33 - L'ombre et la lumière

À la fin de la soirée, Nao et Kakucho redescendirent ensemble.

– J'ai passé un très bon moment, lui dit-elle en arrivant près de sa moto.

– Oui, moi aussi, dit-il. Désolé pour Izana, tu le connais, hein ?

Au souvenir de la façon dont tous les deux s'étaient poursuivis pour une boîte de macarons, Nao ne put s'empêcher de rire.

Puis sa discussion sur le balcon avec Izana lui revint et elle retrouva son sérieux.

D'accord, protégeons-le tous les deux, avait-il dit.

Il avait paru soulagé. Comme s'il avait craint un instant de perdre son meilleur ami.

Kakucho revint vers elle et il prit sa main dans la sienne.

– Qu'est-ce qu'il y a ? Demanda-t-il. Tu as l'air ailleurs tout à coup ?

Nao serra ses doigts.

– Non, rien, dit-elle, ne t'en fais pas. On y va ?




Tous les deux arrivèrent dix minutes après au pied du petit bâtiment qui abritait l'appartement de Nao.

Kakucho se gara dans la rue et il l'aida à descendre avant de la suivre.

Parvenus devant la porte, Nao s'immobilisa, sa main dans la sienne.

Elle se sentait mieux qu'elle ne l'avait jamais été. Comme si toutes les pièces de sa vie venaient soudain de se mettre en place tel un puzzle géant.

Les doigts de Kakucho survolèrent le dos de sa main, dessinant de petits cercles sur sa peau.

– Tu penses à quoi ? Lui demanda-t-il, remarquant qu'elle avait à nouveau le regard absent.

Elle sourit et ramena les yeux vers lui.

– Je me disais que j'étais heureuse, dit-elle, c'est tout.

Le cœur de Kakucho fit une embardée dans sa poitrine. Il lui rendit son sourire. Puis il se pencha vers elle.

Pendant une seconde, il hésita, puis l'espace entre eux disparut.

Quand leurs lèvres se touchèrent, Nao se hissa sur la pointe des pieds et vint à sa rencontre.

Leurs souffles se mêlèrent tandis que Kakucho survolait sa bouche de petits baisers esquissés, savourant la douceur de sa peau sous la sienne. Puis sa main abandonna ses doigts pour venir prendre son visage en coupe et ses lèvres fondirent sur les siennes.

Au début, son baiser fut maladroit et sa bouche caressait la sienne avec une pointe de rudesse. Il se ressaisit, s'écarta une seconde pour plonger son regard dans le sien, avant de revenir chercher ses lèvres cette fois avec plus de légèreté.

Nao lui rendit son baiser, les yeux clos, et sa main vint se refermer sur la sienne.

Son cœur tambourinait sauvagement contre ses côtes. Il lui semblait que rien ne pourrait jamais briser cet instant.

Leurs langues s'effleurèrent, d'abord timidement, et elles gagnèrent peu à peu en assurance.

Leurs respirations s'harmonisèrent et Kakucho glissa son bras resté libre autour de sa taille pour la presser contre lui.

Il avait l'impression qu'il ne pourrait plus jamais se passer de ses lèvres.

Leurs bouches entamèrent un ballet hésitant et maladroit, puis plus harmonieux à chaque seconde qui passait, se cherchant et se découvrant tour à tour.

Quand Kakucho finit par se redresser, ses yeux dans ceux de Nao, leurs peaux étaient parcourues d'agréables frissons.

– C'était mon premier baiser, murmura-t-elle, son visage près du sien.

– Moi aussi, répondit-il.

Puis il réfléchit et ajouta :

– Non, tu m'as volé un baiser hier... Alors il faut que je t'en vole un à mon tour.

Il se pencha de nouveau sur elle et leurs lèvres reprirent leur danse un instant interrompue.




Un mois plus tard

La porte vitrée du building coulissa et Nao entra, sa pochette glissée sous le bras. Les lieux étaient vastes et luxueux. Leurs petits bureaux des semaines précédentes étaient loin. Désormais, le Tenjiku avait gravi un échelon supplémentaire vers son objectif et c'était en partie à elle que le clan le devait.

Elle monta dans une cabine d'ascenseur en compagnie de plusieurs hommes d'affaires et appuya sur le bouton du trente-quatrième étage.

Les locaux de la toute nouvelle compagnie – Tenjiku Corporation – étaient situés au nord de Shibuya, dans la capitale nipponne.

Pour le moment, Nao, comme Kakucho, Izana ou les autres membres de l'ancien Yokohama Tenjiku, faisaient le trajet en train lorsqu'ils devaient s'y rendre. Mais il leur faudrait très bientôt déménager sur place pour être plus près de leurs affaires.

