29 - Confession
Nao resta encore un moment dans le couloir, stupéfaite par la démarche de Kisaki.
Puis, une fois sa tasse de café finie, elle jeta le gobelet dans la poubelle voisine et reprit le chemin du bureau à son tour.
Elle se sentait pleine d'assurance tout à coup. Les compliments de Kisaki avaient fait leur œuvre.
Mais sois prudente tout de même... S'enjoignit-elle. Ça n'est pas le moment de faire une erreur.
Lorsqu'elle quitta enfin le bureau plus d'une heure plus tard, elle avait raffermi sa position au sein du gang.
– N'oublie pas que je ne suis pas ta servante Izana, avait-elle lâché à un moment donné. Je te suis parce que je le veux bien. Je peux partir quand je le veux !
Sa déclaration avait jeté un froid dans la pièce et même elle se demandait maintenant d'où lui était venue cette audace.
J'espère que je ne suis pas allée trop loin... S'affola-t-elle, le cœur battant.
Elle n'avait pas fait trois pas dans le couloir que Kakucho la rattrapa.
– Nao attends ! Tu as quelque chose à faire là ? Je voudrais te parler...
– Je pensais aller faire deux ou trois courses, répondit-elle. Pourquoi ?
Izana parut à la porte et Kakucho lui fit signe qu'il arrivait.
Puis il revint à Nao.
– Est-ce qu'on peut se retrouver près de la promenade ? Disons dans trente minutes ? Je t'y rejoindrai.
– Oui, bien sûr.
Il repartit vers le bureau au pas de course et Nao le regarda disparaître à l'intérieur.
De quoi est-ce qu'il veut me parler ?
Elle s'éloigna sans en avoir la moindre idée.
Intriguée, elle rejoignit l'ascenseur et ce ne fut que parvenue au pied du bâtiment, qu'une pensée lui traversa l'esprit.
Et s'il s'agissait de ce que j'ai dit à Izana tout à l'heure ? Se dit-elle.
Elle se figea sur le trottoir et jura tout bas.
C'était évident que c'était ça. Avec son éclat, elle l'avait mis dans une position difficile. Izana avait dû lui en faire la remarque et maintenant Kakucho allait certainement lui dire de faire plus attention.
Quelle imbécile je fais ! Mais pourquoi je n'ai pas tenu ma langue !
Elle imaginait déjà Kaku en train de lui expliquer que si cela se reproduisait, il ne pourrait plus la protéger comme il l'avait promis.
Quelle imbécile... Mais quelle imbécile ! Se répéta-t-elle en se dirigeant vers la petite supérette à deux pâtés de maison de là. Alors qu'on vient seulement de se retrouver !
Elle pouvait presque voir Kakucho en train de prendre à nouveau ses distances avec elle et son cœur se serra.
Tout en marchant, elle essaya de trouver la meilleure façon de se tirer d'affaires, mais rien ne lui vint à l'esprit.
Tout ce que je peux faire, c'est aller m'excuser auprès de Izana... J'espère qu'il ne m'en veut pas trop et j'espère que Kakucho n'aura pas de problème à cause de moi.
Cela aussi la mettait mal à l'aise. L'idée d'avoir mis une personne qui lui était chère dans l'embarras avec sa langue trop bien pendue.
J'irai m'excuser, décida-t-elle, c'est le mieux à faire. Izana n'aura qu'à me passer un savon. De toute façon il a besoin de moi en ce moment, alors il ne me virera pas du clan. Et puis, à l'avenir, je ferai plus attention.
À la pensée qu'elle en était arrivée là juste parce que Kisaki l'avait félicitée, elle se serait mise des claques.
Je suis vraiment la reine des nouilles ! Un bâtard de première me fait un compliment et j'ai aussitôt la tête qui enfle !
Durant les minutes qui suivirent, elle fit rapidement ses courses, empilant dans son panier tout ce dont il lui semblait avoir besoin sans réellement regarder les rayons et quand l'heure du rendez-vous avec Kakucho approcha, elle rejoignit la caisse et paya.
Le trajet jusqu'à la promenade n'était pas très long, mais tandis qu'elle marchait, elle avait l'impression d'avoir un bloc de ciment coulé autour de chaque cheville.
Quand elle arriva sur place, près de la balustrade qui offrait une vue sur le port et près de laquelle les touristes aimaient se prendre en photo en été, elle vit qu'elle était la première.
Elle jeta un œil à son téléphone. Elle était en avance, elle avait marché plus vite qu'elle le pensait.
Elle posa son sac de courses à ses pieds et attendit.
Kakucho parut cinq minutes plus tard en courant.
– Désolé ! Dit-il. Tu n'as pas trop attendue ?
Nao secoua la tête.
– Non, non.
Elle avait la gorge serrée et attendait leur conversation avec angoisse.
Kakucho fit quelques pas et il s'arrêta devant la balustrade. Il lui tournait le dos, mais elle se rendait compte qu'il était tendu.
Même lui ne sait pas comment aborder le sujet... J'espère que Izana ne l'a pas trop engueulé...
Une phrase qu'il lui avait dite quelque temps plus tôt lui revint :
Izana était furieux et il m'a collé son poing dans la tronche.
