24 - Kakucho Hitto
Tous les deux s'assirent sur le rebord du toit tandis que la nuit tombait autour d'eux. Un peu plus tôt, Umemiya était monté avec plusieurs de ses hommes, mais Nao leur avait fait signe que tout allait bien et ils étaient repartis.
Elle avait les yeux encore rouges, mais étrangement, elle se sentait mieux après avoir autant pleuré.
Kakucho était assis en silence à côté d'elle et la chaleur de son corps faisait barrage à la fraîcheur de la nuit.
Sa présence lui avait manqué. Elle se rendait compte maintenant à quel point ça avait été difficile. Elle avait l'impression d'être une noyée qui reprenait sa première bouffée d'oxygène depuis longtemps.
– Comment tu vas ? Lui demanda-t-elle plus pour rompre le silence qu'autre chose.
– Ça va et toi ?
– Hmm ça va... et Izana ?
Kakucho hésita.
– Il a eu un passage difficile, dit-il enfin, mais ça va mieux maintenant... Son frère est mort.
Nao se tourna vers lui, surprise.
– Le garçon qui venait à l'orphelinat ? Dit-elle.
Il hocha la tête.
– Oui, dit-il. Izana... Il a sombré quand il l'a appris.
– Je veux bien le croire.
Elle se souvenait encore du visage radieux de Izana quand Shinichiro était là.
Il aura vraiment tout perdu...
– Mais maintenant, reprit Kakucho, il s'est ressaisi et il a... un objectif.
Il n'ajouta rien et Nao le regarda en silence.
– Je vois, dit-elle.
– Et toi... Continua-t-il. Tu es devenue une sorte d'experte juridique d'après ce que j'ai compris ?
Il y avait un sourire dans sa voix. Nao lui donna un coup d'épaule.
– Ne te moque pas de moi, dit-elle.
– Je ne me moque pas.
– Si tu te moques ! Je te connais par cœur Kakucho Hitto !
Tous les deux commencèrent à se chamailler comme deux enfants.
Au bout d'un moment, Kakucho reprit son sérieux.
– On dit maintenant que tu peux faire et défaire un gang comme tu veux, dit-il.
– C'est très exagéré...
– Mais c'est toi qui a fait le Wind Breaker.
À son tour, Nao garda le silence. Elle ne pouvait pas le nier.
Elle se redressa.
– Si tu es venu pour me dire d'arrêter ou si tu es là pour me faire la morale, lui dit-elle, ça n'est pas la peine de te fatiguer. Tu peux repartir.
– Je ne suis pas venu te faire la morale.
Un instant, il chercha ses mots.
– Nao, je sais que, tout ça, c'est de ma faute, dit-il. J'ai voulu te garder à l'écart de ce monde en me disant que tu serais plus heureuse comme ça. Mais je m'y suis mal pris et je t'ai fait du mal. Je regrette ce qui s'est passé ce jour-là, tu ne peux pas imaginer à quel point. Je n'aurais jamais dû faire ce que j'ai fait. Je n'aurais jamais dû dire ce que je t'ai dit et... je n'aurais jamais dû lever la main sur toi.
Pendant un moment, ils n'entendirent plus que le souffle du vent qui parcourait le toit.
Puis Kakucho reprit.
– Alors... je voulais te demander pardon.
À côté de lui, Nao ne dit rien. Elle avait du mal à démêler ses sentiments. D'un côté, elle avait envie de lui pardonner. Ces quelques instants de complicité qu'ils avaient partagé une seconde plus tôt lui avaient réchauffé le cœur à un point qu'elle n'aurait pas cru possible. Mais d'un autre côté, le ressentiment pesait encore trop lourd sur sa poitrine.
– Je ne sais pas... Dit-elle.
– Je ne te demande pas de me pardonner tout de suite, lui dit-il. Je sais bien que ça n'est pas possible. Je veux juste que tu me laisses me racheter, d'accord ?
Il veut se racheter... Se dit-elle.
– Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
Il détourna la tête.
– À partir d'aujourd'hui, dit-il, je te protègerai. Tu n'auras plus besoin de demander à ces types.
