5 - Escape
Décembre était finalement arrivé et, avec lui, les premières neiges de la saison. La fine couverture blanche qui recouvrait les rues tranchait sur les ténèbres de la nuit et étouffait les sons.
– Dépêche-toi Kaku ! Souffla Izana depuis l'un des buissons qui bordaient le grillage de l'orphelinat.
Sa voix parut transpercer le silence et Kakucho regarda autour de lui avec appréhension depuis le porche où il s'était réfugié.
– Tu es sûr qu'on peut Izana ? Dit-il.
– Mais oui ! Dépêche je te dis !
Kakucho ne bougea pas. Il était persuadé qu'un adulte n'allait pas tarder à les surprendre et les punir.
Il était formellement interdit aux pensionnaires de sortir après le couvre-feu. D'ailleurs la porte d'entrée, comme le portail, était verrouillée durant la nuit.
Mais Izana connaissait un moyen de se faufiler dehors par l'ouverture réservée aux livraisons, dans la cuisine, et il l'avait montré à Kakucho.
– Allez ! Insista-t-il. Je te dis qu'on ne craint rien !
Finalement la foi que Kakucho avait en Izana eut raison des ses réticences et il se coula dans l'ombre jusqu'à lui.
– Ici, lui montra Izana en levant la main. Tu vois ? Le grillage est abîmé, ça fait comme une échelle.
Kakucho déglutit, mais il hocha la tête et Izana ajouta :
– Tu n'as qu'à faire comme moi, tu mets les pieds et les mains aux mêmes endroits.
Joignant le geste à la parole, il entreprit d'escalader la clôture avec souplesse.
Kakucho ne perdit pas ses mouvements de vue et, quand Izana fut à mi-chemin, il jeta un dernier regard en arrière et il le suivit.
– Izana attends-moi ! Murmura-t-il à son compagnon déjà arrivé en haut.
Une minute plus tard, les deux garçons sautaient sur la route.
Ils se regardèrent puis explosèrent de rire devant leur audace.
– Chut ! Chut ! Kaku ! Dit Izana. On va se faire repérer !
Lui-même n'arrivait pas à s'arrêter de rire et il écrasait sa main sur sa bouche pour se retenir d'éclater.
Il attrapa Kakucho par la manche de son blouson et l'entraîna derrière lui.
– Allez viens ! On y va !
L'orphelinat de Kofu était situé dans une petite rue calme. Toutefois à quelques pâtés de maison de là se dressait le quartier d'Isezakichō et ses avenues bourdonnantes de vie nocturne bordées de bar et de clubs en tout genre.
Ça n'était pas pour ces établissements cependant que les deux garçons étaient sortis en douce, mais bien pour les salles d'arcades qui s'alignaient presque aussi nombreuses que les enseignes pour adultes.
– Regarde ! S'exclama Kakucho, le nez collé contre la vitre de l'entrée. Ils ont des jeux de tir ! On y va ?
Il se tourna vers Izana, mais celui-ci le reprit par la manche.
– Tu sais bien que ça n'est pas pour ça qu'on est là !
Il l'entraîna derrière lui et Kakucho le suivit avec un dernier regard en arrière.
– C'est par là ! Reprit Izana. C'est cette salle ! C'est un type qui est au collège qui me l'a dit !
Tous les deux se dirigèrent vers la salle qui faisait le coin de la rue et jetait sur le trottoir des myriades de flaques colorées provenant des bornes installées presque jusque dans la rue.
Les deux garçons tombèrent en arrêt devant une affiche sur la porte.
– Wow ! Regarde ça Kaku !
– C'est incroyable !
Izana se tourna vers lui avec un sourire qui dévoilait toutes ses dents.
– On y va ? Dit-il.
À côté de lui, Kakucho hocha la tête, les joues rougies par l'excitation.
Tous les deux avaient emporté tout leur argent de poche et ils étaient bien décidés à lui faire un sort.
La foule se pressait dans les allées de la salle et les deux garçons durent jouer des coudes pour atteindre les machines qui avaient été installées quelques mois plus tôt.
TEKKEN 3 lirent-ils en approchant. Le jeu était sorti au début de l'année et tous les garçons de l'école en parlaient.
– On y va ? S'exclama Izana.
Ils trouvèrent deux machines libres côte à côte et s'installèrent, le cœur battant. Kakucho ne regrettait plus du tout d'être venu.
– T'es prêt ? Dit Izana. Je vais te mettre la misère Kaku !
Kakucho glissa les premières pièces dans la borne.
– Crois pas que je vais me laisser faire Izana ! Répondit-il.
Quand ils sortirent de là deux bonnes heures plus tard, Izana et Kakucho avaient les poches vides, mais le cœur léger.
– C'était une super idée Izana ! Dit Kakucho.