Enfin surtout moi, songea Nao tandis que la cabine continuait de monter dans les étages.

Kisaki et Koko, les deux personnes en charge avec elle des dossiers du clan, vivaient déjà à Tokyo. Les autres n'avaient que rarement besoin de venir au siège de la société, leur travail se passait surtout dans la rue.

En gros, soupira-t-elle, il n'y a que moins qui me coltine les interminables aller-retour en train depuis Yokohama...

Elle n'eut pas le temps de maugréer davantage. Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur leurs nouveaux bureaux et elle abandonna la cabine pour les couloirs couverts d'une épaisse moquette beige.

Le logo de leur pseudo société – l'ancien emblème du Yokohama Tenjiku – trônait sur le mur juste en face de l'entrée. Izana avait tenu à le conserver, comme le nom, bien que Kisaki et Nao elle-même lui aient dit que ça n'était pas forcément une bonne idée.

Apparemment, Izana avait une idée en tête. Mais Nao ne savait pas de quoi il s'agissait.

Cela dit, elle aurait peut-être la réponse aujourd'hui.

Tous les cadres avaient été convoqués dans son bureau. Izana avait une annonce à leur faire d'après ce qu'elle avait compris et il tenait à ce qu'ils soient tous là.

Elle consulta l'heure sur son téléphone et souffla. Elle était dans les temps.

Ses rapports avec Izana avaient beau s'être détendus depuis la soirée qu'elle avait passée chez eux, il restait le chef du gang.

C'est une personne complètement différente par moment...

Le Izana qu'elle avait vu ce soir-là et celui avec lequel elle travaillait quotidiennement n'avaient rien à voir.

Je crois que je préfère celui qui s'empiffre de macarons, finit-elle par se dire, il me fait penser à celui que j'ai connu d'autrefois.

La porte apparut et elle frappa.




Vingt minutes plus tard, tous les membres importants du Tenjiku étaient là. Il y avait les fondateurs, comme les frères Haitani ou encore Mucho, Mochi ou Shion Madarame et Kakucho. Mais aussi les recrues plus récentes comme Kisaki et Hanma ou encore Koko.

Toutefois celui qui attirait l'attention, c'était le garçon blond assis sur le canapé, la tête basse et les mains pendant entre les genoux.

Lorsqu'il eut toute leur attention, Izana s'installa à côté de lui.

Il lui ébouriffa gentiment le crâne sans que Manjirō Sano ne fasse le moindre geste.

La différence entre l'air abattu de Mikey et le sourire radieux de Izana donnait une atmosphère étrange à la pièce.

– À compter d'aujourd'hui, commença Izana, mon frère et moi, nous allons nous partager la tête du clan.

La nouvelle sembla ne faire ni chaud ni froid à Mikey, comme s'il était mort à l'intérieur. Nao n'avait pas besoin qu'on lui en explique la raison. Quelques jours plus tôt, avait débuté le procès de son meilleur ami. Ken Ryūgūji encourait la peine mort pour le meurtre des deux malfrats qu'il croyait responsable de la mort de Emma Sano.

C'était terminé pour Manjirō Sano. Son gang avait disparu et maintenant il n'avait plus personne.

Enfin c'était ce qu'il croyait jusqu'à ce que Izana vienne le chercher chez lui.

Un frère... Se répétait-il. Il lui restait un frère.

Ce dernier l'avait ramené auprès du Tenjiku avec la ferme intention de l'associer au gang.

Je ne pensais quand même pas qu'il irait jusqu'à partager la place de boss avec lui... Songea Nao.

D'un côté, Izana agissait comme un véritable grand frère qui se souciait de son cadet. Mais d'un autre...

Izana frotta à nouveau le crâne de Mikey avec rudesse. Ses doigts semblaient résister à l'envie de se transformer en poing.

– Lui et moi, dit-il, nous serons désormais les deux chefs.

Leur relation est étrange, comme si Izana jouait avec une marionnette.

C'était exactement à cela que Manjirō Sano ressemblait comprit-elle. Une marionnette entre les mains de son frère.

Izana reprit, la tirant de ses pensées.

– Mais ça n'est pas tout, dit-il. J'ai aussi décidé que notre clan allait changer de nom. Désormais, nous nous appellerons le Tokyo Manji Kai !

Cela, au moins, eut le mérite de faire réagir son frère.

Un instant, Nao crut que Sano allait se mettre à pleurer, mais il se contenta d'esquisser un sourire à l'intention de son grand frère.

Comme une parfaite petite marionnette.

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