Il désigna la porte du toit du menton et Nao comprit qu'il parlait des Wind Breaker.
Elle en resta muette de surprise.
Il veut me... protéger ?
Elle savait que Kakucho avait toujours été un garçon mûr et responsable pour son âge, mais elle ne s'était pas attendue à cette déclaration.
Finalement, elle leva un doigt et elle lui appuya sur la joue en riant à demi.
– C'est une autorisation à te faire tourner en bourrique que tu me donnes là, tu le sais ?
Kakucho continua à fixer le mur de l'autre côté de la terrasse comme si c'était la chose la plus passionnante au monde et Nao ne put résister à l'envie de le taquiner.
– En plus, dit-elle, tu peux m'expliquer comment ça se fait qu'un grand garçon baraqué comme toi rougisse comme une gamine ?
Pendant une seconde, elle crut qu'il allait s'enflammer tellement il était gêné et elle ne put se retenir d'éclater de rire.
Elle finit par se lever pour se planter devant lui.
– D'accord, dit-elle. Je te fais confiance. Je t'en veux toujours, je ne vais pas te mentir, mais je te fais confiance.
Après un instant, elle ajouta :
– Tu m'as manqué Kaku... Vraiment beaucoup.
Elle préféra se retourner en sentant sa gorge se serrer à nouveau.
Oui, il lui avait plus manqué qu'elle ne saurait le dire.
Tous les deux reprirent le chemin de la gare côte à côte.
– Tu n'as plus besoin de revenir ici maintenant, n'est-ce pas ? Lui demanda Kakucho.
Nao qui était plongée dans ses pensées, releva la tête.
– Non, dit-elle. Je passerai juste mettre quelques affaires en ordre avec Umemiya, le boss du gang, mais ensuite, en effet, je n'aurai plus besoin d'y retourner.
Le lycée n'était qu'une formalité, elle n'avait jamais eu l'intention de poursuivre des études.
Kakucho fronça les sourcils.
– Préviens-moi quand tu devras venir, dit-il, j'irai avec toi.
Il ne plaisantait pas quand il disait qu'il voulait la protéger.
– Ce n'est pas la peine, dit-elle, ce sont mes alliés tu sais.
– On ne sait jamais comment ils réagiront quand ils apprendront que tu ne reviens plus.
Nao le regarda. Il prenait son rôle très au sérieux.
Quelques mètres plus loin, elle reprit.
– C'est Izana qui t'a envoyé ? Dit-elle.
La question lui brûlait les lèvres depuis qu'il était arrivé.
Un peu plus tôt, quand elle avait abordé le sujet, il n'avait pas répondu.
Kakucho demeura silencieux.
– Non, dit-il enfin, mais il sait que je suis venu.
Nao sentit une pointe de déception l'étreindre.
C'est Izana, se dit-elle. Il est comme ça, il n'est pas du genre à montrer des sentiments...
Elle se souvint de ce sourire qu'il affichait toujours quand son frère venait le voir, autrefois à l'orphelinat, et de la promesse qu'elle s'était faite alors, de le faire sourire à son tour.
Est-ce que c'est seulement possible ? Est-ce que quelqu'un peut le faire sourire comme ça ?
Maintenant elle en doutait.
– Tu... tu veux aller le voir ? Demanda Kaku.
Il avait parlé doucement.
Nao réfléchit.
Est-ce qu'elle voulait le voir ?
Oui... Mais pas à n'importe quelle condition.
Hors de question pour elle d'être à nouveau utilisée comme un objet.
Si cela convient à Kaku d'être qualifié de serviteur, tant mieux pour lui, mais moi je refuse.
– Pas dans l'immédiat non, répondit-elle. Avant, je pense que je vais déménager, il est temps que je me trouve un appartement. Est-ce que dans les contacts du Tenjiku tu aurais quelqu'un qui pourrait m'aider ?
Le regard étonné que Kakucho posa sur elle la surprit.
– Quoi ? Dit-elle. J'ai un truc sur le nez ?
Il sourit.
– Non, dit-il, je me disais juste que tu avais changé. En bien.
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