30 - Légèreté
– Moi aussi, je t'aime, lui dit Nao.
Kakucho la regarda, comme s'il n'était pas sûr d'avoir bien entendu.
Sans détacher son regard du sien, Nao fit glisser ses doigts depuis sa manche jusqu'à sa main et Kakucho la serra quand il la sentit s'emparer de la sienne.
– Tu... m'aimes ?
Il n'arrivait pas à le croire.
Nao hocha la tête et son sourire devint radieux.
– Oui, dit-elle. Je t'aime aussi.
Comment avait-elle fait pour ne pas s'en apercevoir ? Tous ces moments passés avec lui pendant lesquels elle se sentait si heureuse. La douleur intolérable qu'elle avait éprouvée quand il l'avait repoussée, comme si on lui avait déchiré la poitrine. Ces heures à l'attendre sur le toit du lycée. La déception qu'elle avait ressentie quand elle avait cru qu'il ne viendrait pas. Et puis la joie de revoir son visage, cette euphorie qui lui avait donné envie de rire aux éclats.
Je l'aime.
Elle serra un peu plus ses doigts sans détacher son regard du sien et elle eut l'impression de manquer d'air tellement son bonheur lui emplissait le cœur.
Kakucho reprit le chemin des locaux du Tenjiku quelques minutes plus tard avec l'impression de flotter au-dessus du sol.
Jamais il n'aurait cru que ça se passerait ainsi.
Plus tôt, lorsqu'il avait laissé Izana le temps d'aller retrouver Nao, il pensait vraiment qu'elle allait le repousser. C'était Izana qu'elle avait aimé pendant toutes ces années. Izana, le garçon qui avait tout pour lui, le charisme, la beauté, la force...
Moi je ressemble à un monstre en comparaison.
Ça lui semblait tout à fait normal qu'une fille le rejette.
Pourtant dans le bureau, quand il avait entendu Nao répondre à Izana de façon aussi acerbe de cesser de la prendre pour sa servante, il s'était dit que, peut-être, les sentiments qu'elle avait pour lui étaient de l'histoire ancienne.
Si elle ne l'aime plus, j'ai bien le droit de lui avouer ce que je ressens, non ? Elle me rejettera, c'est sûr, mais au moins je le lui aurais dit.
Continuer à vivre ainsi, sans lui dire la vérité, ça lui semblait être une tromperie.
C'est comme lui mentir. C'est malhonnête. Elle se comporterait sûrement différemment avec moi si elle savait.
Toutefois il avait conscience que se confesser à elle si elle avait toujours des sentiments pour Izana, cela revenait à l'obliger à choisir entre eux et cela, Kakucho s'y refusait.
Quel genre de pauvre type fait cela ?
Jusqu'à ce jour, il n'avait pas trouvé de solution.
Et puis voilà que Nao semblait ne plus rien éprouver pour Izana.
Après avoir retourné cette idée dans sa tête, Kakucho lui avait couru après lorsqu'elle était sortie.
Je vais mettre les choses au point avec elle, avait-il décidé. Peut-être qu'après elle ne voudra plus me parler, mais au moins je ne lui mentirai plus.
Il espérait secrètement cependant ne pas perdre son amitié avec cet excès de franchise.
La pensée que ses sentiments puissent être partagés ne l'avait pas effleurée une minute. À tel point qu'il lui avait répété plusieurs fois :
– Tu es sûre ? Tu es vraiment sûre ?
Elle avait fini par éclater de rire sans lui lâcher la main. Son rire lui avait fait l'effet d'une cascade d'eau fraîche après une journée brûlante.
– Évidemment que je suis sûre idiot !
Kakucho avait eu du mal à y croire. Tout cela lui semblait trop beau pour être vrai et une part de lui était persuadée qu'il allait se réveiller et découvrir que tout cela était un rêve.
Tous les deux étaient restés un long moment à se regarder en silence.
Puis Kaku s'était redressé.
– Izana m'attend ! S'était-il écrié comme s'il se réveillait. Je dois remonter !
Il avait fait deux pas en direction du bâtiment, puis il s'était retourné vivement, les joues rouges et les yeux brillants.
– Je t'appelle ce soir, d'accord ? Avait-il lancé.
Nao avait hoché la tête.
– D'accord.
Elle savait qu'elle avait un sourire niais sur le visage, mais elle était incapable de le faire disparaître.
Je t'aime...
Ces mots semblaient enfler dans sa poitrine comme un ballon chaud chaque fois qu'elle se les répétait. C'était une sensation qui chassait tout le reste. C'était tellement agréable.
Arrivé à l'intérieur du bâtiment, Kakucho ignora les ascenseurs et se dirigea vers les escaliers. Il gravit les marches quatre à quatre. Il ressentait le besoin de dépenser un trop plein d'énergie.
Moi aussi je t'aime...
Ces mots continuaient à danser dans sa tête et il avait l'impression de sentir encore le contact de ses lèvres sur les siennes.
Elle a les lèvres si douces...
