44 - Mikey
Allongés l'un contre l'autre dans la chambre encore emplie par l'odeur mêlée de leurs deux corps, Kakucho laissa ses doigts courir sur le visage de Nao. Il caressait sa joue, descendait jusqu'à sa mâchoire et son cou avant de refaire le chemin inverse, ses yeux dans les siens.
– C'est vrai ? Répéta-t-il. Tu as vraiment aimé ?
Il avait encore le visage rougi par le plaisir et les yeux un peu trop brillants.
Nao rit et prit sa main.
– Puisque je te le dis, dit-elle. Je suis contente qu'on l'ait fait, j'avais tort de m'inquiéter, tu as été parfait.
Kakucho se redressa pour l'embrasser. Son cœur lui paraissait vouloir jaillir de sa poitrine tellement il était heureux en cet instant.
Une sonnerie étouffée leur parvint et ils relevèrent la tête.
– C'est mon téléphone, dit Kaku.
Il se redressa et se souvint qu'il avait laissé ses affaires dans la salle de bain lorsqu'il était allé se doucher plus tôt.
Tandis qu'il se levait complètement nu, Nao s'enveloppa dans le drap et elle le regarda s'éloigner, des idées plein la tête.
Kakucho revint s'asseoir au bord du lit, le téléphone à présent silencieux à la main. Un pli barrait son front et toutes les idées coquines qui avaient traversé l'esprit de Nao la seconde précédente s'évanouirent.
Elle se hissa jusqu'à son niveau et s'appuya contre son épaule, le drap autour de la poitrine.
– Qui c'était ? Dit-elle.
– Izana, répondit-il en consultant le journal des appels.
Il n'attendit pas de voir s'il avait laissé un message et il le rappela aussitôt.
– Izana ? Dit Kaku quand ce dernier décrocha. Qu'est-ce qui se passe ?
La voix paniquée de Izana monta du combiné et même Nao l'entendit.
– Kaku ! C'est Mikey ! Il a disparu !
Cinq minutes plus tard, Kakucho était habillé et debout dans l'entrée de l'appartement.
Nao le rejoignit, juste vêtue d'un long t-shirt.
– Tu es sûre que ça ne te dérange pas que je te laisse ? Dit-il.
– Bien sûr que non, le rassura-t-elle en le poussant vers la porte. Dépêche-toi, tu as bien entendu comme Izana était paniqué.
Le timbre de sa voix lui avait presque semblé effrayé.
C'est normal, se dit-elle, c'est son frère. Même s'il le traite durement, il l'aime sûrement beaucoup...
Même elle, n'aurait su dire si elle croyait à ses propres mots. La relation entre les deux frères était si ambiguë.
Kakucho se tourna vers la porte, mais une fois la poignée en main, il se ravisa, revint vers elle et passa un bras autour de sa taille.
Il se pencha pour poser ses lèvres sur les siennes.
– Je t'aime, lui murmura-t-il.
– Moi aussi, répondit-elle, la main sur son torse.
– Va te coucher, il est tard.
– D'accord, dit-elle, sois prudent toi.
– Promis.
Il sortit enfin et Nao referma la porte quand il disparut dans la cage d'escalier.
Debout dans l'entrée, elle regarda d'un air absent l'appartement désert. Elle n'arrivait pas encore à croire que tous les deux avaient fait l'amour. C'était comme un rêve.
Ses yeux tombèrent sur l'horloge du micro-onde et elle vit qu'il était trois heures du matin.
D'après ce que Izana avait dit à Kakucho, il s'était rendu compte de l'absence de Mikey lorsqu'il était allé dans sa chambre un peu plus tôt, étonné que ce dernier ne se soit pas encore présenté à sa porte.
Apparemment, lui avait expliqué Kaku, Mikey finissait la plupart du temps ses nuits dans l'appartement des garçons, roulé en boule sur leur canapé. Il débarquait généralement vers deux ou trois heures du matin après avoir été réveillé par ses cauchemars.
Mais pas aujourd'hui, ce qui avait surpris Izana.
Nao abandonna la porte.
Elle n'avait pas de mal à comprendre pourquoi ce garçon faisait des mauvais rêves. Il avait tout perdu, notamment par leur faute.
J'ai aussi ma part de responsabilité.
Elle chassa cette pensée.
Le monde des gangs était dur. Elle l'avait appris à ses dépends. Il ne suffisait pas d'être fort pour protéger ce que l'on aimait.
Kakucho récupéra sa moto qu'il avait laissé garée dans le sous-sol du bâtiment qu'occupaient les locaux du Tenjiku et il se mit en route, les paroles de Izana en tête.
– Je ne sais pas depuis combien de temps il n'est plus là ! Avait-il dit. Si ça se trouve ça fait des heures qu'il est parti !
– Mais non, Izana, lui avait répondu Kakucho. Je suis sûr qu'il n'est pas loin, calme-toi.
– Oui... Il faut que je me calme.