– Je te l'avais bien dit !
– On fait quoi maintenant ? Reprit Kakucho. On rentre ?
Izana réfléchit.
Tandis qu'ils remontaient la rue encore noire de monde, un vacarme de moteurs fit se retourner toutes les têtes. Les deux enfants se rapprochèrent de la barrière qui séparait le trottoir de la route et ils grimpèrent dessus juste à temps pour voir passer un groupe de bōsōzokus sur leurs motos tunées, le drapeau de leur team claquant au vent.
Kakucho monta sur le barreau le plus haut la bouche grande ouverte.
– Regarde ça Izana ! Dit-il.
Izana n'avait pas besoin qu'il le lui dise. Lui aussi suivait les motards des yeux, le regard brillant.
– Ils sont tellement cools ! S'écria-t-il.
Les pétarades des motos ponctuées de coups de klaxon envahirent le quartier et lorsque les bōsōzokus disparurent au bout de la rue, les deux enfants avaient encore des étoiles dans les yeux.
– Tu sais quoi Kakucho ? Reprit Izana. Quand je serai plus grand, je demanderai à mon frère de me donner son gang – le Black Dragon – et tous les deux on deviendra les bōsōzokus les plus cools de Tokyo ! Toi tu seras mon serviteur et moi je serai le chef !
– Pour de vrai ?
– Évidemment ! Répondit Izana.
Il descendit de la barrière et se tourna vers Kakucho avant d'ajouter :
– C'est mon grand frère après tout !
Tous les deux finirent par reprendre le chemin de l'orphelinat à une heure avancée de la nuit.
– C'était vraiment trop cool Izana, répétait Kakucho. Tu avais raison !
– Je te l'ai dit : tu devrais toujours faire confiance au Roi !
La voix qui sortit d'une ruelle les fit se figer :
– Le Roi ? Carrément Kurokawa ?
Kakucho et Izana virent apparaître trois des gamins qui appartenaient à la bande de tyrans de l'école Honmoku Minami.
– Le Roi des loosers tu veux dire ? Renchérit un autre.
– Le Roi des orphelins ! Ajouta le dernier, très content de sa blague.
Ses deux amis rigolèrent et tous les trois encerclèrent les deux enfants.
– Cette fois, reprit le premier, il n'y aura pas de prof pour te sauver Kurokawa.
– Ouais, dit son voisin. On pourra dire à notre chef qu'on t'a fracassé la gueule et que tu n'oublieras pas la leçon de sitôt.
Les petites brutes firent craquer leurs poings, mais Izana et Kakucho ne semblaient pas impressionnés.
Ils se mirent dos à dos pour ne pas perdre leurs adversaires des yeux.
– Je prends ces deux-là Kaku, dit Izana en montrant les garçons qui lui faisaient face.
– Ok je prends l'autre !
Leur réaction fit éclater de rire leurs agresseurs.
– Vous faites quoi là ? Vous voulez vous battre ?
– Ils n'ont peur de rien les petits !
Avant qu'ils aient eu le temps de comprendre ce qui se passait, Kakucho et Izana attaquèrent de concert.
Le poing de Kakucho alla écraser la mâchoire de son adversaire et ce dernier partit à la renverse au milieu des poubelles voisines.
Il n'aurait pas dû sous-estimer l'effet de mois d'entraînement auprès de presque tous les clubs sportifs de l'école.
De son côté, Izana avait assommé le premier de ses assaillants d'un coup de pied retourné avant d'attraper l'autre par le coude pour lui rabattre le bras dans le dos.
Il se pencha à son oreille et lui dit :
– Tu diras à ton chef que vous vous êtes faits fracasser la gueule et que vous n'oublierez pas la leçon de sitôt !
Puis il le propulsa en avant d'un coup de talon et le garçon alla s'écraser sur son compagnon qui n'était toujours pas sorti des poubelles.
– C'est déjà fini ? S'étonna Kakucho en regardant autour de lui.
– C'était rien que des nuls ! Lui confirma Izana.
Tous les deux reprirent la route pour l'orphelinat, plus joyeux que jamais.
– J'ai passé la meilleure soirée de ma vie Izana ! Dit Kakucho.
– Moi aussi ! Répondit Izana. Il faut vraiment qu'on le refasse !
– Quand tu veux ! Lui assura Kakucho.
Il avait complètement oublié ses premières craintes.
– Et moi je crois que ça n'arrivera pas avant un moment, ajouta une voix furieuse.
Izana et Kakucho levèrent les yeux.
Devant le portail de l'orphelinat, se tenait un des éducateurs. Il avait enfilé un manteau par-dessus son pyjama et il tenait à la main un gigantesque éventail en papier.
(NDA : la réf de l'éventail en papier au Japon me fait toujours mourir de rire !)
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