4 - Adoration
En rentrant de l'école ce jour-là, Nao explorait encore ces nouveaux sentiments qui avaient germé dans sa poitrine. Durant toute la journée, elle s'était repassé cette scène, Izana s'interposant entre les garçons et elle, la protégeant, et à chaque fois son cœur se mettait à faire des bonds sauvages.
Il est fort, beau, courageux !
En l'espace d'un instant, Izana avait pris une nouvelle dimension dans l'esprit de la fillette. D'un jeune garçon au visage angélique mais surtout intimidant, il était devenu un prince charmant de conte de fée.
Kakucho qui marchait à côté d'elle, n'avait pas la moindre idée de la teneur de ses pensées.
– Mieux vaut que tu ne traînes pas trop dehors en ce moment, lui dit-il. On ne sait jamais, si ces types reviennent.
Tous les deux rentraient ensemble après avoir été responsables du ménage de la classe.
Nao hocha la tête. Elle ne l'écoutait qu'à demi. Tout son esprit en ce moment était tourné vers Izana. Le regard de Izana, son visage, sa prestance quand il était intervenu.
Il faudrait que je me procure ce livre qu'il est en train de lire... Songea-t-elle. Je me demande de quoi ça parle exactement ?
Tout ce qui avait trait à son héros lui paraissait tout à coup digne d'intérêt. Ses lectures, ses amis, ses passions, ses projets...
Il veut bâtir un royaume pour les orphelins... C'est tellement merveilleux !
Du haut de ses huit ans, Izana lui apparaissait tout à coup comme la perfection incarnée.
– ... et si jamais tu veux aller jouer dehors, reprit Kakucho, tu n'as qu'à m'appeler, je viendrai avec toi.
Plongée dans ses pensées, Nao ne répondit toujours pas.
– Nao ? Insista-t-il.
Elle tourna les yeux vers lui avec l'air de quelqu'un qui a été tirée du sommeil.
– Hmm, oui, quoi ?
– Tu écoutes ce que je dis ?
– Oui, que je dois faire attention, récita-t-elle. Que je ne dois pas sortir seule et que si je veux aller jouer dehors, je dois te demander au cas où les méchants garçons reviendraient.
Une chose que l'on ne pouvait pas retirer à Nao, c'était sa mémoire. Il lui suffisait d'entendre ou de lire quelque chose une fois ou deux seulement pour avoir commencé à le mémoriser. Comme beaucoup de petits japonais, elle avait développé cette faculté avant même son entrée à l'école où la mémoire était la seule technique d'apprentissage utilisée.
(NDA : Très jeunes, on enseigne aux petits japonais que la mémoire passe avant la compréhension. D'ailleurs au Japon, l'apprentissage scolaire est essentiellement basé sur la mémorisation et on attend des élèves qu'ils retiennent par cœur ce qu'on leur enseigne. La compréhension est secondaire.)
Kakucho la regarda, comme pour s'assurer qu'elle avait bien compris que tout cela n'était pas un jeu.
La bande de gamins qui s'en étaient pris à Izana et elle n'en était pas à son coup d'essai. Chaque jour, Kakucho entendait des histoires à leur sujet. Des enfants qui avaient été enfermés dans des placards ou bien frappés. La semaine passée, les brutes avaient même enroulé un petit de première année dans un des tapis de sports et ils l'avaient ficelé avec des cordes qui servaient au saut en hauteur avant de l'abandonner dans le gymnase. L'enfant avait commencé à suffoquer, ses cris étouffés par la mousse du tapis, et il ne devait la vie sauve qu'à l'intervention du concierge qui passait par là.
(NDA : Cette histoire est tirée d'un fait réel. Malheureusement, en réalité elle s'est mal terminée. Pour en savoir plus, je vous laisse regarder la vidéo de Louis San « (Mon) harcèlement scolaire au Japon » )
Kakucho était inquiet, mais il ne pouvait rien faire de plus.
Parvenus au niveau de l'orphelinat, une moto garée devant la porte chassa momentanément les harceleurs de son esprit.
Il partit en avant, des étoiles plein les yeux.
– Wow ! Regarde ça Nao ! Dit-il. C'est une CB250T ! Tu sais ce que ça veut dire ?
Il se tourna vers elle, mais Nao secoua la tête.
– Non, quoi ?
