48 - Imprudence
Nao se pressa le long du trottoir en serrant son écharpe autour de son cou. L'hiver était arrivé brusquement à Tokyo et le vent glacé, accompagné d'une neige humide et froide qui ne tenait pas encore au sol, fouettait les passants qui se pressaient contre les bâtiments pour tenter d'y échapper.
À côté d'elle, l'homme que Kakucho avait désigné pour l'escorter lorsqu'il n'était pas disponible, grelottait dans sa veste trop fine.
– Ça va aller ? Lui demanda Nao.
Il avait les lèvres bleues et la goutte au nez.
– Oui, oui, la rassura-t-il, ne vous en faites pas mademoiselle ! Ce ne sont pas quelques flocons qui vont m'avoir !
Il éternua bruyamment et Nao grimaça, désolée pour lui.
Si elle l'avait pu, elle l'aurait laissé au QG, mais Kakucho avait été inflexible. Hors de question pour elle de rentrer toute seule. Depuis que le gang avait gagné en influence, leurs ennemis s'étaient multipliés.
– On ne sait jamais ce qui peut arriver, avait-il dit.
Nao accéléra le pas arrivée à deux rues de chez elle et se tourna à nouveau vers son garde du corps.
– Vous pouvez rentrer maintenant ! Lui dit-elle. Je suis presque chez moi ! Il faut que vous alliez vous mettre au chaud !
– Pas question, répondit-il. Monsieur Hitto m'a chargé de vous raccompagner jusque chez vous et je ne partirai que quand vous serez dans votre appartement, la porte fermée.
Nao lui retourna un sourire.
– Dépêchons-nous dans ce cas, je vous offrirai une tasse de thé quand nous y serons.
– C'est gentil, mais je ne peux pas rester, je suis attendu. En plus de ça, monsieur Hitto risque de ne pas me le pardonner s'il apprend que je suis rentré chez vous !
Il frissonna, mais pas de froid cette fois.
Nao était toujours étonnée de découvrir à quel point le gentil Kakucho pouvait faire peur à ses hommes.
Un truc de mecs j'imagine...
Une fois en bas de l'immeuble, elle sortit ses clés de son sac.
– On y est, dit-elle.
Il la raccompagna jusqu'à son étage et attendit qu'elle soit à l'intérieur.
– Je vais y aller, lui dit-il, et je repasserai vous chercher demain matin. Ce soir, ne sortez pas de chez vous, d'accord ? Si vous avez besoin de quelque chose, appelez-moi à n'importe quelle heure !
Toujours les mêmes recommandations.
Nao rit à demi.
– Très bien, répondit-elle. Allez ! Filez maintenant !
Elle referma la porte et il s'engouffra dans les escaliers d'un pas rapide.
Elle n'avait l'intention d'aller nulle part de toute façon.
– Je suis crevée, dit-elle tout haut. Je vais prendre un bain, manger un morceau et aller me coucher !
Elle abandonna ses chaussures dans l'entrée et se dirigea vers la salle de bain d'une démarche lasse.
Les derniers jours avaient été éprouvants. Depuis bientôt une semaine, Arata – leur nouvel avocat – et elle travaillaient d'arrache-pied sur un dossier de droit immobilier.
Le Tenjiku projetait d'acheter des terrains à bas prix dans la banlieue de Tokyo et de les revendre ensuite à leurs sociétés écrans pour étendre l'influence de l'organisation dans la région en toute légalité.
Un tel projet demandait de solides bases juridiques. Leur travail devait pouvoir résister à n'importe quelle investigations de la brigade financière.
Pour être sûr de ne rien oublier, Nao et Arata passaient leurs journées plongés dans les imposants registres du code de la propriété et, le soir venu, tous les deux avaient les yeux en feu et le crâne qui leur battait les tempes.
– Vivement qu'on ait fini avec cette affaire ! Dit-elle en jetant ses vêtements dans la machine à laver.
Elle avait beau dire cela, en réalité, Nao aimait son travail. Trouver et utiliser les failles de la loi japonaise pour asseoir la puissance de l'organisation, cela l'exaltait autant que le premier jour et elle abordait chaque nouveau dossier avec un enthousiasme qui ne faiblissait pas.
Depuis bientôt deux mois, Junto Arata avait obtenu l'accord de Kisaki pour rejoindre leur service et, comme l'avait prédit Nao, sa présence avait tout changé.
D'abord, elle n'avait enfin plus à se soucier de trouver des personnes pour les représenter dans les instances officielles. Arata s'en chargeait et il s'acquittait de sa tâche avec un sérieux que Nao n'espérait plus. En plus, jamais il ne remettait en question ses directives et il allait jusqu'à prendre scrupuleusement en note chacune de ses consignes dans un petit carnet.
L'homme, qui avait presque quinze ans de plus qu'elle, buvait littéralement ses paroles au point que ça en devenait parfois embarrassant.
Quelques jours après sa prise de fonction, Kakucho avait fait sa connaissance. Le soir-même, il avait avoué à Nao qu'il avait été surpris de se retrouver face à un garçon aux allures d'adolescent boutonneux poussé trop vite.