– Tu devrais aller voir si sa moto est toujours dans le garage. En attendant, je vais faire le tour du quartier autour de chez nous pour voir si je le trouve.
– C'est une bonne idée, je vais faire ça...
Quelques minutes plus tard, Izana rappelait, soulagé. La Honda CB250T de Mikey – sa babu – était toujours là.
– Donc il est forcément dans le coin, avait dit Kakucho. Il a dû sortir prendre l'air, peut-être qu'il avait envie de marcher ou bien il est allé faire une course. Je suis sûr que ça n'est rien. Je vais le retrouver, ne t'en fais pas.
– Je compte sur toi.
Kakucho avait voulu se montrer rassurant, mais lui-même n'était pas certain que Mikey était toujours dans les parages.
Après tout, qu'est-ce qui l'aurait empêché de prendre le premier train venu à la gare et de disparaître à l'autre bout du pays... ?
Kakucho se ressaisit.
Non... Se dit-il. Il n'aurait jamais abandonné son frère, il ne serait jamais parti loin de Izana sans lui dire.
En tout cas, Kakucho l'espérait.
L'aube était presque là lorsqu'il repéra une silhouette familière, assise sur un banc dans un parc, la tête basse.
Kakucho se gara le long du trottoir et il le rejoignit.
Quelques mois plus tôt, Mikey avait teint ses cheveux en noir et les longues mèches sombres, qu'il n'attachait plus désormais, lui balayaient le visage.
Kakucho s'assit à côté de lui.
– Izana te cherche partout, dit-il au bout d'un moment, il est inquiet.
Mikey leva les yeux. Il avait de larges cernes, il ne dormait plus correctement depuis longtemps, et son teint était presque transparent tellement il était pâle.
C'est peut-être juste l'effet des cheveux noirs.
Kakucho remarqua quelque chose dans son cou, un dessin qui ne s'y trouvait pas avant, mais il n'eut pas le temps de l'examiner.
– Vraiment ? Dit Mikey.
La pensée que Izana se faisait du souci pour lui semblait avoir ranimé un peu de la flamme qui l'habitait autrefois.
Kakucho hocha la tête.
– Évidemment, dit-il, tu es son frère.
Mikey ramena son regard sur ses mains et le silence reprit ses droits entre eux.
– En réalité il me hait, n'est-ce pas ? Demanda-t-il finalement.
Il avait parlé si bas que Kakucho l'avait à peine entendu.
Il ne sut quoi répondre.
Est-ce que Izana le haïssait ? Lui, son propre frère ? Il n'arrivait pas à le penser.
Il se pencha, les coudes sur les genoux.
– Non, dit-il, je suis sûr que non.
– Pourtant, j'ai l'impression qu'il me hait. Que ma simple existence le dégoûte. Qu'il préférerait me voir mort.
Kakucho soupira.
Que pouvait-il bien lui dire ? Il était évident que si l'on proposait à Izana de remonter de temps et d'échanger Mikey pour Shinichiro il accepterait sans hésiter. Pourtant, est-ce que cela voulait dire qu'il détestait Manjirō ? Kakucho ne le croyait pas.
– Il t'aime, lui dit-il. À sa façon, mais il t'aime.
À sa façon malsaine et un peu tordue, ajouta-t-il pour lui-même. Mais il ne le dit pas tout haut.
Il avait acquis cette certitude un peu plus tôt, lorsqu'il avait entendu la note d'affolement dans la voix de Izana.
Un bourreau ne se soucie pas autant de sa victime.
Mais cela, peut-être que Izana lui-même n'en était pas conscient.
– Il t'aime, répéta Kakucho.
– Je vois, répondit Mikey.
Le mince sourire qui se posa sur ses lèvres réchauffa le cœur de Kakucho.
Ce garçon était tellement brisé.
Mikey porta la main à son cou, sur ce dessin qui n'était pas là la veille encore, et son sourire s'évanouit.
Quand il retira ses doigts, Kakucho put voir de quoi il s'agissait.
Un dragon comme celui que Ryūgūji portait sur la tempe.
Il hésita puis il lui demanda :
– C'est pour aller faire faire ce tatouage que tu es parti ? Dit-il.
Mikey hocha la tête.
– Tu savais, dit-il, que les gens passaient en moyenne cinq à dix ans dans le couloir de la mort ? Ça doit être horrible de ne jamais savoir quand son dernier jour est venu...
Il réfléchit et ajouta :
– Non, en fait, c'est notre cas à tous. On ne sait jamais quand notre dernière heure est venue. La seule différence entre Kenchin et moi, c'est que moi, j'ai le droit d'aller où bon me semble.
Il se redressa. Il semblait avoir pris une décision.
– Izana... Il est tout ce qu'il me reste aujourd'hui, dit-il. Alors même s'il me déteste, à partir de maintenant je vivrai pour lui.
NDA : On parle très peu de la relation entre Izana et Mikey dans le manga. On sait par Taiju que Mikey avait une confiance absolue en son frère, mais c'est dur de se représenter comment il en était arrivé là après tout ce qu'il a traversé.
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