– Ça veut dire que Shinichiro, le grand frère de Izana, est là ! Lui apprit Kaku.
La porte d'entrée s'ouvrit tandis qu'il disait ces mots et Izana parut en compagnie d'un garçon qui devait avoir une vingtaine d'années.
Le visage de Izana rayonnait vit Nao. Son sourire était si radieux qu'il illuminait tout ce qui se trouvait autour de lui. Izana regardait ce garçon – son frère – comme si tout le bonheur du monde était contenu dans l'instant qu'il vivait.
Les deux garçons arrivèrent au niveau de la moto et, sans prendre garde aux deux plus jeunes, l'aîné mit un casque sur la tête de son cadet.
– C'est non négociable Izana, dit Shinichiro en riant. En moto, tu mets un casque !
– C'est parce que tu conduis comme un fou Shinichiro, avoue ! Rétorqua Izana.
Le casque lui comprimait les joues, mais il n'arrivait pas à faire disparaître son sourire.
– Exactement espèce de sale gosse ! Rigola de plus belle Shinichiro.
Il se mit en selle et aida Izana à monter derrière lui.
– Dis Shinichiro, reprit Izana. C'est aujourd'hui que tu m'apprends à conduire ?
Le jeune homme tourna les yeux vers lui.
– Tu veux apprendre à conduire une moto ? Dit-il.
– Je veux que tu m'apprennes à conduire une moto ! Corrigea Izana.
La nuance n'avait pas échappé à Nao. Pas plus que la lueur de pur bonheur qui brillait dans le regard de Izana. En cet instant, il était plus heureux qu'elle ne l'avait jamais vu. À tel point que plus rien n'existait à ses yeux en dehors de son grand frère.
Kakucho lui-même semblait être devenu invisible. Mais il ne s'en offusqua pas. Voir Izana heureux suffisait à son bonheur.
Shinichiro mit le contact et il jeta un œil au gamin derrière lui.
– Ok ! Dit-il. Faisons ça ! Tu me diras si ça te plaît !
– Je suis sûr que ça va me plaire ! Répondit Izana.
Quand la moto s'éloigna avec ses deux passagers, une espèce de chaleur emplit la poitrine de Nao.
Moi aussi, se dit-elle, moi aussi un jour, je veux que tu me regardes comme ça !
Izana ne fut de retour qu'à la tombée de la nuit. Quand il rentra à l'orphelinat, il avait le visage rougit par le vent d'automne qui lui avait fouetté les joues et les yeux encore brillants.
Kakucho le rejoignit dans l'entrée.
– Alors ? Lui dit-il. C'était comment ?
Izana retira ses chaussures et il gagna la salle de repos où il se laisser tomber dans un des fauteuils.
– Il m'a laissé conduire sa moto ! Dit-il radieux. Et il a dit que j'étais super doué !
Son sourire n'avait pas disparu et sa joie se communiqua à Kakucho qui sourit à son tour.
– Oh, la chance ! Dit ce dernier, assis à ses pieds. Dis Izana, tu me montreras à moi aussi un jour comment on conduit une moto ?
Cette journée semblait avoir laissé sur Izana une empreinte indélébile.
Il se redressa et se pencha vers Kakucho.
– D'accord, dit-il, mais tu devras mettre un casque parce que c'est dangereux !
Kakucho hocha la tête. Il buvait littéralement ses paroles. Izana était pour lui une sorte de dieu, comme Shinichiro l'était pour Izana.
Plus loin, une autre personne ne perdait pas une miette de l'échange entre les deux garçons.
Installée par terre sur un coussin, un manga écorné abandonné sur les genoux, Nao ne quittait pas Izana des yeux.
Son visage semblait rayonner vit-elle. Elle avait l'impression de voir une personne qu'elle ne connaissait pas, une personne dont le sourire irradiait si fort autour de lui qu'elle avait l'impression d'en sentir la chaleur depuis l'autre côté de la pièce.
Finalement les deux garçons se levèrent.
– Tu viens Kaku ? Dit Izana. On va jouer dans ma chambre !
kakucho lui emboîta le pas et, arrivé à la porte de la salle de repos, Izana se ravisa. Il revint sur ses pas et ajouta :
– Tu veux venir aussi Nao chan ?
Le sourire de la petite fille fut aussi éblouissant que celui qui éclairait encore le visage de Izana.
– Oui ! Dit-elle en se levant.
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