– C'est l'impression qu'il m'a faite à moi aussi ! Avait-elle reconnu. C'est comme si je travaillais avec mon petit frère ! Il me suit partout avec son calepin et il note tout ce que je dis ! C'est drôle !
Installée sur son canapé, blottie entre ses bras, Nao avait éclaté de rire.
– Kisaki n'a pas fait de recommandations à son sujet ? Lui avait demandé Kakucho. Lui, d'habitude, il voit le mal partout...
– C'est vrai, mais là il ne m'a rien dit. Arata avait demandé une avance sur salaire pour payer le traitement de sa mère et Koko la lui a accordée, tu le savais ? Tu aurais vu la tête de Arata quand il a vu le nombre de zéros sur le chèque, il a failli faire une attaque ! Je crois qu'il pourrait élever une statue à Koko et à tout le Tenjiku d'ailleurs !
Dès que son fils avait commencé à travailler pour le clan, la mère de Junto Arata avait été admise dans leur clinique privée. Les médecins avaient alors proposé au jeune homme un traitement révolutionnaire et ce dernier avait accepté avec empressement.
Bien sûr, ces médicaments coûtaient une fortune, mais l'avocat avait bien compris que s'il servait le gang fidèlement, l'argent ne serait plus un problème pour lui.
– Hier, avait repris Nao, je l'ai envoyé avec Hanma et deux de ses hommes. Ils devaient aller faire pression sur un vieux couple qui refusait de vendre. Tu sais, la maison à côté du pachinko. Je voulais voir comment il s'en sortait sur le terrain. Et bien il leur a sorti de pseudos textes de loi qui n'avaient rien à voir avec l'affaire et il leur a fait tellement peur qu'ils ont signé le lendemain !
– Oui, avait répondu Kakucho en riant à son tour. J'en ai entendu parler moi aussi. Hanma m'a dit qu'il s'était fait grave chier et que si l'avocatillon revenait bosser avec lui, il allait finir par faire une dépression.
Nao et Kakucho avaient ri ensemble.
– Il n'est jamais dans l'excès celui-là ! Avait dit Nao.
Après un instant, elle s'était redressée pour se tourner vers lui, les mains posées sur son torse.
– Tu n'es plus jaloux ? Lui avait-elle demandé.
Kakucho avait rougi et il avait détourné les yeux.
– Je n'étais pas vraiment jaloux... Avait-il protesté.
Nao avait souri.
– Hmm ?
– C'est juste, avait repris Kakucho toujours sans la regarder, que tu es une jolie fille et que c'est normal que les garçons te regardent... et aussi que je comprendrais qu'il y en ait un qui te plaise...
Elle l'avait fait taire, ses lèvres posées sur les siennes.
– Le seul garçon qui m'intéresse, lui avait-elle dit dans un souffle, c'est toi. Ne l'oublie jamais.
Troublé, Kakucho l'avait prise par la taille pour la ramener vers lui et leurs lèvres s'étaient jointes pour un baiser torride.
Dans sa salle de bain, Nao gagna sa douche en étouffant un bâillement. Elle allait bien dormir ce soir.
Une fois là, elle s'assit sur le tabouret et attrapa son gel douche.
Elle s'aperçut aussitôt que sa bouteille de shampooing était vide.
– Oh non ! Dit-elle.
Elle avait prévu d'en acheter sur le chemin du retour, mais elle avait complètement oublié.
Elle dévissa le bouchon pour voir si en rajoutant un peu d'eau elle pourrait obtenir de quoi se laver les cheveux, mais la bouteille était complètement vide.
Nao se serait mise des claques.
Elle jeta un œil du côté de la porte et elle réfléchit.
Le konbini est au coin de la rue... je pourrais faire l'aller-retour en même pas cinq minutes.
Elle hésita, puis elle prit sa décision. Elle n'aurait qu'à faire vite.
Elle se leva, et abandonna la salle de bain pour aller récupérer des vêtements.
Lorsqu'elle fut prête, elle avisa son téléphone qu'elle avait posé plus tôt sur la table basse.
Elle le ramassa et le fit sauter une fois ou deux dans sa main en se demandant si elle devait appeler son garde du corps. Puis elle y renonça. Le petit magasin était à même pas cent mètres. Elle serait de retour avant qu'il ait eu le temps de revenir du QG. En plus par ce temps, ce garçon méritait qu'elle le laisse tranquille.
Je vais juste faire une course et je rentre. Pas besoin d'une escorte pour ça...
Avant de sortir, elle fourra son téléphone dans sa poche.
On ne sait jamais.
NDA : En écrivant cette fic, je me suis fâchée avec mon correcteur orthographique.
Pour lui, Izana était un prénom féminin et il me soulignait systématiquement en rouge tous les accords en me précisant que je les avais mis par erreur au masculin, au point que mon brouillon ne ressemblait plus à rien ! ( ' ロ ' )
D'ailleurs, vous risquez de trouver plus de fautes ici, au milieu de tous ces soulignements rouges, j'ai eu du mal à repérer les vraies erreurs, alors n'hésitez pas à me le dire si vous en voyez ! (⌒_⌒;)
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