À cette pensée, son visage s'enflamma et il repoussa ce souvenir à contrecœur pour retrouver son sérieux. Izana n'apprécierait pas qu'il débarque avec un grand sourire idiot alors qu'ils avaient encore des sujets graves à traiter.
Une fois devant la porte, Kakucho s'arrêta et il inspira et expira pour reprendre son calme. Puis il entra.
Izana et Mucho étaient seuls à présent. Koko et Kisaki étaient repartis pour Tokyo.
Izana était debout devant la fenêtre. Il semblait mécontent. C'était toujours comme ça quand les choses n'avançaient pas comme il le voulait.
Il jeta un regard par-dessus son épaule en entendant la porte s'ouvrir.
– Te revoilà, dit-il à Kakucho. Tu as pu faire ce que tu voulais ?
– Oui, c'est bon, répondit ce dernier.
Izana ramena les yeux vers la fenêtre.
L'ambiance dans le bureau était toujours aussi pesante bien qu'ils ne soient plus que trois.
– Je suis sûr que ça ira Izana, dit Mucho. Le timing est serré, je suis d'accord avec toi, mais ça va aller.
– J'aimerais en être sûr, lui rétorqua Izana.
Kakucho comprit qu'ils étaient encore en train de parler de cette histoire de société juridique que Izana voulait créer.
D'après ce qu'il avait saisi, il s'agissait de monter une entreprise en partie fictive pour couvrir les activités du clan et leur permettre d'avoir pignon sur rue comme n'importe quelle compagnie japonaise.
Kakucho ne voyait pas trop comment ça fonctionnait, mais Nao avait eu l'air dans son élément, même s'il l'avait senti se raidir en réalisant l'ampleur de la tâche.
Ça ne doit pas être simple...
– Mais je suis sûr qu'elle s'en sortira, dit-il à voix haute, elle est trop forte après tout.
Les deux autres tournèrent la tête vers lui, surpris, et c'est alors seulement que Kakucho s'aperçut qu'il avait pensé tout haut.
Il s'empourpra.
– Enfin... Dit-il. Je veux dire... C'est son truc, ces papiers... Tout ça...
Il s'emmêla la langue, mais il fut incapable de se reprendre.
Izana le rejoignit en deux pas et il le regarda de plus près.
– Kakucho, dit-il au bout d'un moment. Qu'est-ce que tu as ?
Kakucho fit un pas en arrière et secoua les mains, fébrile.
– Rien ! Rien Izana ! Paniqua-t-il. Je t'assure ! Il n'y a rien du tout !
Mucho se redressa à son tour.
– Il y a un problème ? Intervint-il. Tu as croisé quelqu'un quand tu étais dehors ?
– Non ! Répondit Kakucho. Non pas du tout ! Aucun problème !
– Kakucho, reprit Izana, parle, ou je t'assomme.
Kakucho ne voyait pas comment se tirer d'affaires. Il laissa échapper un long soupir.
– Je... suis allé voir Nao... pour me déclarer, dit-il. Et elle m'a dit qu'elle m'aimait.
Mucho et Izana écarquillèrent les yeux.
Tous les deux sourirent et Izana retourna se poster devant la fenêtre.
– Tu as pris ton temps, dit-il au bout d'un moment. J'ai bien cru que tu ne lui avouerais jamais.
On pouvait sentir le sourire dans sa voix.
Kakucho le regarda, étonné.
– Tu... tu le savais ? Dit-il.
Ce fut Mucho qui répondit.
– C'était un peu évident qu'elle te plaisait, lui dit-il. Alors c'était ça cette course urgente ? tu voulais aller lui dire que tu avais des sentiments pour elle ?
Kakucho était en train de devenir cramoisi, mais au moins l'ambiance dans le bureau s'était allégée.
Mucho le rassura.
– Il n'y a pas de honte à avoir, lui dit-il. C'est très bien de ta part d'être allé voir la fille qui te plaît. C'est très courageux.
Mucho songea qu'on pouvait facilement oublier que Kakucho n'avait que quinze ans et non dix-huit ou dix-neuf ans, comme eux, quand on voyait sa carrure.
Il sourit. Il l'aimait bien ce grand garçon gêné, il se sentait un peu comme son grand frère.
– Alors tu vas l'inviter ? Dit-il. Vous avez prévu un truc ?
– Pas encore, répondit Kakucho. Je l'appelle ce soir pour lui proposer de sortir.
– Tu sais déjà où tu vas l'emmener ? Reprit Mucho.
La question parut plonger Kakucho dans un abîme de perplexité.
– Non... Dit-il.
Il ne s'était même pas posé la question, tout au bonheur de découvrir que ses sentiments étaient partagés.
Il regarda Mucho.
– Où est-ce qu'on pourrait aller ? Dit-il. Il y un endroit où on emmène une fille pour un premier rendez-vous ?
Mucho sourit, mais ce fut Izana qui intervint.
– Dis-lui de venir à la maison, dit-il. Après tout elle n'est encore jamais venue, c'est l'occasion...
Il se tourna à demi vers eux et ajouta :
– Et puis c'est ta petite amie maintenant.
Petite amie...
Ces deux mots furent tout près de faire flancher le cœur de Kakucho.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top