pans de sa veste contre elle. Le froid était vif sur la capitale dès que le soleil tombait.
Elle se tourna vers lui et, quand il eut enfilé ses gants, elle passa son bras sous le sien.
Ils se mirent en route.
– Izana ne rentre pas avec nous ? Demanda-t-elle.
– Non, répondit Kaku. Il est déjà à la maison. Une histoire à régler avec Mikey je crois.
– Hmm.
Nao ramena les yeux sur ses pieds. Kakucho reprit.
– Tu n'aimes pas Mikey, n'est-ce pas ?
Il y avait un rire dans sa voix. Elle leva les yeux vers lui, gênée.
– Ça se voit tant que ça ? Dit-elle.
– Tu prends la fuite dès qu'il entre dans une pièce, lui fit-il remarquer.
– Ça n'est pas que je ne l'aime pas, c'est juste... qu'il me fait peur.
– Il te fait peur ? Répéta-t-il, étonné.
Elle hocha la tête.
– Oui. Il y a quelque chose chez lui ... de monstrueux. Je ne saurais pas l'expliquer.
Elle n'en dit pas plus, mais Kakucho n'en avait pas besoin. Il voyait bien de quoi elle voulait parler. Lui-même avait déjà eu l'impression de distinguer par moment cette ombre dans son regard, comme si un monstre se cachait derrière ses pupilles noires.
– Si c'est ce que tu penses, souffla-t-il soudain sérieux, alors reste loin de lui.
Nao leva la tête, surprise par la gravité dans sa voix.
– Tu ne me dis pas que je devrais apprendre à mieux le connaître ? Dit-elle, taquine.
– Non, si un type te fait peur, j'aime autant que tu ne l'approches pas. Nous ne sommes pas une association de bienfaisance et nos hommes ne sont pas de gentils gars. Alors si ton instinct te souffle d'éviter quelqu'un, écoute-le.
Nao médita en silence.
Il avait raison, elle le savait. Elle était entourée de mauvais garçons et tout cela n'avait rien d'un jeu. Les bleus qu'elle portait encore en étaient la preuve.
– En parlant de ça, reprit-elle, vous avez fini par découvrir quel gang était à l'origine de l'attaque ?
Kakucho la regarda, étonné.
– Pourquoi faire ? Dit-il. Izana a décidé de tous les éradiquer alors peu importe qu'ils soient coupables ou non.
Cette idée mettait Nao mal à l'aise.
– C'est un peu radical, non ? Dit-elle.
Kakucho délaissa son bras pour glisser la main autour de sa taille.
– Tous ont des crimes sur la conscience, dit-il, – comme nous – alors même si ce ne sont pas eux qui t'ont attaquée, ils méritent ce qui leur arrive. Dans notre milieu, c'est la loi du plus fort. Et le plus fort, c'est le Toman.
Elle se blottit contre lui.
– Tu parles comme un vrai bandit, rit-elle.
– Mais c'est ce que nous sommes, dit-il en riant à son tour.
Quelques mètres plus loin, une pensée revint à l'esprit de Nao.
Après son agression, Izana avait décidé que, durant les prochains mois, elle allait vivre avec eux pour sa propre sécurité.
Sur le coup, elle n'avait pas réalisé ce que cela impliquait.
Je vais vivre avec Kakucho... ? Nous allons partager la même chambre pendant des mois ? Prendre nos repas ensemble... partager la même salle de bain ?
Tout cela lui faisait penser à une vie de couple marié.
Elle rougit violemment et Kakucho s'en aperçut.
– Qu'est-ce qu'il y a ? Dit-il.
– C'est juste que... je viens de me rappeler que l'on rentre chez toi.
– Ne t'inquiète pas, lui dit-il, mes hommes ont apporté toutes tes affaires, tu ne seras pas sans rien. En plus, je leur ai dit d'en prendre soin et ils n'ont pas mis le nez dedans – ils n'avaient pas intérêt, je les ai prévenus. Je n'ai plus qu'à te faire une place dans mes placards en rentrant.
Nao ne dit rien et Kakucho se pencha vers elle.
– Qu'est-ce qu'il y a ? Répéta-t-il.
Elle hésita et reprit.
– Tous les deux... ça donne l'impression qu'on s'installe ensemble.
Kakucho se redressa, surpris.
Puis il éclata de rire.
– Tu as complètement oublié la présence de Izana donc ! Dit-il.
NDA : Je me suis permise d'intégrer Sanzu à l'histoire. Je n'ai pas souvenir que le manga ait mentionné ce qu'il était advenu de lui dans cet arc, mais je le voyais mal laisser Mikey livré à lui-même.
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