Pourquoi ces mots lui revenaient-ils maintenant ?
Elle s'avança jusqu'à ses côtés et tenta de voir si son visage portait des traces de coups.
Si Izana l'a frappé à cause de moi, je ne me le pardonnerai jamais !
Elle sentait son cœur battre à coups redoublés dans sa poitrine et elle se mordit les lèvres d'anxiété.
– Est-ce que... Commença-t-il.
Il n'alla pas plus loin.
– Oui... ? Demanda-t-elle.
Elle ramena ses yeux sur ses mains et se tordit les doigts. À côté d'elle, Kakucho inspira.
– Est-ce que tu es toujours amoureuse de Izana ? Dit-il.
Nao s'attendait si peu à cette question, qu'elle en resta bouche bée.
– Est-ce que... quoi ? Dit-elle.
– Je me demandais, reprit-il, si tu étais toujours amoureuse de lui...
Il regardait fixement le port en contrebas et les bateaux, plus loin, qui passaient dans le bras de mer, au pied des tours.
Nao demeura stupéfaite. La conversation prenait un tour auquel elle n'était pas préparée.
Elle réfléchit.
– Non, dit-elle enfin, non je suis plus amoureuse de lui. Et à dire vrai, je pense maintenant que je ne l'ai jamais réellement été. Je veux dire, je l'admirais, c'est sûr, c'est Izana, je sais que tu vois de quoi je parle. Mais je crois que ça n'était pas de l'amour.
Elle leva les yeux vers lui.
– Pourquoi tu me demandes ça ? Ajouta-t-elle.
Kakucho regardait toujours fixement le port. Sa mâchoire se desserra et il souffla, comme s'il avait retenu sa respiration.
– Nao, reprit-il, je te demande rien, d'accord, alors ne t'en fais pas. Mais...
Il inspira et dit :
– Je t'aime.
Autour d'eux, le temps sembla suspendre son vol et même les bruits de la ville parurent disparaître durant une seconde.
– Je t'aime, continua-t-il, depuis que je suis gosse. Je crois que je t'aime depuis la première fois que je t'ai vue.
À côté de lui, Nao semblait pétrifiée. Son cœur paraissait s'être figé tout à coup dans sa poitrine sans qu'elle comprenne pourquoi et Kakucho poursuivit.
– Tant que tu pensais que tu étais amoureuse de Izana, dit-il, je ne me serais jamais permis de me mettre entre vous. Mais maintenant... voilà... je te l'ai dit.
Il pivota sur ses talons, un peu raide, et se prépara à reprendre le chemin de la ville.
– Mais comme je viens de te le dire, ajouta-t-il avant de s'éloigner, je ne te demande rien, ok ? Tu n'as même pas besoin de me répondre si tu n'as pas envie.
Il commença à partir, mais Nao le rattrapa par la manche.
– Attends... Dit-elle.
Elle n'arrivait pas à mettre de l'ordre dans ses idées. Le monde lui paraissait brusquement s'être mis à fonctionner à l'envers et elle ne savait plus où elle en était.
Mais une chose était sûre. Son cœur s'était mis à battre à toute allure après avoir paru manquer plusieurs battements.
Elle porta la main à sa poitrine et fut surprise de sentir sa cavalcade effrénée sous ses doigts.
À côté d'elle, Kakucho resta immobile.
Il m'aime.
Ces mots résonnèrent en elle et tout son être parut frémir au rythme de ces quelques syllabes.
Une foule de souvenirs se pressèrent dans sa mémoire. Le petit garçon qui était venu la trouver à son arrivée à l'orphelinat. Son sourire. Le soin qu'il prenait toujours pour lui changer les idées quand ça n'allait pas. Cette manie qu'il avait de se placer entre elle et la route quand ils marchaient côte à côte, sa main survolant son dos sans le toucher.
Tout ce que je voulais, c'était te protéger.
La phrase dansa devant ses yeux et Nao sentit ses doigts se mettre à trembler.
Elle se tourna vers lui.
Il avait de nouveau le regard perdu au loin vit-elle, comme s'il avait peur de lire dans ses yeux la réponse qu'il redoutait.
Sans lâcher sa manche, elle tendit la main et prit sa joue pour ramener son visage vers le sien. Il était rouge et il avait le regard brillant.
Ça la fit sourire.
Quand est-ce que j'ai commencé à me dire qu'il était si beau ? Se demanda-t-elle.
Elle ne s'en rappelait plus.
Elle abandonna sa joue et sa main s'égara jusqu'à ses lèvres qu'elle survola du pouce.
– Laisse-moi... vérifier quelque chose, dit-elle.
Puis, sans attendre de réponse, elle se hissa sur la pointe des pieds et posa sa bouche sur la sienne, les yeux clos.
Aussitôt, ce fut comme si un feu d'artifice explosait dans sa poitrine. Son cœur s'emballa et elle eut l'impression que son corps tout entier frémit à l'unisson des sentiments qui se déployèrent sans plus être retenus.
Lorsqu'elle retomba sur les talons, elle aussi avait les joues rouges à présent.
Elle sourit.
– Moi aussi, je t'aime.
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